Cassiano: discerner

Mais d’accepter ces choses, de les soumettre à l’épreuve, de décider avec certitude si elles sont possibles, ou non, personne ne le peut faire, s’il n’est parvenu à discerner les limites de la chair et de l’esprit. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Dans le même sens, Dieu accuse, par la bouche du prophète, l’aveuglement, non pas naturel, mais volontaire des Juifs : «Sourds, dit-il, écoutez; aveugles, ouvrez les yeux pour voir ! Qui est aveugle, sinon mon serviteur, et sourd, si ce n’est celui à qui j’envoie mes messagers ?» (Is 42,18-19). Et, de peur que l’on n’attribue leur cécité à la nature, non à la volonté, il dit ailleurs : «Faites sortir le peuple aveugle qui a des yeux, le sourd qui a des oreilles» (Ibid. 43,9). Et de nouveau : «Vous qui avez des yeux, et ne voyez pas; des oreilles, et n’entendez pas» (Jér 5,21). Le Seigneur aussi dit dans l’Évangile — «Parce qu’en voyant, ils ne voient pas, et qu’en entendant, ils n’entendent ni ne comprennent» (Mt 13,13). La prophétie d’Isaïe s’accomplit en eux : «Vous entendrez, et ne comprendrez point; vous regarderez, et vous ne verrez point. Le coeur de ce peuple a été aveuglé, et il est devenu dur d’oreille; et il s’est bouché les yeux; de peur qu’ils ne voient de leurs yeux, et n’entendent de leurs oreilles, et que leur coeur ne comprenne, et qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse» (Is 6,9-10). Enfin, pour signifier qu’ils avaient la possibilité de faire le bien, le Seigneur reprend encore les Pharisiens : «Et comment, leur dit-il, ne discernez-vous pas de vous-mêmes ce qui est juste ?» (Lc 12,57) Il ne leur eût certainement point parlé de la sorte, s’il n’avait su qu’ils étaient naturellement capables de discerner ce qui est juste. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

La perfection active consiste en deux points. Le premier est de connaître la nature des vices et la méthode pour les guérir; le second, de discerner l’ordre des vertus, et de conformer si heureusement notre âme à leur perfection, qu’elle cesse dorénavant de les servir en esclave, comme si elle souffrait violence et se voyait soumise à un tyrannique empire, mais qu’elle s’y délecte et s’en nourrisse comme d’un bien connaturel, trouvant des délices à gravir la voie rude et étroite. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

La science, qui est aussi mentionnée par l’Apôtre, représente la tropologie. Celle-ci nous fait discerner selon la prudence l’utilité ou la bonté de toutes les choses qui relèvent du jugement pratique: comme lorsqu’il nous est ordonné de juger par devers nous «s’il convient qu’une femme prie Dieu, la tête non voilée.» (1 Cor 11,13). Cette sorte d’interprétation renferme, nous l’avons dit, un sens moral. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

Ne vous laissez pas entraîner à donner des leçons aux autres par l’exemple de quelques-uns. Ils ont acquis de l’habileté à discourir, une parole aisée qui semble couler de source; et parce qu’ils savent disserter élégamment et avec abondance sur tout sujet qu’il leur plaît, ils passent pour posséder la science spirituelle aux yeux de ceux qui n’ont pas appris à en discerner le véritable caractère. Mais c’est tout autre chose, d’avoir quelque facilité de parole et de l’éclat dans le discours, ou d’entrer jusqu’au coeur et à la moelle des paroles célestes, et d’en contempler du regard très pur de l’âme les mystères profonds et cachés. Ceci, la science humaine ne le donne pas, ni la culture du siècle, mais la seule pureté de l’âme, par l’illumination du saint Esprit. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

Comme si la patience n’était due qu’aux infidèles et aux sacrilèges, et non à tous communément ! Comme si la colère, nuisible contre un païen, devenait bonne contre un frère ! Un esprit troublé qui s’obstine dans son irritation, se fait un tort égal, quel que soit celui qui en est l’objet. Quel entêtement, ou plutôt quelle démence ! Ces gens ont perdu toute raison et demeurent stupides, incapables de discerner le sens propre des mots. Car il n’est pas dit : Quiconque se met en colère contre un étranger, méritera d’être puni par les juges. Ceci peut-être eût pu donner lieu à une exception pour ceux qui nous sont unis par la communauté de foi et de vie, comme ils veulent l’entendre. Mais l’Évangile s’est exprimé de la façon la plus claire : «Quiconque se met en colère contre son frère, méritera d’être puni par les juges.» Et sans doute, la vérité nous fait une loi de tenir tout homme pour notre frère; cependant, le nom même de frère, dans ce passage, désigne tout d’abord les fidèles et ceux qui partagent votre vie, plutôt que les païens. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

GERMAIN. — Les données qui permettent de recueillir les indices révélateurs de nos infirmités, la méthode pour discerner nos maladies, c’est-à-dire la manière de découvrir les vices qui se cachent en nous : tout cela est net et clair à nos yeux. Aussi bien, une expérience quotidienne, et les mouvements qui se font jour à toute heure dans nos pensées, nous permettent-ils de constater qu’il en est bien comme vous dites. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Je crois nécessaire de considérer d’abord avec soin le but et la volonté de la Loi, puis la discipline et la perfection de la grâce. Sur ces principes, nous pourrons discerner ce qu’il faut entendre par la domination du péché et l’expulsion du péché. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Le cas serait différent, s’il y avait de notre faute. Il faut alors comme citer en justice notre conscience, songeant avec tremblement à ces paroles de l’Apôtre : Celui qui mangera le pain et boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable du Corps et du Sang du Seigneur. Que l’homme donc s’éprouve lui-même, et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice. Celui qui mange le pain et boit le calice du Seigneur, indignement, mange et boit sa propre condamnation, parce qu’il ne discerne pas le Corps du Seigneur (1 Co 11,27-29); c’est-à-dire, parce qu’il ne distingue pas cette nourriture céleste des aliments communs et vils, parce qu’il ne sait pas discerner qu’il n’est loisible de la recevoir qu’avec une âme et un corps purs. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE

En vérité, n’est-ce pas se rendre coupable, je ne dis pas seulement d’une faute légère, mais d’une impiété grave, si, tandis que l’on répand sa prière devant Dieu, on s’écarte de sa Présence, comme on ferait d’un aveugle et d’un sourd, pour suivre la vanité d’une folle pensée ? Mais ceux qui couvrent les yeux de leur coeur du voile épais des vices, et, selon la parole du Sauveur, en voyant ne voient pas, en entendant n’entendent ni ne comprennent (Mt 13,13), à peine aperçoivent-ils, dans les profondeurs de leur conscience, les péchés mortels : comment auraient-ils le pur regard qu’il faut pour discerner l’apparition insensible des pensées, ou les mouvements fugitifs et cachés de la concupiscence, qui blessent l’âme d’une pointe légère et subtile, ou les distractions qui les retiennent captifs ? Errant sur tous objets au gré d’une imagination sans retenue, ils n’ont pas l’idée de s’affliger, lorsqu’ils sont arrachés de la divine contemplation, qui est quelque chose d’infiniment simple. Mais quoi ? ils n’ont rien dont ils puissent déplorer la perte ! Ouvrant leur âme toute grande au flot envahissant des pensées, ils n’ont point, en effet, de but fixe auquel ils se tiennent sur toutes choses, et vers lequel ils fassent converger tous leurs désirs. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS