BUT DE LA VIE PRESENTE.

Il faut bien connaître le but de la vie. Est-ce difficile ? Ce but n’est-il pas déjà défini ? C’est une vérité reçue : puisqu’il y a une vie de l’au-delà, le but de la vie présente tout entière et sans exception doit être là-bas, et non ici. Tout le monde le sait et il n’y a pas à y revenir, encore qu’on y pense fort peu. Prenez comme règle de votre vie : tendre vers ce but de toutes vos forces ; et vous verrez quelle lumière se répandra sur votre existence passagère en ce monde et sur vos actions. La première chose qui vous apparaîtra, c’est la conviction que, logiquement, tout en ce monde n’est qu’un moyen pour atteindre l’autre vie. Pour ces moyens, il y a une loi : il faut user de telle façon de ces moyens qu’ils conduisent vers le but, et n’en éloignent pas, ne le contrecarrent pas. Voilà la solution de votre hésitation, de votre « Je ne sais que faire de ma vie ». Regardez le ciel et réglez chaque pas de votre vie de sorte qu’il soit un avancement vers ce but. Cela me semble si simple et en même temps d’une application si universelle.

Vous demandez : « Ne faut-il pas faire quelque chose ? » Certainement, il le faut. Faites ce qui se présente à vous dans votre milieu, ou votre entourage. Croyez-moi, ce sera votre vraie affaire, on ne vous demande pas plus. C’est une grande erreur de penser que pour le ciel – ou, comme s’expriment certains, pour apporter sa contribution au progrès de l’humanité – il faille entreprendre des œuvres grandioses et retentissantes ; aucunement. Il faut seulement tout faire selon les commandements de Dieu. Quoi en réalité ? Rien de spécial, rien que ce qui se présente à chacun selon les circonstances de sa vie, ce qu’exigent les cas particuliers que chacun rencontre. Et voici comment. Dieu fixe le sort de chaque homme durant sa vie, et par conséquent tout moment et toute rencontre est l’œuvre de la Providence divine très aimante.

Prenons un exemple : un pauvre vient chez vous, c’est Dieu qui l’a envoyé. Que devez-vous faire ? Le secourir. Dieu vous a envoyé ce mendiant évidemment avec le désir que vous agissiez avec cet homme comme il plaît à Dieu. Il lui plaît que vous aidiez cet homme et il observe votre comportement…

Quelqu’un cherche de l’aide ? Aidez-le. Quelqu’un vous a offensé ? Pardonnez-lui. Vous-même vous avez offensé quelqu’un ? Hâtez-vous de lui demander pardon et de vous réconcilier avec lui. Quelqu’un vous a admirée ? N’en soyez pas orgueilleuse. Quelqu’un vous a invectivée ? Ne vous fâchez pas. Au moment de la prière, priez. C’est le temps de travailler ? travaillez, etc., etc., etc.. Le but, c’est la vie bienheureuse au-delà du tombeau ; les moyens : les actions conformes aux commandements, auxquels nous devons nous tenir dans toutes les circonstances de la vie. Je crois qu’ici tout est clair et simple. Vous n’avez aucune raison de vous fatiguer à des problèmes ingénieux. Chassez de votre esprit tous les projets d’une activité « très utile, très large, concernant toute l’humanité », comme ceux dont rêvent les femmes avides de progrès, et votre vie apparaîtra comme encadrée dans la tranquillité, elle vous conduira sans bruit au but primordial. Songez que Dieu n’oublie pas même un verre d’eau froide présenté à celui qui a soif.

Vous direz : « Il faut pourtant choisir et se déterminer un état de vie. » Comment pourrons-nous le faire avec Dieu ? Nous nous mettrons à penser là-dessus, jusqu’à tout embrouiller dans notre tête. Il est beaucoup plus sûr d’accepter avec résignation, reconnaissance et amour le destin que Dieu nous fait connaître au cours des circonstances de la vie. Voyons votre cas. Vous êtes maintenant sous le toit paternel. Qu’y a-t-il de mieux ? Il y fait chaud, vous y êtes à l’abri des dangers, en liberté. Vivez-y sans vous envoler en pensée au loin et faites avec assiduité ce qui vous incombe. Mettez-vous entre les mains de Dieu et priez pour qu’il vous place là où il le croit le mieux, pour que votre situation, loin d’empêcher, vous aide à atteindre la vie bienheureuse de l’au-delà. Ne rêvez pas d’un avenir brillant. Ainsi disposée, attendez avec patience la décision de Dieu en ce qui vous regarde. Il montrera sa volonté par l’ensemble des circonstances et la volonté de vos parents. En fixant sur cela vos pensées et en gardant la paix de l’âme dans le Seigneur, vivez sans faire de vains projets et faites votre devoir à l’égard de vos parents, de vos frères et sœurs, des personnes qui vous sont apparentées, de tous les hommes. Ne pensez jamais qu’une telle vie est sans valeur… Et tenez le cœur en main ; sinon, il fera beaucoup de sottises. II est vrai que sans le cœur cela va mal, car où il n’y a pas de cœur, la vie n’est plus une vie. Mais il ne faut pas lui donner la liberté. Le cœur est aveugle ; sans une sévère direction, il tombe bien vite dans l’abîme. [Qu’est-ce que la vie spirituelle et comment s’y disposer ? Moscou, 5e éd. 1904; p. 58-61]