Puisque nous sommes en train de traiter des puissances contraires et de la manière dont elles mènent des combats contre nous, ces puissances qui insinuent dans les intelligences humaines une fausse connaissance et séduisent les âmes, alors que celles-ci pensent avoir trouvé la sagesse, il me paraît nécessaire de discerner et de distinguer ce qu’est la sagesse de ce monde et ce qu’est la sagesse des princes de ce monde, pour que nous puissions ainsi remarquer qui sont les pères de cette sagesse, ou mieux de ces sagesses. Je pense donc, comme on l’a dit plus haut, que la sagesse de ce monde est autre chose que les sagesses qui sont des princes de ce monde : c’est par cette sagesse, semble-t-il, que l’on conçoit et comprend ce qui est de ce monde. Rien en elle ne peut nous donner quelque idée de la divinité, de la nature du monde, ou de tout ce qui est d’un ordre plus élevé, ni même de la manière dont on peut mener une vie bonne et bienheureuse ; elle est de même nature, par exemple, que la poésie, la grammaire, la rhétorique, la musique, on peut y ajouter peut-être aussi la médecine. Dans tous ces arts, croyons-nous, est présente la sagesse du monde. Nous entendons par sagesse des princes de ce monde ce qu’on appelle la philosophie mystérieuse et occulte des Égyptiens, l’astrologie des Chaldéens, la sagesse des Indiens, qui promettent la connaissance des réalités supérieures, et aussi les opinions multiples et variées des Grecs sur la divinité. Nous voyons donc dans les Écritures saintes qu’il y a des princes au-dessus de chaque nation : ainsi nous lisons dans Daniel qu’il y a un prince du royaume des Perses et un prince du royaume des Grecs, et la logique même de son texte montre à l’évidence qu’il ne s’agit pas d’hommes, mais de certaines puissances. Dans le prophète Ézéchiel il est indiqué très clairement que le prince de Tyr est une puissance spirituelle. Ces princes de ce monde et les autres du même genre, ayant chacun leur sagesse, professant leurs doctrines et des opinions diverses, lorsqu’ils virent notre Seigneur et Sauveur promettre dans sa prédication qu’il était venu en ce monde pour détruire toutes les doctrines relevant de ce qui est faussement appelé connaissance, ignorant quelle était sa personnalité cachée, lui ont aussitôt tendu des embûches. En effet, les rois de la terre se sont dressés et les princes se sont rassemblés contre le Seigneur et contre son Christ. Ayant connu leurs embûches et compris celles qu’ils ont machinées contre le Fils de Dieu lorsqu’ils ont crucifié le Seigneur de la gloire, l’Apôtre dit : Nous parlons de la sagesse entre parfaits, la sagesse non de ce monde, ni des princes de ce monde qui sont détruits, celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue. S’ils l’avaient connue, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de majesté. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section