Tous ceux qui croient en toute certitude que la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, qui savent que le Christ est la Vérité puisqu’il a dit lui-même : Je suis la Vérité, ne reçoivent pas d’ailleurs que des paroles mêmes et de la doctrine du Christ la connaissance qui invite les hommes à une vie bonne et bienheureuse. Par paroles du Christ, nous n’entendons pas seulement ce qu’il a enseigné quand il s’est fait homme et quand il a vécu dans la chair : car auparavant le Christ, Parole de Dieu, se trouvait déjà en Moïse et dans les prophètes. En effet, sans la Parole de Dieu, comment auraient-ils pu prophétiser au sujet du Christ ? Il ne serait pas difficile de prouver cela en montrant à partir des divines Écritures comment Moïse et les prophètes ont parlé, ou ont accompli tout ce qu’ils ont fait, parce qu’ils étaient remplis de l’Esprit du Christ : mais notre propos est de traiter le sujet présent avec toute la brièveté possible. C’est pourquoi il suffira, je pense, d’utiliser seulement ce témoignage de Paul dans la lettre qu’il écrivit aux Hébreux : A cause de sa foi Moïse, devenu grand, refusa d’être dit le fils de la fille de Pharaon, préférant souffrir avec le peuple de Dieu que jouir quelque temps de la volupté du péché, estimant qu’il y a plus de richesse dans les outrages subis par le Christ que dans les trésors des Égyptiens. Et Paul indique en ces termes que Jésus a parlé en ses apôtres, même après son assomption dans le ciel : Cherchez-vous une preuve de celui qui parle en moi, le Christ ? Traité des Principes: Préface
Puisque beaucoup de ceux qui professent la foi au Christ sont en désaccord, non seulement sur des questions de peu et de très peu de valeur, mais sur des points de grande et de très grande importance, Dieu, le Seigneur Jésus-Christ lui-même, le Saint Esprit, et non seulement là-dessus, mais à propos des autres êtres, qui sont créés, c’est-à-dire des Dominations et des Puissances saintes, il paraît donc nécessaire sur chacun de ces points de définir ce qui est certain et d’exposer clairement la règle de foi, avant de tourner ailleurs notre recherche. En effet, alors que beaucoup de Grecs et de barbares promettaient la vérité, nous avons renoncé à la chercher chez ceux qui la présentaient dans des opinions fausses, lorsque nous avons cru que le Christ est le Fils de Dieu et que nous nous sommes persuadés que c’est de lui que nous devons l’apprendre : maintenant, de même, puisqu’il y en a beaucoup qui croient avoir les sentiments du Christ, alors que certains pensent différemment des autres, on doit garder la prédication ecclésiastique, transmise à partir des apôtres par ordre de succession et conservée dans les Églises jusqu’à présent; et seule doit être crue la vérité qui n’est pas en désaccord avec la tradition ecclésiastique et apostolique. Traité des Principes: Préface
Il faut en effet savoir que les saints apôtres, lorsqu’ils ont prêché la foi au Christ, ont transmis très clairement à tous les croyants, même à ceux qui semblaient trop paresseux pour s’adonner à la recherche de la science divine, tout ce qu’ils ont jugé nécessaire. Mais les raisons de leurs assertions, ils ont laissé la tâche de les rechercher à ceux qui mériteraient les dons les plus éminents de l’Esprit et surtout qui auraient reçu du même Saint Esprit la grâce de la parole, de la sagesse et de la connaissance. Des autres réalités, ils ont affirmé leur existence, mais ils n’ont pas parlé de leur manière d’être et de leur origine, assurément pour que dans la suite les plus zélés, par amour pour la sagesse, aient de quoi s’exercer, pour montrer les fruits de leurs capacités, ceux qui se sont préparés à devenir dignes et capables de recevoir la sagesse. Traité des Principes: Préface
Voici tout ce qui est transmis clairement par la prédication apostolique. D’abord il y a un seul Dieu qui a tout créé et établi, qui, alors que rien n’était, a fait être l’univers. Il est Dieu dès le début de la création et formation du monde, le Dieu de tous les justes, d’Adam, Abel, Seth, Énos, Enoch, Noé, Sem, Abraham, Isaac, Jacob, des douze patriarches, de Moïse et des prophètes. Et ce Dieu dans les derniers temps, comme il l’avait promis auparavant par ses prophètes, a envoyé notre Seigneur Jésus-Christ, pour appeler d’abord Israël, puis les nations après l’infidélité du peuple d’Israël. Ce Dieu juste et bon, père de notre Seigneur Jésus-Christ, a donné lui-même la loi, les prophètes et les évangiles : il est le Dieu des apôtres, celui de l’Ancien et du Nouveau Testament. Traité des Principes: Préface
Ils ont ensuite transmis que le Saint Esprit est associé au Père et au Fils en honneur et en dignité. En ce qui le concerne on ne voit pas clairement s’il est né ou n’est pas né, s’il faut le considérer comme Fils de Dieu ou non. Mais tout cela doit être recherché dans la mesure de nos forces à partir de la sainte Écriture et scruté avec sagacité. Cet Esprit a inspiré tous les saints prophètes et apôtres : les anciens n’avaient pas un autre Esprit que ceux qui ont été inspirés à la venue du Christ. Tout cela est très clairement prêché dans l’Église. Traité des Principes: Préface
Le terme asomatos, c’est-à-dire incorporel, est inconnu et inusité de beaucoup d’auteurs et des saintes Écritures. Si on nous oppose le petit livre qui a pour titre Doctrine de Pierre, où l’on fait dire par le Sauveur aux apôtres : Je ne suis pas un démon incorporel, il faudra répondre d’abord que cet écrit n’est pas de ceux qui sont reçus par l’Église et montrer qu’il n’est pas l’oeuvre de Pierre ni d’aucun autre écrivain inspiré par l’Esprit de Dieu. Même s’il fallait accorder ce que nous venons de leur refuser, le mot asomatos, n’a pas ici le même sens que chez les auteurs grecs et païens, lorsque les philosophes discutent de la nature incorporelle. En fait, dans ce petit livre, démon incorporel signifie que l’état ou l’aspect extérieur du corps démoniaque, quel qu’il soit, n’est pas semblable à notre corps que voici plus épais et visible ; mais c’est selon la signification qu’a voulue l’auteur de cet écrit qu’il faut comprendre ce qu’il dit, c’est-à-dire que le Christ n’a pas un corps semblable à celui des démons – ce dernier est par nature quelque chose de subtil, comme un souffle léger, et pour cela la plupart le pensent et le disent incorporel -, mais que le Christ a un corps solide et palpable. Si on s’en tient en effet aux habitudes courantes des hommes, tout ce qui n’est pas de cette sorte est appelé, par les plus simples et les plus ignorants incorporel : c’est comme si l’on disait que l’air que nous respirons est incorporel, parce qu’il n’est pas un corps que l’on puisse saisir et tenir et qui résiste quand on le presse. Traité des Principes: Préface
De nombreux passages des Écritures nous apprennent qu’il y a un Saint Esprit. Ainsi David dans le Psaume 50 : Ne m’ôte pas ton Esprit Saint; et Daniel : L’Esprit Saint qui est en toi. D’abondants témoignages du Nouveau Testament nous l’enseignent, lorsqu’il rapporte que l’Esprit Saint descendit sur le Christ et lorsque le Sauveur souffla sur les apôtres après la Résurrection en leur disant : Recevez l’Esprit Saint. A Marie, l’ange a annoncé : L’Esprit Saint viendra sur toi. Paul enseigne : Personne ne peut dire Jésus Seigneur, si ce n’est dans l’Esprit Saint. Et dans les Actes des Apôtres, les apôtres par l’imposition des mains donnaient l’Esprit Saint dans le baptême. Tout cela nous révèle la grande autorité et dignité qu’a l’Esprit Saint en tant qu’être substantiel, telle que le baptême de salut ne peut être accompli que par l’autorité de la Trinité la plus excellente de toutes, par l’invocation du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, et ainsi au Père inengendré et à son Fils unique est associé le nom du Saint Esprit. N’est-il pas stupéfiant de constater la majesté de l’Esprit Saint, quand on voit que celui qui parlera mal du Fils de l’homme pourra espérer le pardon, mais que celui qui aura blasphémé contre l’Esprit Saint n’aura de pardon ni dans le siècle présent ni dans le futur ? Tout a été créé par Dieu et il n’y a pas d’être qui n’ait reçu de lui l’existence : cela est affirmé par de nombreux passages de toute l’Écriture et permet de rejeter et de réfuter des fausses affirmations faites par certains, au sujet de la matière qui serait coéternelle à Dieu, au sujet des âmes qui seraient inengendrées, Dieu ayant mis en elles non tant l’existence que la qualité et l’ordonnance de la vie. Car dans le petit livre du Pasteur, l’Ange de la Pénitence, rédigé par Hermas, il est écrit : Crois avant tout qu’il y a un seul Dieu qui a tout créé et ordonné; qui, alors que rien n’était, a tout fait; qui contient toutes choses et n’est contenu par aucune. On trouve des affirmations semblables dans le Livre d’Enoch. Mais jusqu’à présent nous n’avons pu trouver dans les Écritures saintes aucune parole disant que le Saint Esprit ait été fait ou créé, même pas de la manière dont nous avons vu Salomon parler de la Sagesse, ou selon les explications que nous avons données de la Vie, de la Parole et des autres dénominations du Fils de Dieu. L’Esprit de Dieu qui se déplaçait sur les eaux, comme c’est écrit, au début de la création du monde, je ne le crois pas autre que l’Esprit Saint, selon ce que je puis comprendre, comme nous l’avons montré en exposant ce passage, non selon l’histoire, mais selon la compréhension spirituelle. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Quelques-uns de nos prédécesseurs ont observé à propos du Nouveau Testament que partout où l’esprit est nommé sans un adjectif désignant quel est cet esprit, il faut entendre l’Esprit Saint. Ainsi : Le fruit de l’Esprit est la charité, la joie, la paix, etc. De même : Alors que vous avez commencé dans l’Esprit, vous achevez maintenant dans la chair. Nous pensons que cette distinction peut être aussi appliquée à l’Ancien Testament. Par exemple : Celui qui donne l’Esprit au peuple qui est sur terre et l’Esprit à ceux qui la foulent. Sans aucun doute celui qui foule aux pieds la terre, c’est-à-dire le terrestre et le corporel, participe à l’Esprit Saint, le recevant de Dieu. Un savant hébreu disait qu’il fallait entendre du Fils unique et de l’Esprit Saint les deux Séraphins qu’Isaïe décrit avec six ailes et qui se crient l’un à l’autre : Saint, Saint, Saint, le Seigneur Sabaoth. Nous pensons qu’il faut de même appliquer au Christ et à l’Esprit Saint ce qui est dit dans le cantique d’Habacuc : Au milieu des deux vivants – ou des deux vies -, lu seras connu. Toute la science venant du Père, par la révélation du Fils, est connue dans l’Esprit Saint, de sorte que l’un et l’autre, appelés par le prophète des vivants ou des vies, sont causes de la science de Dieu le Père. Comme il est dit du Fils que personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, l’Apôtre parle de même du Saint Esprit : Dieu nous a révélé par son Esprit : car l’Esprit scrute tout, même les profondeurs de Dieu. Mais de même dans l’Évangile, le Sauveur, mentionnant les doctrines divines les plus profondes que ne pouvaient encore saisir ses disciples, dit aux apôtres : J’ai encore beaucoup à vous dire mais vous ne pouvez pas encore le comprendre; lorsque sera venu le Paraclet, l’Esprit Saint, qui procède du Père, il vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Il faut donc penser que comme le Fils, qui seul connaît le Père, le révèle à qui il veut, le Saint Esprit, qui est seul à scruter jusqu’aux profondeurs de Dieu, révèle Dieu à qui il veut. Car l’Esprit souffle où il veut. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Enfin, au temps du Déluge, lorsque tout être de chaire eut perverti la conduite fixée par Dieu, Dieu a dit, d’après l’Écriture, comme s’il parlait d’indignes et de pécheurs : Mon Esprit ne restera plus jamais dans ces hommes, parce qu’ils sont pécheurs. Cela manifeste que de tous les indignes est enlevé l’Esprit de Dieu. Il est écrit aussi dans les Psaumes : Tu leur enlèveras ton Esprit et ils défailliront et reviendront dans leur terre. Tu leur enverras ton Esprit et ils seront créés et tu renouvelleras la face de la terre : cela s’applique clairement au Saint Esprit, afin que, lorsque sont ôtés et détruits les pécheurs et les indignes, il crée lui-même un peuple nouveau et renouvelle la face de la terre, quand avec la grâce de l’Esprit, ils auront déposé le vieil homme avec ses oeuvres et se conduiront désormais selon une vie nouvelle. C’est pourquoi on a raison de dire que l’Esprit Saint habite, non dans ceux qui sont chair, mais dans ceux dont la terre a été renouvelée. L’Esprit Saint était pour cette raison transmis par l’imposition des mains des apôtres, après la grâce et le renouvellement apportés par le baptême. Et le Sauveur lui-même après sa résurrection, lorsque les réalités anciennes eurent passé et que tout eut été fait neuf, puisqu’il était lui-même l’homme nouveau et le premier-né des morts, dit à ses apôtres, pareillement rénovés par l’évidence de sa résurrection : Recevez l’Esprit Saint. C’est assurément ce que notre Seigneur et Sauveur indiquait dans l’Évangile, lorsqu’il refusait de mettre le vin nouveau dans de vieilles outres, mais qu’il ordonnait à ces outres de devenir neuves, c’est-à-dire lorsqu’il prescrivait aux hommes une conduite conforme à cette vie nouvelle, pour qu’ils puissent recevoir le vin nouveau, c’est-à-dire la nouveauté de la grâce de l’Esprit Saint. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
De cette manière l’action de la puissance de Dieu, Père et Fils, s’étend sans distinction sur toute créature, mais nous trouvons que seuls les saints possèdent la participation au Saint Esprit. C’est pourquoi il est dit : Personne ne peut dire: Jésus est Seigneur, sinon dans l’Esprit Saint. Et c’est à peine une fois que les apôtres ont mérité d’entendre : Vous recevrez la puissance de l’Esprit Saint venant sur vous. C’est ainsi que je pense logique que celui qui a péché contre le Fils de l’homme soit digne de pardon, parce que celui qui participe à la Parole – ou à la Raison -, s’il cesse de vivre de façon raisonnable, on jugera qu’il est tombé dans l’ignorance ou la sottise et qu’il peut donc mériter le pardon; mais celui qui a été digne de participer au Saint Esprit et est revenu en arrière, est considéré comme ayant, par le fait même et par son action, blasphémé contre l’Esprit Saint. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Par ailleurs nous trouvons un même enseignement concernant une autre puissance contraire dans le prophète Isaïe : Comment est-il tombé du ciel, Lucifer, celui qui se levait à l’aurore ? Il a été brisé et abattu sur terre, celui qui attaquait toutes les nations. Tu as dit dans ton coeur: Je monterai au ciel, au-dessus des étoiles du ciel je placerai mon trône, je siégerai sur un mont plus haut que toutes les montagnes les plus élevées qui sont au nord, je monterai sur les nuées, je serai semblable au Très-Haut. Maintenant, au contraire, tu seras plongé dans l’Hadès et dans les profondeurs de la terre. Ceux qui t’auront vu seront dans la stupéfaction à ton sujet et diront: Voici l’homme qui irritait toute la terre, qui renversait les rois, qui a fait de toute la terre un désert, qui a détruit les villes et qui n’a pas libéré ceux qui se trouvaient en prison. Tous les rois des nations se sont endormis avec honneur, chacun dans sa maison; toi, tu seras jeté dans les montagnes comme un mort abominable, au milieu de nombreux morts qui ont été percés du glaive et sont descendus dans l’Hadès. Comme un vêtement durci et souillé par le sang ne sera pas pur, ainsi toi non plus tu ne seras pas pur, parce que tu as dévasté ma terre et tué mon peuple : tu ne demeureras pas éternellement, engeance très mauvaise. Prépare tes fils à être tués pour les péchés de leur père, pour qu’ils ne se relèvent plus, qu’ils ne possèdent plus le pays en héritage et qu’ils ne remplissent plus la terre de guerres. Je me lèverai contre eux, dit le Seigneur Sabaoth, et je ferai disparaître leur nom, leurs restes et leur semence. Cela montre très clairement qu’il est assurément tombé du ciel, celui qui était auparavant Lucifer et qui se levait à l’aurore. Si, comme certains le pensent, il était de la nature des ténèbres, comment l’appelle-t-on auparavant Lucifer ? Comment pouvait-il se lever à l’aurore, lui qui n’avait en lui rien de la lumière ? Mais le Seigneur lui-même nous enseigne ce qui suit du Diable : Voici que je vois Satan tombé du ciel comme la foudre. Il fut donc jadis lumière. Mais notre Seigneur, qui est la Vérité, a comparé cependant à la foudre la grandeur de sa venue glorieuse : Comme la foudre brille d’un sommet du ciel à un autre sommet du ciel, ainsi sera aussi la venue du Fils de l’homme. Et il compare malgré cela Satan à la foudre, et il dit qu’il est tombé du ciel pour montrer qu’il a été lui-même jadis dans le ciel, qu’il eut place parmi les saints, qu’il a participé à la lumière à laquelle tous les saints participent, cette lumière qui fait les anges de lumière et qui fait appeler les apôtres par le Seigneur lumière du monde. De la même manière, il était donc jadis lumière avant de prévariquer et de tomber en ce lieu, avant que sa gloire ne se change en poussière, ce qui est le propre des impies, comme le dit le prophète. Et c’est pourquoi il est appelé Prince de ce monde, c’est-à-dire de cette habitation terrestre; et il gouverne ceux qui l’ont suivi dans sa malice puisque ce monde tout entier – j’appelle maintenant monde ce lieu terrestre – est placé sous le pouvoir du Malin, c’est-à-dire de cet apostat. Il est donc un apostat – c’est-à-dire un transfuge -, et c’est le Seigneur qui le dit dans le Livre de Job : Tu prendras à l’hameçon le dragon apostat, c’est-à-dire transfuge. Il est certain en effet que ce dragon désigne le Diable. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
Il y aura fin et consommation du monde lorsque chacun sera soumis aux peines méritées par ses péchés : ce temps, Dieu seul le connaît, quand chacun paiera pour ce qu’il mérite. Nous pensons que la bonté de Dieu rassemblera par son Christ toute la création dans une fin unique, après avoir réduit et soumis même les ennemis. C’est ce que dit la sainte Écriture : Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds. Si le sens de cette parole prophétique nous semble peu clair, écoutons l’apôtre Paul qui dit plus ouvertement : Il faut que le Christ règne, jusqu’à ce qu’il ait placé tous ses ennemis sous ses pieds. Si même cet avis si manifeste de l’Apôtre n’a pas suffi à nous enseigner ce que veut dire : placer ses ennemis sous ses pieds, entends ce qu’il dit à la suite : Il faut que tout lui soit soumis. Quelle est donc cette soumission par laquelle toutes choses doivent être soumises au Christ ? A mon avis il s’agit de cette même soumission par laquelle nous souhaitons lui être soumis, par laquelle lui sont soumis les apôtres et tous les saints qui ont suivi le Christ. Ce mot de soumission, de soumission au Christ, exprime pour les soumis le salut qui vient du Christ. David disait : Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu ? De lui en effet vient mon salut. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
Après avoir discuté selon nos forces de ce qu’est le monde, il ne paraîtra pas inconvenant de rechercher ce que veut dire l’appellation de monde, que l’on trouve fréquemment dans les Écritures saintes avec diverses significations. Ce que nous appelons en latin mundus se dit en grec cosmos : cependant le mot cosmos ne signifie pas seulement monde, mais encore ornement. En effet, quand Isaïe réprimande les filles nobles de Sion, il dit : A la place de l’ornement d’or de ta tête, tu auras la calvitie à cause de tes oeuvres; ornement traduit le même mot que monde, c’est-à-dire cosmos. Il est dit aussi que dans le vêtement du grand-prêtre était contenue l’explication du monde, selon ce que nous trouvons dans la Sagesse de Salomon : Dans la longue robe des prêtres était le monde entier. On appelle aussi notre monde le cercle terrestre avec ses habitants, comme dans l’Écriture : Tout le monde est sous l’autorité du Malin. Clément, disciple des apôtres, rappelle ceux que les Grecs nomment les Antichthoniens et d’autres parties du cercle terrestre, où aucun de nous ne peut aller, ni aucun de ceux qui y habitent venir jusqu’à nous, et il les appelle aussi des mondes lorsqu’il dit : L’Océan ne peut être traversé par les hommes, ainsi que les mondes qui sont de l’autre côté et sont gouvernés par les mêmes dispositions du Dieu souverain. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes
Maintenant que nous avons traité ces sujets selon l’ordre requis et le plus brièvement possible, il nous reste, conformément à notre propos initial, à réfuter ceux qui pensent que le Père de notre Seigneur Jésus-Christ est un autre Dieu que celui qui répondait à Moïse à propos de la loi et envoyait les prophètes, le Dieu des patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Il faut d’abord nous raffermir dans cette doctrine de foi. Considérons donc ce qui est dit souvent dans l’Évangile et rapporté en liaison avec chacun des actes de notre Seigneur et Sauveur : Pour que soit accompli ce qui est dit par le prophète, par tel ou tel prophète, puisqu’il est évident qu’ils sont les prophètes du Dieu qui a fait le monde. En bonne logique, on conclut que celui qui a envoyé les prophètes a lui-même prédit ce qu’il fallait prédire du Christ. Il n’est pas douteux que cela n’a pas été prédit par un Dieu qui lui aurait été étranger, mais par son propre père. Et le fait que, fréquemment, le Sauveur et ses apôtres prennent des exemples dans l’Ancien Testament n’indique pas autre chose que l’autorité attachée aux anciens par le Sauveur et ses disciples. Cette phrase du Sauveur exhortant ses disciples à la bonté : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait, lui qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir sur les justes et les injustes, suggère à tout homme, même d’intelligence médiocre, comme une vérité très évidente, qu’il ne propose pas à l’imitation de ses disciples un autre Dieu que le créateur du ciel, celui qui dispense les pluies. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Il serait trop long d’extraire et de rassembler de tous les passages de l’Évangile des témoignages enseignant que le Dieu de la loi et le Dieu des évangiles sont un seul et même Dieu. Invoquons cependant brièvement ce passage des Actes des Apôtres qui montre Étienne et les apôtres dirigeant leurs prières vers le Dieu qui a fait le ciel et la terre et qui a parlé par la bouche de ses saints prophètes, l’appelant le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu qui a tiré son peuple de la terre d’Egypte. Ces paroles dirigent sans aucun doute notre pensée vers la foi au Créateur et le font aimer de ceux qui ont appris tout cela à son sujet avec piété et fidélité. Le Sauveur lui-même, à qui on demandait quel était le commandement suprême de la loi, répondit ainsi : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. Le second commandement lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et il ajouta : De ces deux préceptes dépendent toute la loi et les prophètes. Comment donc, à celui qu’il instruisait et qu’il invitait à être son disciple, recommande-t-il ce précepte avant tous les autres, ce précepte qui sans aucun doute demande d’aimer le Dieu de la loi, puisque tout cela fut dit par la loi dans les mêmes termes ? Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Supposons cependant, malgré ces preuves tout à fait évidentes, que c’est de je ne sais quel autre Dieu que le Sauveur a dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, et tous les autres textes que nous avons invoqués. Si la loi et les prophètes sont l’oeuvre du créateur, à ce que disent les hérétiques, c’est-à-dire d’un autre Dieu que celui qu’ils présentent comme le Dieu bon, comment concilier avec cela ce que le Christ ajoute, que la loi et les prophètes dépendent de ces deux commandements ? Comment ce qui est étranger et éloigné de Dieu dépendra-t-il de Dieu ? Lorsque Paul déclare : Je rends grâce à mon Dieu que je sers comme l’ont fait mes ancêtres avec une conscience pure, il montre clairement qu’il n’est pas venu au Christ pour aller à un Dieu nouveau. Ces ancêtres de Paul faut-il les comprendre autres que ceux dont il dit : Ils sont Hébreux, moi aussi; ils sont Israélites, moi aussi. Mais la préface même de son Epître aux Romains ne montre-t-elle pas avec soin, à ceux qui savent comprendre les lettres de Paul, quel est ce Dieu que prêche Paul ? Il dit en effet : Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé apôtre, mis à part pour l’évangile de Dieu, que Dieu a promis dans les saintes Écritures au sujet de son Fils, ce Fils qu’il a fait chair à partir de la semence de David, qu’il a prédestiné comme Fils de Dieu dans sa puissance selon l’Esprit de sanctification en ressuscitant des morts Jésus-Christ notre Seigneur, et cetera. On peut aussi citer cette parole : Tu ne musèleras pas le boeuf qui foule l’aire; mais Dieu se soucie-t-il des boeufs ? Ou le dit-il assurément pour nous ? Pour nous en effet cela est écrit, car celui qui laboure doit labourer avec l’espérance et celui qui foule l’aire avec l’espoir de récolter. Par là, Paul montre avec évidence que le Dieu qui donne la loi a dit pour nous, c’est-à-dire pour ses apôtres : Tu ne musèleras pas le boeuf qui foule l’aire, car il ne se souciait pas des boeufs, mais des apôtres qui prêchaient l’évangile du Christ. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Après tant de si grandes considérations sur la nature du Fils de Dieu, nous sommes saisis d’une stupéfaction extrême en voyant que cette nature qui dépasse toutes les autres, se vidant de sa condition de majesté, s’est faite homme et a vécu parmi les hommes, comme l’atteste la grâce répandue sur ses lèvres, comme en rend témoignage le Père céleste et comme l’ont confirmé les signes, prodiges et miracles divers qu’elle a opérés. Avant d’être présent à nous comme il l’a montré par son corps, il a envoyé les prophètes, précurseurs et annonciateurs de sa venue ; après son ascension dans les cieux, il a fait circuler par toute la terre les saints apôtres remplis de la puissance de sa divinité, hommes inexpérimentés et ignorants venus du milieu des publicains ou des pêcheurs, pour rassembler de toutes les nations et de toutes les populations un peuple d’hommes pieux croyant en lui. Traité des Principes: Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section
Mais après toutes ces merveilles et magnificences, la capacité d’étonnement de l’intelligence humaine est complètement dépassée et la fragilité d’un entendement mortel ne voit pas comment elle pourrait penser et comprendre que cette Puissance si grande de la majesté divine, cette Parole du Père lui-même, cette Sagesse de Dieu dans laquelle ont été créés tout le visible et tout l’invisible, ait pu, comme il faut le croire, exister dans les étroites limites d’un homme qui s’est montré en Judée, et bien mieux que la Sagesse de Dieu ait pénétré dans la matrice d’une femme, soit née comme un petit enfant, ait émis des vagissements à la manière des nourrissons qui pleurent; et ensuite qu’elle ait été troublée par sa mort, comme on le rapporte et comme Jésus le reconnaît lui-même : Mon âme est triste jusqu’à la mort; et enfin qu’elle ait été conduite à la mort que les hommes jugent la plus indigne, bien qu’elle soit ressuscitée le troisième jour après. Tantôt nous voyons en lui certains traits humains qui paraissent ne différer en rien de la fragilité commune des mortels, tantôt des traits si divins qu’ils ne conviennent à personne d’autre qu’à la nature première et ineffable de la divinité : aussi l’entendement humain reste immobile par suite de son étroitesse et frappé d’une telle stupéfaction qu’il ignore où aller, que tenir, vers où se tourner. Pense-t-il le Dieu, il voit le mortel. Pense-t-il l’homme, il l’aperçoit, ayant vaincu le règne de la mort, revenir des morts avec ses dépouilles. C’est pourquoi ce mystère doit être contemplé en toute crainte et révérence pour montrer en un seul et même être la vérité de chaque nature, afin de ne rien penser d’indigne et d’indécent sur cet être substantiel divin et ineffable, ni juger au contraire que ce qu’il a fait soit l’illusion d’une imagination fausse. Exposer cela à des oreilles humaines et l’expliquer par des paroles excède de beaucoup les possibilités de notre mérite, de notre talent et de notre discours. Je juge que cela dépasse même la mesure des saints apôtres : bien mieux l’explication de ce mystère est peut-être au-dessus des puissances célestes de toute la création. Ce n’est pas cependant par témérité, mais parce que la suite du développement le demande, que nous exposerons en peu de mots, plutôt ce que notre foi contient que ce que les assertions de la raison humaine pourraient revendiquer, en présentant davantage ce que nous supposons que des affirmations manifestes. Donc le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, le visible et l’invisible, comme nous l’a appris plus haut cette discussion, a fait toute chose, selon l’attestation de l’Écriture, et aime tout ce qu’il a fait. Car, alors que du Dieu invisible il est lui-même l’image invisible, il a donné à toutes les créatures raisonnables de participer à lui de telle sorte que chaque créature adhère à lui par le sentiment de l’amour dans la mesure où elle participe davantage à lui. Mais puisque la faculté du libre arbitre a mis une variété et une diversité parmi les intelligences, les unes ayant un amour plus ardent envers leur créateur, les autres un amour plus faible et plus chétif, cette âme, dont Jésus dit : Personne ne m’ôte mon âme, adhérant à lui depuis sa création et dans la suite d’une manière inséparable et indissociable, comme à la Sagesse et à la Parole de Dieu, à la Vérité et à la Vraie Lumière, le recevant tout entier en elle tout entière et se changeant en sa lumière et en sa splendeur, est devenue avec lui dans son principe un seul esprit, de même que l’apôtre a promis à ceux qui devaient imiter cette âme que : Celui qui se joint au Seigneur est un seul esprit avec lui. De cette substance de l’âme servant d’intermédiaire entre un Dieu et la chair – car il n’était pas possible que la nature d’un Dieu se mêlât à la chair sans médiateur – naît, comme nous l’avons dit, le Dieu-Homme : cette substance était l’intermédiaire, car il n’était pas contre nature pour elle d’assumer un corps. Et de même il n’était pas contre nature que cette âme, substance raisonnable, puisse contenir Dieu, puisque, nous l’avons dit plus haut, elle s’était déjà toute changée en lui, comme en la Parole, la Sagesse et la Vérité. C’est pourquoi, à bon droit, parce qu’elle était tout entière dans le Fils de Dieu ou qu’elle contenait tout entier en elle le Fils de Dieu, elle est appelée elle-même, avec la chair qu’elle a assumée, Fils de Dieu et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et réciproquement, le Fils de Dieu par qui tout a été créé est nommé Jésus-Christ et Fils de l’homme. Car on dit que le Fils de Dieu est mort, à savoir à cause de cette nature qui pouvait parfaitement recevoir la mort ; et il est appelé Fils de l’homme, celui que l’on prêche comme devant venir dans la gloire de Dieu le Père avec les saints anges. Pour cette raison, dans toute l’Écriture la divine nature est appelée par des vocables humains et la nature humaine est ornée des titres réservés à Dieu. Dans ce cas plus que dans tout autre, on peut dire ce qui est écrit : Ils seront les deux dans une chair une: désormais ils ne sont plus deux, mais une chair une. Car la Parole de Dieu est bien plus avec son âme dans une chair une que ce que l’on pense du mari avec son épouse. Mais à qui convient-il mieux d’être un seul esprit avec Dieu qu’à cette âme qui s’est si bien jointe à Dieu par l’amour qu’elle peut être dite à bon droit un seul esprit avec lui. La perfection de l’amour et la sincérité d’une affection pure ont fait l’unité inséparable de cette âme avec un Dieu, tellement que l’assomption de cette âme n’est pas le produit du hasard ni le résultat d’une partialité envers une personne, mais vient du mérite de ses vertus. C’est ce que dit le prophète s’adressant à elle : Tu as aimé la justice et haï l’iniquité: c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a ointe de l’huile de joie plus que tes participants. A cause du mérite de son amour elle est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire l’âme avec la Parole de Dieu devient le Christ. Etre oint de l’huile de joie ne veut pas dire autre chose qu’être rempli de l’Esprit Saint. Ce qui est dit : plus que tes participants, indique que la grâce de l’Esprit ne lui a pas été donnée comme aux prophètes, mais qu’elle avait en elle la plénitude substantielle de la Parole de Dieu, selon l’Apôtre : En qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et enfin il n’est pas dit seulement : Tu as aimé la justice, mais : Et tu as haï l’iniquité. Haïr l’iniquité revient à ce que l’Écriture dit du Christ : Il n’a pas commis de péché et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche, et : Il a été éprouvé en tout de manière semblable sans péché. Mais le Seigneur lui-même dit : Qui de vous me convainc de péché ? De nouveau il dit de lui-même : Voici que vient le prince de ce monde et en moi il ne trouve rien. Tout cela montre qu’il n’y a en lui aucune pensée de péché. Le prophète exprime avec plus de clarté encore que jamais aucune pensée d’iniquité n’est entrée en lui quand il dit : Avant que l’enfant ait su appeler son père ou sa mère, il s’est détourné de l’iniquité. Traité des Principes: Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section
Pour expliquer plus complètement cela, il ne semblera pas absurde d’user d’une comparaison, bien que dans un sujet si ardu et difficile il ne soit pas aisé de se servir d’exemples commodes. Cependant, pour parler sans nuire à ce que nous allons dire, le métal appelé fer est capable de recevoir le froid et la chaleur : si donc une masse de fer est toujours placée dans le feu, le recevant dans tous ses pores et ses veines et devenue ainsi entièrement feu, dans le cas où le feu ne s’éloigne jamais d’elle et où elle n’est pas séparée du feu, ne dirons-nous pas que ce qui est par nature une masse de fer, placée dans le feu et continuellement brûlante, puisse jamais recevoir le froid ? Bien mieux – et cela est encore plus vrai -, nous la disons plutôt devenue tout entière feu, et nous constatons souvent de nos yeux qu’il en est ainsi dans les fours, car on ne voit en elle rien d’autre que du feu ; et si quelqu’un essaie de la toucher il ne sentira pas l’effet du fer, mais du feu. Pareillement cette âme qui, comme le fer dans le feu, se trouve toujours dans la Parole, toujours dans la Sagesse, toujours en Dieu, tout ce qu’elle fait, tout ce qu’elle pense, tout ce qu’elle comprend est Dieu. Et c’est pourquoi on ne peut la dire convertible ni muable, car, toujours enflammée, elle possède l’inconvertibilité par son unité avec la Parole de Dieu. On peut penser que parvient à tous les saints une certaine chaleur de la Parole de Dieu ; mais dans cette âme il faut croire que le feu divin lui-même repose substantiellement, ce feu dont les autres tirent un peu de chaleur. Enfin la phrase : Dieu, ton Dieu, t’a oint de l’huile de joie plus que tes participants, montre que cette âme est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire de la Parole de Dieu et de sa Sagesse, d’une autre manière que ses participants, les saints prophètes et apôtres. De ceux-ci on dit qu’ils ont couru dans l’odeur de ses parfums, mais cette âme fut le vase contenant le parfum lui-même : tous les prophètes et les apôtres devenaient dignes de participer à sa bonne odeur. Autre est l’odeur du parfum, autre sa substance ; ainsi autre est le Christ, autres ses participants. De même que le vase qui contient la substance du parfum ne peut en aucune façon recevoir de mauvaise senteur, mais que ceux qui participent à son odeur, s’ils s’en écartent un peu trop, sont susceptibles d’être atteints par les senteurs fétides ; de même le Christ, qui est le vase lui-même où se trouve la substance du parfum, ne pouvait recevoir l’odeur opposée, mais ses participants, dans la mesure où ils se tiendront proches du vase, participeront à l’odeur et pourront la contenir. Traité des Principes: Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section
Troisième traité (II, 7) : Que le même esprit était en Moïse et dans les autres prophètes et dans les saints apôtres Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Deuxième section
C’est donc le moment de disserter un peu dans la mesure de nos forces sur l’Esprit Saint que notre Seigneur et Sauveur dans l’Évangile selon Jean a nommé le Paraclet. De même qu’il y a un seul et même Dieu et un seul et même Christ, de même il y a un seul et même Saint Esprit qui fut aussi bien chez les prophètes que chez les apôtres, chez ceux qui ont cru en Dieu avant la venue du Christ et chez ceux qui par le Christ ont pris refuge en Dieu. Si, comme nous l’avons entendu, les hérétiques ont osé parler de deux Dieux et de deux Christs, nous n’avons jamais appris que quelqu’un ait prêché deux Saints Esprits. Comment pourraient-ils affirmer cela à partir des Écritures ou quelle distinction pouvaient-ils faire entre un Saint Esprit et un autre Saint Esprit, en supposant qu’on puisse définir en quelque façon ou décrire le Saint Esprit ? Car même si on accorde à Marcion et à Valentin qu’on puisse introduire des distinctions dans la divinité et décrire différemment la nature du bon et celle du juste, comment imaginer et inventer des distinctions à l’intérieur de l’Esprit Saint ? Je pense qu’ils n’ont rien pu trouver qui indique une distinction quelconque. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Il y a de nombreuses manières de comprendre le Christ, car, bien qu’il soit, certes, la Sagesse, il n’opère pas ni n’accomplit en tous les effets de la Sagesse, mais seulement en ceux qui s’adonnent en lui à la sagesse ; s’il est appelé médecin, il n’agit pas envers tous comme médecin, mais seulement envers ceux qui, ayant compris qu’ils sont malades, se réfugient dans sa miséricorde pour obtenir la santé. Je pense de même du Saint Esprit en qui se trouve toute la nature des dons. Aux uns en effet est fournie par l’Esprit la parole de sagesse, aux autres la parole de connaissance, à d’autres la foi; et ainsi, en chacun de ceux qui peuvent le recevoir, l’Esprit lui-même prend la forme dont a besoin celui qui a mérité de participer à lui et se fait comprendre de cette façon. Mais, sans remarquer ces distinctions et ces différences, certains, entendant qu’il est nommé Paraclet dans l’Évangile, ne réfléchissant pas à l’activité et au rôle qui le font appeler Paraclet, l’ont comparé à je ne sais quels esprits vils et ont tenté de troubler par là les Églises du Christ, au point d’engendrer des dissensions non négligeables parmi les frères. Mais l’Évangile lui confère une si grande puissance et majesté que, selon lui, les apôtres ne pouvaient encore comprendre ce que voulait leur enseigner le Sauveur, avant la venue de l’Esprit Saint qui, se répandant dans leurs âmes, les éclairerait sur la nature de la Trinité et sur la foi en elle. Mais ces hérétiques, à cause de l’incapacité de leur intelligence qui les empêche non seulement d’exposer avec logique ce qui est exact, mais encore de prêter l’oreille à ce que nous disons, pensent de la divinité de l’Esprit Saint des choses inférieures à sa dignité et se sont livrés à l’erreur et à la tromperie, déformés par des esprits erronés plutôt qu’instruits par les enseignements du Saint Esprit, selon cette parole de l’apôtre : Suivant la doctrine des esprits démoniaques qui défendent de se marier, pour la perte et la ruine de beaucoup, et obligent à contretemps de s’abstenir des nourritures, pour séduire les âmes des innocents en faisant montre d’une observance plus stricte. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Mais quelqu’un nous objectera peut-être, sur un point que nous avons déjà mentionné dans notre exposé : Comment est-il parlé d’une anthropomorphismes âme de Dieu ? Nous lui répondrons ce qui suit : Tout ce qui est attribué à Dieu de corporel, doigts, mains, bras, yeux, bouche, pieds, ne désigne pas selon nous des membres humains, mais certaines facultés de Dieu sous ces appellations de membres corporels ; il faut penser de même que quelque chose d’autre est indiqué par cette appellation d’âme de Dieu. Si nous pouvons nous permettre l’audace de parler encore sur un tel sujet, on peut entendre peut-être par âme de Dieu son Fils unique. En effet, de même que l’âme, insérée par tout le corps, fait tout mouvoir, opère et accomplit toutes choses, de même le Fils unique de Dieu, sa Parole et sa Sagesse, atteint et parvient à toute la puissance de Dieu, car il y est inséré. Et c’est peut-être pour indiquer ce mystère que, dans les Écritures, Dieu est représenté ou décrit comme un corps. Il faut, certes, examiner si on ne peut pas encore comprendre le Fils unique comme l’âme de Dieu parce qu’il est venu lui-même dans ce lieu d’affliction et qu’il est descendu dans cette vallée de larmes, dans le lieu de notre humiliation, comme dit le psaume : Parce que tu nous as humiliés dans le lieu d’affliction. Je sais enfin que quelques-uns, commentant ce qui est dit par le Sauveur dans l’Évangile : Mon âme est triste jusqu’à la mort, l’ont interprété des apôtres ; il les avait appelés son âme parce qu’ils étaient meilleurs que le reste du corps. Puisque la multitude des croyants est dite le corps du Sauveur, ils ont soutenu qu’il fallait comprendre les apôtres comme son âme, parce qu’ils sont meilleurs que le reste de la multitude. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section
Mais ceux qui reçoivent l’interprétation des Écritures selon le sens des apôtres espèrent que ce que mangeront les saints, c’est le pain de vie qui nourrit l’âme des aliments de la vérité et de la sagesse, illumine l’intelligence et l’abreuve de la coupe de la Sagesse divine, selon ce que dit l’Écriture : La Sagesse a préparé sa table, immolé ses victimes, mélangé son vin dans le cratère et elle crie à grande voix: Venez chez moi, mangez les pains que je vous ai préparés et buvez le vin que j’ai mélangé pour vous. Nourrie de ces aliments de la Sagesse, l’intelligence est rétablie dans son intégrité et dans sa perfection, dans l’état où l’homme a été créé au début, à l’image de Dieu et à sa ressemblance. Et même celui qui aura quitté cette vie avec une connaissance insuffisante, mais en apportant des oeuvres dignes d’approbation, sera instruit dans cette Jérusalem, cité des saints, il recevra l’enseignement et la formation et il deviendra une pierre vive, une pierre précieuse et choisie, parce qu’il aura enduré avec courage et constance les luttes de cette vie et les combats pour la piété; et là-haut il connaîtra de manière plus vraie et plus claire ce qui lui a été dit déjà ici-bas, parce que : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Les princes et les chefs sont à entendre de ceux qui dirigent leurs inférieurs, les instruisent, les enseignent et les forment dans la connaissance des réalités divines. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
Le saint apôtre, voulant nous donner un grand et mystérieux enseignement au sujet de la connaissance et de la sagesse dans la première épître aux Corinthiens, dit : Mais nous, nous parlons de la sagesse entre parfaits, la sagesse non de ce monde, ni des princes de ce monde qui sont détruits, mais nous parlons de la sagesse de Dieu cachée dans le mystère, celle que Dieu avant tous les siècles a prédestinée à servir à notre gloire, celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue. S’ils l’avaient connue, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de majesté. Dans ce texte, voulant montrer quelles sont les différentes sagesses, il écrit qu’il y a une certaine sagesse de ce monde et une certaine sagesse des princes de ce monde et qu’autre est la sagesse de Dieu. Par ces paroles : la sagesse des princes de ce monde, il ne veut pas dire, à mon avis, qu’il existe une sagesse pour tous les princes de ce monde, mais, me semble-t-il, il indique qu’il y a une sagesse propre à chacun des princes de ce monde. Pareillement lorsqu’il dit : Mais nous parlons de la sagesse de Dieu cachée dans le mystère, celle que Dieu avant tous les siècles a prédestinée à servir à notre gloire, il faut se demander s’il identifie cette sagesse de Dieu qui est cachée, et que Dieu n’a pas fait connaître dans les autres époques et les autres générations aux fils des hommes comme il l’a révélée maintenant à ses saints apôtres et prophètes, avec cette sagesse de Dieu qui existait aussi avant la venue du Sauveur, celle qui rendait sage Salomon, alors que ce qu’enseigne le Sauveur est plus sage que Salomon, d’après la parole du Sauveur lui-même : Voici qu’il y a ici plus que Salomon : cela montre en effet que les disciples du Sauveur recevaient plus de doctrine que ce qu’avait eu Salomon. Si on objecte que, certes, le Sauveur en savait davantage, mais que cependant il ne donnait pas aux autres plus de doctrine que Salomon, comment concilier avec cela et comment lui accorder logiquement ce qui est dit à la suite : La reine du Midi se dressera au jour du jugement et condamnera les hommes de cette génération, parce qu’elle est venue des confins de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et voici qu’il y a ici plus que Salomon ! Il y a donc une sagesse de ce monde et il y a aussi une sagesse pour chacun peut-être des princes de ce monde. A propos de la sagesse du Dieu unique il est indiqué, pensons-nous, qu’elle a agi de façon moindre auprès des hommes de l’antiquité, des hommes d’autrefois, mais qu’elle s’est révélée plus complètement et plus clairement dans le Christ. Mais de cette sagesse de Dieu nous traiterons en son lieu. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section
Il est montré clairement et par de multiples indices que l’âme humaine, tant qu’elle se trouve dans le corps, peut être sujette à diverses actions ou opérations d’esprits divers, mauvais ou bons. Et les mauvais agissent de deux façons : ou bien en possédant complètement et entièrement l’intelligence, au point de ne pas laisser ceux qu’ils obsèdent comprendre ou penser quoi que ce soit, comme c’est le cas de ceux qu’on appelle vulgairement énergumènes et que nous voyons dans un état de démence et de folie, pareils à ceux qui d’après l’Évangile furent guéris par le Sauveur ; ou bien en dépravant par des suggestions hostiles, à l’aide d’idées diverses et de persuasions funestes, une intelligence qui pense et qui comprend, comme ce fut le cas de Judas, poussé au crime de trahison par l’action du diable, selon le témoignage de l’Écriture : Alors que le diable avait déjà mis dans le coeur de Judas l’Iscariote l’intention de le livrer. On reçoit l’action ou l’opération du bon esprit lorsqu’on est mû et poussé au bien et lorsque l’inspiration porte sur les réalités célestes et divines : comme les saints anges, Dieu lui-même a agi dans les prophètes, les invitant et les exhortant à progresser par de saintes suggestions, mais en laissant, certes, à l’homme la liberté de juger s’il consent ou non à suivre l’invitation qui l’attire vers les réalités célestes et divines. C’est pourquoi il est possible de distinguer clairement quand l’âme est mue par la présence d’un esprit meilleur : c’est le cas lorsque l’inspiration qui la presse ne lui fait subir absolument aucun trouble ni aliénation de l’intelligence et qu’elle ne perd pas le jugement de son libre arbitre ; tels étaient tous les prophètes et les apôtres qui collaboraient aux oracles divins sans aucun trouble de l’intelligence. Nous avons déjà enseigné plus haut par des exemples comment la mémoire de l’homme peut être invitée par les suggestions du bon esprit à se souvenir des biens meilleurs, quand nous avons mentionné Mardochée et Artaxerxès. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section
Que dire des prophéties sur le Christ contenues dans les Psaumes, du cantique qui a pour titre Pour le bien-aimé dont la langue est appelée le calame d’un scribe qui écrit vite, le plus beau des fils des hommes, puisque la grâce a été répandue sur ses lèvres. Un indice de cette grâce répandue sur ses lèvres est que, passé le court moment de son enseignement – il a enseigné à peu près une année et quelques mois – toute la terre a été remplie de sa doctrine et de la religion qu’il a introduite. Car dans ses jours se sont levées la justice et une abondance de paix subsistant jusqu’à la consommation qui est appelée disparition de la lune, et il subsiste dominant de la mer à la mer et des fleuves aux confins de la terre. Et il a été donné un signe à la maison de David, car la vierge a porté dans son sein et a engendré un fils qui s’appelle Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous. Ce que dit le même prophète s’accomplit : Dieu avec nous : sachez-le, nations, et soyez vaincues, vous qui êtes puissants soyez vaincus. Nous avons eu le dessous et nous avons été vaincus, nous qui venons des nations, saisis par la grâce de sa Parole. Mais le lieu de sa naissance est prédit chez Michée : Et toi, dit-il, Bethléem, terre de Juda, tu n’es en rien la plus petite parmi les chefs de Juda, car de toi sortira le chef qui paîtra mon peuple Israël. Et les soixante-dix semaines ont été accomplies jusqu’au Christ chef, selon Daniel. Il est venu aussi selon Job, celui qui a dompté le grand cétacé et qui a donné à ses authentiques disciples le pouvoir de fouler aux pieds serpents et scorpions, ainsi que toute la puissance de l’ennemi, sans recevoir d’eux aucun dommage. Qu’on réfléchisse sur la venue en tous lieux des apôtres, de ceux qui ont été envoyés par Jésus annoncer l’Évangile, et l’on verra que leur audace dépassait l’homme et que leur entreprise était divine. Et lorsque nous examinons comment des hommes écoutant cet enseignement nouveau et ces paroles étrangères sont venus à eux, vaincus, quand ils voulaient leur tendre des embûches, par une puissance divine qui les protégeait, nous ne sommes pas incroyants à l’égard des prodiges qu’ils ont faits, Dieu apportant à leurs paroles son témoignage par des signes, des prodiges et des puissances diverses. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section
Après avoir indiqué succinctement que les Écritures divines sont inspirées par Dieu, il faut discourir sur la manière de les lire et de les comprendre, car beaucoup de faux pas sont commis parce que beaucoup n’ont pas trouvé la voie par laquelle il faut parcourir les divines lectures. Ceux de la circoncision à cause de leur dureté de coeur et de leur peu de compréhension n’ont pas cru en notre Sauveur, parce qu’ils pensent qu’il faut suivre la lettre des prophéties le concernant et qu’ils ne le voient pas de façon sensible prêcher aux prisonniers la rémission, ni bâtir celle qu’ils croient être vraiment la ville de Dieu, ni détruire les chars d’Éphraïm et les chevaux de Jérusalem, ni manger le beurre et le miel et avant de connaître et de choisir le mal élire le bien. Ils ont pensé encore que, selon la prophétie, un loup, l’animal quadrupède, devait paître avec un agneau, et une panthère se reposer avec un chevreau, qu’un veau, un taureau et un lion devaient paître ensemble et être menés par un petit enfant, qu’une vache et une ourse devaient paître ensemble et leurs petits être élevés les uns avec les autres, qu’un lion mangerait de la paille comme un boeuf et, n’ayant vu rien de cela se réaliser sensiblement à la venue de celui que nous croyons le Christ, ils n’ont pas accepté notre Seigneur Jésus, mais ils l’ont crucifié parce qu’il affirmait qu’il était le Christ, contrairement à la loi. Quant aux hérétiques, quand ils lisent : Un feu est allumé par ma colère ; je suis un Dieu jaloux, punissant les péchés des pères sur les fils jusqu’à la troisième et quatrième génération; je me suis repenti d’avoir oint Saul comme roi ; Je suis un Dieu qui fais la paix et qui produis le mal ; et ailleurs : Il n’y a pas dans la ville de mal que le Seigneur n’ait pas produit; et encore : Le mal descendit d’auprès du Seigneur sur les portes de Jérusalem ; Un esprit mauvais venant de Dieu étouffait Saul; et bien d’autres choses semblables, n’ont pas osé cependant ne pas croire que les Écritures étaient d’un Dieu, mais ils ont cru qu’elles étaient du créateur adoré par les Juifs et ils ont pensé que, puisque ce créateur était imparfait et non bon, le Sauveur était venu annoncer un Dieu plus parfait, qu’ils disent différent du créateur, ayant des sentiments divers à son égard. Une fois qu’ils se sont éloignés du créateur, qui est le seul Dieu inengendré, ils se sont adonnés à des inventions, fabriquant eux-mêmes des suppositions mythiques sur la création des réalités visibles et sur celle d’autres non visibles que leur âme a représentées en figures. Mais, certes, les plus simples aussi de ceux qui sont fiers d’appartenir à l’Église n’ont pas accepté d’autre Dieu plus grand que le Créateur, agissant en cela sainement ; cependant ils acceptent à son sujet ce qu’ils ne supporteraient pas du plus cruel et du plus injuste des hommes. Pour tous ceux dont nous venons de parler, la cause de ces fausses opinions, de ces impiétés et de ces paroles stupides au sujet de Dieu ne semble pas être autre chose que le fait de ne pas comprendre l’Écriture dans son sens spirituel, mais de l’interpréter selon la lettre seule. C’est pourquoi, à ceux qui sont persuadés que les livres saints ne sont pas des écrits d’hommes, mais qu’ils ont été rédigés par l’inspiration de l’Esprit Saint d’après la volonté du Père de l’univers par le moyen de Jésus Christ et qu’ainsi ils sont venus jusqu’à nous, il faut montrer ce qui nous paraît la méthode convenable pour les comprendre, pour ceux qui tiennent à la règle de l’Église céleste de Jésus-Christ transmise par la succession des apôtres. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Qu’il y a des économies mystérieuses, montrées par les divines Écritures, tous, même les plus simples, parmi ceux qui viennent à notre doctrine, le croient ; que sont-elles en revanche, ceux qui sont sages et sans orgueil avouent qu’ils ne le savent pas. Si quelqu’un est embarrassé au sujet de l’union de Lot avec ses filles, des deux épouses d’Abraham, des deux soeurs mariées à Jacob et des Jeux servantes qui ont enfanté par lui, ils diront seulement qu’il y a là des mystères que nous ne comprenons pas. Et lorsqu’ils lisent la manière dont le tabernacle fut construit, persuadés que ce qui est écrit est symbole, ils cherchent à qui on pourra appliquer chacun des détails indiqués à propos du tabernacle : ils ne se trompent pas quand ils sont persuadés que le tabernacle est symbole de quelque chose, mais parfois ils s’égarent lorsqu’ils veulent appliquer la parole de façon digne de l’Écriture à telle réalité dont le tabernacle est symbole. Et tout récit qu’on croit raconter des noces, des enfantements, des guerres ou n’importe quoi qui serait compris par la foule comme des histoires, ils affirment qu’il y a là des symboles. Quant à savoir de quoi, tantôt à cause de capacités insuffisamment exercées, tantôt par précipitation, parfois aussi malgré l’exercice et la réflexion, à cause de la difficulté sans mesure qu’ont les hommes pour trouver les réalités, on n’arrive pas à éclaircir le sens de chaque chose. Et que dire des prophéties que nous savons tous pleines d’énigmes et de paroles obscures ? Et si nous en venons aux évangiles, leur sens exact, puisqu’il est la pensée du Christ, exige pour être compris la grâce qui a été donnée à celui qui a dit : Nous, nous avons la pensée du Christ pour que nous sachions ce que Dieu nous a accordé : ce que nous disons, nous ne le disons pas dans des paroles apprises de la sagesse humaine, mais dans des paroles apprises de l’Esprit. Quant à ce qui a été révélé à Jean, quel lecteur ne serait pas frappé de constater qu’y sont cachés des mystères ineffables, dont la présence apparaît même à celui qui ne comprend pas ce qui est écrit ? A qui, parmi ceux qui savent examiner les textes, les épîtres des apôtres sembleraient claires et faciles à comprendre, alors que d’innombrables passages donnent l’occasion d’entrevoir, là aussi, comme à travers une ouverture, des pensées très sublimes et très nombreuses ? C’est pourquoi, les choses étant ainsi et de nombreuses personnes s’y trompant, il n’est pas sans danger, quand on lit l’Écriture, de déclarer facilement qu’on comprend, ce qui exige qu’on soit en possession de la clef de la connaissance qui, d’après le Seigneur, se trouve chez les docteurs de la loi. Qu’ils nous disent, ceux qui ne veulent pas accepter qu’avant la venue du Christ la vérité se trouvait chez les docteurs de la loi, comment il se fait que notre Seigneur Jésus-Christ nous déclare que la clef de la connaissance est chez eux, alors que, d’après nos contradicteurs, ils n’ont pas de livres contenant les mystères secrets et parfaits de la connaissance. Le texte en effet est le suivant : Malheur à vous, docteurs de la loi, car vous avez ôté la clef de la connaissance; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes et vous avez empêché les autres d’entrer. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Les choses étant ainsi, il nous faut esquisser ce que nous pensons des caractères de cette compréhension des Écritures. Il faut d’abord montrer que le but que se propose l’Esprit, qui illumine par suite de la Providence divine et par le moyen de la Parole qui est dans le principe auprès de Dieu les ministres de la vérité, prophètes et apôtres, vise principalement les mystères ineffables qui se rapportent aux affaires concernant les hommes – j’entends maintenant par hommes les âmes qui se servent de corps – pour que celui qui peut être enseigné, ayant examiné les textes et s’étant adonné à la recherche de leur sens profond, communie à toutes les doctrines que ce sens veut exprimer. Pour connaître les mystères concernant les âmes, qui ne peuvent autrement obtenir la perfection sans participer à toute la richesse et la sagesse de la vérité sur Dieu, les mystères concernant Dieu sont nécessairement rangés en tête, comme les plus importants, ainsi que ceux qui concernent son Fils Unique : quelle est sa nature, de quelle façon est-il fils de Dieu, quelles sont les causes de sa descente jusqu’à une chair humaine et de son assomption totale de l’homme, quelle est son activité, sur qui et quand s’exerce-t-elle ? Nécessairement encore, au sujet des créatures raisonnables qui nous sont parentes, et aussi des autres, les plus divines et celles qui sont tombées de la béatitude, au sujet des causes de leur chute, il faudrait recevoir ce que dit l’enseignement divin, et de même en ce qui regarde les différences des âmes, l’origine de ces différences, la nature du monde et la cause de son existence, et il nous est encore nécessaire d’apprendre d’où viennent sur terre tant de si grands maux, et non seulement sur terre, mais encore ailleurs. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Mais si l’utilité de cette législation apparaissait d’elle-même clairement dans tous les passa-ges, ainsi que la logique et l’habileté du récit historique, nous ne croirions pas qu’on puisse comprendre dans les Écritures quelque chose d’autre que le sens obvie. C’est pourquoi la Parole de Dieu a fait en sorte d’insérer au milieu de la loi et du récit comme des pierres d’achoppement, des passages choquants et des impossibilités, de peur que, complètement entraînés par le charme sans défaut du texte, soit nous ne nous écartions finalement des doctrines comme n’y apprenant rien qui soit digne de Dieu, soit ne trouvant aucune incitation dans la lettre, nous n’apprenions rien de plus divin. Il faut savoir aussi que, puisque le but principal est de présenter la logique qui est dans les réalités spirituelles à travers les événements qui se sont produits et les actions qu’on doit faire, là où la Parole a trouvé que les faits historiques pouvaient s’harmoniser aux réalités mystiques, elle s’en est servi pour cacher à la plupart le sens plus profond. Là où, pour l’exposition de la logique des réalités intelligibles, l’action de tel ou de tel, décrite auparavant, ne s’accordait pas avec elle à cause des significations plus mystiques, l’Écriture a tissé dans le récit ce qui ne s’est pas passé, tantôt parce que cela ne pouvait pas se passer, tantôt parce que cela pouvait se passer, mais ne s’est pas passé. Parfois il y a peu de phrases qui sont ainsi ajoutées bien qu’elles ne soient pas vraies selon le sens corporel, parfois il y en a davantage. Il faut traiter de façon semblable la législation : on y trouve fréquemment des préceptes qui d’eux-mêmes sont utiles et adaptés de façon opportune à la législation, mais parfois cette utilité n’apparaît pas. D’autres fois même, ce sont des choses impossibles qui sont prescrites, à cause de ceux qui sont le plus diligents et aiment le plus la recherche, pour qu’ils s’adonnent à l’étude et à la recherche de ce qui est écrit et qu’ils deviennent suffisamment persuadés de la nécessité de chercher là un sens digne de Dieu. Ce n’est pas seulement pour les livres antérieurs à la venue du Christ que l’Esprit s’est ainsi comporté, mais, comme il est le même Esprit et provient d’un même Dieu, il a agi de même pour les Évangiles et les apôtres : car chez eux aussi le récit est quelquefois mêlé d’ajouts qui y ont été tissés selon le sens corporel, mais qui ne correspondent pas à des événements réels, et pareillement la législation et les préceptes ne manifestent pas toujours des exigences raisonnables. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Si, en venant à l’Évangile, nous cherchons des expressions semblables, qu’y aurait-il de plus déraisonnable que : Ne saluez personne en chemin, alors que les simples pensent que le Seigneur a prescrit cela aux apôtres. Mais quand il est dit de frapper la joue droite, cela est invraisemblable, car tout homme qui frappe, à moins qu’il ne subisse quelque chose de contraire à la nature, frappe avec la main droite la joue gauche de l’autre. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section