Cassiano: continence

Sachons-le : tant que nous éprouvons les révoltes de la chair, nous ne sommes point parvenus aux cimes de la chasteté, mais nous restons sous le sceptre débile, de la continence, fatigués de continuels combats, dont l’issue demeure nécessairement douteuse. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Qu’il existe une grande différence entre la continence et la chasteté. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Ainsi, la chasteté parfaite se distingue des commencements laborieux de la continence par une tranquillité inaltérable. C’est le signe qu’elle est consommée, lorsqu’elle garde sans une ombre l’éclat de sa pureté non plus en combattant contre les mouvements de la concupiscence, mais par l’horreur absolue qu’elle en éprouve. Ce ne peut être là autre chose que la sainteté. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Celui-là donc qui dépasse le degré figuré par Jacob «le supplantateur», s’élève, après avoir paralysé la force de la chair, des luttes de la continence et du corps à corps pour la destruction des vices au titre glorieux d’Israël, son coeur ne déviant plus de sa direction vers Dieu. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Si quelqu’un mérite, par l’extinction des passions charnelles, d’atteindre à cette demeure de paix, poursuivant ses progrès il deviendra une Sion spirituelle, ce qui signifie tour d’observation de Dieu, et il sera aussi la demeure de Dieu. Car le Seigneur ne se trouve point parmi les batailles de la continence, mais il réside dans l’observatoire indéfectible des vertus. C’est là qu’il ne se contente plus d’émousser ou de contenir, mais qu’il a pour jamais brisé la puissances des ares, de ces ares d’où partaient jadis contre nous les traits enflammés de la volupté. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Non, vous le voyez, la demeure du Seigneur n’est pas dans les combats de la continence, mais dans la paix de la chasteté; c’est dans l’observatoire des vertus qu’il fait son séjour, dans la contemplation. Le psalmiste avait bien sujet de mettre les portes de Sion au-dessus de toutes les tentes de Jacob : «Le Seigneur, dit-il, aime les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob.» (Ps 86,2). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Tout d’abord, il ne faut pas croire que les philosophes soient jamais parvenus à la chasteté d’âme qui est exigée de nous; car songez à ce qui nous est enjoint : ce n’est pas seulement la fornication, c’est l’impureté même qui ne doit pas être nommée parmi nous ! Mais ils eurent une certaine chasteté partielle, qui consistait à pratiquer la continence extérieure, sans réprimer davantage les passions de la chair. Quant à la pureté intérieure de l’âme, à la pureté constante du corps, ils n’ont pu, je ne dirai pas l’obtenir en effet, mais en avoir seulement l’idée. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

JOSEPH — La pluralité des épouses et des concubines fut une licence accordée aux anciens. Elle cessa d’être nécessaire, lorsque la fin des temps se fit imminente, et que la multiplication du genre humain fut arrivée à son terme; la perfection évangélique devait la supprimer. Jusqu’à l’avènement du Christ, il fallait que continuât d’agir la vertu de la bénédiction originelle : «Croissez, multipliez et remplissez la terre.» (Gen 1,28). Mais il était juste que de cette racine de la fécondité, qu’une disposition temporaire d’intérêt général avait mise à l’honneur sous la synagogue, germassent, dans l’Église, les fleurs de l’angélique virginité et naquissent les fruits au parfum suave de la continence. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH

Il retourne chez lui, percé jusqu’au fond du coeur de cette tristesse qui opère le repentir salutaire et durable. Ne doutant plus de ses propres intentions, qu’il sent bien arrêtées, il tourne sa sollicitude et ses soins vers le salut de sa compagne. Il tâchait d’exciter en elle le même désir dont il était embrasé, en reprenant les exhortations de l’abbé Jean. Nuit et jour, il lui recommandait avec larmes le saint propos de servir Dieu de concert, dans la continence et chasteté. Il ne fallait point différer de se convertir à une vie meilleure. Les vains espoirs qui bercent le jeune âge, n’arrêtent point les coups soudains de la mort, que l’on voit emporter l’enfance, l’adolescence et la jeunesse pêle-mêle avec les vieillards. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

La Loi fait du mariage un commandement principal : Heureux, dit-elle, celui qui a sa postérité dans Sion, et les gens de sa maison dans Jérusalem; (Is 31,9) et : Maudite, la stérile qui n’enfante pas ! La grâce, au contraire, nous invite à la pureté de la perpétuelle intégrité et à la continence de la virginité bienheureuse : Heureuses les stériles, et les mamelles, qui n’ont pas allaité; (Lc 23,29) Celui qui ne hait pas son père, et sa mère, et son épouse, ne peut être mon disciple. (Ibid. 14,26) Et voici un mot dé l’Apôtre : Il faut donc que ceux qui ont une femme, soient comme n’en ayant pas. (1 Cor 7,29). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Ce n’est pas, en effet, la chasteté extérieure, la circoncision apparente, qui fait le sujet de vos soucis, mais celle qui est dans le secret. Vous savez que la plénitude de la perfection ne consiste pas dans une continence toute matérielle, que la nécessité ou l’hypocrisie peuvent donner même aux infidèles; mais qu’elle gît dans la pureté du coeur, qui part de la volonté libre et demeure cachée aux yeux. C’est elle que prêche l’Apôtre : Le vrai Juif n’est pas celui qui l’est au dehors, et la vraie circoncision n’est pas celle qui paraît dans la chair. Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement; et la circoncision, c’est celle du coeur, dans l’esprit non selon la lettre. Ce vrai Juif aura sa louange, non des hommes, mais de Dieu, (Rom 2,28-29) qui seul pénètre les secrets des coeurs. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Cherchons donc avec soin quel est ce bien par excellence que l’Apôtre n’a pu accomplir à sa volonté. Nous savons beaucoup de biens, dont on ne peut nier qu’il les ait eus de la nature ou qu’il ne les ait acquis par la grâce ainsi que les hommes d’un mérite égal au sien. La chasteté est bonne, louable est la continence, admirable la prudence, large l’hospitalité, circonspecte la sobriété, modeste la tempérance, tendre la miséricorde, sainte la justice. Assurément, toutes ces vertus ont existé chez l’apôtre Paul et les autres, si achevées, si parfaites, qu’ils enseignèrent la religion plutôt par leur sainte vie que par leur discours. Dirai-je encore le soin continuel de toutes les Églises et la constante sollicitude dont ils étaient consumés ? Quelle miséricorde, quelle perfection, de brûler pour ceux qui tombent, d’être faible avec les faibles (cf. 2 Co 11,29) ! Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Qu’est-ce que servir la loi du péché, sinon accomplir ce que le péché commande ? Mais quel est le péché, dont une sainteté aussi achevée que celle de l’Apôtre peut se sentir captive, sans douter pourtant que la Grâce du Christ ne la délivre ! Car il dit : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La Grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur. Quelle sera, dis-je, à votre sens, cette loi dans nos membres, qui, en nous arrachant à la Loi de Dieu, pour nous captiver sous la loi du péché, fait de nous des malheureux, plutôt que des coupables ? Tellement, qu’au lieu d’être voués aux éternels supplices, nous soupirons seulement de voir s’interrompre la joie de notre béatitude, et nous écrions avec l’Apôtre, en quête d’un secours qui nous y rétablisse : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? Être emmené captif sous la loi du péché, qu’est-ce autre chose que demeurer dans les actes du péché ? Or, quel est le bien par excellence que les saints ne peuvent accomplir, sinon celui au prix de quoi tous les autres cessent d’être des biens ? Certes, il existe, nous le savons, des biens multiples en ce monde, et avant tout, la chasteté, la continence, la sobriété, l’humilité, la justice, la miséricorde, la tempérance, la piété. Mais ils ne sauraient aller de pair avec ce bien souverain. D’autre part, ils sont à la portée, je ne dirai pas des apôtres, mais des âmes médiocres. Aussi bien, si ou ne les accomplit, on sera puni de l’éternel supplice on des labeurs d’une longue pénitence; mais il ne faut point espérer sa délivrance de la Grâce quotidienne du Christ. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Mais la continence aussi goûtera une suavité cent fois plus grande que le contentement de la nature. Puis, pour la satisfaction de posséder un champ, une maison, quelle abondance, quel centuple de richesses et de joie, lorsque passant à l’adoption des fils, on possédera comme un bien propre tout ce qui est au Père éternel, disant en vérité et du fond du coeur, à l’imitation du Fils véritable : Tout ce qu’a mon Père est à moi (Jn 16,15) ! Sans rien des préoccupations douloureuses et des inquiétudes d’autrefois, le coeur tranquille et joyeux, on entrera partout, comme chez soi; chaque jour, on entendra résonner à son oreille la parole de l’Apôtre : Tout est à vous, et le monde, et les choses présentes, et les choses futures (1 Co 3,22), et celle de Salomon : À l’homme fidèle, tout le monde appartient avec ses richesses (Pro 17,6). Ainsi, le centuple se trouve dans la grandeur du prix et l’incomparable différence de la qualité. Pour un certain poids de bronze, de fer, de quelque vil métal, ou vous rend un poids égal d’or : impossible de ne pas penser que c’est là rendre plus que le centuple. De même, lorsque, pour le mépris des voluptés et des affections terrestres, c’est la joie spirituelle et le délice de la très précieuse charité qui paye de retour, le nombre peut rester le même de part et d’autre; il n’empêche que ceci ne soit cent fois plus grand et plus magnifique. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM