Cassiano: combat

Aussi bien, celui qui ne renonce aux séductions du vice que par le motif de la crainte, retournera, dès que la crainte sera évanouie qui faisait obstacle à son penchant, vers l’objet de ses amours. Pour lui, pas de stabilité dans le bien. Point de repos non plus du côté de la tentation, parce qu’il n’a point la paix solide et constante que donne la chasteté. Où règne le tumulte de la guerre, il est impossible d’échapper au risque d’être blessé. Pour propre que l’on soit à la lutte et vaillant dans le combat, bien que l’on porte souvent aux adversaires de mortelles blessures, il est fatal, dès là qu’on est engagé dans la mêlée, que l’on tâte quelquefois du fer ennemi. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Mais, lorsque le Seigneur, imposant silence aux guerres, l’aura délivré de tous les emportements de la chair, il parviendra à un merveilleux état de pureté. La confusion s’évanouira, qui lui donnait de l’horreur pour lui-même, je veux dire pour sa chair, durant qu’il en était combattu; et il commencera d’y prendre ses délices comme dans une demeure très pure. «Le mal ne viendra pas jusqu’à lui; nul fléau n’approchera de sa tente.» (Ps 90,10). Par la vertu de patience se trouvera rempli l’oracle prophétique : le mérite de sa mansuétude lui aura donné la terre en héritage, et plus encore, «il goûtera les délices d’une paix débordante.» (Ps 36,11). Tandis qu’il n’y a point de paix débordante pour l’âme où survit l’inquiétude du combat. Car remarquez qu’il n’est pas dit : Ils goûteront les délices de la paix; mais «d’une paix débordante». Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Ainsi donc, c’est déjà une victoire singulière pour qui combat de toutes ses forces contre l’esprit de fornication, de n’attendre point le remède du mérite de ses efforts. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Nous voyons une conduite analogue de la justice divine en Job, son athlète de choix, lorsque le diable le réclame pour un combat singulier. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Dans les conférences avec les anciens, ne prenez point la liberté de dire mot, si ce n’est pour demander ce qu’il vous serait nuisible d’ignorer ou ce qu’il vous est nécessaire de connaître. Il en est qui, possédés de l’amour de la vaine gloire, ne feignent d’interroger que pour montrer leur savoir. Mais il ne se peut pas que celui qui s’applique à la lecture dans le dessein d’acquérir la gloire humaine, mérite jamais le don de la vraie science. Esclave de cette passion, comment ne porterait-on pas également les chaînes des autres vices, et particulièrement de la superbe ? Mais ainsi terrassé dans le combat de la science pratique et morale, on n’obtiendra point la science spirituelle, qui lui doit son origine. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

La différence d’un pécheur et d’un saint ne vient pas de ce que celui-ci ne serait pas tenté aussi bien que l’autre, mais de ce qu’il ne se laisse pas vaincre aux assauts les plus violents, tandis que la tentation la plus légère suffit à surmonter le premier. Nous l’avons dit, la force du juste n’aurait point de titre a la louange, s’il triomphait, sans être tenté. Peut-il y avoir une victoire sans combat ? Mais «heureux l’homme qui supporte la tentation, parce que, après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie que Dieu a promise à ceux qui L’aiment.» (Jac 1,12). Selon l’apôtre Paul également, «la vertu s’achève,» non point dans le repos et les délices, mais «dans l’infirmité». (2 Cor 12,9). «Car voici, est-il dit, que je t’établis en ce jour comme une ville fortifiée, une colonne de fer et un mur d’airain, sur tout le pays, sur les rois de Juda, ses princes, ses prêtres, et tout le peuple du pays. Et ils te feront la guerre; mais ils ne prévaudront point, parce que Je suis avec toi, dit le Seigneur, pour te délivrer.» (Jer 1,18-19). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Quelque jour, une invitation l’appellera à l’assemblée des frères : ce qui ne peut manquer d’arriver aux solitaires même les plus stricts. S’il s’aperçoit que son âme s’est émue dans cette circonstance, et pour des riens, qu’il se fasse le censeur impitoyable de ses mouvements secrets. Il se remontrera sur-le-champ les injures extrêmes par lesquelles il s’exerçait tous les jours à la parfaite patience, et il ira se gourmandant et s’invectivant soi-même : «Est-ce toi, ô grand homme de bien, qui, durant que tu t’exerçais dans ta solitude, te flattais de vaincre tous les maux par ta constance; qui naguère, lorsque tu te représentais à l’esprit les plus âpres invectives et, mieux encore, des supplices intolérables, te croyais assez fort pour demeurer inébranlable à toutes les tempêtes ? Comment la plus légère parole, te frôlant de son aile, a-t-elle confondu cette patience invincible ? Ta maison était, à ce qu’il te semblait, puissamment assise sur le roc solide : comment le moindre souffle l’a-t-il fait trembler ? Rempli d’une vaine assurance, tu appelais la guerre au milieu de la paix : où sont les belles paroles que tu redisais si haut : «Je suis prêt, et je ne me suis point troublé »? (Ps 118,60). Avec le prophète, souvent tu t’écriais : «Éprouvez-moi, Seigneur, et sondez-moi; faites passer au creuset mes reins et mon coeur»; (Ps 25,2). «Éprouvez-moi, Seigneur, et connaissez mon coeur; interrogez-moi, et connaissez mes sentiers, et voyez s’il est en moi une voie d’iniquité .» (Ps 138,23-24). Cet appareil de combat si formidable, comment une ombre d’ennemi l’a-t-elle mis en déroute ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Pour remédier aux vices dont nous avons parlé, la société des hommes, bien loin d’être nuisible, présente, au contraire, de grands avantages. Ils se mainfestent plus souvent par les impatiences multipliées dont ils sont la cause; et plus sont continuels la douleur et le repentir de nos défaillances, plus vite aussi notre mal trouve sa guérison. C’est pourquoi, lorsque nous habitons la solitude, et que les occasions capables de les exciter ne peuvent surgir du côté des hommes, nous devons nous en représenter tout exprès à l’esprit, afin de nous ménager, par un combat ininterrompu une plus prompte guérison. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Quant au bienheureux Apôtre, parvenu comme il était, sans aucun doute, an plus haut sommet de la perfection, ces paroles ne sauraient lui convenir en aucune façon : Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je hais; ni non plus ce qu’il ajoute immédiatement : Mais, si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est pas moi qui le fais, c’est le péché qui habite en moi; ni ceci : Je prends plaisir à la loi de Dieu selon l’homme intérieur, mais je vois dans mes membres une autre loi, qui lutte contre la loi de mon esprit, et qui me rend captif sous la loi du péché qui est dans mes membres. Le moyen d’accommoder ces idées à la personne de l’Apôtre ? Quel est le bien qu’il n’a pas accompli ? Quel est, au contraire, le mal qu’il a commis malgré lui et malgré la haine qu’il en avait, par l’entraînement de la nature ? Sous quelle loi de péché ce vase d’élection, en qui le Christ parlait (cf. 2 Cor 13,3), a-t-il pu être mené captif ? Lui qui, après avoir captivé toute désobéissance et toute hauteur qui s’élève contre Dieu (Ibid. 10,5), disait de lui-même en toute confiance : J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi; maintenant, la couronne de justice m’est tenue en réserve, que me décernera en ce jour-là le Seigneur, le juste Juge (2 Tm 4,7-8). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE

Nous fûmes donc porter à l’abbé Abraham l’aveu plein d’anxiété du combat que nous livraient nos pensées. En notre âme, chaque jour, nouveaux orages : nous nous sentions violemment pressés de regagner notre province et de revoir nos parents. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM

La Grâce du Sauveur, bénigne à notre endroit, nous procure, par la lutte contre les tentations, une plus belle couronne de gloire, qu’elle n’eût fait, en nous dispensant du combat. Il est d’une vertu plus sublime et plus excellente, quoique assiégé de persécutions et d’épreuves, de demeurer toujours inébranlable, et de garder jusqu’au bout la même confiante intrépidité par la pensée du Secours divin, de se faire des attaques des hommes comme l’armure d’une vertu invincible, remportant sur l’impatience un triomphe très glorieux, et par le moyen de la faiblesse conquérant la vertu, car la vertu s’achève dans l’infirmité (2 Co 12,9). Il est dit en effet : Voici que je t’établis en ce jour comme une ville fortifiée, une colonne de fer et un mur d’airain, sur tout le pays, sur les rois de Juda, ses princes, ses prêtres et tout le peuple du pays. Et ils te feront la guerre; mais ils ne prévaudront point, parce que je suis avec toi pour te délivrer, dit le Seigneur (Jér 1,18-19). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM