Cassiano: célestes

De vrai, c’est la foi qui fait éviter la souillure du vice par crainte du jugement futur et des éternels supplices; c’est l’espérance qui rappelle notre esprit des choses présentes et, dans l’attente des célestes récompenses, méprise tous les plaisirs du corps; c’est la charité qui, nous enflammant d’une sainte ardeur à l’amour du Christ et à cueillir le fruit des vertus spirituelles, nous inspire une aversion suprême pour tout ce qui leur est contraire. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Le moyen, en effet, d’atteindre aux vertus, qui forment le second degré de cette discipline active, ou bien aux mystères des choses spirituelles et célestes, où consiste le degré plus sublime encore de la théorie, si l’on n’a pu comprendre la nature de ses vices, si l’on ne s’est point efforcé de les extirper ? La logique le dit : Qui n’a pas su vaincre les difficultés moindres, ne doit pas songer à poursuivre plus haut; qui n’a pu concevoir ce qui lui est inné, saisira beaucoup moins encore ce qui lui est étranger. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

Ne vous laissez pas entraîner à donner des leçons aux autres par l’exemple de quelques-uns. Ils ont acquis de l’habileté à discourir, une parole aisée qui semble couler de source; et parce qu’ils savent disserter élégamment et avec abondance sur tout sujet qu’il leur plaît, ils passent pour posséder la science spirituelle aux yeux de ceux qui n’ont pas appris à en discerner le véritable caractère. Mais c’est tout autre chose, d’avoir quelque facilité de parole et de l’éclat dans le discours, ou d’entrer jusqu’au coeur et à la moelle des paroles célestes, et d’en contempler du regard très pur de l’âme les mystères profonds et cachés. Ceci, la science humaine ne le donne pas, ni la culture du siècle, mais la seule pureté de l’âme, par l’illumination du saint Esprit. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

Un exemple rendra plus manifeste la vérité que nous essayons d’établir. Qu’il me suffise de citer un seul commandement de la loi. Par lui, je vais prouver que tous les célestes préceptes, sans exception, s’étendent au genre humain dans son entier, mais à chacun selon l’état où il est parvenu. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

Cependant, un vif sentiment de componction me remuait intérieurement. Il se traduisit bientôt par de profonds soupirs : «Toutes les pensées, dis-je, que vous avez développées avec tant d’éloquence, ajoutent encore au découragement dont j’avais à souffrir. Outre les captivités de l’âme qui sont communes à tous, et les distractions qui battent du dehors les esprits encore faibles, je trouve un obstacle particulier à mon salut dans la médiocre connaissance que je parais avoir de la littérature. Zèle du pédagogue, ou application de l’élève, je m’en suis imprégné jusqu’au fond. Avec un esprit de la sorte infecté des oeuvres des poètes, les fables frivoles, les histoires grossières dont je fus imbu dès ma petite enfance et mes premiers débuts dans les études, m’occupent même à l’heure de la prière. Je psalmodie, on j’implore le pardon de mes péchés; et voici que le souvenir effronté des poèmes jadis appris me traverse l’esprit, l’image des héros et de leurs combats semble flotter devant mes yeux. Tandis que ces fantômes se jouent de moi, mon âme n’est plus libre, d’aspirer à la contemplation des choses célestes. Cependant, les larmes que je répands chaque jour ne réussissent pas à les chasser. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

Sur ceux qui paraissent avoir quelque semblant de science, ou qui, tout en s’adonnant avec ardeur à lire les volumes sacrés et à les apprendre de mémoire, ne quittent point les vices de la chair, les Proverbes ont cette expression fort heureuse : «Comme d’un anneau d’or au nez d’un pourceau, ainsi en va-t-il de la beauté dans une femme de mauvaise vie.» (Pro 11,22). Car quel avantage pour l’homme de posséder les joyaux des célestes paroles et les beautés sans prix de l’Écritures, s’il s’enlise dans la boue par ses oeuvres et ses pensées ? Ne semble-t-il pas alors fouiller une terre immonde, y mettre en pièces ses trésors et les souiller dans le bourbier fangeux de ses passions impures ? La science est parure à qui en use bien. Mais que le sort est différent de ceux qui la profanent de cette sorte ! Dans leur fange, qu’elle fait encore plus profonde, elle se couvre d’éclaboussures à son tour. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

Tant que le petit nombre de ceux qui demeuraient alors au désert, nous laissa la liberté de nous perdre en ses immenses solitudes; aussi longtemps qu’une retraite plus profonde nous rendit possible d’être ravis fréquemment en ces célestes transports; tant que la multitude des visites ne fut pas venue nous charger de soins et d’embarras infinis, par la nécessité de pourvoir aux obligations de l’hospitalité : j’ai embrassé d’un désir insatiable et d’une ardeur sans réserve le secret tranquille de la solitude, et cette vie comparable à la béatitude des anges. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

C’est pourquoi, désertant toute pensée mauvaise et, plus encore, toute pensée terrestre, il faut élever toujours l’attention de notre âme aux choses célestes : «Où je suis, là aussi sera mon serviteur,» (Jn 12,29) dit le Seigneur. Eh quoi ? n’arrive-t-il pas fréquemment aux gens dépourvus d’expérience, que, revenant en pensée sur leurs propres chutes ou sur celles des autres, comme pour les déplorer, la pointe subtile du consentement mauvais les blesse; et ce qui avait commencé avec les couleurs de la piété, s’achève dans le péché de l’impudicité : «Il est des voies qui paraissent, droites à l’homme, mais dont l’issue est au fond de l’enfer.» Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE

Il répondait en alléguant la condition de l’humaine nature, combien fragile, combien incertaine ! Quel péril à s’engager dans les désirs et les oeuvres de la chair ! Il ajoutait qu’il n’était loisible à personne, de mettre comme une frontière entre soi et le bien que l’on avait reconnu infiniment digne d’être embrassé. Puis, il y avait plus de danger à mépriser le bien connu, qu’à ne pas l’aimer inconnu. Lui-même, n’était-il pas déjà sous la prévarication, dès là qu’ayant découvert des biens si magnifiques et si célestes, il leur en avait préféré de terrestres et de sordides ? Les grandeurs de la perfection convenaient à tout âge, à tout sexe; tous les membres de l’Église étaient invités à gravir les hauteurs des vertus les plus sublimes : Courez, avait dit l’Apôtre, afin de remporter le prix. (1 Cor 9,24). Les retards des apathiques et des lâches ne devaient point retenir la prompte ardeur des enthousiastes. N’était-ce pas le droit, que l’avant-garde entraînât les paresseux, plutôt que de voir sa course entravée par leur poids mort ? Au surplus, sa résolution était prise, de renoncer au siècle et de mourir au monde, afin de vivre à Dieu; et s’il ne pouvait obtenir ce bonheur, de passer avec sa compagne dans la société du Christ, il aimait mieux être sauvé avec un membre de moins, et entrer mutilé dans le royaume des cieux, plutôt que d’être damné avec son corps entier. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

GERMAIN. — Vous avez dit tout à l’heure qu’à moins d’être saint, on ne doit pas participer aux célestes mystères; maintenant, vous ajoutez qu’il est impossible à l’homme d’être complètement exempt de faute. Si personne n’est libre de faute, personne n’est saint. Si personne n’est saint, personne ne peut participer aux mystères, personne non plus ne doit espérer le royaume des cieux, que le Seigneur ne promet qu’aux saints. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE