Ne croyez pas davantage que ce soit par un seul mot de repentir : «J’ai péché contre le Seigneur» (2 Rois 12,13), et non pas plutôt par la miséricorde du Seigneur, que le roi David ait effacé deux crimes si graves, et mérité d’entendre du prophète Nathan : «Le Seigneur a éloigné de toi ton iniquité; tu ne mourras point» (Ibid.). Ajouter l’homicide à l’adultère : ce fut l’ouvrage de son libre arbitre. Il reçoit les reproches du prophète : c’est une grâce de la divine bonté. Il s’humilie et reconnaît son péché : voilà sa part, à lui. Il mérite en un court instant le pardon de si grands crimes : c’est le don de la miséricorde. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Mais, si notre résistance ne prenait fin, si nous persévérions dans notre mauvaise volonté, Dieu ne ferait pas tout. D’autre part, toute l’affaire de notre salut doit être attribuée, non pas au mérite de nos oeuvres, mais à la grâce céleste. Ce sont là deux vérités que le Seigneur lui-même nous enseigne par ces paroles : «Vous vous souviendrez de vos voies et de tous les crimes dont vous vous êtes souillés; et vous commencerez à vous déplaire à vous-mêmes pour toutes les mauvaises actions que vous avez commises. Et vous saurez que je suis le Seigneur, lorsque je vous ferai du bien à cause de mon nom, et non selon vos voies mauvaises ni selon vos crimes détestables, maison d’Israël» (Ez 20,43-44). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
La troisième sorte de guérisons est un jeu et une ruse des démons. Un homme est engagé dans des crimes manifestes, mais on admire ses miracles, et on le croit serviteur de Dieu : c’est pour les esprits malins le moyen de persuader aux autres d’imiter jusqu’à ses vices. De plus, la porte est ouverte à la critique, et la sainteté de la religion elle-même discréditée. À tout le moins peuvent-ils s’attendre que celui qui se croit ainsi le don de guérison, le coeur enflé de superbe, tombera d’une chute plus terrible. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
«Eh quoi ? mon fils, reprend le vieillard. Il n’y a qu’un instant, vous vous chargiez vous-même de tous les forfaits; et vous ne craigniez point, en avouant des crimes si atroces, d’encourir la mésestime. Or moi, je vous donne un petit avertissement tout simple, qui n’a rien en soi d’outrageant, mais ne respire, au contraire, que le désir d’édifier et la dilection du coeur : pourquoi, je vous le demande, vous vois-je si ému, que l’indignation parait, malgré vous, sur les traits de votre visage, et que vous ne savez point la cacher sous un front serein ? Attendiez-vous par hasard, tandis que vous vous abaissiez, que je vous répondisse par cette maxime : «Le juste s’accuse aux premiers mots de son discours ?» (Pro 18,17) Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
Conservez donc la véritable humilité du coeur, laquelle ne consiste pas en démonstrations et paroles affectées, mais dans un abaissement profond de l’âme. Elle brillent par votre patience, qui en sera le signe le plus évident. Et cela, non point lorsque vous clamerez sur votre sujet des crimes que personne ne croira, mais lorsque vous demeurerez insensible aux accusations arrogantes que l’on débitera contre vous, et supporterez en toute mansuétude et égalité d’âme les injures qui vous seront faites. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
Par ailleurs, il ne faut pas s’émouvoir de ce que Dieu menace d’envoyer des basilics, pour mordre ceux dont les crimes l’offensent. Assurément, il n’est point l’auteur de l’envie. Toutefois, selon l’ordre providentiel, les dons excellents sont accordés aux humbles, refusés aux superbes et aux réprouvés. N’est-ce point dès lors une chose équitable et digne de ses jugements, que l’envie semble un fléau parti de sa Main, pour mordre et consumer ceux qui méritent d’être livrés «à leur sens réprouvé», (Rom 1,28) selon l’expression de l’Apôtre ? C’est ce qu’expriment ces paroles : «Ils ont piqué ma jalousie, en aimant ce qui n’est pas Dieu; et Moi, Je piquerai leur jalousie, en aimant ce qui n’est pas un peuple.» (Dt 1,28). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
On a beaucoup dit sur la puissance suppliante et le mérite de la pénitence, de voix ou par écrit. On a montré ses avantages immenses, la vertu et la grâce qui sont en elle. S’il est permis de le dire, elle résiste en quelque sorte à Dieu, offensé par nos méfaits passés et prêt à nous infliger le juste châtiment de tant de crimes; elle retient comme malgré lui, si je puis ainsi m’exprimer, le bras de sa vengeance. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
GERMAIN. — Mais alors, à quelle source puiser la sainte et salutaire componction d’un coeur humilié ? Car, voici que l’Écriture nous la dépeint avec ces paroles, parties des lèvres du pénitent : «J’ai fait connaître mon péché, et je n’ai point couvert mon iniquité; j’ai dit : Je déclarerai contre moi mon injustice au Seigneur.» (Ps 31,5-6). Quel titre aurons-nous donc à redire avec vérité ce qui suit aussitôt : «Et vous avez pardonné l’impiété de mon coeur» ? (Ibid.) Si nous bannissons de notre coeur la mémoire de nos péchés, comment, prosternés en prière, nous exciterons-nous aux larmes d’une humble confession, pour mériter d’obtenir le pardon de nos crimes, selon cette parole : «Chaque nuit, je baignerai ma couche de mes larmes, j’arroserai mon lit de mes pleurs» ? (Ps 6,7). Le Seigneur, du reste, ne commande-t-Il pas de la garder invariablement, lorsqu’il dit : «Je ne me souviendrai plus de tes iniquités, mais toi rappelle-toi» ? (Is 43,25-26). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Outre la grâce du baptême et l’universel pardon qu’elle assure, après le don précieux du martyre et la palme du sang versé pour le Seigneur, il est encore de nombreux fruits de pénitence par lesquels on parvient à l’expiation de ses crimes. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
L’aveu qu’on fait de ses crimes a pareillement le don de les effacer : «J’ai dit : Je déclarerai contre moi mon injustice au Seigneur; et vous avez pardonné l’impiété de mon coeur»; (Ps 31,5). «Raconte tes iniquités, afin que tu sois justifié.» (Is 43,26). On obtient encore la rémission du mal que l’on a commis, par l’affliction du coeur et du corps : «Voyez mon affliction et ma peine, et pardonnez-moi tous mes péchés.» Surtout par l’amendement de la vie : «Ôtez de devant mes yeux la malice de vos pensées. Cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien. Cherchez la justice, secourez l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la veuve. Et après cela, venez et discutez contre moi, dit le Seigneur. Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige; quand ils seraient rouges comme la pourpre, ils deviendront blancs comme la neige la plus blanche.» (Is 1,16-18). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Ne cessez pas de les confesser, avec de continuelles supplications, à Celui dont ils ne sauraient éviter le regard; dites-Lui : «Je reconnais mon iniquité, et mon péché est constamment devant moi; c’est contre vous seul que j’ai péché, j’ai fait ce qui est mal à vos Yeux.» (Ps 50,5-6). Il nous guérit, Lui, en nous épargnant la honte de publier nos fautes; il pardonne nos péchés, sans nous les reprocher. Et après ce moyen de salut si aisé, si certain, la divine Bonté vous en accorde un autre, plus facile encore. Le remède qui secourt, elle le commet à votre libre volonté; nos propres sentiments sont la mesure du pardon de nos crimes, lorsque nous disons : «Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent.» (Mt 6,12). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Toute âme qui souhaite de parvenir à l’indulgence plénière de ses fautes, en a ici les moyens; qu’elle s’étudie seulement à s’y conformer. Mais surtout, que personne ne rende inefficace, par l’obstination d’un coeur endurci, un remède si salutaire; que personne ne se ferme la source surabondante préparée par la Toute-Bonté ! Car, ferions-nous toutes les oeuvres qui viennent d’être énumérées, elles ne suffiraient point à expier nos crimes; c’est à la Bonté du Seigneur, à sa Clémence qu’il appartient de les effacer. Mais aussitôt qu’Il découvre en nous quelques marques de nos sentiments religieux, sacrifice offert par une âme suppliante, Il récompense ces pauvres et chétifs efforts avec une libéralité sans mesure : «C’est Moi, dit-il, c’est Moi seul qui efface les iniquités pour l’amour de Moi, et de tes péchés je ne me souviendrai plus.» (Is 43,25). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Voulez-vous connaître ce qui vous a vendus ? Écoutez voire Rédempteur qui vous le déclare hautement par la bouche du prophète Isaïe : Où est l’acte de divorce de votre mère, par lequel Je l’ai répudiée ? ou quel est le créancier auquel Je vous ai vendus ? Voici : C’est pour vos iniquités que vous avez été vendus, pour vos crimes que J’ai renvoyé votre mère (Is 1,1). Davantage, voulez-vous clairement savoir pourquoi Il ne voulut point user de puissance, afin de vous délivrer du joug de servitude auquel vous étiez dévoués ? Écoutez ce qu’Il ajoute aux paroles par lesquelles Il reprochait tout à l’heure aux esclaves du péché la cause de leur vente volontaire : Ma Main est-elle donc raccourcie, est-elle devenue plus petite, pour que Je ne puisse plus sauver ? ou n’ai-Je pas assez de force pour délivrer ? (Ibid., 2). Mais qu’est-ce qui s’est toujours opposé a cette Miséricorde toute-puissante ? Le même prophète vous l’annonce : Non, la Main du Seigneur n’est pas devenue trop courte pour sauver; ni son oreille trop dure pour entendre. Mais ce sont vos iniquités qui ont creusé un abîme entre vous et votre Dieu, vos péchés qui lui ont fait cacher sa Face pour ne pas entendre (Ibid., 59,1-2). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Je ne pense pas, quant à moi, que la loi du péché désigne les péchés énormes ou qu’elle puisse s’entendre des crimes énumérés à l’instant. À se rendre coupable de telles fautes, on ne servirait plus la loi de Dieu par l’esprit, mais on devrait, au contraire, faire divorce avec elle dans son coeur, avant d’en commettre quelqu’une dans sa chair. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Supposons un instant que, par cette loi des membres, ils se sentissent engagés en des crimes quotidiens : ce n’est pas la félicité qu’ils se plaindraient d’avoir perdue, mais l’innocence. L’Apôtre Paul ne dirait pas : Malheureux homme que je suis ! mais : Homme impur, scélérat que je suis ! Il ne souhaiterait pas la délivrance de ce corps de mort, c’est-à-dire de la condition mortelle, mais des hontes et des crimes de la chair. Or, au contraire, se voyant, de par l’humaine fragilité, tenu captif et entraîné vers les sollicitudes et les soins charnels, fruits de la loi du péché et de la mort, il gémit sur cette loi à laquelle il est soumis malgré lui et recourt sur-le-champ au Christ, dont la Grâce le sauve par une prompte délivrance. Tout ce que la loi du péché, racine féconde en épines et chardons de pensées et de soucis terrestres, vient à produire de sollicitudes au coeur de l’Apôtre, la Loi de la Grâce l’arrache sans tarder : Car, dit-il lui-même, la Loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus m’a délivré de la loi du péché et de la mort (Rm 8,2). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS