De la nécessité de cette continuelle vigilance voulez-vous une preuve manifeste, qui vous fasse voir du même coup comment les combats de la chair, pour contraires et dangereux qu’ils nous paraissent, concourent à notre bien : considérez, je vous prie, ceux qu’un défaut de nature en exempte. Qu’est-ce qui les rend surtout lâches et tièdes à la poursuite de la vertu ? N’est-ce point qu’ils se croient sans péril de voir leur chasteté ternie ? Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
L’une des béatitudes exaltées par la bouche de notre Sauveur nous rend cette vérité manifeste : «Heureux les doux, parce qu’ils posséderont la terre.» (Mt 5,4). Nous n’avons point d’autre moyen de posséder notre terre, c’est-à-dire de soumettre à notre empire la terre rebelle de notre corps, que de fonder tout d’abord notre âme en la douceur de la patience; dans les combats que la passion suscite à notre chair, le triomphe ne s’obtient que si l’on revêt les armes de la mansuétude : «Les doux, dit le prophète, posséderont la terre,» et «ils y demeureront à jamais.» (Ps 36,11 et 29). Puis, il nous enseigne, dans la suite du psaume, la méthode pour conquérir cette terre : «Attends le Seigneur et garde sa voie; il t’élèvera, et tu posséderas la terre en héritage.» (Ps 36,34). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Sachons-le : tant que nous éprouvons les révoltes de la chair, nous ne sommes point parvenus aux cimes de la chasteté, mais nous restons sous le sceptre débile, de la continence, fatigués de continuels combats, dont l’issue demeure nécessairement douteuse. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Puis, il nous appelle vers des hauteurs plus sublimes encore; il veut nous montrer le lieu même où Dieu prend ses délices : «Et sa demeure, ajoute-t-il, est établie dans la paix,» (Ibid. 3) c’est-à-dire, non dans la mêlée des combats et la lutte contre les vices, mais dans la paix de la chasteté et la perpétuelle tranquillité du coeur. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Non, vous le voyez, la demeure du Seigneur n’est pas dans les combats de la continence, mais dans la paix de la chasteté; c’est dans l’observatoire des vertus qu’il fait son séjour, dans la contemplation. Le psalmiste avait bien sujet de mettre les portes de Sion au-dessus de toutes les tentes de Jacob : «Le Seigneur, dit-il, aime les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob.» (Ps 86,2). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Cependant, un vif sentiment de componction me remuait intérieurement. Il se traduisit bientôt par de profonds soupirs : «Toutes les pensées, dis-je, que vous avez développées avec tant d’éloquence, ajoutent encore au découragement dont j’avais à souffrir. Outre les captivités de l’âme qui sont communes à tous, et les distractions qui battent du dehors les esprits encore faibles, je trouve un obstacle particulier à mon salut dans la médiocre connaissance que je parais avoir de la littérature. Zèle du pédagogue, ou application de l’élève, je m’en suis imprégné jusqu’au fond. Avec un esprit de la sorte infecté des oeuvres des poètes, les fables frivoles, les histoires grossières dont je fus imbu dès ma petite enfance et mes premiers débuts dans les études, m’occupent même à l’heure de la prière. Je psalmodie, on j’implore le pardon de mes péchés; et voici que le souvenir effronté des poèmes jadis appris me traverse l’esprit, l’image des héros et de leurs combats semble flotter devant mes yeux. Tandis que ces fantômes se jouent de moi, mon âme n’est plus libre, d’aspirer à la contemplation des choses célestes. Cependant, les larmes que je répands chaque jour ne réussissent pas à les chasser. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Cet événement le jeta dans une tristesse profonde. Il se mit à songer en lui-même : «Pourquoi le feu n’est-il pas en paix avec moi, quand j’ai gagné la victoire dans les combats bien autrement terribles des démons ? Au jour redoutable du jugement, lorsque le feu inextinguible qui éprouve les mérites de chacun me pénétrera, comment ne fera-t-il pas de moi sa proie éternelle, si ce feu extérieur, temporel et sans force ne m’a pas épargné ?» Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Ainsi, point d’extra, ni pour la qualité ni pour la quantité de la nourriture. Les mets dont la privation gardait notre pureté sans atteinte aux jours ordinaires, proscrivons-les également durant les jours les plus solennels, de peur que l’allégresse de la fête, en nous suscitant les combats de la chair, ne se change en deuil, et ne fasse s’évanouir la fête plus excellente de l’esprit, qui consiste dans la joie triomphante de l’innocence parfaite. Après la joie charnelle, si brève et si vaine, nous devrions pleurer, dans les longues afflictions de la pénitence, notre pureté perdue. Non, non ! tâchons, au contraire, que l’exhortation du prophète ne nous soit pas adressée en vain : Célèbre, ô Juda, tes fêtes, accomplis tes voeux. (Nah 1,15). Si les solennités qui viennent interrompre le cours ordinaire du temps, ne changent rien à la continuité de notre abstinence, nous jouirons de fêtes spirituelles sans trêve, et, cessant de cette sorte toute oeuvre servile, nous irons de nouvelle lune en nouvelle lune et de sabbat en sabbat. (Is 46,23). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
GERMAIN. — Vous venez de faire la lumière sur une question fort obscure, et qui garde pour beaucoup, je pense, tout son mystère. Aidez-nous, je vous prie, à poursuivre nos progrès, en éclaircissant encore ce point : dans le temps même de nos plus grandes ardeurs a jeûner, nous sentons s’élever dans notre chair des combats plus violents; et souvent, à notre réveil, nous sommes si abattus de ce qui nous est arrivé, que, toute confiance nous abandonnant, nous n’osons même plus nous lever pour la prière. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Rappel de notre question : Pourquoi les combats de la chair se font-ils parfois plus violents après une plus grande abstinence ? Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
C’est donc par cette seule exception qu’il se distingue de nous tous : nous ne sommes pas tentés sans péché; Lui, au contraire, fut tenté, sans péché. Quel est l’homme, pour courageux et vaillant qu’il soit, qui ne prête maintes fois le flanc aux traits ennemis ? Qui vivra sans danger parmi les périls de tant de combats, comme s’il était revêtu d’une chair vulnérable ? Seul le Christ, le plus beau des enfants des hommes (Ps 44,3), en prenant une condition mortelle et toute la fragilité de la chair, ne connut jamais l’atteinte d’une souillure. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE