Cassiano: garde

Ce n’est pas à la gauche de ses saints que le Seigneur se tient toujours, parce que le saint n’a rien en soi qui gauchisse, mais à leur droite. Les pécheurs et les impies, eux, ne le voient pas : ils n’ont point cette droite où le Seigneur se tient, et ne peuvent dire avec le prophète : «Mes yeux sont tournés constamment vers le Seigneur, car c’est lui qui dégagera mes pieds du lacet.» (Ps 24,15). De telles paroles ne sont vraies que dans la bouche de celui qui considère toutes les choses de ce monde comme pernicieuses ou superflues, comme inférieures du moins à la vertu consommée, et dirige tous ses regards, son étude et ses soins à la garde de son coeur, vers la chasteté très pure. L’esprit se lime, pour ainsi dire, à ces exercices; il se polit à mesure qu’il progresse. La sainteté parfaite de l’âme et du corps est au bout de la carrière. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 5

L’une des béatitudes exaltées par la bouche de notre Sauveur nous rend cette vérité manifeste : «Heureux les doux, parce qu’ils posséderont la terre.» (Mt 5,4). Nous n’avons point d’autre moyen de posséder notre terre, c’est-à-dire de soumettre à notre empire la terre rebelle de notre corps, que de fonder tout d’abord notre âme en la douceur de la patience; dans les combats que la passion suscite à notre chair, le triomphe ne s’obtient que si l’on revêt les armes de la mansuétude : «Les doux, dit le prophète, posséderont la terre,» et «ils y demeureront à jamais.» (Ps 36,11 et 29). Puis, il nous enseigne, dans la suite du psaume, la méthode pour conquérir cette terre : «Attends le Seigneur et garde sa voie; il t’élèvera, et tu posséderas la terre en héritage.» (Ps 36,34). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 6

Elle ne se garde bien, croyez-vous, que durant la veille, moyennant l’austérité de la vie; dans le sommeil, les ressorts de l’âme se détendent, et il devient par suite impossible de sauver son intégrité. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 10

Non, la chasteté ne se soutient pas, comme vous le pensez, par la garde d’une vie austère; elle subsiste par l’amour qu’elle inspire et les délices que l’on goûte dans sa pureté même. Tant qu’il reste quelque attrait pour la volupté, on n’est pas chaste, mais continent seulement. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 10

Ainsi, la chasteté parfaite se distingue des commencements laborieux de la continence par une tranquillité inaltérable. C’est le signe qu’elle est consommée, lorsqu’elle garde sans une ombre l’éclat de sa pureté non plus en combattant contre les mouvements de la concupiscence, mais par l’horreur absolue qu’elle en éprouve. Ce ne peut être là autre chose que la sainteté. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 11

Oui, c’est bien là le grand miracle de Dieu, qu’un homme de chair et vivant dans la chair ait rejeté tout penchant charnel, que parmi tant de circonstances diverses, tant d’assauts qui lui sont livrés, il garde son âme dans la même disposition et demeure immobile au milieu du flux incessant des événements. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 13

La divine Écriture confirme l’existence de notre libre arbitre : «Garde ton coeur, dit-elle, en toute circonspection.» (Pro 4,23) Mais l’Apôtre manifeste son infirmité. «Que le Seigneur garde vos coeurs et vos intelligences dans le Christ Jésus.» (Phil 4,7) — David énonce sa vertu, lorsqu’il dit : «J’ai incliné mon coeur à observer tes commandements;» (ps 118) mais il enseigne aussi sa faiblesse, lorsqu’il fait cette prière : «Incline mon coeur vers tes enseignements, et non vers l’avarice;» (Ibid. 36) et de même Salomon : «Que le Seigneur incline vers lui nos coeurs, afin que nous marchions dans toutes ses voies, et que nous gardions ses commandements, ses cérémonies et ses jugements.» (3 Rois 8,58) — C’est la puissance de notre liberté que désigne le psalmiste, en disant : «Préserve ta langue du mal, et tes lèvres des paroles trompeuses;» (ps 33,14) mais nous attestons son infirmité dans cette prière : «Place, Seigneur, une garde à ma bouche, une sentinelle à la porte de mes lèvres.» (ps 140,3) — Le Seigneur déclare ce dont est capable notre volonté, lorsqu’il dit : «Détache les chaînes de ton cou, captive, fille de Sion» (Is 52,2); d’autre part, le prophète chante sa fragilité : «C’est le Seigneur qui délie les chaînes des captifs» (ps 145,7), et : «C’est toi qui as brisé mes chaînes; je t’offrirai un sacrifice d’action de grâces.» — Nous entendons le Seigneur nous appeler, dans l’Évangile, afin que, par un acte de notre libre arbitre, nous nous hâtions vers lui : «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai» (Mt 11,28); mais il proteste aussi de la faiblesse de l’humaine volonté, en disant : «Personne ne peut venir à moi, si le Père, qui m’a envoyé, ne l’attire.» (Jn 6,44) L’Apôtre révèle notre liberté dans ces paroles : «Courez de même, afin de remporter le prix» (1 Co 9,24) ; mais saint Jean le Baptiste atteste sa fragilité lorsqu’il dit : «L’homme ne peut rien prendre de lui-même, que ce qui lui a été donné du ciel.» (Jn 3,27) — Un prophète nous ordonne de garder notre âme avec sollicitude : «Prenez garde à vos âmes» (Jér 17,21), mais le même Esprit fait dire à un autre prophète : «Si le Seigneur ne garde la cité, celui qui la garde veille inutilement.» (ps 126,1) — L’Apôtre, écrivant aux Philippiens, leur dit, pour souligner leur liberté : «Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement» (Phil 2,12); mais il ajoute, pour leur en faire voir la faiblesse : «C’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le parfaire, de par son bon plaisir» (Ibid. 13). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 10

Si nous attribuons à notre libre arbitre la gloire de nous conduire à la vertu parfaite et l’accomplissement des commandements de Dieu, comment pouvons-nous demander : «Affermis, ô Dieu, ce que tu as accompli en nous !» (ps 57,29); «Dirigez pour nous les oeuvres de nos mains !» (ps 89,17) ? — Balaam est payé pour maudire Israël, et nous voyons qu’il ne lui fut pas permis de remplir son désir. (cf. Nb 22,5 et ss.) — Dieu garde Abimélech, de peur qu’il ne touche Rebecca, et ne pèche contre lui (cf. Gn 20,6). — La jalousie de ses frères fait emmener Joseph au loin (cf. Ibid. 37, 28), pour ménager la descente des fils d’Israël en Égypte; ils méditaient un fratricide, et le secours va leur être préparé pour les jours de famine. C’est ce que Joseph lui-même leur découvre, après avoir été reconnu par eux : «N’ayez point peur, et ne vous affligez pas de m’avoir vendu, pour être conduit dans ce pays. C’est pour votre salut que Dieu m’a envoyé devant vous» (Gn 45,5); et un peu après : «Dieu m’a envoyé devant vous, afin que vous soyez gardés sur la terre, et que vous ayez de la nourriture pour vivre. Ce n’est point par votre conseil, mais par la volonté de Dieu que j’ai été envoyé. Il m’a fait comme le père du Pharaon, le seigneur de toute sa maison et le prince de toute la terre d’Égypte» (Ibid. 7,8). Et comme, après la mort de leur père, ils étaient en proie à la terreur, pour leur ôter tout soupçon de crainte, il leur dit : «N’ayez point peur. Est-ce que nous pouvons résister à la volonté de Dieu ? Vous avez médité de me faire du mal; mais Dieu l’a changé en bien, pour m’exalter, comme vous le voyez présentement, afin de sauver des peuples nombreux» (Ibid. 50,19-20). Pareillement, le bienheureux David déclare, dans le psaume 104, que toutes ces choses arrivaient par une conduite spéciale de Dieu : «Il appela la famine sur le pays, et il les priva de tout le pain qui les soutenait. Il envoya devant eux un homme; Joseph fut vendu comme esclave» (ps 104,16-17). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 11

Ainsi l’homme garde toujours la liberté de mépriser ou d’aimer la grâce de Dieu. L’Apôtre n’aurait pas donné ce précepte : «Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement» (Phil 2,12), s’il n’avait su qu’il était en notre pouvoir de le négliger ou d’en prendre soin. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 12

Tel encore ce que dit l’Apôtre : «Ainsi donc, que celui qui pense être ferme, prenne garde de tomber. Aucune tentation ne vous survient qui ne soit humaine. Et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces; mais avec la tentation, il ménagera aussi une heureuse issue, afin que vous puissiez la supporter» (Co 10,12-13). Par ces paroles : «Que celui qui pense être ferme, prenne garde de tomber», il rend leur liberté vigilante; car il sait bien qu’il dépend d’elle, ou de rester debout par son zèle, ou de tomber par sa négligence. Lorsqu’il poursuit : «Aucune tentation ne vous survient qui ne soit humaine,» il leur reproche la faiblesse et l’inconstance qui se voient dans les âmes non encore robustes, et les rendent impropres à subir l’assaut des puissances du mal, contre lesquelles il lutte lui-même chaque jour, ainsi que les parfaits dont il parle aux Éphésiens : «Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les chefs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l’air» (Ép 6,12). En ajoutant : «Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces», il ne souhaite point du tout que le Seigneur empêche la tentation, mais qu’ils ne soient pas tentés au delà de ce qu’ils peuvent supporter. Que la tentation soit permise, voilà qui prouve le pouvoir de la liberté humaine; qu’ils ne soient pas tentés au delà de leurs forces, ceci montre, au contraire, la grâce du Seigneur modérant les assauts de la tentation. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 14

Prenez garde avant tout et vous particulièrement, Jean, que votre jeunesse engage plus encore à observer ce que je vais dire de commander à votre bouche le plus complet silence, si vous ne voulez pas qu’un vain élèvement rendent inutiles et votre ardeur à la lecture et vos labeurs pleins de saints désirs. C’est ici le premier pas dans la science pratique : recevoir les enseignements et les décisions de tous vos anciens d’une âme attentive, mais la bouche en quelque sorte muette; les déposer avec soin dans votre coeur, et vous empresser à les accomplir, plutôt qu’à faire le docteur. Au lieu des prétentions funestes de la vaine gloire, vous verrez se multiplier les fruits de la science spirituelle. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 9

Soyez donc en tout «prompt à écouter, lent à parler,» (Jac 1,19) de peur que la remarque de Salomon ne se vérifie à votre sujet. «Si tu vois un homme prompt en paroles, sache qu’il y a plus d’espérance dans l’insensé qu’en lui.» (Pro 28,20). N’ayez point la présomption d’enseigner rien à personne, que vous ne l’ayez d’abord pratiqué vous-même. C’est l’ordre que notre Seigneur nous apprend à suivre par son exemple : «Il faisait, puis il enseignait.» (Ac 1,1). Prenez garde, en vous précipitant à enseigner avant d’avoir pratiqué, d’être mis au nombre de ceux dont le Seigneur déclare à ses disciples, dans l’Évangile : «Observez et faites ce qu’ils disent, mais ne faites pas ce qu’ils font. Ils lient des fardeaux pesants et impossibles à porter, et les mettent sur les épaules des hommes; mais ils ne veulent pas les remuer du bout du doigt.» (Mt 23,3-4). «Celui qui viole l’un des moindres commandements et se mêle d’enseigner les hommes, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux.» (Mt 5,19). Mais alors, que serait-il fait de celui qui ose enseigner les préceptes nombreux et graves qu’il néglige ? Ce n’est plus assez de dire qu’il est le dernier dans le royaume des cieux; il gagne la première place au supplice de la géhenne. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 9

Si l’on a pu éviter cette faute également, que l’on prenne garde de tomber dans le vice de l’infidélité par un péché plus subtil, qui consiste dans la divagation de l’esprit. Je ne dis pas seulement toute pensée honteuse, mais toute pensée inutile ou qui s’éloigne si peu que ce soit de Dieu, est, aux yeux du parfait, une souillure, une infidélité. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 11

Les hommes dont vous parlez, ne possèdent donc pas la science qui ne peut échoir en partage au coeur impur, mais une autre, qui n’en mérite pas le nom et de laquelle le bienheureux Apôtre dit : «Ô Timothée, garde le dépôt, en évitant les nouveautés profanes dans tes discours et tout ce qu’oppose une science qui n’en mérite pas le nom.» (1 Tim 6,20). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16

Agité de ces tristes pensées, un sommeil soudain le saisit, et un ange du Seigneur lui apparaît : «Pourquoi es-tu triste, Paphnuce, de ce que ce feu terrestre ne soit pas en paix avec toi, alors que tes membres gardent un reste de concupiscence qui n’est pas encore parfaitement éteint. Tant que ses racines demeureront vivaces dans tes moelles, nul moyen que le feu matériel te soit pacifique. Tu ne cesseras d’être sensible à ses atteintes, que du jour où tu connaîtras par ce signe que tout mouvement intérieur est mort en toi : si, en présence d’une jeune fille de grande beauté, ton coeur garde inaltérable toute sa tranquillité, alors oui, le contact de cette flamme visible te sera doux et inoffensif, comme il le fut aux trois enfants dans la fournaise de Babylone. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 10

Pour quel motif pourra-t-il bien souffrir que la tristesse trouve entrée en son propre coeur ou demeure au coeur d’un autre ? C’est, à ses yeux, un principe sans appel, que la passion de la colère, pernicieuse comme elle est illicite, ne peut avoir de justes causes; et qu’il lui est autant impossible de prier, si un frère s’irrite contre lui, que si lui-même s’irritait contre son frère. Toujours il garde dans un coeur humble le souvenir de cette parole du Seigneur notre Sauveur : «Si, lors que vous présentez votre offrande à l’autel, il vous souvient que votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre offrande devant l’autel, et allez d’abord vous réconcilier avec votre frère; puis, venez présenter votre offrande.» (Mt 5,23-24). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 6

De prime abord, quelles que soient les injures dont on le charge, le moine gardera la paix, je ne dis pas seulement sur ses lèvres, mais dans le fond de son coeur. S’il se sent troublé le moins du monde, qu’il se contienne dans un absolu silence, et suive exactement le conseil du psalmiste : «Je me suis troublé, et je n’ai point parlé»; (Ps 76,5). «J’ai dit : Je garderai mes voies, de crainte de pécher par ma langue. J’ai mis une garde à ma bouche, tant que le pécheur se tient en face de moi. Je suis resté muet, et je me suis humilié, et j’ai gardé le silence même pour les choses bonnes.» (Ps 38,2-3). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 26

PIAMUN. — La vraie patience et tranquillité ne s’acquiert et ne se garde que par une profonde humilité de coeur. La vertu qui découle de cette source, n’a nul besoin du secours d’une cellule ni du refuge de la solitude. Pourquoi se mettrait-elle en quête d’un appui au dehors, quand elle est intérieurement soutenue par l’humilité, sa mère et gardienne ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 13

Les frères, l’entourant comme une garde d’honneur, le reconduisirent à son monastère. Il n’y demeura que peu de temps. Offensé derechef des respects que lui valaient l’honneur et la primauté dont il était revêtu, il s’embarqua secrètement, et passa en Palestine, province de la Syrie. Il fut reçu, à titre de débutant et de novice, dans le monastère où nous étions; et l’abbé prescrivit qu’il habitât avec nous dans notre cellule. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 1

Il commence par se faire à lui-même une objection, comme parlant en leur nom : Pourquoi avons-nous jeûné, sans que vous regardiez ? Pourquoi avons-nous humilié nos âmes, sans que vous y preniez garde ? (Is 58,3). Il reprend aussitôt, et fait connaître les raisons pour lesquelles ils ne méritent pas d’être exaucés : C’est, dit-Il, que votre volonté propre se trouve au jour de votre jeûne, et redemandez vs créances à tous vos débiteurs. Voici : vous jeûnes, pour faire des procès et des querelles; et vous frappez du poing méchamment. Ne jeûnez plus comme vous l’avez fait jusqu’à ce jour, si vous voulez que votre cri soit entendu là-haut. Est-ce là un jeûne qui me plaise, que l’homme afflige son âme durant un jour ? Courber la tête comme un cercle, se coucher sur le sac et la cendre : est-ce là ce que vous appelez un jeune, un jour agréable au Seigneur ? (Is 87,3-5). Puis, il enseigne la manière, pour celui qui jeûne, de rendre agréable son abstinence, et prononce évidemment que le jeûne, par soi-même, n’est utile à rien, à moins de s’entourer des conditions suivantes : Le jeûne qui m’agrée, n’est-ce pas celui-ci ? Dénouez les chaînes d’impiété, déliez les fardeaux qui accablent, renvoyez libres les opprimés, brisez tous les jougs. Rompez votre pain à celui qui a faim, faites entrer dans votre maison les pauvres et les sans-abri. Si vous voyez un homme nu, couvrez-le, et ne méprisez point votre propre chair. Alors, votre lumière éclatera comme un matin, et la santé vous viendra promptement; la justice marchera devant votre face, et la Gloire du Seigneur sera votre arrière-garde. Alors, vous appellerez, et le Seigneur vous entendra; vous crierez, et il vous dira : Me voici. (Is 57,6-9) Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 14

GERMAIN. — Vous venez de faire la lumière sur une question fort obscure, et qui garde pour beaucoup, je pense, tout son mystère. Aidez-nous, je vous prie, à poursuivre nos progrès, en éclaircissant encore ce point : dans le temps même de nos plus grandes ardeurs a jeûner, nous sentons s’élever dans notre chair des combats plus violents; et souvent, à notre réveil, nous sommes si abattus de ce qui nous est arrivé, que, toute confiance nous abandonnant, nous n’osons même plus nous lever pour la prière. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 35

La deuxième cause de tels accidents est celle-ci. L’âme se trouve vide : nulle occupation, nul exercice spirituels. Elle n’essaye plus de vivre selon les disciplines de l’homme d’intérieur; et, sa continuelle torpeur dégénérant en habitude, elle s’enveloppe comme d’une rouille de paresse. Ou bien elle prend peu de garde aux influences des pensées mauvaises, et en vient à désirer si mollement le degré sublime de la pureté du coeur qu’elle fait consister toute la somme de la perfection et de la chasteté dans l’affliction de l’homme extérieur. Erreur et nonchalance qui ont une suite funeste. La multitude vagabonde des pensées fait irruption, avec une impudente audace, dans le secret de l’âme; bien plus, les semences y persévèrent de tous les vices passés. Or, tant que celles-ci demeurent cachées dans ses replis profonds, les jeûnes les plus rigoureux dont on châtie le corps, n’empêcheront pas les songes voluptueux de venir inquiéter le sommeil… C’est bien pourquoi il importe avant tout de réprimer les divagations de la pensée, de peur que l’âme ne s’accoutume à ces écarts, puis ne se laisse entraîner, durant le sommeil, jusqu’aux impressions plus regrettables du vice. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3

Cependant, renfermons notre coeur, avec un soin jaloux, sous la garde de l’humilité, et tenons invariablement cette maxime : il es impossible de parvenir jamais à un tel mérite de pureté, que nous ne devions nous estimer indignes de la communion au Corps du Seigneur; même si nous avions accompli, par la Grâce de Dieu, tout ce qui vient d’être dit. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 7

Quiconque persévère ainsi dans la garde du coeur, accomplit efficacement ce que le prophète Habacuc exprime avec assez d’évidence : Je me tiendrai en sentinelle à mon poste, et je monterai sur le rocher, pour considérer ce que l’on pourra dire contre moi, et ce que je devrai répondre à celui qui me reprendra (Hab 2,1). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 4

Ici encore, il en va comme du corps humain. Lorsque survient une occasion fâcheuse, par excès de fatigue ou par suite d’un air corrompu, ce sont les parties les plus faibles qui se laissent entamer et succombent tout d’abord; et c’est seulement lorsque la maladie s’y est installée, qu’elle contamine de là les parties demeurées saines. De même pour notre âme. Quelque souffle de pestilence vient-il à passer, elle sera fatalement touchée par le côté qui, plus délicat et plus faible, offre moins de résistance aux chocs violents de l’ennemi, et courra le risque d’être prise par où la garde imprudente ouvre à la trahison un plus facile accès. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 17