Canteins Ícones da Trindade

Jean Canteins — A PAIXÃO DE DANTE ALIGHIERI
Contrairement à l’Orient qui a vigoureusement débattu de ce sujet, l’Occident chrétien s’est peu intéressé, pour dire le moins, aux aspects théologiques de l’iconographie sacrée. Dans un livre récent (Dieu dans l’art, Le Cerf 1984), le Père F. Bospflug expose le problème de la représentation de Dieu, plus précisément de la Sainte Trinité, en s’appuyant sur un des rares textes circonstanciés émanant de l’autorité romaine, la lettre Sollicitudini Nostrae adressée le 1er octobre 1745 par Benoît XIV à l’Evêque d’Augsbourg qui l’avait consulté à propos d’une « affaire » de diffusion d’image hétérodoxe du Saint-Esprit. Voici, en substance, les conclusions du Pape concernant la représentation de la Trinité (op. cit. pp.295-7). Les images de la Trinité anthropomorphe ne font pas l’unanimité du fait de divergences dans l’interprétation de l’apparition à Abraham. Il y a trois façons de la comprendre. La première est celle de saint Augustin dans le De Trinitate (11.20) ; l’évêque d’Hippone, tirant argument de l’oscillation du texte biblique entre le singulier («le Seigneur lui apparut ») et le pluriel («trois hommes lui apparurent »), y voit « insinué » le mystère de la tri-unité. Cette interprétation est la plus généralement suivie en Occident. La seconde est celle des Juifs pour qui les trois visiteurs d’Abraham sont trois Anges (Michael, Gabriel et1) ; elle a recueilli l’assentiment de certains théologiens catholiques (Tostat : 1400-1455). La troisième est l’interprétation christologique qui reconnaît dans les trois visiteurs le Christ accompagné de deux Anges ; elle a été adoptée par un nombre non négligeable de Pères. Le Pape, qui penche personnellement pour cette dernière interprétation, manifeste ses réserves à l’égard de celle d’Augustin ; il la considère comme insuffisamment fondée et il en tire argument pour dire tout aussi illégitime la représentation anthropomorphe de la Trinité que l’interprétation trinitaire de Gen XVIII.

Lorsqu’on constate les griefs qu’un représentant autorisé de l’art chrétien orthodoxe, Leonid Ouspensky, accumule, en postface du livre, l’on ne peut qu’approuver les réserves de Benoît XIV même si l’on peut lui reprocher de n’avoir pas tiré des conclusions plus drastiques qui auraient peut-être empêché l’art religieux d’Occident de sombrer dans l’incohérence et la décomposition. Il est vrai que du temps de Benoît XIV le processus de désacralisation était déjà irréversiblement engagé et qu’il était trop tard pour réagir : les origines du fiasco de l’art chrétien occidental, quoi qu’en disent les P. Régamey et autres, sont bien antérieures au XVIIIe siècle, elles se situent environ trois siècles plus tôt.




  1. Rafael|Raphaël