Cassiano: actions

7. J’appelle “chrétien” le fidèle qui, selon ses forces, tâche dans ses paroles, dans ses actions et dans toute sa conduite, de marcher sous les étendards de Jésus Christ, et qui, par une foi pure, sincère et ardente, par une vie sainte, et par une charité enflammée, est tout dévoué à la très sainte Trinité. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ

27. Il est encore d’un grand intérêt de cacher la splendeur de votre naissance et l’éclat de votre nom, afin que votre vie et vos actions n’annoncent autre chose que l’amour de Dieu et de votre salut. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ

3. L’obéissance est donc un renoncement parfait à sa propre volonté, lequel se fait remarquer par des actions extérieures; ou plutôt, c’est une entière mortification des passions dans une âme pleine de vie, c’est un mouvement qui nous fait agir avec une simplicité parfaite et sans aucune préférence, c’est une mort volontaire, une vie exempte de toute curiosité, une assurance au milieu des dangers, un excellent moyen de défense pour paraître devant Dieu, une sécurité désirable à l’heure de la mort, une navigation sans écueils et sans tempêtes, et un voyage qu’on fait en sûreté et sans peine. Oui l’obéissance donne à une âme la paix et le calme contre la crainte de la mort, ensevelit la volonté, et fait vivre l’humilité; elle ne résiste et ne contredit jamais; elle ne prononce aucun jugement, et regarde avec une égale indifférence les biens et les maux de la vie présente. Aussi l’homme qui aura saintement mortifié son coeur sous le joug de l’obéissance, n’aura rien à craindre pour ses actions, et paraîtra devant Dieu avec une confiance assurée. Enfin disons que l’obéissance est un renoncement entier à ses lumières personnelles et à son propre jugement, pour les soumettre parfaitement aux lumières et au jugement d’un supérieur. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ

6. Ainsi, lorsque nous avons enfin pris la résolution de porter le joug de Jésus Christ, et de confier à un père spirituel le soin et la conduite de notre âme, nous devons, s’il nous reste tant soit peu de jugement et de sagesse, bien voir et bien peser quelles sont les lumières et la prudence de celui à qui nous allons confier une affaire d’une aussi haute importance; et, si j’ose m’exprimer ainsi, il nous faut tout employer pour connaître le directeur que nous choisissons, afin que nous n’ayons pas le malheur de tomber entre les mains d’un mauvais matelot, au lien d’un pilote expérimenté; d’un homme ignorant et malade lui-même, au lieu d’un médecin sage et prudent; d’une personne remplie de vices, au lieu d’une personne d’une vertu consommée, et d’un esclave de ses passions, au lieu de quelqu’un qui en serait parfaitement délivré : et qu’ainsi, en voulant éviter Scylla, nous ne tombions dans Charybde, et que nous ne fassions un déplorable naufrage. Au reste, une fois que nous serons entrés dans la carrière de la piété et de l’obéissance, nous devons absolument nous interdire tout jugement sur le vertueux directeur que nous aurons choisi, et ne censurer en aucune façon sa conduite, ni ses actions, quand même nous remarquerions en lui certaines imperfections et certaines chutes : hélas, nul homme sur la terre n’en est exempt ! En agissant autrement, nous ne retirerions aucun fruit de notre obéissance. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ

7. Que cette considération nous fasse comprendre combien il nous est nécessaire, pour avoir en nos directeurs une confiance parfaite et constante, de graver si profondément dans nos esprits et dans nos coeurs, les bonnes oeuvres et les vertus que nous leur voyons pratiquer; que rien ne soit capable de les effacer de notre mémoire, et que, lorsque les démons chercheraient à nous porter à nous défier des lumières et de la sagesse des directeurs qui nous conduisent, nous repoussions victorieusement cette tentation par le souvenir de leurs bonnes et saintes actions. Car nous ne pouvons révoquer en doute que nous nous portons à faire ce qui nous est ordonné, avec d’autant plus de zèle et de promptitude, que nous avons plus de confiance en celui qui est à notre tête. Aussi pouvons-nous assurer que ceux qui manquent de confiance en leurs directeurs, sont bien près de tomber, si déjà ils ne sont pas tombés, puisque “tout ce qui ne vient pas de la confiance est péché.” (Rom 14,23). L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ

8. Si donc il vous vient quelques pensées de juger et de condamner votre directeur, rejetez-les avec autant d’horreur que vous devez rejeter la pensée de faire une action déshonnête avec une vierge. Cette tentation est une vipère de l’enfer, à laquelle vous devez fermer toute entrée, toute ouverture, et refuser toute place dans votre coeur. Dites avec un saint orgueil, à ce dragon : “Sache, infâme imposteur, que je n’ignore pas que ce n’est pas moi qui ai reçu le pouvoir de juger les actions de mon père spirituel, et que je sais parfaitement que c’est lui qui a le droit incontestable de juger les miennes.” L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ

25. Mais, hélas, père saint, et vous troupeau fidèle si chéri de Dieu, ma vie entière ne suffirait pas, si je voulais raconter ici toutes les vertus et les actions vraiment célestes de ces moines; cependant j’estime comme très important de vous retracer leurs travaux et leurs sueurs: cette vue sera bien plus capable d’enflammer vos coeurs d’une noble ardeur pour le ciel, que les instructions que je vous donnerais, et les exhortations que je vous adresserais. Au reste, tout le monde sait que souvent les choses défectueuses sont corrigées par celles qui sont plus parfaites. Ce que je vous conjure de m’accorder, c’est de croire que tout ce que je vous raconte ici, ne contient ni fable ni fiction, mais que c’est le langage de la plus exacte vérité : car je sais que le doute seul qu’on a sur la vérité d’un fait, suffit pour empêcher qu’on en retire des fruits et des avantages. Reprenons le cours de notre discours. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ

38. Il avait bien raison; car les pères se mirent à raconter quelques excellentes actions de ce saint homme, et, entre autres, qu’un jour l’abbé avait bien mis à l’épreuve sa patience toute céleste. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ

40. Or parmi ces hommes d’une éternelle mémoire, il y en avait un qui m’aimait beaucoup en Dieu, et qui me parlait avec une grande liberté. Il me dit donc un jour, avec une affection toute particulière : “Si vous, mon père, qui êtes si sage, éprouvez la force de celui qui, dans le ravissement de son coeur, s’écriait : Je peux tout en celui qui me fortifie (Phil 4.13); si l’Esprit saint est descendu en vous comme une rosée de grâces et de pureté, ainsi qu’il descendit autrefois dans la très sainte Vierge, et si la force du Très-Haut vous environne par la patience, ceignez vos reins, à l’exemple de l’Homme-Dieu, d’un linge blanc, qui est l’obéissance, et comme Lui, levez-vous de table, c’est-à-dire sortez de la solitude; afin de laver les pieds de vos frères dans l’eau pure de la componction et de la pénitence, ou plutôt jetez-vous à leurs pieds dans les sentiments de l’humilité la plus profonde; mettez à la porte de votre coeur des gardes qui ne s’endorment jamais, et qui ne soient jamais de connivence avec vos ennemis; arrêtez l’instabilité et la légèreté de votre esprit, en le fixant invariablement, malgré les distractions et la dissipation que lui causent sans cesse et l’agitation des affaires et les importunités des sens; conservez un repos parfait au milieu des mouvements et des soins dont la vie est continuellement agitée. Ici-bas; et, ce qui est encore plus rare, plus difficile et plus admirable, demeurez ferme et immobile dans le sein des troubles et des tempêtes qui se succèdent sans cesse. Liez votre langue par les chaînes d’un silence parfait, et empêchez-la de tomber dans des disputes hardies et dans des contradictions audacieuses; combattez soixante et dix sept fois le jour contre cette souveraine impérieuse et tyrannique; portez la croix de Jésus Christ dans votre coeur, et comme on enchâsse une enclume dans du bois, enchâssez de même votre esprit dans elle, de sorte qu’il soit capable de résister à tous les coups, à toutes les tentations, à tous les affronts, à toutes les calomnies, à toutes les railleries et à toutes les injustices qui pourront vous arriver, de manière à n’en être jamais ni blessé, ni offensé, ni agité, ni affligé, ni découragé, ni abattu, mais à persévérer immuablement dans la paix et dans le calme. Dépouillez-vous de votre volonté, comme d’un vêtement d’ignominie, et entrez ainsi tout nu dans la carrière céleste; et ce qui est certainement bien rare et bien difficile, soyez d’une confiance entière et inébranlable dans celui qui doit et veut vous couronner après la victoire, et qu’elle soit telle qu’elle ne puisse être pénétrée ni par les flèches du doute ni par les traits de la défiance. Mortifiez exactement vos sens par les austérités de la tempérance, et prenez bien garde que vous n’ayez à souffrir cruellement de leur fureur audacieuse et insolente. Servez-vous avantageusement de la méditation de la mort pour combattre et vaincre la curiosité de vos yeux, qui ne demandent sans cesse qu’à contempler la beauté des créatures sensibles. Faites en sorte de retenir l’indiscrétion et l’injustice de votre esprit, qui, tandis que vous vous livrez vous-même à la négligence la plus condamnable, vous porte à juger mal des actions et de la conduite de vos frères; et tâchez de le porter à exercer envers eux tous les devoirs d’une charité sincère. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ

54. Comment en effet observera-t-il les règles et les devoirs de l’obéissance dans ses actions, celui qui les viole avec tant d’insolence dans ses paroles ? et ne sera-t-il pas, dans toutes les autres choses plus nécessaires et plus importantes, tel qu’on le trouve dans celles qui sont moins grandes et moins nécessaires ? Aussi devons-nous voir qu’il travaille en vain, et qu’il ne recueillera, de sa prétendue obéissance, qu’un jugement terrible et une sentence de mort. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ

108. Dieu, par une faveur singulière, accorde à ceux qui sont vraiment enfants de l’obéissance de voir et de contempler les vertus de leur supérieur, et leur cache adroitement ses mauvaises qualités et ses mauvaises actions. Le démon, qui est l’ennemi déclaré de la vertu, fait tout le contraire. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ

17. Si c’est la perfection de la douceur d’être calme et tranquille, et de conserver des sentiments d’amour et d’affection pour la personne qui nous a offensés, même en sa présence, n’est-ce pas le comble de la fureur de nous emporter et de manifester notre colère par des paroles et des actions contre celui qui nous a mortifiés et irrités, lorsque nous sommes seuls, et qu’il est loin de nous. L’Échelle Sainte: HUITIÈME DEGRÉ

12. Vous donc qui censurez avec tant d’aigreur les actions de vos frères, daignez m’écouter et me croire. Ne devez-vous pas trembler ? Car elle est vraie et très vraie cette sentence : Vous serez jugés de la même manière que vous aurez jugé les autres.” (Mt 7,2). Eh ! Ne devons-nous pas craindre que, soit pour le corps, soit pour l’âme, nous ne tombions nous-mêmes dans les mêmes défauts que nous condamnons dans notre prochain ? La chose est sûre ! L’Échelle Sainte: DIXIÈME DEGRÉ

16. Mais n’oubliez pas qu’une marque sûre pour reconnaître les vindicatifs et les envieux, c’est la facilité avec laquelle vous voyez qu’ils critiquent malignement la doctrine, la conduite et les actions des autres. C’est un esprit de haine qui les pousse et les fait ainsi parler. Voyez encore jusqu’où peut aller l’aveuglement sur cette matière. L’Échelle Sainte: DIXIÈME DEGRÉ

3. Un moine sincèrement attaché au devoir de l’obéissance, ignore absolument ce que c’est que l’acédie; car il se perfectionne dans la vertu, en se livrant aux actions extérieures qui lui sont commandées par son supérieur. L’Échelle Sainte: TREIZIÈME DEGRÉ

25. Parmi les malheureuses victimes des plaisirs charnels, j’ai rencontré un homme qui était enfin revenu à lui-même, et qui, par les travaux d’une conversion et d’une pénitence sincère, travaillait à son salut. Or voici ce qu’il m’a raconté : “Les personnes, me dit-il, qui se laissent aller à l’incontinence, sont agitées et tourmentées d’une ardeur violente pour les objet si corporels, elles sont possédées d’un démon furieux et cruel, lequel est assis en tyran sur leur propre coeur, et y fait sentir son infâme empire par des signes non équivoques; de sorte que, lorsqu’elles sont tentées, et qu’elles contente leur brutale passion, elles éprouvent dans elles-mêmes les douleurs d’un feu semblable à celui d’une fournaise embrasée; qu’elles sont si horriblement hors d’elles, qu’elles ont perdu toute crainte de Dieu et des supplices éternels qu’elles n’envisagent que comme des choses fabuleuses; qu’elles ont la prière en horreur; que la vue d’un cadavre ne fait pas plus d’émotion sur elles que la vue d’une pierre; et qu’elles sont si absorbées et si dévorées par le désir de se satisfaire par des actions infâmes, qu’elles en perdent entièrement la raison, et ressemblent plus à des bêtes furieuses qu’à des créatures raisonnables. Hélas ! si de tels jours n’étaient pas abrégés, pourrait-il y avoir une seule âme, qui, dans la prison d’un corps de sang et de boue, fût capable d’obtenir le salut ? car, dès lorsqu’on se figure que les horreurs auxquelles on se livre, conviennent aux exigences d’une nature corrompue, on les recherche avec une avidité insatiable. Si le sang se plaît dans le sang, le ver au milieu des vers, et que le limon se trouve bien avec le limon, la chair ne doit-elle pas aimer les oeuvres de la chair ?” Nous tous qui voulons sincèrement faire violence à la nature, afin d’obtenir le royaume des cieux, n’oublions pas que notre chair ne cherche qu’à nous tromper et à nous trahir, que nous devons la combattre, l’affaiblir et la soumettre par toute sorte de moyens et de pieuses industries. Estimons heureux ceux qui n’ont pas éprouvé les malheurs affreux qui frappent les personnes dominées par le démon de l’impureté, et conjurons avec la plus vive instance le Seigneur de nous préserver à jamais d’une si funeste expérience; car ils sont bien loin de cette échelle mystérieuse par laquelle le patriarche Jacob vit les anges monter et descendre, ceux qui sont malheureusement tombés dans l’abîme de l’impureté, et pour s’en approcher et y monter, ils ont besoin de répandre bien des sueurs et des larmes, supporter bien des peines et des travaux, et se dévouer à des jeûnes et à des austérités bien rigoureuses. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ

54. Qu’on évite avec soin pendant le jour de repasser dans la mémoire les songes et les fantômes qui pendant la nuit auraient troublé l’imagination; car c’est, pour nous porter à quelques actions déshonnêtes, que les démons excitent en nous ces accidents nocturnes. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ

76. Certains disent que ce sont les pensées qui prennent naissance dans le coeur, lesquelles portent le corps à des actions d’impureté. D’autres, au contraire, soutiennent que c’est par le moyen des organes et des sens du corps que les pensées sont excitées dans l’esprit. D’autres assurent que le corps ne fait qu’obéir à l’esprit, et le suit : enfin on en rencontre quelques autres qui, pour prouver que l’esprit est moins coupable que le corps, on plutôt que le corps est seul coupable, démontrent, autant qu’ils le peuvent, que très souvent les mauvaises pensées ne se glissent dans l’esprit que par la vue d’un objet agréable, d’une beauté qui frappe et éblouit, par de simples touchers de mains, par la bonne odeur des parfums qu’on respire, et par la douceur des sons qu’on entend. Pour moi, je prie très humblement dans le Seigneur, celui qui connaîtrait où en sont réellement les choses, de nous l’apprendre; car cette connaissance est très utile et même nécessaire à ceux qui ne veulent agir et ne se déterminer que par principe et avec certitude; mais elle est fort inutile à ceux qui ne désirent servir Dieu qu’avec simplicité de coeur. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ

83. Les démons cherchent à envelopper notre esprit dans des ténèbres épaisses, et puis, à porter notre coeur à chérir ce qu’ils aiment eux-mêmes. Ainsi, à moins qu’un religieux ne ferme les yeux de son âme à la lumière, le démon ne pourra lui ravir le précieux trésor de l’innocence. Mais c’est surtout de cette manière que le démon de l’impureté nous attaque et nous tente, il répand quelquefois tant de ténèbres dans l’esprit d’un pauvre moine, et par cette obscurité opère une telle confusion et un désordre si affreux dans sa raison, qu’il va jusqu’à lui faire commettre, en présence même de ses frères, des actions et des crimes dont un insensé seul serait capable. Mais qu’arrive-t-il ensuite ? Notre âme revient de sa funeste ivresse, la passion se calme, nous rentrons en nous-mêmes, et nous n’avons qu’à rougir de notre honteux aveuglement, et à gémir sur nos déplorables excès, sur les paroles que nous avons dites, sur les gestes que nous avons faits, sur les actions que nous avons commises, et sur l’état humiliant dans lequel nous nous sommes réduits en présence de tant de témoins. Cependant d’un mal il est plusieurs fois résulté un bien; car il est arrivé que cette honte des pécheurs, en considérant la conduite infâme qu’ils avaient tenue, les a convertis, et les a portés à se corriger de leur passion. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ

34. Prenez donc bien garde d’ajouter foi aux insinuations perfides du démon; car c’est un trompeur rusé, et un insigne enchanteur. Il ne remarquera pas de vous persuader que vous devez faire connaître aux autres les excellentes qualités et les bonnes dispositions de votre coeur pour la vertu, et de les publier, afin de les édifier et de procurer par ce moyen le salut à plusieurs. Dans cette tentation si délicate, ne perdez pas de vue ces paroles de l’évangile : “Que servira-t-il à un homme d’avoir gagé l’univers entier, s’il vient lui-même à perdre son âme ?” (Mt 16,26) Rien ne porte davantage et plus efficacement à la piété que l’humilité et la simplicité de nos actions; car ces vertus sont elles-mêmes une leçon solide et frappante qui fait assez connaître aux autres combien il est funeste de se laisser emporter par l’orgueil ; et je ne sais pas s’il serait possible de trouver quelqu’autre chose qui fût plus avantageuse et plus salutaire. L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ

35. Un homme des plus éclairés et des plus capables de pénétrer dans l’obscurité de ces mystères, m’a confié ce qu’il avait observé lui-même : “Un jour, me dit-il, que j’étais au milieu de mes frères, deux affreux démons, l’un, de la vaine gloire, et l’autre, de l’orgueil, vinrent se placer à mes côtés. Le premier me toucha de son doigt et m’excita à raconter à ceux qui étaient avec moi, certaines visions extraordinaires que j’avais eues, et certaines actions que j’avais faites dans le désert; mais ayant repoussé vigoureusement ce malin esprit, en lui adressant ces paroles : Que ceux qui veulent m’accabler de maux, soient obligés de retourner en arrière, et soient couverts de confusion. (Ps 39,15). Celui qui s’était placé à ma gauche, me dit de suite à l’oreille : Courage ! courage! quelle belle action vous venez de faire ! Oh! combien vous avez fait preuve de prudence et de courage par la victoire que vous avez remportée sur ma mère, assez osée pour vous attaquer ! Mais je répondis à celui-ci parles paroles qui sont à la suite de celles que j’avais adressées au premier : Que ceux qui disent : courage! courage ! vous avez bien fait ! soient couverts de la confusion qu’ils méritent.” (Ps 39,16) Je me donnai la liberté de demander à ce père, comment il pouvait se faire que l’orgueil tirât son origine de la vaine gloire. Voici la réponse qu’il me fit “Les louanges qu’on nous donne, enflent et élèvent notre âme, et, lorsqu’elle est ainsi élevée, l’orgueil s’empare d’elle, la fait, pour ainsi dire, monter jusqu’au ciel pour la précipiter ensuite dans l’abîme.” L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ

37. Vous comprendrez que la gloire qu’on vous donne, vient du démon de l’orgueil, quand vous ferez, toutes vos actions dans l’intention et le désir d’être vu et remarqué par les hommes; car cette passion trompeuse et impure nous suggère de paraître ornés de vertus que nous sommes bien loin de pratiquer, de sorte que nous nous figurons faussement que c’est à nous que Jésus-Christ a donné cet avis : “Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils connaissent les bonnes oeuvres que vous faites.” (Mt 5,16). L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ

3. Voulons-nous éviter de tomber dans l’abîme que nous a creusé le démon de l’orgueil ? faisons d’abord attention que c’est par les actions de grâces que nous rendons à Dieu, qu’il a coutume de se glisser et d’établir sa demeure dans nos coeurs; car il est trop rusé et trop bien avisé pour nous porter tout d’un coup à renoncer à Dieu. J’en ai vu plusieurs qui, tandis que de bouche ils rendaient grâces à Dieu, s’élevaient intérieurement contre lui par des pensées de vanité. Nous avons un exemple bien frappant de ces sortes de personnes dans le pharisien de l’Évangile. N’était-ce pas de bouche, et non du fond de son coeur, qu’il disait à Dieu : “Seigneur, je Te rends grâces.” (Lc 18,11)? L’Échelle Sainte: VINGT-DEUXIÈME DEGRÉ

15. Il est donc pour ceux qui sont sujets à l’orgueil, d’une extrême importance d’avoir un sage et prudent directeur, de choisir le genre de vie le plus commun et le plus méprisable, de lire assidûment et de méditer souvent les beaux exemples des saints, et d’avoir sans cesse sous les yeux les actions qu’ils ont faites, quand même elles sembleraient être au dessus des forces de la nature humaine; c’est du moins, en se servant de ces différents moyens, que les malheureux esclaves de l’orgueil pourront avoir quelque espérance de se voir délivrés de ce vice. L’Échelle Sainte: VINGT-DEUXIÈME DEGRÉ

16. C’est une honte pour nous que de nous glorifier des choses qui ne sont pas à nous; mais y a-t-il moins de honte de nous enorgueillir des dons que nous avons reçus de Dieu ? N’est-ce pas là une action qui annonce le dernier degré de la folie ? Si vous voulez vous glorifier, faites-le; mais que ce soit des actions que vous avez faites avant de naître; car, pour celles que vous avez faites depuis votre naissance, elles sont des dons de Dieu aussi bien que votre existence. Si vous le voulez, pour être votre ouvrage, les vertus que vous avez pratiquées, avant la réunion de votre âme avec votre corps; mais celles que vous avez pratiquées depuis, sont des faveurs de la Bonté du Seigneur, aussi bien que votre âme; et si vous avez soutenu quelques combats, et fait quelques efforts, sans que votre corps n’ait eu quelque part à ces efforts et à ces combats, je consens encore que, vous vous en attribuiez à vous seul le mérite et la gloire; mais votre propre corps n’a-t-il pas toujours été l’instrument par lequel vous avez pratiqué telle ou telle vertu, et fait telle ou telle bonne oeuvre? Or sûrement votre corps ne vous appartient pas; il est à Dieu, c’est Lui qui vous l’a donné. Vos travaux, vos efforts et les effets qu’ils ont produits, tout dans vous doit donc être rapporté à Dieu, comme des choses qui Lui appartiennent essentiellement. L’Échelle Sainte: VINGT-DEUXIÈME DEGRÉ

18. La malice est une absence de vérité et de droiture; c’est une inclination à la perversité, aux pensées trompeuses, aux paroles de mensonge, aux actions dissimulées aux serments faux, aux équivoques et aux,ambiguïtés. L’Échelle Sainte: VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ

34. Quiconque désire avec une sainte ardeur d’arriver heureusement au port sûr et tranquille de l’humilité, doit chercher et employer tous les moyens capables de l’y conduire et de l’y faire entrer : tels que les résolutions fermes, les raisonnements salutaires, les pensées raisonnables, les prières ferventes, les méditations profondes, les supplications assidues, en un mot, tout ce qu’il pourra imaginer lui être utile pour la fin qu’il se propose, jusqu’à ce qui enfin, aidé de la grâce de Dieu, il se soit exercé dans les actions les plus viles et les plus humiliantes, qu’il ait retiré le vaisseau qui porte son âme, de la mer orageuse de l’orgueil, et qu’il l’ait introduit dans le port de l’humilité; car faisons attention que celui qui s’est délivré de l’orgueil, a bientôt satisfait à la justice de Dieu pour ses péchés. Le publicain de l’Évangile nous démontre cette consolante vérité. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ

55. L Seigneur sachant combien les habitudes corporelles contribuent puissamment à former l’âme à la vie de l’humilité, et voulant nous servir Lui-même d’exemple, se ceignit d’un linge pour laver les pieds à ses apôtres et pour nous apprendre le chemin qui conduit à l’humilité. En effet les affections de notre âme se forment assez ordinairement par les actions du corps, et elle s’accoutume facilement à ce que le corps fait extérieurement. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ

Mais si nous voulons définir le discernement d’une manière générale et qui puisse tout renfermer et convenir à tout, nous dirons et qu’elle est et qu’elle doit être une lumière intérieure qui nous fait connaître avec certitude, en tout temps, en tout lieu et dans toutes nos actions, qu’elle est la sainte et adorable volonté de Dieu, et que ceux-là seuls la reçoivent qui sont purs dans leurs affections, dans leurs actions et dans leurs paroles. 2. Celui qui par l’esprit de Dieu a vaincu trois ennemis de son salut, vient bien facilement à bout de terrasser les cinq autres; mais celui qui néglige d’attaquer et de vaincre ces trois ennemis, ne peut compter sur aucune autre victoire. Le discernement est donc une conscience sans tâche, elle n’habite que dans ceux dont les sens sont purs et chastes. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

Ils savent qu’aussitôt que leur âme fut délivrée et guérie de ses maladies mortelles, que leur esprit se trouva hors de ces ténèbres épaisses dans lesquelles il était enseveli, et que leur cœur fut purifié de la corruption du péché, ils eurent honte d’eux-mêmes, des actions qu’ils avaient faites et des paroles qu’ils avaient dites pendant leur déplorable captivité. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

Pour ce qui regarde les parfaits qui, par une piété fervente, ont consacré à Dieu toutes les pensées de leur esprit, tous les sentiments de leur cœur et toutes les actions de leur corps, voici l’alphabet qui leur convient : L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

18. La vie monastique doit remplir tous les sentiments du cœur, régler toutes nos actions, veiller sur nos paroles, former nos pensées et présider à tous nos mouvements : autrement ce ne serait pas une vie monastique, et bien moins, une vie angélique. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

25. Les anges sont une lumière pour les moines; les moines doivent être la lumière des autres hommes. C’est pourquoi ils sont obligés spécialement à faire tous leurs efforts pour devenir des hommes exemplaires, et pour ne jamais, soit dans leurs paroles, soit dans leurs actions, donner lieu à personne de se scandaliser; car si la lumière se change en ténèbres, que deviendront les ténèbres elles-mêmes, je veux dire ceux qui vivent au milieu du monde ? (cf. Mt 6,23) L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

32. Les habitudes vicieuses et invétérées ne se corrigent pas sans de grandes difficultés ni sans de grands efforts; les moines qui les ont encore fortifiées par de mauvaises actions continuellement répétées, ou tombent misérablement dans le désespoir, ou par leur aveuglement ne retirent aucun avantage de leur profession religieuse et de leur consécration à l’obéissance. Mais faut-il entièrement désespérer de ces personnes ? Non, parce que je sais que Dieu est tout-puissant et qu’Il peut les retirer de cet abîme. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

L’endurcissement du cœur prend naissance, et dans la bonne chère, et dans une certaine indifférence pour les choses saintes, et dans l’affection que nous avons pour les créatures; cette affection mondaine et sensuelle peut elle-même venir de l’esprit d’impureté, l’avarice, d’intempérance, de vaine gloire et de plusieurs autres causes. La colère et la malice tirent communément leur origine de l’enflure du cœur et de l’estime que nous avons pour nous; l’hypocrisie est le fruit de la complaisance que nous avons en nous-mêmes, de la confiance que nous mettons dans notre conduite, laquelle nous excite à penser et à croire que nous sommes capables de nous suffire, d’être maîtres et les arbitres de nos actions. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

74. Que dans toutes vos actions et dans tous vos exercices, votre règle soit de bien examiner, si vos démarches et vos opérations corporelles, ainsi que celles qui, tout purement spirituelles, sont conformes à la loi de Dieu; et cette règle regarde aussi bien ceux qui sont soumis au joug de l’obéissance, que ceux qui ne reconnaissent point de supérieur. Ainsi par exemple, si dès le commencement de notre carrière religieuse nous nous livrons a quelque exercice, qu’il soit peu ou qu’il soit beaucoup important, et qu’après nous y être appliqués, nous n’en soyons pas devenus plus humbles, il est bien à craindre que cet exercice n’ait pas été fait de manière à pouvoir être agréable à Dieu et conforme à sa sainte Volonté. En effet, étant si novices dans les voies de la vie religieuse, c’est assurément l’humilité qui peut nous faire connaître si nos actions sont selon Dieu; comme dans ceux qui sont fort avancés dans la perfection, ce sont le repos de l’âme et l’affranchissement des passions, qui leur donnent cette connaissance; et dans ceux qui sont enfin parvenus à cette perfection, c’est une surabondance de lumière céleste. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

90. Dans toutes les tentations auxquelles nous sommes exposés, les démons font tous leurs efforts pour nous faire dire ou faire des choses qui ne conviennent pas. S’ils ne peuvent obtenir de nous ce qu’ils souhaitaient, ils cherchent fort adroitement à nous faire rendre à Dieu des actions de grâces de la victoire que nous avons remportée, dans l’esprit et avec les sentiments orgueilleux. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

107. Il est des âmes généreuses qui, par l’amour ardent dont elles brûlent pour Dieu, vivant toujours dans la pratique d’une humilité profonde, font des efforts extraordinaires pour faire des actions qui sont au dessus de leurs forces; mais il est aussi des âmes orgueilleuses qui en agissent de même. Remarquez donc que le but et la fin ordinaires que dans ces circonstances se proposent les démons, nos cruels et impitoyables ennemis, c’est de nous engager à faire ce que nous ne pouvons pas, afin de nous faire omettre ce que nous pouvons, de nous en faire perdre le mérite et la récompense, et de nous exposer à leurs propres railleries. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

111. Celui qui, entendant raconter les belles actions que les Saints ont pratiquées, parce qu’elles surpassent les forces de la nature, se laisse aller à l’abattement et au désespoir, est un homme sans jugement et sans raison; car elles nous sont utiles, et même très utiles, sous deux rapports : elles nous excitent à faire tous nos efforts pour marcher sur les traces de ces âmes saintes et généreuses, elles nous portent par l’humilité à nous connaître nous-mêmes et à nous faire sentir notre misérable faiblesse. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

121. L’exemple et le récit des actions admirables que nos pères ont faites pour y parvenir, doivent nous toucher et nos animer d’une généreuse émulation. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

123. On a coutume d’admirer dans les autres les plus petites choses, pour deux raisons principales : par une grande ignorance, ou par une profonde humilité afin de faire connaître et de relever leurs belles actions. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

144. Si Dieu, afin de nous instruire et de nous corriger, permet que le Soleil de justice, pour me servir des expressions de David, après s’être levé dans notre âme, connaisse le moment où il doit se coucher et disparaître, et lui cause par son absence de profondes ténèbres et une nuit obscure, et si, pendant cette nuit désolante, lés lions furieux et les autres bêtes féroces, c’est-à-dire nos passions, reviennent sur nous, quoique nous les eussions d’abord terrassées et vaincues, font de nouveaux efforts pour nous enlever la belle espérance que nous avions de la victoire, et pour nous souiller en nous faisant consentir à de mauvaises pensées, et commettre des actions criminelles; si enfin notre humilité profonde fait de nouveau lever sur nous le soleil de lumière, et que toutes ces bêtes sauvages se rassemblent pour se retirer dans leurs tanières, au dans les cœurs de ces misérables qui ne se plaisent que dans les voluptés sensuelles, et ne plus nous inquiéter, alors les démons seront obligés d’avouer, mais à leur honte, que le Seigneur a fait de cc grandes choses en notre faveur (Ps 103,20-23), et qu’il nous a donne une preuve sensible de sa Bonté et de sa Bienveillance; pour nous, nous pourrons leur répondre : Oui certainement le Seigneur a fait de grandes choses, et nous en sommes inondés de joie (Ps 125,2-3). Quant à vous qui aurez souffert cette terrible épreuve de la part des démons, vous pourrez dire : Voici que le Seigneur montera sur une nuée légère, c’est-à-dire sur votre âme élevée au dessus de toutes les affections terrestres, et entrera dans l’Égypte, c’est-à-dire dans un cœur rempli naguère de ténèbres épaisses, entassées par les vents impétueux des passions, et toutes les idoles des Égyptiens sont tombées devant sa Face, je veux dire toutes les mauvaises pensées se sont dissipées. (cf. Is 19,1) L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

22. Comme des œufs qu’on fait couver dans un lieu chaud et caché, donnent des petits; de même des pensées tenues bien, soigneusement cachées, finissent ordinairement par produire des actions, et se manifestent de la sorte. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

30. Comme celui qui porte des parfums, malgré lui le fait savoir aux autres, à cause de l’odeur suave qu’ils répandent, de même une personne qui possède l’esprit de Dieu, malgré elle le fait connaître aux autres et par ses actions et par son humilité. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

66. La sensibilité est une chose qui est propre à notre âme; mais le péché frappe ce sentiment à coups redoublés et le couvre de honteux soufflets. C’est ce sentiment précieux qui dans notre conscience nourrit ou diminue la paix ou le remords; mais c’est la conscience elle-même qui donne naissance aux remords, et c’est la conscience que dirige et réprimande l’ange gardien que Dieu nous a donné dans notre baptême. C’est pour cette raison que nous voyons que les personnes qui n’ont pas reçu ce sacrement, n’éprouvent pas autant et d’aussi grands remords, lorsqu’elles commettent de mauvaises actions. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

3. Le véritable ami de la vie érémitique forme des résolutions fortes et inébranlables, veille sans cesse à la porte de son cœur pour en interdire l’entrée à toutes les mauvaises pensées ou pour les y étouffer. Il doit sûrement me comprendre, celui qui est arrivé à ce précieux repos du cœur; mais il est bien loin de savoir en quoi consistent la paix et la tranquillité de l’âme, celui qui ne fait que d’entrer dans les voies de la piété, et qui n’en a pu encore goûter ni savourer les merveilleuses douceurs. Le solitaire prudent et expérimenté n’a pas besoin qu’on lui adresse de longs discours est assez éclairé par les bonnes actions de sa vie. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ

37. Or ce que nous disons de la vie cénobitique, nous sommes obligé de le dire de la vie érémitique : car plusieurs personnes qui l’ont embrassée, avant de le faire paraissaient être ferventes et propres à la pratique des vertus les plus belles et les plus rares; mais cette vie les a gâtées et corrompues, parce qu’elles n’y sont entrées que pour y vivre et s’y conduire avec plus de liberté et selon leurs goûts. C’est pourquoi elles auraient dû s’apercevoir et se reprocher de n’être que des gens amis des plaisirs et des commodités de la vie. D’autres, au contraire, qui dès le principe n’avaient choisi la solitude que par un esprit de paresse et de lâcheté, frappées et épouvantées de la pensée qu’au tribunal de Dieu elles auront, elles seules , à répondre de toutes les actions de leur vie, se sont converties, ont fait des prodiges dans le chemin de la vertu, et ont acquis une grande ferveur dans les exercices de la piété. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ

Si le vrai caractère de l’orgueil, cette maudite peste des âmes, est de nous faire élever au-dessus des autres, quelque vils et méprisables que nous soyons, ne faut-il pas convenir que le caractère essentiel de l’humilité, cette mère féconde des vertus, consiste à conserver des sentiments d’abjection et de mépris pour soi-même au milieu des plus grandes entreprises et des actions les plus honorables et les plus éclatantes ? L’Échelle Sainte: VINGT-NEUVIÈME DEGRÉ

11. Or les personnes auxquelles Dieu a daigné accorder cette grâce si sublime, quoique revêtues d’une chair fragile, deviennent et sont des temples vivants de la Divinité, qui les dirige et les conduit dans leurs paroles, leurs actions et leurs pensées, et qui, par les lumières abondantes dont elle éclaire leur esprit, leur fait exactement connaître quelle est son adorable Volonté; et, supérieures à toutes les instructions des hommes, ces âmes fortunées s’écrient dans les sentiments d’un ravissement céleste : Mon âme est toute brûlante de soif pour mon Dieu, qui est le Dieu fort et vivant; quand viendrai-je et quand paraîtrai-je devant la Face de mon Dieu ? (Ps 41,3); et elles ajoutent : Je ne peux plus supporter la violence du désir qui me presse; ô mon Dieu, je désire, je cherche et je demande cette beauté immortelle que Tu m’avais donnée avant cette chair de boue. L’Échelle Sainte: VINGT-NEUVIÈME DEGRÉ

3. La foi nous rend capables d’exécuter tout ce qu’elle nous fait entreprendre. La miséricorde de Dieu affermit et fortifie l’espérance, et ne souffre pas que cette vertu soit troublée ni confondue. La charité ne fait point de chute, ne s’arrête pas dans sa course et ne permet pas à celui qu’elle a blessé de ses divines flèches, de se donner du repos ni de cesser de se livrer à des actions que l’esprit du monde regarde comme déraisonnables et insensées; mais c’est ici une sage et heureuse folie. L’Échelle Sainte: TRENTIÈME DEGRÉ

11. Je crois ne pas faire une chose inutile, que de me servir ici de comparaisons tirées des actions humaines afin de donner à comprendre quelle est la crainte, l’ardeur, le zèle, les soins, l’empressement, le respect, l’obéissance et l’amour que nous devons avoir pour Dieu. Heureux donc l’homme qui aime Dieu avec une affection aussi ardente qu’un amant insensé chérit la beauté qui a si misérablement ravi son cœur ! Heureux encore celui qui n’a pas pour Dieu moins de crainte, qu’un criminel n’en a pour les juges qui doivent le juger et le condamner ! Heureux encore le chrétien dont le zèle et l’ardeur dans les voies de Dieu enflamment le cœur autant que l’ardeur et le zèle enflamment celui des serviteurs fidèles et dévoués à leurs maîtres temporels ! Heureux encore celui qui n’a pas pour la pratique des vertus une affection moins prononcée ni moins ardente que les maris jaloux n’en ont pour leurs épouses qu’ils adorent ! Heureuses encore les personnes qui, dans leurs prières, se présentent à Dieu avec le même respect que les officiers se présentent devant leur souverain ! Heureuses enfin les âmes qui s’appliquent à plaire à Dieu avec la même attention, que les hommes eux-mêmes s’étudient à plaire à d’autres hommes ! 12. Une mère dont le cœur est tout de tendresse, n’aime pas tant à serrer dans ses bras et à presser sur son sein maternel l’enfant à qui elle a donné le jour et qu’elle nourrit, qu’un enfant véritable de la charité ne se complaît à s’unir à son Dieu. L’Échelle Sainte: TRENTIÈME DEGRÉ