{{Conférences — 1, c. 2.}} Tout art, toute profession, dit l’abbé Moïse, a un but, c’est-à-dire une destination, et une fin qui lui est propre ; quiconque veut sérieusement exceller dans chaque art, se les propose sans cesse, et, dans cette vue, souffre tous les labeurs, les dangers et les pertes, d’une âme égale et joyeuse. Ainsi le laboureur, bravant tour à tour les rayons d’un soleil torride, puis les frimats et les glaces, déchire infatigablement la terre… Il n’en va pas autrement de notre profession. Elle a aussi son but et sa fin particulière ; et pour y parvenir, nous souffrons tous les travaux qui s’y rencontrent, sans nous laisser rebuter, mieux encore, avec joie ; les jeûnes ni la faim ne nous lassent ; nous trouvons du plaisir aux fatigues des veilles ; l’assiduité à la lecture et à la méditation des Ecritures est pour nous sans dégoût ; le travail incessant, la nudité, la privation de tout, l’horreur même de cette infinie solitude n’ont rien qui nous épouvante… Quel est, dites-moi, le but, quelle est la fin qui vous provoquent à supporter de si bon cœur toutes ces épreuves ?
3. Comme il persistait à connaître notre sentiment, nous finîmes par lui répondre que c’était en vue du royaume des cieux que nous consentions à tout souffrir.
4. Fort bien, reprit-il ; c’est finement répondu pour ce qui concerne la fin. Mais le but, c’est-à-dire la destination qui, envisagée sans cesse, nous permettra d’atteindre la fin, quel doit-il être ? Voilà ce qu’il vous faut avant tout savoir. Comme nous confessions notre ignorance avec simplicité, il poursuivit : … la fin de notre profession, comme nous l’avons dit, consiste dans le royaume de Dieu ou royaume des cieux, il est vrai : mais notre destination, c’est-à-dire notre but, est la pureté du cœur, sans laquelle il est impossible que personne atteigne à cette fin. Arrêtant donc à ce but notre regard pour y prendre notre direction, nous y courrons tout droit, comme par une ligne nettement déterminée. Que si notre pensée s’en écarte quelque peu, nous y reviendrons sur-le-champ pour l’avoir devant les yeux, et nous corrigerons nos écarts suivant une règle très assurée. Cette habitude de pensée, en appelant tous nos efforts à converger vers ce point unique, ne manquera pas de nous avertir aussitôt, pour peu que notre esprit dévie de la direction qu’il se sera proposée.