Dans les Actes des Apôtres il est fait mention à trois reprises de ce que les savants ont désigné par « glossolalie » — terme scientifique forgé sur le grec à partir des deux mots clés de la formule : lalein : parler et glôssa : langue.
Si l’on considère que ce chapitre a pour objet de faire le raccordement avec l’Evangile de Luc et de rappeler comment, après l’ascension de Jésus-Christ, Matthias a été nommé en remplacement de Judas, on peut dire que le premier fait rapporté dans les Actes est le cas miraculeux de glossolalie. Il est relaté en II. 1-8 et a lieu le jour de la Pentecôte2. Le groupe des douze Apôtres reconstitué étant assemblé, voici qu’un bruit de tempête descend du Ciel accompagné de langues de feu qui, en se subdivisant, viennent se poser sur chacun d’eux. Sous l’effet de l’Esprit Saint, ils se mettent à parler en d’autres langues, se faisant ainsi comprendre de la foule d’étrangers accourus au bruit céleste et stupéfaits d’entendre des Galiléens ·’ s’adresser à chacun d’eux en sa langue maternelle. La flamme unique de l’Esprit Saint, en se partageant en autant de langues de feu que d’Apôtres, représente le mystère de la multiplicité (des langues de feu comme des langues entendues) dans l’unité (de la flamme comme de la langue parlée). Ce mystère échappe à la compréhension des témoins qui ignorent qu’il s’agit là d’une manifestation de l’Esprit Saint : les meilleurs s’étonnent ; les autres, tout aussi perplexes, trouvent bon, pour ne pas perdre la face, de tourner le phénomène en dérision. Il se renouvellera à deux reprises. Une première fois, au sein d’un groupe de fidèles réunis autour de Pierre (Ac X.44-46). Ici, ni souffle d’air ni flamme, l’Esprit Saint tombe sur l’assemblée mettant (Pierre et) les assistants dans un état d’« extase » qui les fait parler en langues et célébrer Dieu. Une seconde fois, au sein d’un groupe de disciples de Jean-Baptiste réunis autour de Paul à Ephèse (Ac XIX. 1-8). Alors que Paul vient de les rebaptiser au nom du Christ et qu’il leur impose les mains, l’Esprit Saint descend sur eux : ils se mettent à parler en langues et à prophétiser.
Avant d’en venir au sens de cette glossolalie, remarquons qu’elle s’accompagne soit d’action de grâces (Ac X.46), soit d’activité « prophétique » (Ac XIX.6). Dans le premier cas, l’accent est mis sur la louange à Dieu, c’est-à-dire sur la voie d’amour ; dans le second, sur la voie de gnose dont le verbe « prophétiser » recouvre les multiples aspects : tantôt actes d’interprétation de textes sacrés (capacité de résoudre des difficultés scripturaires que l’on serait incapable d’expliquer à l’état « normal »), tantôt actes de révélation en leurs différents degrés : prémonitions, prédictions, voire prophéties proprement dites. Celui qui parle sous l’influence de l’Esprit Saint est dans un état second, il perd conscience de la réalité immédiate — à commencer par la conscience de son individualité — et, ainsi sorti de lui-même, peut recevoir l’influx d’en haut qui est la source de son inspiration. Comme on le voit, la glossolalie touche aux plus hauts degrés de la voie spirituelle.
[CANTEINS, Jean. Mystères et symboles christiques. Paris: Rocher, 1996]