Cassiano: châtiment

Celle-ci ne se compare plus à la condition d’esclave, mais à celle de mercenaire. L’espérance, en effet, attend la récompense. Certaine d’être pardonnée et sans crainte du châtiment consciente d’ailleurs des bonnes oeuvres accomplies, elle poursuit le prix auquel Dieu S’est engagé. Mais elle n’est pas encore parvenue à ce sentiment du fils qui, se confiant en l’indulgence et la libéralité paternelles, ne doute pas que tout ce qui est à son père ne soit également sien. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

C’est le précepte même du Seigneur qui nous invite à cette ressemblance avec le Père : «Soyez parfaits, dit-il, comme votre Père céleste est parfait.» (Mt 5,48). Dans les degrés inférieurs, l’amour du bien s’interrompt quelquefois, lorsque la tiédeur, le contentement ou le plaisir viennent détendre la vigueur de l’âme, et font perdre de vue, sur le moment, la crainte de l’enfer ou le désir du bonheur futur. Ils constituent néanmoins comme des échelons dans le progrès, un apprentissage. Après avoir évité le vice, au commencement, par crainte du châtiment ou l’espoir de la récompense, il nous devient possible de passer au degré de la charité, où la crainte ne se trouve plus : «Il n’y a pas de crainte dans l’amour, mais l’amour bannit la crainte : car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour. Nous donc aimons Dieu, parce qu’il nous a aimés le premier.» (1 Jn 4,18-19). Nul autre chemin, pour nous élever à la perfection véritable : comme Dieu nous a aimés le premier sans égard à rien d’autre que notre salut, ainsi devons nous l’aimer uniquement pour son amour. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Un homme n’éteint en soi les flammes du vice que par peur de la géhenne ou l’espoir de la rétribution future. Cet autre se détourne avec horreur du mal et de l’impureté mêmes dans le sentiment de la divine charité. Il possède le bien de la pureté par le seul amour et désir de la chasteté. Ses yeux ne cherchent pas dans l’avenir la récompense promise, mais la conscience qu’il a du bien déjà présent lui est un profond délice. Il n’a jamais égard au châtiment, et n’agit que pour le bonheur qu’il trouve en la vertu. Entre les deux, la différence est grande. Le second, quand bien même il serait sans témoin, n’abusera pas de l’occasion, non plus qu’il ne laissera profaner son âme par les complaisances secrètes des pensées mauvaises. L’amour de la vertu a pénétré ses moelles; et loin qu’il donne accueil en son âme aux influences contraires, tout son être se soulève pour les rejeter. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

si, «connaissant la volonté de son maître, il agit de manière à encourir le châtiment, il sera battu rudement.» (Lc 12,47). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Il est vrai, l’Écriture loue ceux qui craignent Dieu : «Heureux tous ceux qui craignent le Seigneur» (Ps 127,1) et leur promet, par ce moyen, la béatitude parfaite. Cependant, elle dit aussi : «Il n’y a pas de crainte dans l’amour, mais l’amour parfait bannit la crainte; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour.» (1 Jn 4,18). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Celle-ci ne vient pas de la frayeur du châtiment ni du désir de la récompense; elle naît de la grandeur même de l’amour. C’est ce mélange de respect et d’affection attentive qu’un fils a pour un père plein d’indulgence, le frère pour son frère, l’ami pour son ami, l’épouse pour son époux. Elle n’appréhende ni coups ni reproches; ce qu’elle redoute, c’est de blesser l’amour de la blessure même la plus légère. En tout acte, jusqu’en toute parole, on la voit interdite de tendresse, dans l’effroi que la ferveur de la dilection ne se refroidisse à son égard si peu que ce soit. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Quant à la crainte du châtiment, l’apôtre Jean dit clairement : «Celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour, parce que la crainte suppose un châtiment.» (1 Jn 4,18). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Ainsi, la distance est considérable entre la crainte à quoi rien ne manque, trésor de la sagesse et de la science, et la crainte imparfaite. Celle-ci n’est que «le commencement de la sagesse», (Ps 110,10) et, supposant un châtiment, se voit bannir du coeur des parfaits, lorsque survient la plénitude de la charité : car «il n’y a point de crainte dans l’amour, mais l’amour parfait bannit la crainte.» (1 Jn 4,18). De fait, si le commencement de la sagesse est dans la crainte, où sera sa perfection, si ce n’est dans la charité du Christ, laquelle comprend en soi la crainte de dilection parfaite, et mérite pour ce fait d’être appelée, non plus le commencement, mais le trésor de la sagesse et de la science ? Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Donc il y a dans la crainte deux degrés. Le premier se remarque chez les commençants, qui tremblent encore servilement sous le joug. C’est d’eux qu’il est dit : «Le serviteur craindra son maître;» (Mal 1,6) et, dans l’Évangile : «Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son, maître.» (Jn 15,14). Il est dit encore ailleurs, comme une suite de cet état : «L’esclave ne demeure pas toujours dans la maison; mais le fils y demeure toujours.» L’Écriture veut par là nous persuader de passer de la crainte du châtiment à la pleine liberté de la charité, et à la confiance qui est le propre des amis et des fils. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Quant à la crainte servile du châtiment, vrai Fils de Dieu comme il était, «qui ne commit pas le péché, et dont la bouche ignora la ruse», (1 Pi 2,22) il ne pouvait l’avoir. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Cependant, petit à petit, la négligence et le temps finirent par effacer du regard de plusieurs et la faute et le terrible châtiment qui l’avait punie. C’est à ce moment que l’on vit surgir la race des sarabaïtes, ainsi appelée d’un terme copte, parce qu’ils se séparaient des communautés cénobitiques et veillaient eux-mêmes à leurs besoins. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

On a beaucoup dit sur la puissance suppliante et le mérite de la pénitence, de voix ou par écrit. On a montré ses avantages immenses, la vertu et la grâce qui sont en elle. S’il est permis de le dire, elle résiste en quelque sorte à Dieu, offensé par nos méfaits passés et prêt à nous infliger le juste châtiment de tant de crimes; elle retient comme malgré lui, si je puis ainsi m’exprimer, le bras de sa vengeance. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE

Le Christ ne contraint donc personne, par la nécessité du précepte, à s’élever sur le faîte sublime des vertus, mais il y provoque notre libre choix, nous excite par la bonté de son conseil, nous enflamme par le désir de la perfection. Où il y a précepte, en effet, il y a nécessité, et par suite, châtiment en cas de faute. Mais aussi, ceux qui observent seulement le minimum auquel les force la sévérité d’une loi catégorique, évitent plutôt la peine dont elle les menaçait, qu’ils ne gagnent une récompense. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Si enfin, poursuivait-il, vous entendez raison, et vous laissez fléchir au parti si cher à mon coeur, de nous consacrer tous deux au service du Seigneur, afin d’éviter le châtiment de la géhenne : je ne renie point l’amour conjugal; j’y veux, au contraire, plus de dilection que jamais. Car je reconnais alors en vous et révère l’aide que les jugements divins m’ont destinée, et je ne refuse pas de vous rester attaché dans le Christ par un indissoluble lien de charité. Non, je n’entends pas séparer de moi l’être que le Seigneur m’a uni par la loi de la première création, pourvu que vous soyez aussi de votre part ce que le Créateur a voulu. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Cela seut manifeste bien clairement que le jeune est chose indifférente : qu’il justifie, si on l’observe; mais ne damne pas, si on le rompt, sauf le cas où la transgression d’un précepte, plutôt que l’usage de la nourriture, réclamerait un châtiment. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Par conséquent, lorsqu’il s’agit de pratiques auxquelles nous voyons un mode et un temps déterminés, et dont l’observance sanctifie, sans pourtant qu’il y ait faute à les omettre : manifestement, elles sont de soi indifférentes. Ainsi, le mariage, l’agriculture, les richesses la retraite au désert, les veilles, la lecture et la méditation des livres sacrés, le jeûne enfin, qui fut l’occasion de ce discours. Ce sont là des buts pour notre activité, que ni les préceptes divins ni l’autorité des saintes Écritures ne nous ordonnent de poursuivre avec une telle continuité, que ce soit un crime de prendre quelque relâche. Tout ce qui fait l’objet d’un commandement proprement dit, nous mérite la mort, s’il n’est observé; mais ce qui est plutôt conseillé qu’ordonné, procure des avantages, si on le fait, sans attirer de châtiment, si on l’omet. Aussi nos pères nous ont-ils recommandé de ne nous livrer à toutes ces pratiques, à certaines du moins, qu’avec prudence et circonspection, tenant compte du pourquoi, du lieu, du mode, du temps. C’est qu’en effet tout va à souhait, si elles viennent opportunément; mais embrassées mal à propos, elles sont nuisibles autant que déplacées. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Le texte poursuit : Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés (1 Cor, 11,31). En d’autres termes : Si nous nous jugions nous-mêmes indignes de recevoir les sacrés mystères, toutes les fois que la blessure du péché nous a prévenus, nous prendrions soin de nous en approcher dignement, en nous amendant par la pénitence. Au lieu de quoi, le Seigneur est obligé de châtier notre indignité par le dur fouet des maladies. Par cette méthode du moins, viendrons-nous à la componction; et nous irons chercher le remède à nos blessures, dans la crainte d’être condamnés, au siècle à venir, avec les pécheurs de ce monde, n’ayant pas été jugés dignes du châtiment passager de la vie présente. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE