destaque
Em grego, a expressão “falavam em línguas” é elaloun glassais (latim: loquebantur linguis). O plural mostra que vários idiomas estão envolvidos na sincronicidade. O significado desenvolvido da fórmula é: “falar em [vários] idiomas [ao mesmo tempo — ou seja, em tantos idiomas quantos forem os ouvintes]”. Agora, como um homem não pode falar mais de um idioma ao mesmo tempo, a única explicação possível é que o idioma do orador é, pela ação do Espírito Santo, tornado compreensível para cada pessoa em seu próprio idioma.
original
En grec, l’expression «ils parlaient en langues» se dit elaloun glassais (latin : loquebantur linguis). Le pluriel montre qu’il s’agit de plusieurs langues en synchronie. Le sens développé de la formule est : « parler en [plusieurs] langues [en même temps — c’est-à-dire en autant de langues que d’auditeurs différents] ». Or, un homme ne sachant parler plus d’une langue à la fois, la seule explication possible est que la langue du locuteur est, par le fait du Saint-Esprit, rendue compréhensible à chacun en sa propre langue.
Nous avons laissé de côté les diverses allusions de saint Paul (I Cor XIV.2 et ibidem) au « parler en langue ». Loin d’être un détail secondaire, l’emploi du singulier (glosse) nous avertit qu’il s’agit d’une conception différente de celle des Actes. L’Apôtre lui-même l’indique en précisant que « celui qui parle en langue ne parle pas aux hommes mais à Dieu ». Le sens de la communication étant inversé par rapport à celui des Actes s’avère donc homogène avec celui de la construction de la tour de Babel — acte de foi et d’élévation d’une louange unique vers Dieu dont il sera question plus loin.
Il est à cet égard remarquable que le « parler en langue » soit mis en relation par saint Paul lui-même avec le fait de bâtir (oikodomo) — qu’il s’agisse de « se bâtir soi-même » ou de « bâtir l’Eglise » (pour celui qui « prophétise »). Saint Paul n’a pu faire cette mystérieuse allusion à la construction de la maison ou du Temple sans réaliser qu’il emboîtait le pas au passage de Genèse XI. 1-9 traitant de l’oikodomesis de la tour de Babel. Claudel (Intr. au Livre de Ruth, pp. 95-100) voit dans le « parler en langue » (et non « de langue », comme il écrit) un cas de don des langues ; bien étrange « don » appliqué à une langue qui n’est « entendue de personne » ! Savoir parler à Dieu n’est cependant pas donné à tout le monde, il y faut — outre les vertus théologales expressément mentionnées toutes trois (mais en réservant la priorité à l’agape : XIII. 13 et XIV. 1 ) — des dons spirituels (pneumatika) que seul le Saint-Esprit peut dispenser de sorte que, adressée aux hommes ou à Dieu, il s’agit dans tous les cas d’une langue parlée sous l’influence de l’Esprit.
Cette condition aurait du dissuader des traducteurs (en tout état de cause bien mal inspirés) d’employer l’expression « parler en charabia ». Qu’on retienne, comme Littré, la référence au parler auvergnat ou qu’on en fasse, comme les étymologistes modernes, un dérivé par l’espagnol de l’arabe al-‘arabiya ou plutôt al-’arabiya [l’arabe occidental, c’est-à-dire le maghrébin, le berbère], l’expression désigne un dialecte déterminé et est donc inappropriée. Même si la langue parlée en fait un synonyme de langage incompréhensible, une tournure aussi triviale est absolument irrecevable appliquée à une donnée qui se définit précisément par sa transcendance et ses qualités de « métalangage » puisqu’il ne s’agit de rien moins que d’un effet du Saint-Esprit. A cet égard, on peut s’étonner qu’un Claudel — qui, dans le texte précité, consacre quelques belles pages à cette notion — ne se soit pas avisé qu’il réduisait la part de mystère et de sacré du « parler en langue(s) » en faisant état à son propos de cas de possession, c’est-à-dire en le comparant à un fait de parapsychologie et donc à un phénomène « naturel » alors que les cas de glossolalie sacrée rapportés par le NT sont incontestablement de l’ordre du « surnaturel ».
N’était le risque d’allonger démesurément cette note, il faudrait étendre notre examen à l’ensemble du chapitre XIV de l’Epître précitée. On ne peut cependant passer sous silence la référence de saint Paul à Isaïe XXVIII. 10-13 où il est montré que l’incompréhension de la parole (du prophète Isaïe) est, pour les hommes sur lesquels l’Esprit Saint n’est pas descendu, sans commune mesure avec celle de la Parole révélée (de Dieu). Cette dernière est assimilée purement et simplement à une langue barbare. Elle est, pour ces hommes, aussi dépourvue de sens que le sont pour de jeunes enfants les syllabes qu’ils ânonnent sans comprendre : Sô la Sô, Sô la Sô, Qô la Qô, Qô la Qô… (sur ces onomatopées, cf. notamment J. Steinmann, Le Prophète Isaïe, P. 1950, pp. 151-152). C’est en quelque sorte la situation inverse à celle du « parler en langues ».
Sur le sens trascendant de la « langue barbare » en tant que Langue de Dieu on pourra se reporter au chapitre IV de La Voie des Lettres, pp. 83 sq.