J’ai dit en outre que Notre Seigneur dit aux gens qui là avaient des tourterelles à vendre : « Débarrassez-moi ça, enlevez-moi ça ! » Les gens, il ne les jeta pas dehors ni ne les réprimanda fortement ; mais il dit avec grande bonté : « Débarrassez-moi ça ! », comme s’il voulait dire : Ce n’est pas mauvais et pourtant cela dresse des obstacles à la vérité limpide. Ces gens, ce sont tous gens de bien, qui font leur oeuvre limpidement pour Dieu et ne cherchent pas en cela ce qui est leur, et le font pourtant selon le moi propre, selon temps et selon nombre, selon avant et après. Dans ces oeuvres ils connaissent un obstacle à la vérité suprême selon laquelle ils devraient être libres et dépris, tout comme Notre Seigneur Jésus Christ est libre et dépris et, en tout temps à nouveau, sans relâche et hors du temps, se reçoit de son Père céleste et, en ce même maintenant, sans relâche s’engendre parfaitement en retour avec une louange de gratitude jusqu’en la grandeur paternelle dans une égale dignité. C’est ainsi que devrait se tenir l’homme qui voudrait se trouver réceptif à la vérité suprême et vivant là sans avant et sans après et sans être entravé par toutes els oeuvres et toutes les images dont il eut jamais connaissance, dépris et libre, recevant à nouveau dans ce maintenant le don divin et l’engendrant en retour sans obstacle dans cette même lumière avec une louange de gratitude en Notre Seigneur Jésus Christ. Ainsi seraient écartées les tourterelles, c’est-à-dire obstacles et attachement au moi propre en toutes les oeuvres qui néanmoins sont bonnes, en quoi l’homme ne cherche rien de ce qui est sien. C’est pourquoi Notre Seigneur dit avec grande bonté : « Enlevez-moi ça, débarrassez-moi ça ! », comme s’il voulait dire : Cela est bon, cependant cela dresse des obstacles. Eckhart: Sermon 1
Un maître dit : L’oeuvre la plus haute que Dieu opéra jamais en toutes les créatures, c’est la miséricorde. Le plus secret et le plus caché, même ce que jamais il opéra dans les anges, cela se trouve transposé dans la miséricorde, l’oeucre de miséricorde, telle qu’elle est en elle-même et telle qu’elle est en Dieu. Quoi que Dieu opère, la première irruption de Dieu est miséricorde, non à la manière dont il pardonne à l’homme son péché et où un homme a miséricorde de l’autre ; plutôt veut-il dire : L’oeuvre la plus haute que Dieu opère est la miséricorde. Un maître dit : L’oeuvre de miséricorde est si apparentée à Dieu ( que ), même si vérité, richesse et bonté sont des noms de Dieu, une chose le nomme davantage que l’autre. L’oeuvre la plus haute de Dieu est miséricorde, et veut dire que Dieu établit l’âme dans le plus élevé et le plus limpide qu’elle puisse recevoir, dans la vastitude, dans la mer, dans une mer sans fond. C’est pourquoi le prophète dit : « Seigneur, du peuple qui est en toi, aie pitié. » Eckhart: Sermon 7
Quel peuple est en Dieu ? Saint Jean dit : « Dieu est l’amour, et qui demeure dans l’amour, celui-là demeure en Dieu et Dieu en lui. » Bien que saint Jean dise que l’amour unit, l’amour ne transporte jamais en Dieu ; tout au plus fait-il adhérer. Amour n’unit pas, d’aucune manière ; ce qui est uni, il l’assemble et le noue. Amour unit en une oeuvre, non en un être. Les meilleurs maîtres disent que l’intellect dépouille pleinement et prend Dieu nu, tel qu’il est être limpide en lui-même. Connaissance fait sa percée par vérité et bonté, et tombe dans l’être limpide, et prend Dieu nûment, tel qu’il est sans nom. Je dis : Ni connaissance ni amour n’unissent. Amour prend Dieu lui-même en tant qu’il est bon, et si le nom de bonté faisait défaut à Dieu, amour n’irait jamais plus loin. Amour prend Dieu sous un pelage, sous un vêtement. Cela, l’intellect ne le fait pas ; l’intellect prend Dieu tel qu’il est connu en lui ( = dans l’intellect ) ; là il ne peut jamais le saisir dans la mer de son insondabilité. Je dis : Au-dessus de ces deux, connaissance et amour, il y a miséricorde ; là Dieu opère miséricorde, dans le plus élevé et le plus limpide que Dieu puisse opérer. Eckhart: Sermon 7
Chaque chose opère dans ( l’ )être, aucune chose ne peut opérer au-dessus de son être. Le feu ne peut opérer que dans le bois. Dieu opère au-dessus de l’être dans la vastitude, là où il peut se mouvoir, il opère dans ( le ) non-être ; avant même que l’être ne fût, là Dieu opérait ; il opérait ( l’ )être là où il n’y avait pas d’être. Des maîtres frustres disent que Dieu est un être limpide ; il est aussi élevé au-dessus de l’être que l’ange le plus haut est au-dessus d’une mouche. Je parlerais de façon aussi inadéquate, si j’appelais Dieu un être, que si je disais que le soleil est blafard ou noir. Dieu n’est ni ceci ni cela. Et un maître dit : Celui qui s’imaginerait qu’il a connu Dieu, et connaîtrait-il ( alors ) quelque chose, il ne connaîtrait pas Dieu. Mais que j’aie dit que Dieu n’est pas un être et est au-dessus de l’être, par là je ne lui ai pas dénié ( l’ )être, plutôt : je l’ai élevé en lui. Si je prends du cuivre mêlé à l’or, il est là et est là sous un mode plus élevé qu’il n’est en lui-même. Saint Augustin dit : Dieu est mode sans modalité, bon sans bonté, puissant sans puissance. Eckhart: Sermon 9
De petits maîtres enseignent à l’Ecole que tous les êtres sont divisés en dix modes, et ces mêmes ( maîtres ) les tiennent pleinement à l’écart de Dieu. De ces modes, Dieu ne touche aucun, et il ne manque non plus d’aucun d’entre eux. Le premier, qui possède le plus d’être, où toutes choses prennent ( leur ) être, c’est la substance, et le dernier, qui de tous comporte le moins d’être, s’appelle relation, il est égal en Dieu au plus grand de tous, celui qui de l’être à le plus ; ils ont une image égale en Dieu. En Dieu les images de toutes les choses sont égales ; mais elles sont images de choses inégales. Le plus grand ange et l’âme et la mouche ont une image égale en Dieu. Dieu n’est ni être ni bonté. Bonté adhère à être et n’est pas plus vaste qu’être ; car si être n’était pas, bonté ne serait pas, et être est encore plus limpide que bonté. Dieu n’est pas bon ni meilleur ni le meilleur de tous. Qui dirait là que Dieu est bon, il lui ferait tort, comme s’il disait que le soleil est noir. Eckhart: Sermon 9
Un maître païen dit : L’âme qui aime Dieu, elle le prend sous le pelage de la bonté – encore n’ont été exprimées jusqu’ici que les paroles de maîtres païens qui n’ont connu que dans une lumière naturelle ; je n’en suis pas encore venu aux paroles des saints maîtres qui connurent là dans une lumière bien plus élevée – il dit : L’âme qui aime Dieu, elle le prend sous le pelage de la bonté. L’intellect dépouille Dieu de ce pelage de la bonté et le prend nu, alors qu’il est dévêtu de bonté et d’être et de tous noms. Eckhart: Sermon 9
J’ai dit à l’Ecole qu’intellect est plus noble que volonté, et ils ressortissent pourtant tous deux à cette lumière. Alors un maître d’une autre école dit que volonté est plus noble qu’intellect, car volonté prend les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes et intellect prend les choses telles qu’elles sont en lui. C’est vrai. Un oeil est plus noble en lui-même qu’un oeil qui est peint sur un mur. Mais je dis qu’intellect est plus noble que volonté. Volonté prend Dieu sous le vêtement de la bonté et d’être. Bonté est un vêtement sous lequel Dieu est caché, et volonté prend Dieu sous le vêtement de la bonté. Bonté ne serait-elle pas en Dieu, ma volonté ne voudrait pas de lui. Qui voudrait vêtir un roi au jour où on le ferait roi et le vêtirait de vêtements gris, il ne l’aurait pas bien vêtu. Je ne suis pas bienheureux de ce que Dieu est bon. Je ne veux pour jamais désirer que Dieu me rende bienheureux par sa bonté, car cela il ne voudrait le faire. Je suis seulement bienheureux de ce que Dieu est doué d’intellect et que je connais cela. Un maître dit : l’intellect de Dieu est ce à quoi est suspendu pleinement l’être de l’ange. On demande où se trouve le plus proprement l’être de l’image : dans le miroir ou dans ce dont elle procède ? Elle est plus proprement dans ce dont elle procède. L’image est en moi, de moi, pour moi. Tout le temps que le miroir se trouve exactement devant mon visage, mon image se trouve dedans ; le miroir tomberait-il que l’image disparaîtrait. L’être de l’ange tient au fait que lui est présent l’intellect divin dans lequel il se connaît. Eckhart: Sermon 9
Il dit : Ils avaient leur nom et le nom de leur Père inscrits sur leurs fronts. Quel est notre nom et quel est le nom de notre Père ? Notre nom est que nous devons être engendrés, et le nom du Père est engendrer, car la déité rayonne hors de la limpidité première, qui est une plénitude de toute limpidité, ainsi que je l’ai dit au Mariengarten. Philippe dit : « Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. » Il vise en premier que nous devons être Père ; en second lieu, nous devons être grâce, car le nom du Père est engendrer ; il engendre en moi son égal. Si je vois un mets qui est égal à moi, alors provient de là un amour. Il en est de même : le Père céleste engendre en moi son égal, et de cette égalité provient un amour, c’est l’Esprit Saint. Celui qui est le père, celui-là engendre l’enfant de façon naturelle ; celui qui présent l’enfant au baptême, celui-là n’est pas son père. Boèce dit : Dieu est un bien qui se tient immobile et qui meut toutes choses. Que Dieu soit immobile, cela met toutes choses en mouvement. Il y a quelque chose de si heureux et met toutes choses en mouvement, en sortent qu’elles retournent de là où elles ont flué, et cela demeure immobile en lui-même. Et plus une chose quelconque est noble, plus elle se meut de façon constante. Le fond les pousse toutes. Sagesse et bonté et vérité ajoutent quelque chose ; Un n’ajoute rien que le fond de l’être. Eckhart: Sermon 13
Jérusalem veut dire une hauteur, comme je l’ai dit au Mariengarten : Ce qui est en haut, on lui dit : Descends. Ce qui est en bas, on lui dit : Monte. Si tu es en bas et si j’étais au-dessus de toi il me faudrait m’abaisser vers toi. Ainsi fait Dieu ; si tu t’humilies, alors Dieu s’abaisse d’en haut et vient vers toi. La terre est ce qu’il y a de plus éloigné du ciel, et ( elle ) s’est recroquevillée dans un recoin et a honte et voudrait échapper au beau ciel, d’un recoin vers l’autre. Quel sera donc son point d’arrêt ? Echappe-t-elle vers le bas, elle parvient au ciel ; échappe-t-elle vers le haut, elle ne peut pourtant lui échapper. Il la pourchasse dans un recoin, et imprime sa force en elle et la rend féconde. Pourquoi ? Ce qui est le plus élevé flue dans ce qui est le plus bas. Une étoile est au-dessus du soleil ; c’est l’étoile la plus élevée ; elle est plus noble que le soleil ; elle flue dans le soleil et illumine le soleil, et toute la lumière qu’a le soleil, il l’a de cette étoile. Que veut dire que le soleil ne brille pas aussi bien de nuit que de jour. Cela veut dire que le soleil, en sa toute solitude, n’est pas assez puissant à partir de lui-même, qu’il est quelque déficience dans le soleil, ce que pouvez voir en ce qu’il est sombre en une de ses extrémités et, pendant la nuit, la lune et les étoiles prennent de lui leur lumière et la portent ailleurs ; alors il brille ailleurs, dans un autre pays. Cette étoile flue non pas seulement dans le soleil, mais elle flue à travers le soleil et à travers toutes les étoiles, et flue dans la terre et la rend féconde. Il en est tout ainsi de l’homme vraiment humble, qui a rejeté au-dessous de soi toutes créatures et se soumet à Dieu ; Dieu de par sa bonté ne manque pas de s’épancher pleinement en cet homme ; il se trouve contraint de le faire de toute nécessité. Veux-tu être en haut et être élevé, il te faut être alors en bas, loin du flux du sang et de la chair, car une racine de tous péchés et de toutes souillures est la superbe cachée, dissimulée, d’où ne proviennent que souffrance et douleur. C’est ainsi que l’humilité est une racine de tout bien, et là-dessus ce qui suit. Eckhart: Sermon 14
Bonté dans soi, bonté, cela n’apaise pas l’âme ; ( … ) Et Dieu me donnerait-il quelque chose en dehors de sa volonté je n’y prêterait pas attention ; car la moindre chose que Dieu me donne dans sa volonté, cela me rend heureux. Eckhart: Sermon 15
Toutes les créatures ont flué hors de la volonté de Dieu. Saurais-je désirer seulement le bien de Dieu, cette volonté est si noble que le Saint Esprit fluerait de là sans intermédiaire. Tout bien flue du superflu de la bonté de Dieu. Oui, et la volonté de Dieu a goût pour moi seulement dans l’unité, là où le repos de Dieu est orienté au bien de toutes les créatures ; où celle-ci repose, et toute ce qui jamais acquit être et vie, comme dans leur fin dernière, là tu dois aimer le Saint Esprit, tel qu’il est dans l’unité ; non en lui-même, mais là où avec la bonté de Dieu il a goût seulement dans l’unité, là où toute bonté flue du superflu de la bonté de Dieu. Cet homme. Cet homme s’en revient plus riche chez lui que lorsqu’il était sorti. Qui serait ainsi sorti de soi-même, celui-là devrait se trouver plus proprement donné à nouveau à lui-même. Et toute chose qu’il aura laissée dans la multiplicité, cela lui sera ( donné ) pleinement à nouveau dans la simplicité, car il se trouve soi-même et dans toute chose dans le maintenant présent de l’unité. Et celui qui serait ainsi sorti, il reviendrait chez lui bien plus noble qu’il n’était sorti. Cet homme vit maintenant dans une liberté déprise et dans une limpide nudité, car il n’a à se soumettre à aucune chose ni à prendre peu ni beaucoup ; car tout ce qui est le propre de Dieu, cela lui est propre. Eckhart: Sermon 15
Ce qui de l’âme est dans ce monde ou lorgne vers ce monde, et ce qui d’elle est atteint en quelque chose et lorgne vers l’extérieur, elle doit le haïr. Un maître dit que l’âme, dans ce qu’elle a de plus élevé et de plus limpide, est au-dessus du monde. Rien n’attire l’âme vers ce monde qu’amour seulement. Parfois elle a un amour naturel qu’elle porte au corps. Parfois elle a un amour de volonté, qu’elle porte à la créature. Un maître dit : Aussi peu l’oeil a à faire avec le chant et l’oreille avec la couleur, aussi peu l’âme dans sa nature a-t-elle à faire avec tout ce qui est dans ce monde. C’est pourquoi nos maîtres ( ès sciences ) naturelles disent que le corps est davantage dans l’âme que l’âme n’est dans le corps. Tout comme le vase contient davantage le vin que le vin le vase, ainsi l’âme contient-elle davantage en elle le corps que le corps l’âme. Ce que l’âme aime dans ce monde, de cela elle est nue dans sa nature. Un maître dit : Il est de la nature et de la perfection naturelle de l’âme qu’elle devienne dans elle un monde doué d’intellect, là où Dieu a formé dans elle les images de toutes choses. Qui dit alors qu’il est parvenu à sa nature, celui-là doit trouver toutes choses formées en lui dans la limpidité, comme elles sont en Dieu, non comme elles sont dans leur nature, plutôt : comme elles sont en Dieu. Ni esprit ni ange ne touchent le fond de l’âme pas plus que la nature de l’âme. C’est en cela qu’elle parvient dans ce qui est premier, dans le commencement, où Dieu jaillit avec bonté dans toutes les créatures. Là elle prend toutes choses en Dieu, non dans la limpidité, telles qu’elles sont dans leur limpidité naturelle, plutôt : dans la limpide simplicité, telles qu’elles sont en Dieu. Dieu a fait tout ce monde comme en charbon. L’image qui est en or est plus ferme que celle qui est en charbon. C’est ainsi que toutes choses dans l’âme sont plus limpides et plus nobles qu’elles ne le sont dans ce monde. La matière dont Dieu a fait toutes choses est plus médiocre que ne l’est le charbon en regard de l’or. Qui veut faire un pot, celui-là prend un peu de terre ; c’est là sa matière, avec laquelle il opère. Après il lui donne une forme, qui est en lui, qui est en lui plus noblement que la matière. Ici j’estime que toutes choses sont immensément plus nobles dans le monde doué d’intellect qu’est l’âme qu’elles ne le sont dans ce monde ; exactement comme l’image qui est taillée et gravée dans l’or, ainsi les images de toutes choses sont-elles simples dans l’âme. Un maître dit : L’âme a en elle une capacité que les images de toutes choses se trouvent imprimées en elle. Un autre dit : Jamais l’âme n’est parvenue à sa nature qu’elle ne trouve toutes choses formées en elle dans ce monde doué d’intellect, qui est incompréhensible ; aucune pensée n’y parvient. Grégoire dit : Ce que nous énonçons des choses divines, il nous faut le balbutier, car il faut qu’on le dise avec des mots. Eckhart: Sermon 17
J’ai parlé récemment de la porte d’où Dieu se diffuse, c’est bonté. Mais l’être est ce qui se tient en soi-même et ne se diffuse pas, plutôt : il s’in-fuse. Mais unité est ce qui se tient Un dans soi-même et Un par rapport à toutes choses, et ne se communique pas à l’extérieur. Mais bonté, c’est là où Dieu se diffuse et se communique à toutes créatures. Etre est le Père, unité est le Fils avec le Père, bonté est le Saint Esprit. Or le Saint Esprit prend l’âme, la ville sanctifiée, dans le plus limpide et le plus élevé, et l’entraîne vers le haut dans son origine, c’est-à-dire le Fils, le Fils l’entraîne plus avant dans son origine, c’est-à-dire dans le Père, dans le fond, dans le principe, là où le Fils a son être, là où la Sagesse éternelle repose de façon égale « dans la ( ville ) consacrée et dans la ville sanctifiée », dans le plus intérieur. Eckhart: Sermon 18
Maintenant « tiens-toi à la porte dans la maison de Dieu ». La maison de Dieu est l’unité de son être ! Ce qui est un, cela se garde le plus volontiers seul. C’est pourquoi l’unité se tient auprès de Dieu et tient Dieu dans sa totalité et ne lui ajoute rien. Là il réside dans l’extrême de lui-même, dans son esse, tout en lui, nulle part hors de lui. Mais, quand il se diffuse, il se diffuse à l’extérieur. Son acte de se diffuser, c’est sa bonté, comme j’ai dit maintenant à propos de connaissance et d’amour. La connaissance délie, car la connaissance est meilleure que l’amour. Mais deux sont meilleurs qu’un, car la connaissance porte l’amour en elle. L’amour s’éprend follement de la bonté et s’y attache, et dans l’amour je suis ainsi attaché à la porte, et l’amour serait aveugle s’il n’y avait connaissance. Une pierre aussi a de l’amour, et son amour recherche le fond. Si je suis attaché à la bonté, dans le premier acte de diffuser, et si je le ( = Dieu ) prends là où il est bon, alors je prends la porte, je ne prends pas Dieu. C’est pourquoi la connaissance est meilleure, car elle dirige l’amour. Mais amour veut désir, appropriation. Quant à la connaissance, elle n’ajoute pas une seule pensée, plutôt : elle délie et se sépare et court de l’avant et touche Dieu nu et le saisit uniquement dans son être. Eckhart: Sermon 19
Saint Paul dit : « Un Dieu ». Un est quelque chose de plus limpide que bonté et vérité. Bonté et vérité n’ajoutent rien, elles ajoutent dans une pensée ; lorsque l’on pense, alors on ajoute. Un n’ajoute rien, étant donné qu’il est dans lui-même avant qu’il ne flue dans Fils et Saint Esprit. C’est pourquoi il dit : « Ami, monte plus haut ». Un maître dit : Un est un nier du nier. Si je dis Dieu est bon, cela ajoute quelque chose. Un est un nier du nier et un dénier du dénier. Que signifie Un ? Un signifie ce à quoi rien n’est ajouté. L’âme prend la déité telle qu’elle est purifiée en elle( -même ), là où rien n’est ajouté, là où rien n’est pensé. Un est un nier du nier. Toutes les créatures ont un nier en elles-mêmes ; l’une nie qu’elle soit l’autre en quoi que ce soit. Mais Dieu a un nier du nier ; il est Un et nie tout autre, car rien n’est en dehors de Dieu. Toutes les créatures sont en Dieu et sont sa déité propre, et ( cela ) vise une plénitude comme je l’ai dit plus haut. Il est un Père de toute déité. Je dis une déité pour la raison qu’il n’est rien encore qui flue au-dehors et qui en aucune façon se trouve touché ni pensé. Dans la mesure où je nie quelque chose de Dieu – si de Dieu je nie la bonté, je ne peux ( par là ) rien nier de Dieu – dans la mesure où je nie ( quelque chose ) de Dieu, alors je saisis quelque chose de lui qu’il n’est pas ; c’est cela même qu’il faut écarter. Dieu est Un, il est un nier du nier Eckhart: Sermon 21
J’ai pensé – il y a de cela plusieurs années – au cas où je me trouverais interrogé sur ce qui fait que chaque brin d’herbe est si inégal aux autres, et il advint ( de fait ) que je fus interrogé sur ce qui fait qu’ils sont si inégaux. Je dis alors : Que tous les brins d’herbe soient si égaux, c’est encore plus étonnant. Un maître dit : Que tous les brins d’herbe soient si inégaux, cela provient de la surabondance de la bonté de Dieu qu’il déverse avec surabondance dans toutes les créatures, afin que sa seigneurie s’en trouve d’autant plus révélée. Je dis alors : Il est plus étonnant que tous les brins d’herbe soient aussi égaux, et dis : De même que tous les anges sont un ange dans la limpidité première, tout à fait Un, ainsi tous les brins d’herbe dans la limpidité première sont-ils Un, et toutes choses là sont Un. Eckhart: Sermon 22
J’ai pensé parfois, tandis que je venais ici, que l’homme dans le temps peut en venir à pouvoir contraindre Dieu. Si j’étais ici en haut et disais à quelqu’un : « Monte ! », cela serait difficile. Si je disais plutôt : « Assieds-toi ! », cela serait facile. Ainsi fait Dieu. Lorsque l’homme s’humilie, Dieu ne peut pas se retenir, de par sa bonté propre, il lui faut s’abaisser et s’épancher dans l’homme humble, et là celui qui est le plus petit il se donne le plus et se donne à lui pleinement. Ce que Dieu donne, c’est son être, et son être fait sa bonté, et sa bonté fait son amour. Toute souffrance et toute joie proviennent d’amour. J’ai pensé en chemin, lorsque je devais venir ici, que je ne voulais pas venir ici, car je serais inondé ( de larmes ) par amour. Quand avez-vous été inondés ( de larmes ) par amour, laissons cela. Joie et souffrance proviennent d’amour. L’homme ne doit pas craindre Dieu, car celui qui le craint celui-là le fuit. Cette crainte est une crainte dommageable. ( Mais ) c’est une crainte comme il faut ( qu’éprouve ) celui qui craint de perdre Dieu. L’homme ne doit pas le craindre, il doit l’aimer, car Dieu aime l’homme avec toute sa perfection la plus haute. Les maîtres disent que toutes choses opèrent selon qu’elles veulent engendrer et veulent s’égaler au Père, et disent : La terre fuit le ciel ; si elle fuit vers le bas, elle parvient au ciel vers le bas ; fuit-elle vers le haut, elle parvient à ce qui du ciel est le plus bas. La terre ne peut fuir si bas que la terre ne se déverse en elle et ne la rende fertile, que ce lui soit agréable ou non. Ainsi fait l’homme qui s’imagine fuir Dieu et ne peut pourtant pas le fuir ; tous les recoins lui sont une révélation. Il s’imagine fuir Dieu et s’engouffre ( pourtant ) dans son sein. Dieu engendre son Fils unique en toi, que ce te soit agrément ou souffrance, que tu dormes ou que tu veilles, il fait ce qui est sien. Je disais récemment, qu’est-ce ( donc ) qui serait responsable de ce que l’homme ne le goûte pas, et dis ( que ) serait responsable le fait que sa langue serait chargée d’autre impureté, c’est-à-dire des créatures. De même façon que chez un homme à qui toute nourriture est amère et n’a pas de goût pour lui. Qu’est-ce qui est responsable de ce que la nourriture n’a pas de goût pour nous ? Responsable le fait que nous n’avons pas de sel. Le sel est l’amour divin. Aurions-nous l’amour divin, nous goûterions Dieu et toutes les oeuvres que Dieu a jamais opérées, et nous recevrions toutes choses de Dieu, et opérerions toutes les mêmes oeuvres qu’il opère. Dans cette égalité nous sommes tous un Fils unique. Eckhart: Sermon 22
C’est certes un grand don que l’âme se trouve ainsi introduite par le Saint Esprit, car de même que le Fils est appelé une Parole, ainsi le Saint Esprit est appelé un Don : ainsi l’Ecriture le nomme-t-elle. J’ai dit souvent aussi : Amour prend Dieu en tant qu’il est bon ; s’il n’était pas bon, il ne l’aimerait pas et ne le prendrait pas pour Dieu. Sans bonté il n’aime rien. Mais l’intellect de l’âme prend Dieu en tant qu’il est un être limpide, un être suréminent. Mais être et bonté et vérité sont d’ampleur égale car dans la mesure où l’être est, alors il est bon et est vrai. Or ils ( = les maîtres ) prennent bonté et la placent au-dessus d’être : cela couvre l’être et lui fait un pelage car cela est ajouté. Derechef ils le prennent tel qu’il est vérité. Etre est-il vérité ? Oui, car vérité est liée à l’être, puisqu’il dit à Moïse : « Celui qui est, celui-là m’a envoyé. » Saint Augustin dit : La vérité est le Fils dans le Père, car vérité est liée à l’être. Etre est-il vérité ? Qui interrogerait à ce propos nombre de maîtres, ils diraient : « Oui ! ». Qui m’aurait interrogé moi-même, j’aurais dit : « Oui ! ». Mais maintenant je dis : « Non ! », car vérité est aussi ajoutée. Maintenant, ils le prennent selon qu’il est Un, car Un est plus proprement Un que ce qui est uni. Ce qui est Un, tout autre est ôté ( de lui ) ; pourtant cela même qui est ôté, cela même est ajouté dès lors qu’il y a changement. Eckhart: Sermon 23
Et s’il n’est ni bonté ni être ni vérité ni Un, qu’est-il alors ? Il n’est rien de rien, il n’est ni ceci ni cela. Penses-tu encore quelque chose qu’il serait, cela il ne l’est pas. Où l’âme doit-elle alors prendre vérité ? Ne trouve-t-elle pas vérité là où elle se trouve formée à l’intérieur dans une unité, dans la limpidité première, dans l’impression de l’essentialité limpide – ne trouve-t-elle pas là vérité ? Non, elle ne trouve à saisir aucune vérité, plutôt : de là vient vérité, de là est issue vérité. Eckhart: Sermon 23
En tant que l’homme se déprend, alors il prend ( en lui ) Christ, Dieu, béatitude et sainteté. Et si un jeune garçon disait des choses étranges, on le croirait, et Paul promet de grandes choses, et vous le croyez à peine. Il te promet, si tu te déprends de toi, Dieu et béatitude et sainteté. C’est étonnant : et s’il se trouve que l’homme doive se déprendre de soi, en tant qu’il se déprend de soi il prend ( en lui ) Christ et sainteté et béatitude et est très grand. Le prophète s’étonne de deux choses. La première : ce que Dieu fait avec les étoiles, avec la lune et avec le soleil. Le second étonnement est à propos de l’âme, que Dieu ait fait et fasse de si grandes choses avec elle et pour elle, car il fait pour elle tout ce qui lui est possible ; il fait nombreuses et grandes choses pour elle et est pleinement pris par elle, et cela à cause de la grandeur dans laquelle elle est faite. A quel point elle est faite grande, notez-le ! Je trace une lettre selon le modèle que la lettre a en moi, dans mon âme, et non pas selon mon âme. Il en est ainsi de Dieu. Dieu a fait toutes choses communément selon l’image qu’il a de toutes choses en lui, et non pas selon lui. Certaines, il les a faites particulièrement selon quelque chose qui se tient en dehors de lui, comme bonté, sagesse et ce que l’on dit de Dieu. Mais l’âme, il ne l’a pas faite uniquement selon l’image qui est en lui, ni selon ce qui se tient en dehors de lui, ainsi que l’on parle à son propos ; plutôt : il l’a faite selon lui-même, oui, selon tout ce qu’il est, selon ( sa ) nature, selon ( son ) être et selon son oeuvre fluant à l’extérieur demeurant intérieurement, et selon le fond où il demeure en lui-même, où il engendre son Fils unique, d’où s’épanouit le Saint Esprit : selon cette oeuvre fluant à l’extérieur demeurant intérieurement, Dieu a créé l’âme. Eckhart: Sermon 24
J’ai dit parfois : Qui cherche Dieu et cherche quelque chose avec Dieu, celui-là ne trouve pas Dieu ; mais qui cherche uniquement Dieu, en vérité, il trouve Dieu, et ne trouve Dieu jamais seulement, car tout ce que Dieu peut offrir, il le trouve avec Dieu. Si tu cherches, et si tu cherches Dieu pour ton propre avantage ou pour ta propre béatitude, en vérité tu ne cherches pas Dieu. C’est pourquoi il dit que les vrais adorateurs adorent le Père, et il le dit à juste titre. Un homme de bien, celui qui lui dirait : « Pourquoi cherches-tu Dieu ? » – « Parce qu’il est Dieu » ; « Pourquoi cherches-tu la vérité ? » – « Parce que c’est la vérité » ; « Pourquoi cherches-tu la justice ? » – « Parce que c’est la justice » : ces gens sont tout à fait comme il faut. Toutes les choses qui sont dans le temps ont un pourquoi. Si tu demandais à un homme : « Pourquoi manges-tu ? » – « Pour avoir de la force » ; « Pourquoi dors-tu ? » – « Pour la même chose » ; et ainsi sont toutes les choses qui sont dans le temps. Mais un homme de bien qui lui demanderait : « Pourquoi aimes-tu Dieu ? » – « Je ne sais pas, pour Dieu » ; « Pourquoi aimes-tu la vérité ? » – « Pour la vérité » ; « Pourquoi aimes-tu la justice ? » – « Pour la justice » ; « Pourquoi aimes-tu la bonté ? » – « Pour la bonté » ; « Pourquoi vis-tu ? » – « Pour de vrai, je ne sais ! J’aime vivre ». Eckhart: Sermon 26
Un maître dit : Qui se trouve une fois touché par la vérité, par la justice et par la bonté, s’il se trouvait que toute la peine de l’enfer en dépendît, cet homme ne pourrait jamais se détourner de cela ne fût-ce qu’un instant. Il dit en outre : Si un homme se trouve touché par ces trois, par la vérité, par la justice et par la bonté, aussi impossible est-il à Dieu qu’il puisse se détourner de sa déité, aussi impossible est-il à cet homme qu’il puisse se détourner de ces trois. Eckhart: Sermon 26
Les maîtres disent que de la part supérieure de l’âme fluent deux puissances. La première se nomme volonté, la seconde intellect, et la perfection de ces puissances tient à la puissance supérieure qui s’appelle intellect, qui jamais ne peut entrer en repos. Elle ne veut pas Dieu en tant qu’il est le Saint Esprit et en tant qu’il est le Fils, et fuit le Fils. Elle ne veut pas non plus Dieu en tant qu’il est Dieu. Pourquoi ? Là il possède un nom, et s’il y avait dix mille dieux elle fait d’autant plus sa percée, elle le veut là où il n’a pas de nom : elle veut quelque chose de plus noble, quelque chose de meilleur que Dieu en tant qu’il a nom. Que veut-elle donc ? Elle ne sait pas : elle le veut en tant qu’il est Père. C’est pourquoi saint Philippe dit : « Seigneur, montre-nous le Père, cela nous suffit. » Elle le veut en tant qu’il est une moelle d’où sourd originairement bonté ; elle le veut en tant qu’il est un noyau d’où flue bonté ; elle le veut en tant qu’il est une racine, une veine dans laquelle sourd originairement bonté, et là il est uniquement Père. Eckhart: Sermon 26
Or notez le premier petit mot qu’il dit : « C’est là mon commandement. » A ce propos je veux dire un petit mot afin qu’il « demeure auprès de vous ». « C’est là mon commandement que vous aimiez. » Que veut-il dire lorsqu’il dit : « Que vous aimiez » ? Il veut dire un petit mot, notez-le : amour est si limpide, si nu, si détaché en lui-même que les meilleurs maîtres disent que l’amour avec lequel nous aimons est le Saint Esprit. Ils s’en trouva qui voulurent le contredirent. C’est toujours vrai : tout le mouvement par lequel nous nous trouvons mus vers amour, là rien d’autre ne nous meut que le Saint Esprit. Amour en ce qu’il y a de plus limpide, en ce qu’il y a de plus détaché en lui-même, n’est rien d’autre que Dieu. Les maîtres disent que la fin de l’amour, pour laquelle amour opère toute son oeuvre, est bonté, et la bonté est Dieu. Aussi peu mon oeil peut-il parler et ma langue connaître la couleur, aussi peu l’amour peut-il s’incliner à autre chose qu’à bonté et à Dieu. Eckhart: Sermon 27
Or il dit : « C’est là mon commandement. » Qui me commande ce qui m’est doux, ce qui m’est utile et ce en quoi est ma béatitude, cela m’est très doux. Lorsque j’ai soif, alors la boisson me commande ; lorsque j’ai faim, alors la nourriture me commande. Et c’est ainsi que fait Dieu : oui, de façon si douce que tout ce monde ne peut rien offrir d’égal. Et qui a goûté une fois à la douceur, pour vrai, aussi peu Dieu peut-il se détourner de sa déité, aussi peu l’homme peut-il, avec son amour, se détourner de bonté et de Dieu ; oui, et il lui est plus facile de renoncer à soi-même et à toute sa béatitude et de demeurer avec son amour auprès de bonté et auprès de Dieu. Eckhart: Sermon 27
Or il dit : « Que vous vous aimiez les uns les autres. » Ah, ce serait une vie noble, ce serait une vie bienheureuse ! Ne serait-ce pas une vie noble que tout un chacun soit tourné vers la paix de son prochain comme vers sa propre paix, et que son amour soit si nu et si limpide et si détaché en lui-même qu’il ne vise rien que bonté et Dieu ? Qui demanderait à un homme bon : « Pourquoi aimes-tu bonté ? » – « A cause de la bonté » ; « Pourquoi aimes-tu Dieu ? » – « A cause de Dieu ». Et ton amour est-il si limpide, si détaché, si nu en lui-même que tu n’aimes rien d’autre que bonté et Dieu, alors c’est là une vérité certaine que toutes les vertus que tous les hommes ont jamais pratiquées sont tiennes aussi parfaitement que si tu les avais toi-même pratiquées, et plus limpidement et mieux ; car, que le pape soit pape, cela lui procure souvent de grands travaux ; la vertu, tu l’as de façon plus limpide et plus détachée et avec repos, et elle est plus tienne que sienne, s’il se trouve que ton amour est si limpide, si nu en lui-même que tu ne vises ni n’aimes rien d’autre que bonté et Dieu. Eckhart: Sermon 27
Tous les commandements de Dieu viennent d’amour et de la bonté de sa nature ; car s’ils ne venaient pas d’amour, ils ne pourraient être alors commandements de Dieu ; car le commandement de Dieu est la bonté de sa nature, et sa nature est sa bonté dans son commandement. Qui maintenant habite dans la bonté de sa nature, celui-là habite dans l’amour de Dieu, et l’amour n’a pas de pourquoi. Aurais-je un ami et l’aimerais-je pour la raison que me viendrait de lui du bien et toute ma volonté, je n’aimerais pas mon ami, mais moi-même. Je dois aimer mon ami pour sa bonté propre et pour sa vertu propre et pour tout ce qu’il est en lui-même : c’est alors que j’aime mon ami comme il faut, lorsque je l’aime ainsi qu’il est dit ci-dessus. Ainsi en est-il de l’homme qui se tient dans l’amour de Dieu, qui ne cherche pas ce qui est sien en Dieu ni en lui-même ni en aucune chose, et qui aime Dieu seulement pour sa bonté propre et pour la bonté de sa nature et pour tout ce qu’il est en lui-même, et c’est là amour juste. Amour de la vertu est une fleur et un ornement et une mère de toute vertu et de toute perfection et de toute béatitude, car il est Dieu, car Dieu est fruit de la vertu, Dieu féconde toutes les vertus et est un fruit de la vertu, et le fruit demeure à l’homme. L’homme qui opérerait en vue d’un fruit et que ce fruit lui demeure, ce lui serait fort agréable ; et s’il y avait un homme qui possédât une vigne ou un champ et les confiât à son serviteur pour qu’il les travaille et pour que le fruit lui demeure, et s’il lui donnait aussi tout ce qui est requis pour cela, ce lui serait fort agréable que le fruit lui demeure sans dépense de sa part. Ainsi est-il fort agréable à l’homme qui habite dans le fruit de la vertu, car celui-là n’a aucune contrariété ni aucun trouble, car il a laissé soi-même et toutes choses. Eckhart: Sermon 28