Cassiano: abstinence

JOSEPH — Je n’entends point parler ici des commandements principaux, sans lesquels le salut est impossible; mais de ceux que nous pouvons, sans péril pour notre état, négliger ou garder : telles la rigueur continue du jeûne, l’abstinence perpétuelle de vin ou d’huile, la pratique de ne jamais sortir de notre cellule, la lecture et la méditation incessantes. Ce sont là, en effet, des exercices que l’on peut observer à son gré, ou laisser de côté, si besoin est, sans que notre profession ait à en souffrir, ni notre idéal de vie. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 28

Si nous le comptons pour l’une des vertus, et plaçons l’abstinence des aliments entre les biens essentiels, il sera donc mauvais et criminel de se nourrir : car tout ce qui est contraire à un bien essentiel, doit être réputé un mal essentiel. Mais l’autorité des Écritures ne nous permet pas ce langage; et si nous jeûnons dans la pensée que c’est pécher d’user des aliments, non seulement nous n’obtenons aucun fruit de notre abstinence, mais nous encourons, selon l’Apôtre, un très grave reproche et le crime du sacrilège, en nous abstenant des aliments que Dieu a créés pour être mangés avec action de grâces, par les fidèles et ceux qui ont connu la vérité. Car tout ce que Dieu a créé est bon, et l’on ne doit rien rejeter de ce qui se prend avec action de grâces. (1 Tim 4,3-4). Mais si quelqu’un estime une chose impure, pour lui elle est impure. (Rom 14,14). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 13

En effet, la miséricorde, la patience, la charité ou les autres vertus précédemment nommées et dans lesquelles réside le bien par essence, ne doivent pas se subordonner au jeûne, mais le jeûne à elles. Il faut travailler à les acquérir, elles qui sont vraiment bonnes, par le moyen du jeûne; et non pas leur donner le jeûne pour terme. Affliger la chair a son utilité; l’abstinence est un bon traitement à lui appliquer : pourquoi ? Afin d’arriver, par cette méthode, à la charité, où consiste le bien immuable et perpétuel, sans exception de temps. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 15

GERMAIN. — Pourquoi relâcher la rigueur de l’abstinence, en prenant notre repas au milieu du jour, durant toute la Pentecôte, alors que le Seigneur n’est resté que quarante jours avec ses disciples, après la Résurrection. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 19

THÉONAS. — Pesons tous nos actes sur la balance de la raison; et, pour ce qui regarde la pureté du coeur, consultons toujours notre conscience, non le jugement d’autrui : moyennant quoi, cette trêve ne saurait assurément faire tort à une juste austérité. Mais, encore une fois, il faut, d’une âme impartiale, faire la mesure égale à l’indulgence et à l’abstinence, et les maintenir en équilibre, de façon à corriger tout excès, d’une part comme de l’autre; distinguer, à la lumière de la véritable discrétion, si le poids des délices déprime la partie spirituelle, ou si l’excessive rigueur de notre jeûne déprime l’autre plateau, qui est celui du corps; appuyer, enfin, sur le plateau que nous voyons s’élever, et soulever celui que nous voyons s’abaisser. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 22

Hélas ! il n’est point de fête dont la joie puisse étouffer les aiguillons de la chair. Nous avons en elle un adversaire farouche, que ne sait point adoucir la révérence due aux plus saints des jours. Il est possible toutefois de conserver aux fêtes la solennité fixée par la coutume, sans outrepasser la mesure d’une salutaire parcimonie. Il suffira de ne pas laisser franchir à l’indulgence et aux douceurs les limites suivantes : la nourriture que nous réservions pour la neuvième heure, nous la prendrons un peu plus tôt, c’est-à-dire à la sixième heure, étant donné le caractère festif du temps, mais nous ne changerons rien à la mesure accoutumée ni à la qualité, de crainte que la pureté de corps et l’intégrité d’âme conquises par l’abstinence du carême, ne se perdent par les mitigations de la Pentecôte, et qu’il ne nous serve de rien d’avoir obtenu par le jeûne ce qu’une imprudente satiété ne tarderait pas à nous arracher. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 23

C’est alors que tous les évêques, voyant les hommes embarrassés dans les soins du siècle et à peu près sans notion, si je puis ainsi dire, de l’abstinence ni de la componction, résolurent de leur imposer un jeûne régulier et comme une dîme légale, afin de les ramener et de les contraindre par nécessité à faire oeuvre sainte. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 30

Reste enfin la troisième cause. Par une pratique régulière et vigilante de l’abstinence, par la contrition du coeur et du corps, nous souhaitons d’acquérir la perpétuelle pureté de chasteté. Mais, tandis que nous prenons un soin si méritoire du bien du corps et de l’esprit, la jalousie perfide de l’ennemi imagine cette tactique savante. Abattre notre confiance, et nous humilier comme par une faute véritable : tel est son but. Là-dessus, il choisit particulièrement les jours où nous désirons plaire davantage à la divine Présence par une intégrité plus parfaite, pour souiller notre corps, afin de nous détourner de la très sainte communion. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3

Néanmoins, chez les commençants, dont le corps n’a pas encore été réduit par le long travail du jeûne, ces illusions semblent parfois servir une autre manoeuvre. C’est précisément alors qu’il les voit appliqués à des jeûnes plus intenses, que le démon tente de mettre à bas tous leurs efforts. Voici, en effet, son calcul. Éprouvant qu’ils n’ont rien gagné pour la pureté du corps à jeûner si sévèrement, mais que l’attaque en est devenue, au contraire, plus violente, peut-être prendront-ils l’abstinence en horreur, et considéreront comme une ennemie la maîtresse de l’intégrité, la nourrice de la pureté. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3

Aussi les solitaires prudents et parfaits doivent faire mieux que supporter patiemment les visites des frères, mais les recevoir avec joie. D’abord, elles nous provoquent à désirer toujours plus avidement le secret de la solitude. On croirait qu’elles retiennent notre course; en réalité, elles sauvent son infatigable continuité. Car, si jamais nul obstacle ne nous retardait, nous ne pourrions conserver jusqu’à la fin la même vitesse. Ensuite, elles nous offrent gracieusement, avec le fruit de l’hospitalité, une réfection nécessaire à notre pauvre corps; et, tout en bénéficiant d’un répit fort aimable, nous faisons plus de profit, que si nous avions persévéré dans le labeur de l’abstinence. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 20