Humblement, nous lui demandâmes de nous accorder un entretien et de nous communiquer sa doctrine, protestant que le désir de connaître les règles de la vie spirituelle faisait tout le sujet de notre visite. Sur quoi, il poussa un profond soupir : «Quel enseignement, dit-il, vous pourrais-je donner ? La faiblesse de l’âge, en me forçant de relâcher la rigueur d’autrefois, m’ôte en même temps la hardiesse de parler. Comment aurais-je la présomption d’enseigner ce que je ne fais pas moi-même, et d’instruire les autres à des pratiques où je me vois si peu exact et si tiède ? C’est pourquoi je n’ai point permis qu’aucun des jeunes solitaires demeurât avec moi jusqu’à l’âge où je suis, de peur que mon exemple n’eût pour effet de relâcher l’austérité d’autrui. La parole du maître n’a force et autorité, que si la vertu de ses actions l’imprime au coeur de celui qui écoute.» Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON
Le désir où nous étions du pain de la doctrine nous fit trouver au repas plus de gêne que de plaisir. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Peut-être se trouvera-t-il quelqu’un, pour refuser sa foi à la doctrine que j’expose. EH bien ! je lui demande de ne pas disputer contre moi avec une opinion préconçue. Qu’il consente d’abord à se soumettre aux exigences de la discipline érémitique. Et lorsqu’il les aura suivies durant quelques mois, avec la mesure et les tempéraments que la tradition nous a fixés, il pourra constater lui-même en connaissance de cause la vérité de mes paroles. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Là s’arrêta le discours de l’abbé Cheremon sur la chasteté parfaite; telle fut la conclusion qu’il donna à son admirable doctrine sur la pureté la plus sublime. Si grande cependant était notre stupeur, que nous restions comme oppressés. Mais lui, voyant que la plus grande part de la nuit était déjà passée, nous conseilla de ne point dérober à la nature le sommeil qu’elle réclame, de crainte que la torpeur du corps n’alanguît l’âme à son tour, et ne lui fit perdre sa vigoureuse et sainte ardeur. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Voici dans quels termes le bienheureux Apôtre parle de ces quatre genres d’interprétation : «Frères, quelle utilité vous apporterai-je, si je viens à vous parlant en langues, et que je ne vous parle point par révélation, ou par science, ou par prophétie, ou par doctrine ?» (1 Cor 14,6). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
La doctrine dit l’ordre tout simple de l’explication historique, laquelle ne renferme point de sens plus caché que celui qui sonne dans les mots. Ainsi, dans les textes qui suivent : «Je vous ai enseigné premièrement, comme je l’ai appris moi-même, que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’Il a été enseveli, qu’Il est ressuscité le troisième jour et qu’Il est apparu à Céphas»; (1 Cor 15,3-5). «Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme, né sous la Loi, afin d’affranchir ceux qui étaient sous la Loi»; (Gal 4,5). «Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un Seigneur unique.» (Deut 4,4). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Évitez donc avec le plus grand soin que votre zèle de la lecture, au lieu de vous procurer la lumière de la science, et la gloire sans fin promise à l’homme qu’illuminent les clartés de la doctrine, ne vous soit une cause de perdition par les vaines prétentions qu’il pourrait éveiller chez vous. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
L’on a su encore échapper à la souillure de cette infidélité : il en est maintenant une quatrième; et c’est celle qui trahit sa foi, pour embrasser une doctrine hérétique. Le bienheureux Apôtre en parle dans ces termes : «Je sais qu’après mon départ, il s’introduira parmi vous des loups cruels qui n’épargneront pas le troupeau, et que même du milieu de vous il s’élèvera des hommes qui enseigneront des doctrines perverses, pour entraîner les disciples après eux.» (Ac 20,29-30). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Recueillie avec empressement, soigneusement déposée dans les retraites de l’âme, munie du cachet du silence, il en sera de la doctrine comme de vins au parfum suave, qui réjouissent le coeur de l’homme. Ainsi que la vieillesse fait le vin, la sagesse, qui tient lieu à l’homme de cheveux blancs, et la longanimité de la patience la mûriront. Lorsqu’ensuite elle paraîtra sur vos lèvres, ce sera en exhalant des flots de senteurs embaumées. Il en sera d’elle encore comme d’une fontaine sans cesse jaillissante. Ses eaux bienfaisantes, multipliées par l’expérience et la pratique des vertus, iront se débordant; et du fond de votre coeur, d’où elle sourdra comme d’un secret abîme, elle se répandra en fleuves intarissables. Il arrivera de vous ce qui est dit dans les Proverbes à l’homme pour qui toutes ces choses sont devenues des réalités : «Bois l’eau de tes citernes et de la source de tes puits. Que les eaux de ta source débordent, que tes eaux se répandent sur tes places !» (Pro 5,15-16).Selon la parole du prophète Isaïe, «vous serez comme un jardin bien arrosé, comme une source d’eau qui jamais ne tarit. Les lieux déserts depuis des siècles seront par vous bâtis; vous relèverez les fondements posés de génération en génération; et l’on dira de vous : c’est le réparateur des haies, le restaurateur de la sûreté des chemins.» (Is 58,11-12). La béatitude promise par le même prophète vous sera donnée en partage : «Le Seigneur ne fera plus s’éloigner de toi ton maître, et tes yeux verront ton précepteur. Tes oreilles entendront la voix de celui qui t’avertira, criant derrière toi : Voici le chemin; marchez-y; ne vous en détournez ni à droite ni à gauche.» Et vous verrez cette merveille, que non seulement toute la direction de votre coeur et son étude, mais les écarts mêmes de vos pensées et leur vagabondage incertain ne seront plus qu’une sainte et incessante méditation de la loi divine. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
NESTEROS. — Ce n’est pas examiner comme il convient la portée d’une doctrine, que de ne pas prendre le soin de peser tous les termes qui l’expriment. Nous avons dit déjà que cette sorte de gens n’ont rien qu’une certaine habileté à parler, avec de l’agrément dans le discours; mais qu’ils sont incapables d’entrer au coeur de l’Écriture et dans le mystère des sens spirituels. La science véritable ne se trouve que chez ceux qui honorent vraiment Dieu. Ce peuple ne l’a certes point, à qui il est dit : «Écoute, peuple insensé, qui n’as point de coeur; vous qui avez des yeux et ne voyez point, des oreilles et n’entendez point;» (Jer 5,21) et de nouveau : «Parce que tu as rejeté la science, je te rejetterai à mon tour, et ne souffrirai pas que tu remplisses les fonctions de mon sacerdoce.» (Os 4,6). Il est écrit que «tous les trésors de la science sont cachés» (Col 2,3) dans le Christ. Dès lors, comment croire que celui qui dédaigne de trouver le Christ, ou qui, l’ayant trouvé, le blasphème d’une bouche sacrilège, comment croire que celui qui déshonore la foi catholique par des oeuvres d’impureté, aient atteint à la vraie science ? «L’Esprit de Dieu, en effet, hait l’astuce et n’habite point dans un corps esclave du péché.» (Sag 1,5). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Il viendra donc un jour où, moins par la lecture que par une laborieuse expérience, vous posséderez la doctrine; et votre âge plus avancé vous mettra en situation d’enseigner les autres. Gardez-vous alors, vous laissant séduire à la vaine gloire, de prodiguer au hasard votre savoir à des âmes qui ne seraient point pures. Vous tomberiez dans le travers que proscrit le sage Salomon : «Ne conduis pas l’impie dans les pâturages du juste, et ne te laisse pas séduire par la satiété.» (Pro 24,15). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Des causes qui rendent infructueuse la doctrine spirituelle. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Deux causes rendent inefficace la doctrine spirituelle. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Ou bien c’est l’auditeur qui est mauvais et rempli de vices; et son coeur endurci demeure fermé à la salutaire et sainte doctrine de l’homme spirituel. De ceux qui lui ressemblent, Dieu dit par le prophète : «Le coeur de ce peuple a été aveuglé, et il est devenu dur d’oreille, et il s’est bouché les yeux, de peur qu’ils ne voient de leurs yeux et n’entendent de leurs oreilles, et que leur coeur ne comprenne, et qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse.» (Is 6,10). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Mais voici que l’auteur même de tous les signes et les miracles appelle ses disciples à recueillir sa doctrine; il va manifester avec évidence ce que ses sectateurs véritables et choisis entre tous devront apprendre particulièrement de lui : «Venez, dit-il, et apprenez de Moi,» (Mt 11,28) non pas certes à chasser les démons par la puissance du ciel, ni à guérir les lépreux, ni à rendre la lumière aux aveugles, ni à ressusciter les morts — J’opère, il est vrai, tous ces prodiges par l’entremise de quelques-uns de mes serviteurs; néanmoins, l’humaine condition ne saurait entrer en société avec Dieu pour les louanges qui Lui sont dues; le ministre et l’esclave ne peut prendre sa part où toute la gloire appartient à la seule divinité; mais, dit-il, «apprenez de Moi» ceci, «que je suis doux et humble de coeur.» (Mt 11,29). Voilà, en effet, ce qu’il est possible à tous communément d’apprendre et de pratiquer. Mais de faire des signes et des miracles, cela n’est pas toujours nécessaire, ni avantageux à tous, et n’est pas accordé non plus universellement. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Ici l’abbé Nesteros acheva son exposé de la vraie doctrine sur la manière dont se font les miracles. Tout en poursuivant son enseignement, il nous avait accompagnés jusqu’à la cellule de l’abbé Joseph, éloignée de la sienne d’environ six milles. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Que faisons-nous ? dit-il. De quel immense péril nous voyons-nous environnés, et quelle misérable condition est la nôtre ! La doctrine et la vie même de ces saints anachorètes nous enseignent de la manière la plus efficace ce qui serait le meilleur pour notre avancement dans la vie spirituelle; mais la parole donnée à nos supérieurs ne nous laisse pas libres de l’embrasser. Par les exemples de si grands hommes, nous pouvions, en effet, nous former à une vie plus parfaite, si l’engagement que nous avons pris ne nous pressait instamment de retourner à notre monastère. De plus, une fois rentrés, on ne nous accordera jamais la permission de revenir ici. D’autre part, si nous préférons contenter nos désirs en demeurant, que faisons-nous de la foi du serment ? Car, afin d’obtenir congé de visiter, ne fût-ce qu’en courant, les saints et les monastères de cette province, nous avons juré à nos supérieurs de faire le plus prompt retour. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Nous avions pensé, dit alors Germain, due nous retournerions à notre monastère comblés, par la vue de votre béatitude, de joie et de fruits spirituels, et qu’il nous serait possible d’imiter, au moins dans une mesure modeste, ce que nous aurions appris à votre école. C’est bien aussi l’engagement que nous nous sommes laissé arracher par l’affection de nos supérieurs, dans la conviction où nous étions, de pouvoir reproduire auprès d’eux quelque chose de la sublimité de votre vie et de votre doctrine. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
GERMAIN — Nous devons savoir un gré infini pour leur doctrine à ceux qui nous ont instruits dès notre jeune âge à former de grandes résolutions, et ont su allumer dans notre coeur une soif si particulière de la perfection en nous faisant goûter le bien qui était en eux. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
GERMAIN — Si l’on s’en tient à la doctrine que vous venez d’exposer avec tant d’éloquence, le moine ne doit s’engager à rien, de peur d’être trouvé infidèle ou entêté. Où trouverons-nous dès lors à appliquer la parole du psaume : «J’ai juré, j’ai résolu de garder les commandements de ta justice» ? Qu’est-ce que jurer et se résoudre, sinon demeurer immuablement fidèle à ses engagements ? Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Les avis et la doctrine du bienheureux Joseph nous parurent un oracle de Dieu. Rassurés désormais, nous décidâmes de rester en Égypte. Cependant, bien que notre promesse nous donnât très lors peu de souci, nous ne laissâmes pas de l’accomplir, après sept ans écoulés. Nous fîmes alors un rapide voyage à notre monastère, et d’ailleurs avec la ferme confiance d’obtenir congé de retourner au désert. Cette visite nous permit d’abord de rendre à nos supérieurs l’honneur que nous leur devions. De plus, telle était l’ardeur de leur affection, que nos lettres d’excuse, si fréquentes qu’elles fussent, n’avaient pas réussi à calmer leurs esprits : nous eûmes le bonheur de voir refleurir la charité d’autrefois. Enfin, pleinement délivrés du scrupule que nous avait laissé notre engagement, nous reprîmes le chemin du désert de Scété; et eux-mêmes se firent une joie de nous accompagner. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Vous avez ici, frères saints, la science et la doctrine de pères illustres, telles que mon ignorance a su vous les présenter. Si mon style inculte y a mis plus de confusion que de clarté, je vous prie que le blâme mérité par ma gaucherie n’affaiblisse pas les louanges dues à des hommes si remarquables. Devant Dieu, qui nous jugera, il m’a paru plus sûr de divulguer la magnificence de leur doctrine, fût-ce en une langue sans beauté, que de la taire. D’autant que le lecteur, s’il regarde à la sublimité des pensées, ne sera pas arrêté dans ses progrès par ce qui le choquera dans une forme imparfaite. Quant à moi, j’ai plus souci d’être utile que d’être loué, l’avertis donc tous ceux à qui ces opuscules viendront entre les mains : Qu’ils sachent que ce qu’ils y trouveront d’agréable appartient aux pères, à moi ce qui leur déplaira. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Nous repartîmes peu de jours après, tant nous pressait le désir de profiter dans la doctrine, et gagnâmes en grande allégresse le monastère de l’abba Paul. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN
GERMAIN. — Il est manifeste pour nous que vous n’avez pas seulement effleuré, comme beaucoup, les premiers degrés de ces deux vies, mais que vous vous êtes élevé jusqu’à leurs cimes. Aussi désirons-nous savoir de vous la fin du cénobite et celle de l’ermite. Personne assurément n’est plus capable de traiter ce sujet d’une manière exacte à la fois et complète, que celui qu’une longue pratique et les leçons de l’expérience ont rendu parfait en l’une et l’autre profession, et propre à en exposer le mérite et la fin en toute doctrine et vérité. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN
Au moment où je me dispose à rapporter les enseignements de l’abbé Pinufe sur la fin de la pénitence, ce serait, me semble-t-il, faire grand tort à mon sujet, si je manquais à célébrer l’humilité de cet homme illustre et vraiment unique. Il est vrai, j’y ai touché d’un mot au quatrième livre des Institutions, qui a pour titre : De la manière de former ceux qui renoncent au monde. Toutefois, le souci d’éviter l’ennui à mes lecteurs ne doit pas m’imposer silence aujourd’hui : d’autant que beaucoup peut-être auront l’occasion de lire cette conférence, qui ne connaissent pas l’ouvrage dont je parle; et l’autorité de la doctrine serait compromise, à cacher le mérite de celui qui la donne. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Votre discours, en nous révélant une doctrine inconnue, vient de nous découvrir la voie escarpée du renoncement le plus élevé; écartant, pour ainsi dire, les nuages qui obscurcissaient nos yeux, il nous l’a montré pénétrant par son sommet jusque dans le ciel même. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
PINUFE. — Je sens un vif plaisir des fruits d’humilité que je remarque en vous. Autrefois déjà, lorsque je fus l’hôte de votre cellule, j’avais pu les considérer, non sans grand intérêt, et en concevoir une juste estime. Aujourd’hui, c’est pour moi un bonheur véritable, que vous receviez avec tant d’admiration la doctrine du dernier parmi les chrétiens, et qui n’a d’autre mérite, peut-être, que l’audace de ses paroles. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Cependant, la doctrine que je viens d’exposer sur l’oubli des péchés, n’a trait qu’aux fautes mortelles, déjà condamnées par la loi de Moïse. Notre bonne vie en bannit ou consume les affections; et c’est pourquoi la pénitence qu’on en fait, peut avoir un terme. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Nous le voyons d’ailleurs figuré dans l’Ancien Testament. Les prêtres y devaient offrir au Seigneur, après sept semaines écoulées, le pain des prémices. (cf. Dt 16,9). Mais ce pain des prémices, le vrai, fut réellement offert à Dieu car la prédication que les apôtres firent à la foule en ce jour-là; c’était le pain de la nouvelle doctrine, lequel nourrit et rassasia cinq mille hommes, et consacra au Seigneur le peuple chrétien, comme des prémices prises sur les Juifs. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
THÉONAS. — Votre question soulève derechef un problème infini; et je sais que, si l’on n’est instruit par l’expérience, il est également impossible d’en livrer et d’en saisir le secret. J’essayerai toutefois, selon mon pouvoir, de le résoudre et de l’expliquer brièvement. J’y mets cette unique condition, que votre intelligence ne s’intéresse pas seule à mes paroles, mais qu’elle s’accompagne de la pratique et des oeuvres. Ainsi en va-t-il de tout ce qui s’apprend par l’expérience, plutôt que par doctrine : celui qui ne l’a pas pratiqué, est incapable d’en instruire les autres; et l’on ne saurait non plus le comprendre ni le retenir, à moins d’en vivre profondément. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Si donc il est un homme qui s’efforce de suivre la perfection de la doctrine évangélique, celui-là demeure sous la grâce, et la domination du péché ne pèse plus sur lui : être sous la grâce, c’est accomplir ce que la grâce commande. Mais, si l’on refuse d’embrasser la plénitude de la perfection évangélique, vainement on se flatte d’être baptisé et moine; qu’on le sache, on n’est pas sous la grâce, mais embarrassé encore dans les chaînes de la Loi et fléchissant sous le faix du péché. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Or, n’être pas sous la grâce, parce qu’on n’a pas su gravir les cimes de la doctrine du Seigneur; ni sous la Loi, parce qu’on refuse d’embrasser les commandements mêmes, si faciles, de la Loi : c’est subir deux fois la tyrannie du péché; c’est croire qu’on n’a reçu la grâce du Christ, qu’afin de se séparer de lui par une liberté funeste; c’est tomber dans l’abîme contre lequel nous prévenait l’apôtre Pierre : Agissez comme des hommes libres, et non en hommes qui se font de la liberté un manteau à couvrir leur malice. (1 Pi 2,16). Et le bienheureux apôtre Paul dit de même : Pour vous, mes frères, vous avez été appelés à la liberté, ce qui signifie : à l’affranchissement de la tyrannie du péché; seulement, ne faites pas de cette liberté un prétexte, pour vivre selon la chair, (Gal 5,13) c’est-à-dire : Ne croyez pas qu’échapper aux préceptes de la Loi, c’est ouvrir la carrière aux vices. La vraie liberté ne se trouve que là où demeure le Seigneur; c’est encore l’apôtre Paul qui nous l’enseigne : Le Seigneur, c’est l’Esprit; où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. (2 Cor 3,17). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Cependant, après la trêve que votre bienveillance vient de me concéder si royalement, je ne veux pas non plus apporter de retard à payer ma dette. Soin fort agréable pour moi, en vérité ! Car les richesses que nous donnons de la sorte se multiplient entre nos mains; elles enrichissent celui qui les reçoit, sans que celui qui en fait largesse se trouve appauvri. Le dispensateur de la doctrine spirituelle fait double gain, en effet : au profit de l’auditeur, s’unit l’avantage personnel, qu’il obtient à parler; en instruisant les autres, il s’enflamme non moins lui-même au désir de la perfection. Ainsi, votre ardeur est cause pour moi de progrès; et votre sollicitude, de componction. Mon âme, elle aussi, resterait abîmée dans la torpeur, et ne songerait à rien de ce que vous réclamez, si votre feu, votre attente ne l’excitaient de son sommeil au souvenir des choses spirituelles. C’est donc le moment, s’il vous plaît, d’énoncer le problème dont la brièveté du temps nous avait persuadés naguère de remettre la solution. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Ici je commence, par une Faveur du Christ, la vingt-quatrième conférence, qui est de l’abbé Abraham. Elle clôt les enseignements et préceptes des anciens. Lorsque, par vos prières, je l’aurai achevée, je m’estimerai quitte de toutes mes promesses, ayant rempli ce nombre de vingt-quatre, qui est dans un rapport mystique avec les vingt-quatre vieillards de la sainte Apocalypse, offrant leurs couronne, à l’Agneau. Si nos vingt-quatre anciens (Apo 4,4) méritent quelque couronne de gloire pour leur belle doctrine, ils l’offriront aussi, le front dans la poussière, à l’Agneau qui a été immolé en vue du salut du monde. C ‘est lui qui a daigné départir, pour l’honneur de son Nom, à eux un sens si excellent, et à moi un style quelconque, afin d’exprimer de telles profondeurs : il faut rapporter à l’Auteur de tout bien le mérite de ses Dons. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
GERMAIN. – Puisque vous avez si bien apporté remède à toutes nos illusions, et que votre doctrine a su démasquer les tromperies diaboliques qui nous agitaient si violemment, nous vous prions de nous expliquer encore ce mot de l’Évangile : Mon joug est doux, et mon fardeau léger. Car il paraît assez opposé à ce que dit le prophète : À cause des paroles de tes Lèvres, j’ai gardé des voies dures (Ps 106,4). D’autant que l’Apôtre lui-même déclare : Tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus, auront à souffrir persécution (2 TM 3,12). Ce qui est dur et semé de persécutions, ne peut être léger ni suave. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM