Vue admirable sur les choses divines, qui jetait dans une sorte d’effroi un homme tel que l’Apôtre des nations ! Celui-là tente de la réduire à néant, qui croit pouvoir mesurer avec sa raison humaine la profondeur de cet abîme insondable. Oui, quiconque se fait fort de comprendre ou d’expliquer parfaitement les conduites divines, nie la parole de l’Apôtre; et son audace sacrilège prononce, à l’encontre, que les jugements de Dieu sont pénétrables au regard, ses voies possibles à découvrir. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Le raisonnement humain pourra découvrir quelque conclusion qui paraisse contredire ce sentiment : il faut l’éviter; plutôt que de la produire, au risque de détruire par elle la foi. Car la foi ne vient pas de l’intelligence; mais c’est l’intelligence qui vient de la foi, selon qu’il est écrit : «Si vous ne croyez, vous ne comprendrez pas» (Is 7,9). Et aussi bien, comment il se peut faire que Dieu opère tout en nous, et qu’en même temps tout soit attribué à notre libre arbitre : c’est un mystère que la raison de l’homme est impuissante à comprendre pleinement. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Le moyen, en effet, d’atteindre aux vertus, qui forment le second degré de cette discipline active, ou bien aux mystères des choses spirituelles et célestes, où consiste le degré plus sublime encore de la théorie, si l’on n’a pu comprendre la nature de ses vices, si l’on ne s’est point efforcé de les extirper ? La logique le dit : Qui n’a pas su vaincre les difficultés moindres, ne doit pas songer à poursuivre plus haut; qui n’a pu concevoir ce qui lui est inné, saisira beaucoup moins encore ce qui lui est étranger. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Ayons le zèle d’apprendre par coeur la suite des Écritures, et de les repasser sans cesse dans notre mémoire. Cette méditation continuelle nous procurera un double fruit. D’abord, tandis que l’attention est occupée à lire et étudier, les pensées mauvaises n’ont pas le moyen de rendre l’âme captive dans leurs filets. Puis, il se trouve qu’après avoir maintes fois parcouru certains passages, en travaillant à les apprendre de mémoire, nous n’avons pu, sur l’heure, les comprendre, parce que notre esprit manquait de la liberté nécessaire. Mais, lorsqu’ensuite, loin de l’enchantement des occupations diverses et des objets qui remplissent nos yeux, nous les repassons en silence, surtout pendant les nuits, ils nous apparaissent, dans une plus grande lumière. Il est ainsi des sens très profonds, dont nous n’avions pas le plus léger soupçon durant la veille; et c’est quand nous reposons, plongés, pour ainsi dire, dans la léthargie d’un lourd sommeil, que l’intelligence nous en est révélée. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Mais, nous l’avons dit, il est impossible de connaître ou d’enseigner ces choses, à moins d’en avoir l’expérience. Celui qui n’est pas capable même de les comprendre, comment le serait-il de les communiquer aux autres ? Que s’il a cependant la présomption d’en parler, son discours restera sans aucun doute inefficace et vain. Ses paroles frapperont l’oreille de ses auditeurs; elles ne pénétreront pas jusqu’à leur âme : parce que, triste fruit de la négligence et d’une stérile vanité, elles ne sortent pas du trésor d’une bonne conscience, mais ont leur principe dans la vaine présomption de la jactance. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Le moyen qu’il allume le brandon de la dispute ? Il s’est fait une loi, lorsqu’il s’agira de sa manière de voir et de comprendre les choses, de ne pas tant se fier à son jugement qu’à l’appréciation de son frère; et sur la décision de cet arbitre, on le voit approuver on désapprouver ses propres idées, montrant dans l’humilité d’un coeur tout rempli de douceur une expression achevée de cette parole de l’Évangile : «Non pas comme je veux, mais comme vous voulez.» (Mt 26,39). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH
On peut comprendre encore de la manière suivante. Nous donnons place à la colère, toutes les fois que nous plions d’une âme humble et tranquille devant l’émotion de notre frère, et que, nous reconnaissant en quelque façon dignes de toutes les injures, nous cédons à l’impatience déchaînée. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH
Cette facilité des préceptes anciens, c’est le ton impérieux du Législateur qui l’atteste. Ne va-t-il pas jusqu’à menacer de la malédiction ceux qui ne les rempliraient pas ? Maudit, s’écrie-t-il, celui qui ne sera pas demeuré dans tout ce qui est écrit au livre de la Loi, de manière à le mettre en pratique. (Dt 27,26). Maintenant, au contraire, telle est la sublimité, telle est l’excellence des commandements, qu’il nous est dit seulement : Que celui qui peut comprendre, comprenne ! (Mt 19,22). L’énergique sommation du Législateur marquait autrefois l’humilité des ordonnances : J’en prends à témoin contre vous aujourd’hui le ciel et la terre, dit-il : si vous ne gardez pas les commandements de votre Seigneur, vous périrez et disparaîtrez de la face du pays. (Dt 4,26). La magnificence et sublimité des commandements nouveaux se marque par un conditionnel, qui tient moins d’un ordre que d’une exhortation : Si tu veux être parfait, va, (Mt 19,21) fais ceci ou cela. Moïse impose, même aux récalcitrants, un fardeau si léger, qu’il ne laisse pas d’excuse; saint Paul donne un conseil, et seulement à ceux qui veulent, et se hâtent vers la perfection. (cf. 1 Cor 7,25). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
THÉONAS. — Votre question soulève derechef un problème infini; et je sais que, si l’on n’est instruit par l’expérience, il est également impossible d’en livrer et d’en saisir le secret. J’essayerai toutefois, selon mon pouvoir, de le résoudre et de l’expliquer brièvement. J’y mets cette unique condition, que votre intelligence ne s’intéresse pas seule à mes paroles, mais qu’elle s’accompagne de la pratique et des oeuvres. Ainsi en va-t-il de tout ce qui s’apprend par l’expérience, plutôt que par doctrine : celui qui ne l’a pas pratiqué, est incapable d’en instruire les autres; et l’on ne saurait non plus le comprendre ni le retenir, à moins d’en vivre profondément. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
J’ignore si j’ai pu tirer au clair la pensée du bienheureux Apôtre, comme savent la pénétrer ceux qui ont pour eux l’expérience. Ce que je sais très bien, c’est que, sans maître qui l’explique, elle découvre ses secrets à ceux qui sont allés jusqu’au bout de la science pratique. Ils n’auront pas à se travailler, pour comprendre dans une conférence ce que l’action leur a appris. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Comment il faut comprendre ce mot de l’Apôtre : Je ne fais pas le bien que je veux ? Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Qu’est-ce que le bienheureux Apôtre appelle bien ? Qu’est-ce que, par comparaison, il appelle mal ? Nous n’en devons pas juger sur la signification pure et simple des mots, mais du même point de vue que lui; c’est en nous guidant par la dignité et le mérite de celui qui parle, qu’il faut essayer de scruter le fond de sa pensée. Le moyen, en effet, de comprendre les maximes inspirées de Dieu, comme il veut qu’elles le soient, si ce n’est de considérer attentivement la grandeur et le mérite de ceux qui les ont promulguées, et de revêtir, non en paroles, mais en fait et réellement, de semblables dispositions ? C’est de l’état où l’on se trouve, que dépend la manière de concevoir les choses, comme de les dire. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Mais, afin de comprendre ces choses et d’en garder un utile souvenir, implorons avec plus d’attention la Miséricorde du Seigneur, afin qu’Il nous aide à les accomplir. Elles ne s’apprennent pas, en effet, comme les autres sciences humaines, où l’on commence par l’enseignement verbal. C’est la pratique, c’est l’expérience qui doivent ici précéder. Cependant, il est également nécessaire, et d’en faire une étude soignée dans des conférences avec les hommes spirituels, et de les approfondir par des exemples et une expérience de chaque jour : autrement, elles s’effacent par la négligence, ou elles se perdent par l’oubli. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
La parole de notre Seigneur et Sauveur est parfaitement vraie : le témoinage de l’expérience peut nous en fournir une preuve facile. Il suffit d’entrer dans le chemin de la perfection de la manière qui convient et comme le Christ le veut, – de mortifier tous nos désirs et retrancher nos volontés mauvaises, – de ne point souffrir qu’il nous reste rien des biens de ce monde, qui donnerait prise au démon pour nous dévaster et déchirer selon soit bon plaisir, – plus encore, de comprendre que nous ne sommes point maîtres de nous-mêmes, et d’accomplir en vérité l’oracle de l’Apôtre : Je vis, non pas moi, c’est le Christ qui vit en moi (Gal 2,20). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM