Cassiano: anachorètes

C’était un homme d’une éminente sainteté et remarquable entre tous. Après qu’on l’eut arraché du milieu des anachorètes, pour le faire évêque de Panephysis, il ne laissa pas de demeurer strictement fidèle, toute sa vie durant, à l’idéal de la vie solitaire. On ne le vit jamais relâcher rien de sa première humilité, ni se complaire à la dignité dont il avait été honoré. Si on l’avait appelé à cette charge, ce n’était pas, à l’en croire, qu’il y fût propre mais plutôt il gémissait d’avoir été chassé du désert, comme indigne de la vie que l’on y mène, parce que, en trente-sept années qu’il y était demeuré, il n’avait pas su parvenir à la pureté d’âme que réclame une profession si haute. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Trois anachorètes parvenus aux dernières limites de la vie humaine y demeuraient, Cheremon, Nesteros et Joseph. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Que faisons-nous ? dit-il. De quel immense péril nous voyons-nous environnés, et quelle misérable condition est la nôtre ! La doctrine et la vie même de ces saints anachorètes nous enseignent de la manière la plus efficace ce qui serait le meilleur pour notre avancement dans la vie spirituelle; mais la parole donnée à nos supérieurs ne nous laisse pas libres de l’embrasser. Par les exemples de si grands hommes, nous pouvions, en effet, nous former à une vie plus parfaite, si l’engagement que nous avons pris ne nous pressait instamment de retourner à notre monastère. De plus, une fois rentrés, on ne nous accordera jamais la permission de revenir ici. D’autre part, si nous préférons contenter nos désirs en demeurant, que faisons-nous de la foi du serment ? Car, afin d’obtenir congé de visiter, ne fût-ce qu’en courant, les saints et les monastères de cette province, nous avons juré à nos supérieurs de faire le plus prompt retour. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH

Nous nous embarquâmes; et, après avoir longtemps vogué, comme nos yeux avides cherchaient de toutes parts ces géants sublimes de la vertu, notre regard distingua tout d’abord, tel un phare élevé, l’abbé Piamun. Des anachorètes qui habitaient en cet endroit, il était a la fois l’abbé et le prêtre. Placé, comme la cité dont parle l’Évangile, (cf. Mt 5,14) sur le sommet de la montagne, il était naturel qu’il brillât aussitôt à nos yeux. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

La deuxième est celle des anachorètes, qui, après avoir été formés aux monastères des cénobites et s’être rendus parfaits dans la vie active, ont préféré le secret de la solitude. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Origine et commencements des anachorètes. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Du nombre de ces parfaits, comme les fleurs et les fruits d’une tige féconde, sortirent les saints anachorètes. Saint Paul et saint Antoine, que je viens de nommer, sont connus pour être les auteurs de cette profession. Ce ne fut pas, comme pour certains, la pusillanimité ni le vice de l’impatience, mais le désir d’un progrès plus sublime et le goût de la divine contemplation, qui leur firent gagner les secrets de la solitude; bien que, dit-on, le premier ait été contraint de fuir au désert par les embûches de ceux de sa parenté, en un temps de persécution. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Ainsi, de la première observance dont nous avons parlé, naquit un autre genre de vie parfaite. Ses tenants en sont avec raison nommés anachorètes, c’est-à-dire des hommes de retraite. Non contents d’avoir remporté sur le diable une première victoire parmi la société des hommes, en écrasant de leur talon ses pièges cachés, ils convoitent de lutter contre les démons à front découvert et les yeux dans les yeux. On les voit pénétrer sans peur dans les vastes retraites de la solitude. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Les deux premières espèces de moines, cénobites et anachorètes, se balancent à peu près pour le nombre, dans cette province mais dans les autres que les nécessités de la foi catholique m’ont forcé de parcourir, la troisième espèce, celle des sarabaïtes, pullule et se voit presque seule. Au temps de Lucius, qui était un évêque vendu à la perfidie arienne, alors que Valens gouvernait le monde, je dus porter le fruit d’une collecte à nos frères qui, de l’Égypte et de la Thébaïde, avaient été relégués dans les mines du Pont et de l’Arménie, pour leur fidélité a la foi catholique. Je pus voir, en quelques villes, des traces bien rares de vie cénobitique, pour les anachorètes, je ne sache pas que le nom même y ait jamais été entendu. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Celui-ci n’a point cessé de demeurer à Scété, dont il est actuellement le prêtre, désert glorieux, digne d’être célébré par toute la terre. Il y a fait paraître un tel amour de la retraite, que les autres anachorètes lui ont donné le surnom de Bubale, le boeuf sauvage, pour le désir en quelque sorte inné qu’ils voyaient en lui de la solitude et son goût à s’y tenir continuellement caché. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

À ce discours de l’abbé Piamun, le désir qui déjà nous avait inspiré de quitter l’école élémentaire du monastère cénobitique, pour tendre au degré supérieur des anachorètes, s’enflamma encore davantage. C’est sous lui que nous apprîmes les premiers principes de la vie solitaire, dont nous devions acquérir ensuite, à Scété, une connaissance plus parfaite. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Plusieurs ont poussé au delà des bornes ce relâchement funeste. Nous sommes loin de la goutte d’huile que nos prédécesseurs dans la vie érémitique, si supérieurs à nous par la rigueur de leur abstinence, laissaient tomber sur le vinaigre et la saumure mêlés, dans le dessein seulement d’éviter la vaine gloire. On brise, pour flatter la délicatesse du goût, du fromage d’Égypte, et l’on y répand l’huile plus qu’il ne serait nécessaire : deux mets qui ont chacun son agrément, et pourraient très, bien faire au moins deux régals différents, en des moments divers, s’unissent ainsi, pour caresser le palais plus délicieusement. Jusqu’où ne se porte pas cette fureur de posséder ? Je ne puis le rappeler sans rougir : les anachorètes se sont mis, sous prétexte d’hospitalité et d’accueil à faire aux étrangers, à posséder dans leur cellule une couverture ! Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Des lieux que les anachorètes doivent rechercher de préférence. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM