Vous le méritiez. L’un de vous, Théodore, a établi dans nos provinces gauloises la discipline cénobitique, si sainte et si belle, avec toute la rigueur des antiques vertus; les autres ont su, par leurs leçons, faire naître dans les âmes, non seulement un vif amour de la profession cénobitique, mais encore la soif des grandeurs sublimes de la solitude. Les Conférences: PRÉFACE 2
D’ailleurs, la structure de ces Conférences, dues aux plus grands parmi les pères, l’alliance qui s’y retrouve partout des éléments les plus divers, font qu’elles conviennent également aux multitudes de frères de l’une et l’autre profession, fleurs merveilleuses dont vous avez épanoui les régions du Couchant et jusqu’aux îles elles-mêmes. Ceux qui persistent à porter dans les communautés le joug glorieux de l’obéissance, et les autres qui se sont retirés non loin de vos monastères, impatients de s’essayer à la discipline anachorétique, y trouveront donc un supplément d’instruction tout à fait en rapport avec, le lieu qu’ils habitent et l’état qu’ils ont choisi. Les Conférences: PRÉFACE 2
Peut-être se trouvera-t-il quelqu’un, pour refuser sa foi à la doctrine que j’expose. Eh bien ! je lui demande de ne pas disputer contre moi avec une opinion préconçue. Qu’il consente d’abord à se soumettre aux exigences de la discipline érémitique. Et lorsqu’il les aura suivies durant quelques mois, avec la mesure et les tempéraments que la tradition nous a fixés, il pourra constater lui-même en connaissance de cause la vérité de mes paroles. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 8
Mais, si l’on n’entre en la connaissance de ces arts que par des voies particulières et déterminées, combien plus sera-t-il vrai de dire que la discipline et la profession religieuse, qui vise à contempler les arcanes des mystères invisibles, et poursuit, non point les avantages d’ici-bas, mais le prix de l’éternelle récompense, comporte un ordre et une méthode bien définis ! Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 1
Le moyen, en effet, d’atteindre aux vertus, qui forment le second degré de cette discipline active, ou bien aux mystères des choses spirituelles et célestes, où consiste le degré plus sublime encore de la théorie, si l’on n’a pu comprendre la nature de ses vices, si l’on ne s’est point efforcé de les extirper ? La logique le dit : Qui n’a pas su vaincre les difficultés moindres, ne doit pas songer à poursuivre plus haut; qui n’a pu concevoir ce qui lui est inné, saisira beaucoup moins encore ce qui lui est étranger. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 3
Lorsque, dociles à cette discipline et à suivre cet ordre, vous serez parvenus, vous aussi, à la science spirituelle, votre savoir, je vous le certifie, ne sera pas stérile et vain, mais plein de vie et fertile en fruits. Vous confierez la semence de la parole du salut au coeur de vos auditeurs, et la rosée très abondante de l’Esprit saint viendra aussitôt la féconder. Selon la promesse du prophète, «la pluie sera donnée à votre semence, partout où vous aurez semé dans la terre; et le pain que vous donneront les fruits de la terre, sera abondant et substantiel.» (Is 30,23). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16
Mais, soit qu’ils n’apportent au service de leur ambition qu’une âme pusillanime, dans une entreprise qui exige une force peu commune, soit que la seule nécessité les ait contraints à la profession monastique, ils se montrent aussi empressés à se parer du nom de moine, que peu disposés à en imiter la vie. Ils n’ont cure de la discipline cénobitique, ni de s’assujettir à l’autorité des anciens, ou d’apprendre d’eux à vaincre leurs volontés; nulle formation régulière, point de règle dictée par une sage discrétion. Mais c’est pour le public seulement qu’ils renoncent et à la face des hommes. Ou ils restent dans leurs demeures particulières, et, couverts par le privilège d’un nom glorieux, s’embarrassent des mêmes soins que devant. Ou bien ils se construisent des cellules, les décorent du nom de monastères, mais pour y vivre selon leur guise et en complète liberté. L’Évangile commande : Ne vous laissez prendre, ni par le souci du pain quotidien, ni par les embarras d’une fortune. Mais ils ne consentent point à courber la tête sous ce joug. Ceux-là seulement rempliront le précepte, sans les hésitations d’une âme infidèle, qui se dégagent entièrement des biens de ce monde, puis se soumettent aux supérieurs des communautés cénobitiques, jusqu’à faire profession de ne s’appartenir plus soi-même. Tels ne sont pas les sarabaïtes. Fuyant, comme on l’a dit, l’austérité cénobitique, ils habitent à deux ou trois dans des cellules. Leur moindre désir est d’être gouvernés par les soins et l’autorité d’un abbé. Bien au contraire, ils font leur principale affaire de rester libres du joug des anciens, afin de garder toute licence d’accomplir leurs caprices, de sortir, d’errer où il leur plaît, de faire ce qui les flatte. Chose curieuse, il arrive même qu’ils travaillent plus que les cénobites; mal contents d’y passer le jour, ils y donnent encore la nuit. Mais non pas dans les mêmes pensées de foi ni avec le même but. Ce qu’ils en font, n’est point du tout pour abandonner le fruit de leur travail à la libre disposition d’un économe, mais pour gagner de l’argent et le mettre en réserve. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 7
À leurs débuts dans le monastère, leur ferveur faisait accroire qu’ils recherchaient vraiment la perfection de la discipline cénobitique. Mais elle fut courte; et tout aussitôt, ils sont tombés dans la tiédeur. Retrancher leurs habitudes et leurs vices d’autrefois, ils ne le veulent à aucun prix. Ne pouvant prendre sur soi de soutenir plus longtemps le joug de l’humilité et de la patience, et dédaignant de se soumettre au commandement des anciens, ils gagnent des cellules séparées, dans le désir d’y vivre solitaires, afin que, n’étant plus exercés par personne, les hommes puissent les estimer patients, doux et humbles. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 8
Pour vous, je le vois, vous apparteniez à une espèce de moines excellente, avant de venir frapper à la porte de notre profession; je veux dire que vous êtes sortis du noble gymnase des monastères cénobitiques, pour vous efforcer vers les cimes élevées de la discipline anachorétique. Poursuivez donc d’un coeur sincère la vertu d’humilité et de patience, que vous avez apprise, je n’en doute point, dans votre premier état; et ne vous contentez pas, comme certains, d’en revêtir seulement les dehors, feignant de vous rabaisser dans vos paroles, et multipliant les politesses avec des inclinations affectées et superflues. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 11
Je parle à dessein de cette assemblée si nombreuse, parce que je voudrais raconter en peu de mots la patience d’un frère, qui éclata précisément par la douceur inaltérable dont il fit preuve en présence de tout ce monde. À la vérité, le but du présent écrit est différent : je m’y propose, en effet, de rapporter les discours de l’abbé Jean, qui avait abandonné le désert, pour venir, avec une humilité admirable, se soumettre à la discipline de ce monastère. Mais je ne pense rien faire hors de propos, si, sans nul détour de paroles, je puis donner, comme je l’espère, un grand sujet de s’édifier à tous ceux qui ont le goût de la vertu. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 1
Ce fut donc en ce monastère que nous trouvâmes un vieillard fort avancé en âge, et qui portait le nom de Jean. J’ai cru ne devoir passer sous silence ni les paroles qu’il nous adressa ni l’humilité qui l’élevait au-dessus de tous les saints. Cette vertu fut celle, en effet, où il excella particulièrement. Hélas ! bien qu’elle soit la mère de toutes les autres et le fondement solide de l’édifice spirituel, elle demeure profondément étrangère à notre vie. Est-il étonnant que nous ne puissions non plus nous élever à la hauteur sublime de ces grands hommes ? De nous assujettir jusqu’à la vieillesse à la discipline cénobitique, c’est de quoi nous sommes fort incapables. Mais que dis-je ? contents d’avoir porté quelque deux ans à peine le joug de l’obéissance, nous nous échappons incontinent, pour courir à une liberté présomptueuse et fatale. Encore si, durant ce court intervalle, nous observions, dans la soumission à notre abbé, la stricte rigueur dont ils nous montrent le modèle ! Mais, c’est une obéissance vaille que vaille et toute subordonnée à notre caprice. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 2
Il répondit que la discipline anachorétique passait sa vertu et qu’il était indigne d’une perfection si haute. Voilà pourquoi il était revenu aux écoles où se forment les novices, trop heureux s’il en pouvait suivre les usages d’une manière qui fût en rapport avec l’excellence de cette profession. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 2
S’ils ne parviennent l’un et l’autre à la fin de leur profession, telle que nous l’avons définie, c’est en vain qu’ils embrassent, celui-là la discipline cénobitique, celui-ci la vie solitaire ni l’un ni l’autre ne remplit sa vocation. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 8
Cependant, vous l’avez dit aussi, c’est dans la vie commune que se commence l’oeuvre du salut; et les âmes ne demeurent en santé dans la solitude, que si la discipline cénobitique les a d’abord assainies. Cette pensée nous jette dans un mortel découragement. Sortis du monastère encore imparfaits, pourrons-nous jamais acquérir la perfection au désert ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 13
Je crois nécessaire de considérer d’abord avec soin le but et la volonté de la Loi, puis la discipline et la perfection de la grâce. Sur ces principes, nous pourrons discerner ce qu’il faut entendre par la domination du péché et l’expulsion du péché. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 32
Ainsi, que chacun de nous considère soigneusement la mesure de ses forces, et d’après elle, embrasse le genre de vie qu’il lui plaît. Toutes les vocations sont bonnes, mais elles ne conviennent pas indifféremment à chacun. La vie anachorétique est bonne; mais nous ne la croyons pas pour cela convenable à tous, car beaucoup éprouvent qu’elle peut être infructueuse et même funeste. Nous confessons à juste titre que la discipline cénobitique et le soin des frères sont choses saintes et dignes d’éloge; mais nous ne pensons pas pour autant que l’on doive s’y porter universellement. L’oeuvre des hôpitaux abonde en fruits excellents; mais tous ne pourraient s’y consacrer indistinctement, sans détriment pour leur patience. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 8
Certain jour, quelqu’un lui arrive, disant que la discipline anachorétique ne méritait point tant d’admiration, et que c’était la marque d’une plus grande vertu de pratiquer la perfection au milieu des hommes, que non pas dans le désert. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 11