Bethléem (Orígenes)

Sur le lieu de sa naissance, il a été dit que « le chef sortira de Bethléem», voici comment : « Mais toi, Bethléem bourg d’Éphrata, tu es bien petite pour être entre les milliers de Juda ; toi d’où sortira pour moi celui qui doit régner sur Israël et dont les origines sont aux temps anciens, aux jours d’éternité ». » Cette prophétie ne saurait convenir à aucun de ceux qui, au dire du Juif de Celse, sont des fanatiques ou des mendiants et déclarent venir d’en haut, si l’on n’a pas clairement montré qu’il est né à Behtléem, autrement dit qu’il est venu de Bethléem pour gouverner le peuple. Or, que Jésus soit né à Bethléem, si, après la prophétie de Michée et après le récit consigné dans les évangiles par les disciples de Jésus, on désire être convaincu par d’autres preuves, on montre, sachons-le, conformément à l’histoire évangélique de sa naissance, à Bethléem la grotte où il est né, et dans la grotte la crèche où il fut enveloppé de langes. Et ce qu’on montre est célèbre dans la contrée, même parmi les étrangers à la foi, puisqu’on effet dans cette grotte est né ce Jésus que les chrétiens adorent et admirent. Je pense pour ma part qu’avant la venue du Christ, les princes des prêtres et les scribes du peuple enseignaient, à cause de la clarté évidente de la prophétie, que le Christ naîtrait à Bethléem ; et le bruit s’en était même répandu chez la plupart des Juifs. De là vient qu’Hérode, selon l’Écriture, s’informant auprès des princes des prêtres et des scribes du peuple, avait appris d’eux que le Christ naîtrait « à Bethléem de Judée », lieu d’origine de David. De plus, il est attesté dans l’Évangile selon Jean que les Juifs avaient dit que le Christ naîtrait à Behtléem, lieu d’origine de David. Mais après la venue du Christ, ceux qui s’efforcèrent de détruire l’idée que sa naissance a été prédite des le commencement cachèrent cet enseignement au peuple. Effort semblable à celui que l’on tenta en persuadant les soldats de garde au tombeau qui l’avaient vu ressusciter des morts et l’annonçaient, par cette consigne donnée aux témoins : « Dites plutôt ses disciples sont venus la nuit le dérober durant notre sommeil. S’il en vient quelque chose aux oreilles du gouverneur, nous saurons le persuader et vous épargner tout ennui. » LIVRE I

L’amour de la dispute et la prévention laissent difficilement regarder en face même les choses évidentes, de peur qu’il faille abandonner des doctrines qui ont imprégné ceux à qui elles sont devenues une sorte d’habitude et dont elles ont façonné l’âme. Il est encore plus aisé en d’autres domaines d’abandonner ses habitudes, même invétérées, qu’en matière de doctrines. Du reste, celles-là aussi, les habitués les négligent malaisément : ainsi abandonner maisons, villes, villages, compagnons habituels, n’est pas aisé à qui est prévenu en leur faveur. Ce fut donc la raison pour laquelle bien des Juifs de l’époque ne purent regarder en face dans leur évidence les prophéties et les miracles, ce que Jésus a fait et a souffert d’après l’Écriture. Que la nature humaine soit affligée de ce travers sera manifeste si l’on réfléchit à la difficulté qu’on éprouve à changer d’avis une fois prévenu, fût-ce en faveur des plus honteuses et des plus futiles traditions des ancêtres et des concitoyens. Il sera long par exemple d’inspirer à un Egyptien le mépris d’une de ses traditions ancestrales, de cesser de croire à la divinité de tel animal sans raison ou de se garder jusqu’à la mort de goûter à sa chair. Si j’ai longuement examiné ce point et détaillé l’exposé du cas de Bethléem et la prophétie qui s’y rapporte, c’est que je pensais nécessaire de le faire pour répondre à l’objection : si telle était l’évidence des prophéties juives sur Jésus, pourquoi, à sa venue, n’a-t-on pas adhéré à son enseignement et ne s’est-on pas converti aux doctrines supérieures qu’il révélait ? Mais qu’on évite de faire pareil reproche à ceux d’entre nous qui croient, à la vue des raisons sérieuses de croire en Jésus présentées par ceux qui ont appris à les mettre en valeur. LIVRE I

Il n’est pas étonnant qu’Hérode ait tramé un complot contre le nouveau-né, même si le Juif de Celse refuse de le croire : la méchanceté est aveugle et voudrait, comme si elle était plus forte que lui, vaincre le destin. Dans ce sentiment, Hérode crut bien à la naissance du roi des Juifs, mais il prit une décision en désaccord avec cette croyance, sans avoir vu le dilemme : ou effectivement il était roi et il régnerait, ou il ne régnerait pas et vouloir sa mort était mutile. Il désira donc le mettre à mort, ayant à cause de sa méchanceté des jugements discordants, poussé par le diable aveugle et méchant qui, dès l’origine, conspirait contre le Sauveur, et présageant que Celui-ci était et deviendrait quelqu’un de grand. Cependant un ange, qui, bien que Celse refuse de le croire, veillait à la suite des événements, avertit Joseph de partir en Egypte avec l’enfant et sa mère ; mais Hérode fit tuer tous les enfants de Bethléem et des alentours, dans l’espoir de supprimer le roi des Juifs qui venait de naître. C’est qu’il ne voyait pas la Puissance toujours vigilante à protéger ceux qui méritent d’être gardés avec soin pour le salut de l’humanité. Au premier rang, supérieur à tous en honneur et en excellence, se trouvait Jésus : il serait roi, non pas au sens où l’entendait Hérode, mais où il convenait que Dieu lui conférât la royauté, pour le bienfait de ceux qui seraient sous sa loi : à lui qui allait non point accorder à ses sujets un bienfait ordinaire et pour ainsi dire indifférent, mais les former et les soumettre à des lois qui sont vraiment celles de Dieu. Cela aussi, Jésus le savait : il nia être roi au sens reçu par la multitude, et enseigna l’excellence de sa royauté personnelle en ces mots : « Si ma royauté était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux Juifs. Mais en fait, elle n’est pas de ce monde, ma royauté ». » Si Celse l’avait vu, il n’aurait pas dit : ” Si c’était de peur que, devenu grand, tu ne règnes à sa place, pourquoi, maintenant que te voilà grandi, ne règnes-tu pas, toi le Fils de Dieu, au lieu de mendier si lâchement, courbant l’échine de crainte, et te consumant par monts et par vaux ?” Mais il n’y a pas de lâcheté à éviter prudemment de s’exposer aux dangers, non par crainte de la mort, mais pour secourir utilement les autres en continuant à vivre, jusqu’à ce que vienne le temps opportun pour que Celui qui avait pris une nature humaine meure d’une mort d’homme, utile aux hommes ; c’est une évidence pour qui a compris que Jésus est mort pour le salut des hommes, comme je l’ai dit précédemment de mon mieux. LIVRE I