Mais du fait que beaucoup de saints participent à l’Esprit Saint, il ne faut pas du tout comprendre l’Esprit Saint comme un corps, divisé en morceaux, dont chaque saint recevrait des parcelles corporelles : il est assurément une puissance sanctifiante et on dit que participent à lui tous ceux qui ont obtenu d’être sanctifiés par sa grâce. Pour qu’on puisse comprendre plus facilement ce que nous disons, prenons en exemple des choses, à vrai dire dissemblables. Beaucoup participent à la science ou à l’art médical : faut-il penser que tous ceux qui participent à la médecine enlèvent des parcelles d’un certain corps appelé médecine, placé au milieu d’eux, et ainsi prennent part à lui ? Ne faut-il pas plutôt comprendre que tous ceux qui acquièrent la compréhension de cet art et de cette science avec une intelligence prête et préparée, participent, comme on le dit, à la médecine ? Il ne faut pas croire que cet exemple pris à la médecine, ainsi comparée au Saint Esprit, soit adéquat de toutes façons : mais nous l’employons seulement pour prouver qu’on ne doit pas penser aussitôt comme corps ce à quoi beaucoup participent. L’Esprit Saint est très éloigné de la nature et de la science de ce qu’est la médecine, car il est un être intellectuel et il existe d’une existence propre : rien de tel pour la médecine. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section
Il ne paraîtra pas absurde, pour manifester la chose avec plus d’évidence, de prendre une autre comparaison. Parfois nos yeux ne peuvent pas regarder la nature même de la lumière, c’est-à-dire le soleil dans son être même; mais en voyant son éclat et ses rayons répandus par les fenêtres, par exemple, ou par n’importe quel petit réceptacle de lumière, nous pouvons évaluer l’importance de ce foyer et de cette source de lumière corporelle. De même les oeuvres de la divine providence et l’art manifesté dans cet univers sont comme des rayons de la nature divine en comparaison de sa substance et de sa nature. Si notre intelligence ne peut voir par elle-même Dieu tel qu’il est, elle comprend cependant, d’après la beauté de ses oeuvres et la magnificence de ses créatures, le père de l’univers. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section
Mais Dieu, avec l’art ineffable de sa sagesse, transforme et restaure toutes choses, de quelque façon qu’elles se produisent, pour l’utilité et le profit commun du tout : ces créatures elles-mêmes, si éloignées les unes des autres par la diversité de leurs mentalités, il les ramène d’une certaine façon à un unique accord, dans leur activité et leurs intentions, pour consommer, malgré la diversité des mouvements des intelligences, l’accomplissement et la perfection d’un monde unique et diriger la variété des intelligences elles-mêmes vers une seule fin parfaite. Il est en effet l’unique puissance qui embrasse et maintient en lui toute la diversité du monde, ramène à l’unité ses mouvements variés, pour empêcher que son ouvrage si immense, le monde, ne soit brisé par les divisions des intelligences. Et c’est pourquoi nous pensons que Dieu, père de l’univers, pour sauver toutes ses créatures, par le moyen ineffable de sa Parole et Sagesse, a disposé chaque chose de telle manière qu’aucun esprit, intelligence, ou être rationnel subsistant, de quelque manière qu’on l’appelle, ne soit contraint par force, malgré la liberté de sa volonté, à faire autre chose que ce que lui commande le mouvement de son intelligence, car autrement lui serait enlevée, semble-t-il, la faculté du libre arbitre et la qualité de sa nature en serait tout à fait modifiée ; mais il a agencé les mouvements divers de leurs intentions avec à-propos et utilité pour assurer l’accord d’un monde unique ; et c’est ainsi que parmi ces êtres raisonnables, les uns ont besoin d’aide, les autres peuvent aider, d’autres encore soulèvent devant ceux qui progressent des luttes et des combats pour éprouver davantage leur diligence, pour rendre plus stable après la victoire l’état de la dignité qu’ils ont récupéré, affermi par leurs difficultés et leurs peines. Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »
Cette matière donc est si considérable et de telle nature qu’elle peut suffire à tous les corps du monde, à qui Dieu a voulu donner l’existence, et le créateur s’en sert pour fabriquer toutes les formes et espèces qu’il veut, lorsqu’elle reçoit les qualités qu’il a voulu lui imposer; je ne sais comment tant de grands hommes ont pensé qu’elle était incréée, c’est-à-dire qu’elle n’a pas été faite par le Dieu créateur de l’univers, et comment ils ont estimé que sa nature et son action étaient le produit du hasard. Je m’étonne que ces gens-là blâment ceux qui nient que Dieu soit le créateur et la providence de cet univers, qu’ils les accusent de pensées impies, parce qu’ils tiennent que le grand ouvrage du monde dure sans artisan et sans personne qui y pourvoie, alors qu’ils encourent eux-mêmes une accusation semblable d’impiété quand ils disent que la matière est incréée et coéternelle au Dieu incréé. Si nous suivons leur raisonnement et supposons par exemple que la matière n’a pas existé – comme ils l’affirment en disant que Dieu ne pouvait rien faire si rien n’était -, sans aucun doute Dieu aurait été oisif, n’ayant pas de matière pour pouvoir travailler, une matière qu’ils ne pensent pas être l’effet de sa providence, mais le produit du hasard ; et ils croient que ce qui se serait produit par hasard pourrait suffire à l’importance d’un si grand ouvrage et à la force de sa puissance, et que par l’art de sa sagesse cette matière pourrait être différenciée et ordonnée pour former un monde. Cela me semble tout à fait absurde et le propre d’hommes qui ignorent tout de la puissance et de l’intelligence de la nature incréée. Mais pour pouvoir considérer avec plus de soin ce qu’il en est, qu’on nous accorde provisoirement que la matière n’existait pas et que Dieu, alors que rien n’existait, a donné l’existence à ce qu’il a voulu. Que faut-il penser ? Que cette matière que devait faire Dieu, qu’il amenait à l’existence par sa puissance et sa sagesse, afin que soit ce qui avant n’était pas, ait été meilleure, supérieure, d’un autre genre, que celle que ces gens-là appellent incréée, ou au contraire inférieure et plus mauvaise, ou bien semblable et identique ? Et je pense que n’importe qui comprendra que ni une matière meilleure ni une matière pire n’aurait pu recevoir les formes et les espèces de ce monde, si elle n’avait pas été pareille à celle qui les a reçues. Ne paraîtra-t-il pas impie de dire incréé ce qui, si on le croit créé par Dieu, sera trouvé sans aucun doute pareil à ce qui est dit incréé ? Pour appuyer notre foi sur ce point sur l’autorité des Écritures, voici comment dans les Livres des Macchabées, quand la mère des sept martyrs exhorte un de ses fils à supporter les supplices, cette doctrine est confirmée : Je te prie, mon fils, regarde vers le ciel, la terre et tout ce qu’ils contiennent, et à cette vue sache que Dieu a fait tout cela alors que cela n’existait pas. Et dans le Livre du Pasteur, au premier précepte, il est dit : Crois d’abord qu’il y a un seul Dieu qui a tout créé et disposé: à partir du néant il a donné l’existence à l’univers. Cela n’est pas sans rapport avec ce qui est dit dans les Psaumes : Il dit et tout fut fait; il commanda et tout fut créé. Ces paroles : Il dit et tout fut fait, paraissent s’appliquer à la substance de ce qui est; le reste : Il commanda et tout fut créé, aux qualités qui ont donné sa forme à la substance. Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »
Je pense que nous pouvons donner la justification suivante à la phrase : Ce n’est donc pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. Salomon dit dans le livre des Psaumes – c’est de lui qu’est le Cantique des Montées, dont nous présentons ces paroles – : Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain ont travaillé ses bâtisseurs ; si le Seigneur ne garde la cité, en vain a veillé son gardien. Il ne nous détourne pas de construire et il ne nous apprend pas par là à ne pas veiller pour garder la cité qui se trouve en notre âme, mais il enseigne que ce qui est bâti sans Dieu et ce qui n’est pas sous sa garde est bâti en vain et gardé sans résultat, car c’est à bon droit que Dieu est décrit comme le maître de la construction et le Seigneur de l’univers comme le chef de ceux qui gardent la ville. C’est comme si nous disions : Cette construction n’est pas l’oeuvre du bâtisseur, mais de Dieu ; ou, si cette ville n’a rien souffert de ses ennemis, le succès n’est pas à attribuer à son gardien, mais au Dieu de l’univers. Nous n’aurions pas tort, si on sous-entend cependant que l’homme a fait quelque chose, mais que l’exploit doit être rapporté avec actions de grâces à Dieu qui a tout accompli. De même, puisque le vouloir humain ne suffit pas pour atteindre la fin, ni le fait de courir comme des athlètes pour obtenir le prix de l’appel céleste venant de Dieu dans le Christ Jésus – c’est en effet avec l’assistance de Dieu que cela s’accomplit -, il est écrit justement : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. On peut invoquer à ce sujet ce qui est écrit comme s’il s’agissait d’un travail agricole : C’est moi qui ai planté, Apollos qui a arrosé, mais Dieu qui a fait croître: de telle sorte que ni celui qui plante ni celui qui arrose ne sont quelque chose, mais celui qui fait croître, Dieu. Il serait impie, à notre avis, de dire que, si les fruits sont parvenus à leur plénitude, c’est l’oeuvre du cultivateur ou de celui qui arrose, alors que c’est l’oeuvre de Dieu. Pareillement en ce qui regarde notre perfection, on ne peut dire que nous n’ayons rien fait, cependant ce n’est pas nous qui l’avons accomplie, mais Dieu qui en a fait la plus grande part. Et pour qu’on croie avec plus de clarté à ce que nous disons, prenons en exemple l’art du pilote. Par comparaison à l’action des vents qui soufflent, à la sérénité de l’air, à l’éclat des astres, tout cela collaborant au salut des navigateurs, quelle importance a, dirait-on, pour retrouver le port, l’art du pilote ? Les pilotes eux-mêmes sont souvent assez circonspects pour ne pas se permettre de reconnaître qu’ils ont sauvé le navire, mais ils rapportent le tout à Dieu : cela ne veut pas dire qu’ils n’aient rien fait, mais que la part de la Providence est infiniment plus grande que celle de la technique. En ce qui concerne notre salut, la part de Dieu est infiniment plus grande que celle de notre libre arbitre. C’est pourquoi, à mon avis, il est dit : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. S’il fallait comprendre comme le font nos objecteurs la phrase : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde, les commandements seraient superflus et c’est en vain que Paul distribue le blâme à ceux qui sont tombés, la louange à ceux qui se conduisent bien, et légifère pour les Églises : en vain nous nous appliquons à vouloir les biens les meilleurs, en vain à courir. Mais non, ce n’est pas en vain que Paul conseille ceci, blâme les uns et approuve les autres, ce n’est pas en vain que nous nous consacrons à vouloir les biens les meilleurs et à nous hâter vers les biens supérieurs. Nos objecteurs donc n’ont pas bien compris ce qui concerne ce passage. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:
Telle est la disposition que Dieu a réalisée dans la suite, mais que déjà, dès l’origine du monde, il avait prise, ayant prévu les raisons et les causes, soit de ceux qui méritaient de venir dans des corps par suite de la défaillance de leur intelligence, soit de ceux qui étaient entraînés par le désir des réalités visibles, soit encore de ceux qui selon leur volonté ou sans le vouloir étaient obligés de remplir certains offices à l’égard de ceux qui étaient tombés dans cet état, et cela par celui qui les y soumettait dans l’espoir. Mais certains, sans comprendre ni voir que ces dispositions diverses avaient été prises par Dieu à la suite de causes antécédentes tenant au libre arbitre, ont pensé que tout ce qui se passe dans le monde était mené par des mouvements fortuits ou par une nécessité fatale et que rien ne dépendait de notre libre arbitre. Par là, ils n’ont pu montrer que la providence de Dieu était sans faute. Nous avons dit que toutes les âmes qui se sont trouvées dans ce monde ont eu besoin de beaucoup d’assistants, de directeurs, d’auxiliaires ; de même dans les derniers temps, alors que déjà la fin du monde était imminente et que tout le genre humain tournait à sa perte définitive, comme non seulement ceux qui étaient gouvernés, mais même ceux à qui avait été confié le soin de les gouverner, étaient atteints de faiblesse, le genre humain n’a plus eu besoin seulement d’une telle aide et de défenseurs semblables à lui, mais il a réclamé le secours de son auteur et créateur lui-même pour restaurer la discipline corrompue et profanée de l’obéissance chez les uns et de l’autorité chez les autres. C’est pourquoi le Fils Unique de Dieu, qui était la Parole et la Sagesse du Père lorsqu’il se trouvait auprès du Père dans cette gloire qu’il avait avant l’existence du monde, s’est anéanti lui-même et, prenant la forme de l’esclave, s’est fait obéissant jusqu’à la mort pour enseigner l’obéissance à ceux qui ne pouvaient pas obtenir le salut autrement que par l’obéissance, pour restaurer aussi les lois corrompues de l’art de gouverner et de régner, en soumettant tous ses ennemis sous ses pieds, et puisqu’il lui est nécessaire de régner jusqu’à ce qu’il ait mis ses ennemis sous ses pieds et qu’il ait détruit le dernier ennemi, la mort, pour apprendre à ceux qui gouvernent eux-mêmes les règles du gouvernement. Puisque donc, comme nous l’avons dit, il était venu restaurer la discipline non seulement de l’art de gouverner et de régner, mais aussi de celui d’obéir, accomplissant en lui-même ce qu’il voulait être accompli par les autres, il ne s’est pas fait seulement obéissant au Père jusqu’à la mort de la croix, mais aussi à la consommation du siècle, embrassant en lui-même tous ceux qu’il a soumis à son Père et qui par lui viennent au salut, il est dit qu’avec eux et en eux il se soumettra au Père, puisque tout subsiste en lui et qu’il est la tête de toute chose et qu’en lui se trouve la plénitude de ceux qui obtiennent le salut. C’est ce que dit de lui l’Apôtre : Lorsque tout lui sera soumis, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Première section
Mais, je ne sais comment, des hérétiques, sans comprendre la signification que l’Apôtre met dans ces paroles, calomnient ce terme soumission en ce qui concerne le Fils : si on cherche la signification du mot, on pourra la trouver facilement en partant de son contraire. Car si la soumission n’est pas un bien, il s’ensuit que son contraire, l’insoumission, est un bien. La parole de l’Apôtre : Lorsque tout lui sera soumis, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, paraît montrer, selon la signification que ces hérétiques lui donnent, que celui qui maintenant n’est pas soumis à son Père, lui sera soumis lorsque auparavant le Père lui aura soumis toutes choses. Mais je m’étonne qu’on puisse comprendre cela ainsi : si, tant que tout ne lui est pas soumis, il n’est pas lui-même soumis, alors, lorsque tout lui sera soumis, lorsqu’il sera devenu roi de tout et qu’il aura pouvoir sur l’univers, il se soumettra, selon ce qu’ils pensent, alors qu’il ne l’a pas fait auparavant. Ils ne comprennent pas que la soumission du Christ à son Père montre la béatitude qui viendra de notre perfection et exprime l’achèvement victorieux de l’oeuvre qu’il a entreprise, lorsqu’il offre à son Père non seulement le plus haut degré de l’art de gouverner et de régner, qu’il a purifié dans toute la création, mais encore les règles de conduite de l’obéissance et de la soumission, corrigées et restaurées dans tout le genre humain. Si donc on comprend comme bonne et salutaire la soumission par laquelle le Fils est, selon ce qui est dit, soumis à son Père, il s’ensuit de façon très logique et cohérente qu’il faut entendre comme salutaire et utile ce qui est appelé la soumission des ennemis au Fils de Dieu : dans ce qu’on appelle la soumission du Fils au Père est affirmée la restauration parfaite de toute la création ; pareillement dans la soumission des ennemis au Fils de Dieu, on comprend le salut en lui de ceux qui sont soumis et le rétablissement de ceux qui sont perdus. Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Première section
Pour montrer cette dégradation et cette chute causées par la négligence, nous pouvons sans absurdité utiliser une comparaison. Supposons que quelqu’un ait acquis peu à peu une compétence ou un art, comme la géométrie ou la médecine, jusqu’à parvenir à la perfection, en se formant longtemps par l’enseignement reçu et par des exercices, pour posséder entièrement la discipline susdite : il ne pourra jamais lui arriver d’être savant au moment de s’endormir et ignorant à son réveil. Ce n’est pas le moment d’évoquer ou de rappeler les accidents qui peuvent survenir par suite d’une lésion ou de faiblesse physique, car ils ne conviennent pas à la comparaison ou à l’exemple pris. Conformément à ce que nous avons proposé, ce géomètre ou ce médecin, tant qu’il pratique son art et s’instruit raisonnablement à son sujet, garde en lui la connaissance de sa discipline ; mais s’il ne l’exerce pas et s’il néglige de l’appliquer, il ne se souvient plus de quelques éléments, puis d’autres plus nombreux, et ainsi, après un long temps, tout s’en va dans l’oubli et disparaît complètement de sa mémoire. Il peut, certes, se faire, lorsque la déchéance commence et que la négligence est encore faible, qu’il se reprenne, revienne vite en lui-même, récupère ce qu’il a perdu et rappelle ce qu’il s’était ôté par des oublis encore restreints. Appliquons maintenant cela à ceux qui se sont adonnés à la connaissance et à la sagesse de Dieu, dont la science et la pratique dépassent incomparablement toutes les autres disciplines, et, conformément à la comparaison proposée, voyons ce qu’est l’acquisition de cette connaissance et ce qu’est sa perte, surtout lorsque nous entendons ce que l’Apôtre dit des parfaits, que face à face ils contempleront la gloire de Dieu, les mystères ayant été dévoilés. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Il y a aussi, outre ces princes, certaines forces de ce monde, c’est-à-dire des puissances spirituelles, consacrées à un certain genre d’action, qu’elles ont choisi elles-mêmes conformément à leur libre arbitre et parmi elles se trouvent ces esprits qui agissent sur la sagesse de ce monde : par exemple une force ou puissance particulière inspire la poésie, une autre la géométrie, et ainsi animent-elles chaque art ou discipline de ce genre. Aussi de nombreux Grecs ont pensé qu’il ne pouvait y avoir de poésie sans folie ; et leurs histoires rapportent que parfois ceux qu’ils appellent vates sont soudain envahis par un esprit de folie. Que dire encore de ceux qu’ils nomment devins et qui, par l’opération des démons qui les gouvernent, profèrent des oracles dans des vers modulés avec art. Mais ceux qu’ils disent magiciens ou auteurs de maléfices, parfois après avoir invoqué les démons sur des enfants encore petits, leur ont fait dire des poèmes dignes de plonger tout le monde dans l’étonnement et la stupéfaction. Tout se passe de la même façon que lorsque des âmes saintes et sans tache, qui se sont vouées à Dieu de toute leur volonté et en toute pureté, qui se sont tenues à l’écart de toute contagion démoniaque, qui se sont purifiées par une grande abstinence et se sont instruites des doctrines pieuses et religieuses, ont acquis par là une participation à la divinité et ont mérité de recevoir la grâce de la prophétie et de tous les autres dons divins ; de même, il faut le penser, ceux qui se sont livrés aux puissances contraires, et cela par leur activité, leur vie et un zèle en leur faveur qui leur est agréable, reçoivent leur inspiration et deviennent participants à leur sagesse et à leur doctrine. Il s’ensuit qu’ils deviennent les sujets de leurs opérations, puisqu’ils se sont d’abord assujettis à leur esclavage. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section
Ce serait un gros travail de passer en revue les prophéties très anciennes concernant chacune des réalités futures, afin que celui qui doute, frappé de leur inspiration divine, rejette toute hésitation et tout ce qui le tire en arrière et se donne de toute son âme aux paroles de Dieu. Mais si le caractère surhumain des pensées (de l’Écriture) pour ceux qui ne sont pas instruits n’apparaît guère dans la lettre de chaque passage, il n’y a là rien d’étonnant : en effet, en ce qui concerne les oeuvres de la providence qui s’étend à tout l’univers, certaines apparaissent très clairement en tant qu’oeuvres de la Providence, mais d’autres sont cachées pour rendre possible l’incroyance envers le Dieu qui gouverne toutes choses avec un art et une puissance indicibles. La manière dont opère le Dieu provident n’est pas aussi claire quand il s’agit des réalités terrestres que quand il s’agit du soleil, de la lune ou des étoiles, mais elle n’est pas non plus aussi claire en ce qui concerne les événements humains que quand il s’agit des âmes et des corps des animaux, car le pourquoi et la finalité peuvent être parfaitement trouvés par ceux que cela intéresse, au sujet des instincts, des imaginations et des natures des animaux et de la constitution des corps. Mais la Providence n’est pas victime d’une banqueroute à cause de nos ignorances aux yeux de ceux, du moins, qui l’ont une fois pour toutes bien acceptée ; il en est de même de la divinité de l’Écriture, qui s’étend à toute l’Écriture, bien que notre faiblesse ne puisse faire ressortir dans chacune de ses expressions la splendeur cachée des doctrines qui est déposée dans une lettre vile et méprisable : Nous avons en effet ce trésor dans des vases d’argile afin qu’éclaté la démesure de la puissance de Dieu et qu’on ne pense pas qu’elle vienne de nous, les hommes. En effet, si les méthodes de démonstration dont les hommes ont l’habitude et qui sont consignées dans les livres avaient convaincu l’humanité, on soupçonnerait avec raison notre foi d’avoir pour origine la sagesse des hommes et non la puissance de Dieu ; mais maintenant, pourvu qu’on lève les yeux, il est clair que la parole et la prédication tiennent leur pouvoir sur la foule, non des expressions persuasives de la sagesse, mais de la manifestation de l’esprit et de la puissance. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section