animaux (Orígenes)

Tout ce que nous avons dit de la Sagesse de Dieu s’applique et s’entend aussi quand nous disons que le Fils de Dieu est Vie, Parole, Vérité, Voie, Résurrection : tous ces termes concernent ses oeuvres et ses puissances, et aucun d’eux ne permet de comprendre, même de façon fugitive, quelque chose de corporel, comme le seraient la grandeur, la forme ou la couleur. Certes, chez nous, les enfants des hommes ou les petits des autres animaux correspondent à la semence des pères qui les ont engendrés et des mères qui les ont formés et nourris dans leurs entrailles, tenant d’eux tout ce qu’ils possèdent en venant au jour et tout ce qu’ils emportent dans leur croissance. Cependant il n’est pas admissible de comparer Dieu le Père dans la génération de son Fils unique, quand il lui donne l’être, à un homme ou à un animal qui engendre. Mais il faut que cela ait lieu autrement, de manière digne de Dieu, car absolument rien ne peut lui être comparé, non seulement dans la réalité, mais même en pensée, afin que l’homme puisse concevoir comment le Dieu inengendré devient père du Fils unique. Cette génération éternelle et perpétuelle est comme celle du rayonnement engendré par la lumière. En effet le Fils ne devient pas tel du dehors, par l’adoption de l’Esprit, mais il est Fils par nature. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Il semble bon de rechercher pourquoi ce qui reçoit par Dieu la régénération pour son salut a besoin du Père, du Fils et du Saint Esprit, alors qu’il ne recevrait pas le salut sans la Trinité entière, et pourquoi il n’est pas possible de participer au Père et au Fils sans l’Esprit Saint. En discutant de cela, il sera sans doute nécessaire d’attribuer une action spéciale au Saint Esprit et une autre au Père et au Fils. Je pense donc que l’action du Père et du Fils s’exerce aussi bien sur les saints que sur les pécheurs, sur les hommes raisonnables que sur les animaux muets et même sur ceux qui n’ont pas d’âme, absolument sur tout ce qui est; l’action du Saint Esprit ne s’étend en aucune façon à ceux qui sont sans âme, ni à ceux qui sont animés, mais muets ; elle ne se constate même pas chez ceux qui sont raisonnables, mais plongés dans la malice sans se retourner en aucune façon vers le bien. Je pense que l’action du Saint Esprit ne s’exerce que sur ceux qui se tournent vers le mieux et marchent dans les voies du Christ Jésus, c’est-à-dire sur ceux qui agissent bien et demeurent en Dieu. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Le troisième ordre de la création raisonnable est formé de ces esprits qui ont été jugés par Dieu aptes à remplir le genre humain, c’est-à-dire les âmes des hommes ; parmi eux nous en voyons que leurs progrès ont haussé jusqu’à l’ordre des anges, ceux qui sont devenus fils de Dieu ou de la résurrection, ou ceux qui, laissant les ténèbres, ont préféré la lumière et sont devenus fils de lumière, ou ceux qui, ayant surpassé toute lutte et devenus pacifiques, sont faits fils de la paix et fils de Dieu, ou ceux qui, mortifiant leurs membres terrestres et transcendant non seulement la nature corporelle, mais encore les mouvements ambigus et fragiles de l’âme, se sont attachés au Seigneur, devenus entièrement esprits, pour être toujours avec lui un seul esprit, jugeant avec lui de toutes choses, jusqu’à ce qu’ils parviennent au degré des spirituels parfaits qui discernent tout et que, leur intelligence étant éclairée dans la plénitude de la sainteté par la Parole et la Sagesse de Dieu, ils ne puissent plus du tout être jugés par personne. Nous pensons, certes, qu’on ne doit en aucune façon accepter les questions ou les affirmations de certains, qui pensent que les âmes peuvent atteindre un tel degré de déchéance qu’oublieuses de leur nature raisonnable et de leur dignité, elles vont même jusqu’à se précipiter dans la classe des êtres animés déraisonnables, des animaux et des bestiaux. Ils tirent des Écritures des arguments mensongers, s’appuyant par exemple sur le précepte d’inculper et de lapider avec la femme l’animal auquel elle se serait unie contre nature et de lapider aussi le taureau qui donne des coups de corne; ou sur l’histoire de l’ânesse de Balaam qui parla, Dieu lui ouvrant la bouche, lorsque une bête de somme répondant avec une voix humaine, bien qu’elle fût muette, dénonça la folie du prophète. Tout cela, non seulement nous ne l’acceptons pas, mais encore nous réfutons et rejetons ces assertions contraires à notre foi. Cependant, lorsque nous aurons, au moment et à l’endroit convenables, confondu et réfuté cette doctrine perverse, nous montrerons comment il faut comprendre les passages des Écritures saintes qu’ils ont invoqués. LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section

La première chose qui apparaît avec évidence c’est qu’il est composé, dans sa variété et sa diversité, des natures raisonnables plus proches du divin et de différents corps, mais encore des animaux muets, bêtes sauvages, bestiaux, oiseaux, de tout ce qui vit dans les eaux, ensuite de divers lieux, le ciel ou les cieux, la terre, l’eau, et encore l’air qui est entre ciel et terre, ou ce qu’on appelle l’éther, enfin de tout ce qui procède et naît de la terre. Puisqu’il y a une telle variété dans le monde et une telle diversité dans les êtres animés raisonnables eux-mêmes, qui semblent être le motif de toute la variété et la diversité qui existent chez les autres êtres, peut-on trouver une autre cause à l’existence du monde, surtout si nous considérons la fin qui restaurera tout dans l’état initial, selon les discussions du livre précédent ? Si tout cela a été dit avec logique, peut-on trouver une autre cause que la diversité et la variété des mouvements et des chutes de ceux qui tombèrent de l’unité et de la concorde initiales, état primitif de leur création par Dieu ? Eloignés de cette situation de bonté par leurs troubles et leurs déchirements, par les agitations des divers mouvements et désirs de leurs intelligences, ils divisèrent cette bonté unique et indistincte de leur nature dans les qualités diverses des intelligences par suite de la diversité de leurs inclinations. Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »

Si le cours de cette discussion est parvenu à ces découvertes, la suite des idées demande, puisque la diversité du monde ne peut subsister sans les corps, que nous discutions ce qu’est la nature corporelle. La réalité elle-même montre que la nature corporelle subit des changements divers et variés pour pouvoir être transformée de tout en tout : ainsi par exemple le bois est changé en feu, le feu en fumée et la fumée en air ; de même l’huile, un liquide, est transformée en feu. Ne trouve-t-on pas la même cause de changement dans les nourritures elles-mêmes, des hommes ou des animaux ? Car ce que nous prenons comme aliment, quoi que ce soit, se change en la substance de notre corps. Bien qu’il ne soit pas difficile d’exposer comment l’eau se change en terre ou en air, l’air en feu et le feu en air, ou l’air en eau, il suffit cependant pour le présent de mentionner seulement cela si on veut discuter la nature de la matière corporelle. Nous entendons par matière le substrat des corps, c’est-à-dire ce par quoi les corps subsistent avec addition et insertion des qualités. Nous nommons quatre qualités : le chaud, le froid, le sec, l’humide. Ces quatre qualités insérées dans l’hylè, c’est-à-dire la matière, matière qui par sa nature propre est autre que les qualités susdites, constituent les diverses espèces de corps. Cependant cette matière, bien que, comme nous l’avons déjà dit, elle soit sans qualités selon sa nature propre, ne peut subsister sans les qualités. Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »

Maintenant la suite des idées demande de rechercher en général ce qu’est l’âme et de commencer par les êtres inférieurs pour monter aux supérieurs. Personne n’hésite à dire, je le crois, qu’il y a des âmes dans tous les êtres animés, même dans ceux qui vivent dans les eaux. C’est là l’opinion commune de tous et elle s’appuie sur l’Écriture sainte lorsqu’elle dit : Dieu fit les grands cétacés et toutes les âmes des animaux qui rampent, produits par les eaux selon leurs genres. Cela est confirmé à partir de la raison commune par ceux qui en donnent une définition en termes précis. En effet l’âme est définie comme une substance phantastikè et hormètikè (principe des imaginations et des impulsions), ce que l’on peut dire en latin, dans une traduction pas tout à fait exacte, sensibilis et mobilis (principe de sensibilité et de mouvement). Cette définition convient parfaitement à tous les animaux, y compris les aquatiques ; et elle s’adapte convenablement aux oiseaux. L’Écriture y ajoute l’autorité d’une autre proposition : Vous ne mangerez pas le sang, parce que le sang est l’âme de toute chair et vous ne mangerez pas l’âme avec les chairs. Là elle désigne en toute évidence le sang des animaux comme leur âme. Mais si quelqu’un demande, puisqu’elle a dit que l’âme de toute chair est son sang, ce qu’il en est des abeilles, guêpes et fourmis, des huîtres et des coquillages qui sont dans les eaux, et de tout autre être qui manque de sang, mais est de façon tout à fait manifeste un être animé, il faut répondre que le rôle qu’a chez les autres animaux la force du sang rouge est rempli chez eux par le liquide qui est en eux, bien qu’il soit d’une autre couleur; peu importe la couleur, pourvu qu’il y ait substance vitale. Des bêtes de somme et des bestiaux, il n’y a pas de doute dans l’opinion commune sur leur caractère d’êtres animés. Cela est clair aussi à partir du témoignage de l’Écriture divine puisque Dieu dit : Que la terre produise l’âme vivante selon son genre, les quadrupèdes, reptiles et bêtes de la terre selon leurs genres. En ce qui concerne l’homme il n’y a aucun doute et personne ne se pose de question ; cependant l’Écriture divine l’affirme en ces termes : Dieu insuffla sur son visage un souffle de vie et l’homme fut fait en âme vivante. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section

Nous avons exposé tout cela comme nous l’avons pu à propos de l’âme raisonnable, plutôt pour être discuté par les lecteurs que comme des doctrines fixées et définies. Au sujet des âmes des animaux et des autres êtres privés de parole suffit ce que nous avons dit brièvement plus haut. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section

Maintenant nous appelons monde tout ce qui est soit au-dessus des cieux, soit dans les cieux, soit sur la terre, soit dans ce qu’on nomme l’Hadès, soit tous les lieux absolument qui existent et ceux qu’on dit habiter dans ces lieux : on appelle donc monde l’univers. Dans ce monde il y a des êtres dits supracélestes, habitant des demeures d’une béatitude plus grande et revêtus de corps plus célestes et plus lumineux ; parmi eux on trouve beaucoup de degrés, comme, par exemple, ce qu’a dit l’Apôtre : Autre est la gloire du soleil, autre celle de la lune, autre celle des étoiles, car une étoile diffère d’une autre en gloire. Il y a aussi des êtres terrestres, très différents les uns des autres, parmi les hommes eux-mêmes : il y a des barbares, des Grecs, et parmi les barbares les uns sont plus cruels et féroces, les autres plus doux. Certains obéissent à des lois excellentes, d’autres à des lois méprisables et dures, d’autres suivent des coutumes inhumaines et sauvages plutôt que des lois. Certains vivent dans l’humiliation dès leur naissance, sont soumis à d’autres et élevés en esclaves, ou sont placés sous le pouvoir de maîtres, de princes ou de tyrans, mais d’autres reçoivent une éducation plus libérale et plus raisonnable ; certains possèdent la santé du corps, d’autres sont malades dès leur jeune âge, privés de la vue, de l’ouïe ou de la parole, soit qu’ils soient nés ainsi, soit qu’ils aient perdu ces sens sitôt après la naissance ou qu’ils aient souffert quelque chose de semblable étant déjà à l’âge adulte. Vaut-il la peine de développer et d’énumérer toutes les calamités des misères humaines dont les uns sont exempts et les autres atteints, puisque chacun peut, et encore en lui-même, les considérer et les évaluer une par une. H y a aussi des puissances invisibles à qui est confié le gouvernement de ce qui est sur terre ; et on peut croire que même chez elles on trouve des différences non négligeables, aussi bien que chez les hommes. Certes l’apôtre Paul parle aussi d’êtres infernaux et on peut chercher sans aucun doute chez eux la cause d’une diversité semblable. Il paraît superflu d’étendre cette recherche aux animaux sans parole, aux oiseaux et à ceux qui habitent dans les eaux, puisqu’il est certain qu’on ne doit pas les considérer comme des êtres premiers, mais comme des êtres d’origine seconde. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section

Tel était le désir, je pense, qu’exprimait comme sien celui qui disait : Je suis pris dans une alternative, ayant le désir de mourir pour être avec le Christ, ce qui serait de beaucoup préférable. Il savait qu’alors, quand il serait retourné au Christ, il connaîtrait les raisons de tout ce qui se passe sur la terre, concernant l’homme, son âme et son intelligence, les éléments dont l’homme est composé, la nature de l’esprit principal, de l’esprit qui opère, de l’esprit vital, de la grâce du Saint Esprit donnée aux fidèles. Alors il comprendra la signification d’Israël, de la diversité des nations, des douze tribus en Israël et de chaque clan dans chaque tribu. Il comprendra encore alors la raison des prêtres, des lévites et des différentes classes sacerdotales, il verra ce qui était symbolisé dans Moïse, il saura même quelle est auprès de Dieu la vérité des jubilés et les semaines d’années. Il verra aussi la raison des jours de fêtes et des fériés, les causes des sacrifices et des purifications. Il constatera la raison de la purification de la lèpre et de la lèpre colorée, et la purification de ceux qui souffrent de pertes séminales. Il connaîtra l’identité, la quantité et la nature des puissances bonnes et des puissances contraires, l’affection des premières pour les hommes, la jalousie combattante des secondes. Il verra encore la nature des âmes, la diversité des êtres animés, que ce soit les animaux aquatiques, les oiseaux ou les bêtes sauvages, la cause qui divise chaque genre en des espèces si nombreuses, le but du créateur, la signification cachée que sa sagesse donne à tous ces êtres. Il connaîtra aussi la raison qui attache certaines vertus à des racines et à des herbes et qui les refuse au contraire à d’autres herbes ou racines; de même la raison des anges apostats et la cause pour laquelle, par ceux qui ne les méprisent pas de toute leur foi, ils peuvent être flattés d’une certaine façon et être pour eux cause d’égarement et de tromperie. Il apprendra les jugements de la divine providence sur chacun de ces êtres, sur les accidents qui se produisent chez les hommes et ne sont pas l’effet du sort ou du hasard, mais d’une raison si bien pesée et si difficile qu’elle ne perd pas de vue même le nombre des cheveux, non seulement des saints, mais encore de tous les hommes : cette raison de la providence s’étend jusqu’aux deux passereaux qui sont vendus pour un denier, que l’on entende ces deux passereaux au sens spirituel ou même selon la lettre. Maintenant on se pose encore des questions à ces sujets, mais alors là-haut on en aura la vision claire. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section

Après tout cela il faut penser qu’il ne s’écoulera pas un laps de temps de peu de durée jusqu’à ce que soit montrée après leur mort, aux hommes qui en sont dignes et l’ont mérité, la raison de ce qui se passe sur la terre pour que la connaissance de tous ces mystères et la grâce d’une science complète les fasse jouir d’une joie inénarrable. Alors s’il est vrai que l’air que voici, qui s’étend entre le ciel et la terre, n’est pas dépourvu d’êtres animés, et d’êtres animés raisonnables, d’après ces paroles de l’Apôtre : Vous avez vécu jadis dans ces péchés, selon ce siècle et ce monde, selon le prince qui a puissance sur l’air, sur l’esprit (le souffle) qui agit maintenant dans les fils de la désobéissance, ou d’après celles-ci : Nous serons ravis sur les nuées à la rencontre du Christ dans l’air et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur, il faut penser en conséquence que les saints y demeureront un certain temps pour connaître de deux manières la raison qui dispose ce qui se passe dans les airs. J’ai employé comme il suit l’expression « de deux manières » : tant que nous étions sur terre, par exemple, nous avons vu les animaux et les arbres, nous avons constaté leurs différences, ainsi que la diversité extrême qu’il y a parmi les hommes; mais en les voyant nous n’avons pas compris leurs raisons, seulement cette diversité que nous avons perçue nous a amenés à rechercher et à scruter pourquoi tous ces êtres ont été créés si différents ou sont gouvernés de façon variée ; après avoir conçu sur terre le goût et l’amour de cette connaissance, nous en recevrons après la mort la science et la compréhension, si cependant nous en avons le désir; lorsque nous aurons une intelligence complète de leurs raisons, alors nous comprendrons des deux manières ce que nous avons vu sur terre. Il faut parler de même de ce qui se passe dans le séjour aérien. Je pense en effet que les saints, en quittant cette vie, demeureront en un lieu situé sur la terre, celui que l’Écriture divine appelle le Paradis, comme dans un lieu d’instruction, ou, pour ainsi dire, un auditoire ou une école des âmes, pour être instruits de tout ce qu’ils ont vu sur la terre, pour recevoir aussi quelques indications sur les réalités qu’ils verront dans la suite. De la même façon, quand ils étaient encore en cette vie, ils ont conçu quelque idée des réalités futures, à travers un miroir, en énigme, certes, mais cependant en partie : ces réalités seront révélées de façon plus claire et plus lumineuse aux saints dans les lieux et temps convenables. Si quelqu’un, certes, a le coeur pur, l’intelligence plus limpide et la pensée plus exercée, il progressera plus rapidement, montera vite à travers l’espace aérien et parviendra aux royaumes des cieux à travers ce que l’on pourrait appeler les demeures d’étape de chaque lieu, que les Grecs ont nommées sphères, c’est-à-dire globes, et que l’Écriture divine nomme les cieux. Dans chacune il apercevra d’abord ce qui s’y passe et ensuite même la raison de ce qui s’y passe ; et ainsi il parcourra dans l’ordre chaque chose à la suite de celui qui a pénétré les cieux, Jésus fils de Dieu, qui a dit : Je veux que là oh je suis, ceux-ci soient avec moi. Il donne une idée de cette diversité de lieux quand il dit : Il y a beaucoup de demeures auprès du Père. Quant à lui il est partout et parcourt toutes choses : ne le comprenons plus désormais dans l’exiguïté qu’il a assumée à nos yeux pour nous, c’est-à-dire dans les limites étroites qui l’ont enserré quand il était sur terre dans notre corps parmi les hommes et qui peuvent faire penser qu’il est circonscrit dans un seul lieu. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section

Parmi les êtres qui sont mus, les uns ont en eux-mêmes la cause du mouvement, les autres sont mus seulement du dehors. Sont mus seulement du dehors les objets que l’on peut porter, comme le bois, les pierres et toute matière dont la cohésion est maintenue par leur structure seule. Ne parlons pas pour le moment d’appeler mouvement l’écoulement des corps, car nous n’avons pas besoin de cela pour notre sujet. Ont en eux-mêmes la cause de leur mouvement les animaux, les plantes, bref tout ce qui est maintenu ensemble par une force naturelle de croissance et une âme : parmi eux on dit que se trouvent aussi les mines métalliques, et en outre le feu lui aussi a son mouvement de lui-même, peut-être même les sources. Parmi ceux qui ont en eux-mêmes la cause de leur mouvement, on dit que les uns sont mus d’eux-mêmes, les autres par eux-mêmes : d’eux-mêmes ce sont les êtres inanimés et par eux-mêmes les animés. Et les êtres animés sont mus par eux-mêmes, car une représentation se produit en eux qui provoque l’impulsion. Mieux, chez certains animaux, des représentations se produisent provoquant l’impulsion, la nature imaginative actionnant l’impulsion de façon ordonnée : ainsi chez l’araignée la représentation de tisser se produit et l’impulsion à tisser suit, la nature imaginative la provoquant à cela de façon ordonnée, car l’animal n’a rien reçu d’autre que cette nature imaginative. La même chose se produit chez l’abeille pour façonner la cire. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Mais l’animal raisonnable, outre la nature imaginative, possède la raison qui juge les représentations, refuse les unes et accepte les autres, pour que le vivant se conduise selon elles. C’est pourquoi, puisque la raison possède dans sa nature les moyens de voir le bien et le mal, que nous utilisons pour voir le bien et le mal et ainsi choisir le bien et refuser le mal, nous sommes dignes de louange si nous nous mettons à pratiquer le bien, dignes de blâme dans le cas contraire. Il ne faut pas ignorer cependant que l’on trouve chez les animaux, en quelque manière, à un degré supérieur une nature ordonnée à toute espèce d’activité, plus ou moins : ainsi, pour parler de la sorte, l’action des chiens qui suivent à la trace ou des chevaux de combat est proche de l’action raisonnable. Qu’une incitation vienne du dehors, provoquant telle ou telle représentation, cela, de l’aveu de tous, ne dépend pas de notre libre arbitre. Mais quant à juger si on doit se servir de cette façon ou de cette autre de ce qui s’est produit, c’est l’oeuvre seulement de la raison qui est en nous et qui, à partir de ces occasions, fortifie en nous les impulsions qui nous entraînent vers le bien et le convenable, ou au contraire nous en détournent. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Lorsque donc il nous est promis que Dieu sera tout et en tous, il ne faut pas penser, comme c’est logique, que les animaux, les bestiaux et les bêtes parviendront à cette fin, pour qu’on n’indique pas que Dieu est présent dans les animaux, les bestiaux et les bêtes ; et non plus dans le bois et la pierre, de peur qu’on ne dise aussi que Dieu est en eux. Nous croyons aussi qu’aucune malice n’arrivera à cette fin, de peur que lorsqu’il est dit que Dieu est tout en tous, on n’affirme qu’il se trouve aussi dans quelque réceptacle de malice. Nous disons certes aussi que Dieu est partout et en tout en ce sens que rien ne peut être vide de Dieu, mais cependant nous ne disons pas qu’il soit tout maintenant dans ce en quoi il est. C’est pourquoi il faut examiner avec plus de soin ce que signifie la perfection de la béatitude et la fin de toutes choses : Dieu n’est pas dit seulement être en tout, mais aussi être tout. Demandons-nous ce que signifie cette expression, tout, que Dieu sera en tout. Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Ce serait un gros travail de passer en revue les prophéties très anciennes concernant chacune des réalités futures, afin que celui qui doute, frappé de leur inspiration divine, rejette toute hésitation et tout ce qui le tire en arrière et se donne de toute son âme aux paroles de Dieu. Mais si le caractère surhumain des pensées (de l’Écriture) pour ceux qui ne sont pas instruits n’apparaît guère dans la lettre de chaque passage, il n’y a là rien d’étonnant : en effet, en ce qui concerne les oeuvres de la providence qui s’étend à tout l’univers, certaines apparaissent très clairement en tant qu’oeuvres de la Providence, mais d’autres sont cachées pour rendre possible l’incroyance envers le Dieu qui gouverne toutes choses avec un art et une puissance indicibles. La manière dont opère le Dieu provident n’est pas aussi claire quand il s’agit des réalités terrestres que quand il s’agit du soleil, de la lune ou des étoiles, mais elle n’est pas non plus aussi claire en ce qui concerne les événements humains que quand il s’agit des âmes et des corps des animaux, car le pourquoi et la finalité peuvent être parfaitement trouvés par ceux que cela intéresse, au sujet des instincts, des imaginations et des natures des animaux et de la constitution des corps. Mais la Providence n’est pas victime d’une banqueroute à cause de nos ignorances aux yeux de ceux, du moins, qui l’ont une fois pour toutes bien acceptée ; il en est de même de la divinité de l’Écriture, qui s’étend à toute l’Écriture, bien que notre faiblesse ne puisse faire ressortir dans chacune de ses expressions la splendeur cachée des doctrines qui est déposée dans une lettre vile et méprisable : Nous avons en effet ce trésor dans des vases d’argile afin qu’éclaté la démesure de la puissance de Dieu et qu’on ne pense pas qu’elle vienne de nous, les hommes. En effet, si les méthodes de démonstration dont les hommes ont l’habitude et qui sont consignées dans les livres avaient convaincu l’humanité, on soupçonnerait avec raison notre foi d’avoir pour origine la sagesse des hommes et non la puissance de Dieu ; mais maintenant, pourvu qu’on lève les yeux, il est clair que la parole et la prédication tiennent leur pouvoir sur la foule, non des expressions persuasives de la sagesse, mais de la manifestation de l’esprit et de la puissance. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section

Récapitulation sur le Père, le Fils l’Esprit Saint et les autres points qui ont été traités plus haut: Le moment est venu, après avoir parcouru selon nos forces tout ce qui a été dit plus haut, de récapituler en guise de rappel chacun des points que nous avons traités séparément et d’abord de revenir sur le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Puisque Dieu le Père est invisible et inséparable de son Fils, il n’a pas engendré le Fils par prolation comme certains le pensent. En effet si le Fils est une prolation du Père, comme ce mot de prolation exprime une génération semblable au mode ordinaire de reproduction des animaux ou des hommes, il faut nécessairement que celui qui a mis au jour et celui qui a été mis au jour soient corps. Nous ne disons donc pas, comme le pensent les hérétiques, qu’une partie de la substance de Dieu se soit changée en fils ou que le Fils a été procréé par le Père à partir de rien, c’est-à-dire en dehors de sa substance, de telle sorte qu’il fut un moment où il n’était pas, mais nous disons, en supprimant toute signification corporelle, que la Parole et Sagesse est née du Père invisible et incorporel, sans que rien ne se produise corporellement, comme la volonté procède de l’intelligence. Il ne paraîtra pas absurde, puisqu’il est appelé fils de la charité, de penser qu’il est pareillement fils de la volonté. Mais Jean indique aussi que Dieu est lumière, et Paul montre que le Fils est le rayonnement de la lumière éternelle. De même que jamais la lumière n’a pu exister sans son rayonnement, de même le Fils ne peut être compris sans le Père, lui qui est appelé l’empreinte et l’expression de sa substance, sa Parole et sa Sagesse. Comment peut-il être dit qu’il fut un moment où le Fils n’aurait pas été ? Cela revient à dire qu’il fut un moment où la Vérité n’aurait pas été, où la Sagesse n’aurait pas été, où la Vie n’aurait pas été, alors que dans tous ces aspects est dénombrée parfaitement la substance du Père. Ils ne peuvent pas être séparés de lui et ne peuvent jamais être séparés de sa substance. Bien qu’on dise qu’ils sont multiples sous le regard de l’intelligence, ils sont un par leur substance et en eux se trouve la plénitude de la divinité. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Il faut d’abord savoir que nous n’avons nulle part jusqu’à maintenant trouvé dans les Écritures canoniques ce mot de matière pour désigner la substance qu’on considère comme sous-jacente aux corps. Lorsque Isaïe dit : Et il mangera comme du foin l’hylè, c’est-à-dire la matière, il parle de ceux qui se trouvent dans les supplices et par matière désigne les péchés. Si on trouve dans un autre endroit le mot de matière, nulle part, à mon avis, on ne le voit signifier ce dont nous parlons, excepté seulement dans la Sagesse dite de Salomon, livre dont l’autorité n’est pas reconnue de tous. On y trouve donc ceci : Ta main toute-puissante qui avait créé le monde à partir de la matière informe n’était pas embarrassée pour leur envoyer une foule d’ours ou des lions féroces. Beaucoup pensent, certes, qu’il s’agit de la matière même des choses dans ce qui a été écrit par Moïse au début de la Genèse : Au début, Dieu fit le ciel et la terre ; la terre était invisible et sans ordre. Par cette terre invisible et sans ordre, Moïse n’a pas semblé indiquer autre chose que la matière informe. S’il s’agit vraiment là de la matière, il s’ensuit que les principes des corps ne sont pas immuables. Car ceux qui ont mis pour principes des choses corporelles les atomes, qu’il s’agisse de ce qui ne peut être divisé ou de ce qui peut l’être en parties égales, ou l’un des quatre éléments, n’ont pu placer parmi les principes le mot de matière, c’est-à-dire ce qui définit au premier chef la matière. Et lorsqu’ils font de la matière le substrat de tous les corps, comme une substance convertible, changeable et divisible de toute manière, ils ne pourront le faire selon sa nature propre en faisant abstraction des qualités. Nous acceptons ce qu’ils disent, nous qui refusons de toute manière de dire la matière incréée ou non faite, comme nous l’avons montré plus haut selon nos possibilités, lorsque nous avons signalé que les diverses sortes de fruits sont produits par les différentes espèces d’arbres à partir de l’eau et de la terre, de l’air et de la chaleur, et lorsque nous avons enseigné que le feu, l’air, l’eau et la terre se changent l’un dans l’autre, et que chaque élément se résout en un autre par suite d’une parenté réciproque ; pareillement, lorsque nous avons prouvé que chez les hommes et les animaux la substance de la chair tire son existence de la nourriture et que l’humeur de la semence naturelle se change en une chair solide et dans des os. Tout cela nous enseigne que la substance corporelle est transformable et qu’elle passe d’une qualité à l’autre. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Cependant il faut savoir que jamais la substance ne subsiste sans qualité et que seule l’intelligence discerne que ce qui est le substrat des corps et est capable de recevoir une qualité est la matière. Certains, voulant se livrer à ce sujet à une recherche plus profonde, ont osé dire que la nature corporelle n’est pas autre chose que les qualités. En effet, si la dureté et la mollesse, le chaud et le froid, l’humide et le sec, sont des qualités, lorsqu’on les supprime, elles et les autres qualités de même nature, on s’aperçoit qu’il n’y a plus de substrat, alors les qualités paraîtront être tout. C’est pourquoi les partisans de cette thèse ont essayé de soutenir ceci : puisque tous ceux qui admettent une matière incréée reconnaissent que les qualités ont été faites par Dieu, on trouve alors que, même pour eux, la matière elle-même n’est pas incréée, puisque les qualités sont tout, et que tous, sans contradiction, affirment qu’elles ont été faites par Dieu. Mais ceux qui veulent montrer que les qualités sont ajoutées du dehors à une matière sous-jacente, se servent d’exemples du genre suivant : Paul, sans aucun doute, ou se tait ou parle, ou veille ou dort, ou bien il garde une attitude définie du corps, c’est-à-dire ou il est assis ou il se tient debout ou il est couché. Tout cela constitue pour les hommes des caractères accidentels, mais on ne peut presque jamais les trouver sans l’un d’eux. Cependant l’idée que nous avons de l’homme ne définit manifestement aucun de ces caractères, mais nous le comprenons et considérons sans tenir compte en aucune façon de son attitude, qu’il soit en état de veille ou de sommeil, en train de parler ou de se taire, ni des autres circonstances accidentelles auxquelles les hommes sont nécessairement soumis. De même qu’on considère Paul sans aucun de ces caractères accidentels, de même on pourra comprendre le substrat sans les qualités. Lorsque notre intelligence, ayant écarté toute qualité de sa compréhension, contemple le point, si on peut ainsi parler, de la seule substance sous-jacente et s’y attache, sans regarder à la dureté ou à la mollesse, au chaud ou au froid, à l’humide ou au sec qui affectent cette substance, alors, par une sorte de pensée artificielle, elle semblera contempler la matière dépouillée de toutes ces qualités. Mais on demandera peut-être s’il est possible de trouver dans les Écritures quelque chose qui permette de comprendre cela. Il me semble que c’est indiqué dans les Psaumes par cette parole du prophète : Mes yeux ont vu ton incomplétude. Il semble que l’intelligence du prophète, examinant les principes des choses avec un regard plus perspicace et distinguant avec l’intellect et la raison seuls la matière des qualités, ait senti en Dieu une incomplétude, qui se parfait, comme il faut le comprendre, par l’adjonction des qualités. Dans son livre, Enoch parle ainsi : J’ai cheminé jusqu’à ce qui est imparfait; on peut le comprendre de façon semblable : l’intelligence du prophète a cheminé, scrutant et discutant une à une toutes les choses visibles jusqu’à parvenir au principe où l’on voit la matière imparfaite sans ses qualités. Il est en effet écrit dans le même livre de la bouche d’Enoch : J’ai considéré toutes les matières. C’est à comprendre ainsi : j’ai examiné l’une après l’autre toutes les divisions de la matière, qui, à partir de l’unité de la matière, se sont séparées en chaque espèce, celles des hommes, des animaux, du ciel, du soleil et de tout ce qui est dans ce monde. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section