animal

Cet ANIMAL rationnel qu’est l’homme est en effet formé de la fusion de tous les genres d’âmes : sa nourriture, il la prend par la partie « naturelle » de son âme ; à cette puissance d’accroissement, il unit la puissance des sens, qui tient naturellement le milieu entre la substance intellectuelle et la matérielle, mais plus elle participe de la lourdeur de la matière, moins elle participe de l’intelligence. Ensuite se fait l’intime fusion entre la substance spirituelle et ce qu’il y a de plus mince et de plus lumineux dans la nature sensible, en sorte que l’homme se trouve composé de ces trois substances. VIII

L’Apôtre nous apprend la même chose par ses paroles aux Éphésiens : il prie pour eux, afin qu’ils gardent dans son intégralité, pour la venue du Seigneur, la beauté du corps, de l’âme et de l’esprit. Pour désigner la partie nutritive, il dit le « corps » ; par « âme », il entend la partie sensitive ; par « esprit », la partie intellectuelle . De la même manière, le Seigneur dans l’Évangile enseigne au scribe que l’amour de Dieu vient avant tout commandement et qu’il doit s’exercer par tout le coeur, toute l’âme et toute la pensée. Là aussi l’Écriture semble faire la même distinction ; elle parle de « coeur » pour désigner l’ensemble corporel, d’ « âme » pour ce qui est intermédiaire entre le corps et l’esprit et d’ « esprit » pour la nature supérieure, la faculté de comprendre et d’agir. De là viennent les trois distinctions que l’Apôtre établit dans les principes qui inspirent notre action : il appelle l’un « charnel », celui qui ne voit que le ventre et le plaisir ; l’autre est l’ « ANIMAL », intermédiaire entre la vertu et le vice, supérieur au second, sans appartenir tout à fait au premier ; enfin le dernier est le « spirituel », qui consiste en la perfection de la vie selon Dieu. C’est pourquoi il dit aux Corinthiens, blâmant leur vie de pure jouissance et de soumission aux passions : « Vous êtes charnels et incapables de saisir des doctrines plus élevées » . Ailleurs, faisant une différence entre le degré du milieu et le degré plus parfait, il dit : « L’homme ANIMAL ne comprend pas les choses de l’esprit ; elles sont folie pour lui ; l’homme spirituel au contraire juge de tout et n’est lui-même jugé par personne » . Comme donc « l’ANIMAL » est élevé au-dessus du « charnel », de la même façon le « spirituel » est placé au-dessus de « l’ANIMAL ». VIII

Souvent aussi son raisonnement s’abrutit, par son penchant et son comportement ANIMAL et la plus mauvaise partie de notre être recouvre la meilleure. Lorsqu’en effet quelqu’un ramène toute son activité spirituelle à ces « mouvements » et force son raisonnement à se faire leur serviteur, il se produit un renversement de l’empreinte de Dieu en nous vers l’image de la brute ; toute notre nature est reconstruite à ce modèle, comme si notre raisonnement ne cultivait plus que les principes des passions et les faisait proliférer en abondance. Mettant son activité particulière à leur service, il donne naissance à un véritable amas d’absurdités, Ainsi le désir de la volupté dont le principe en nous est notre ressemblance avec les animaux prend dans les péchés des hommes une telle extension et donne naissance à de telles variétés de fautes de plaisir qu’on n’en trouve pas de pareilles chez les animaux. L’excitation à la colère est de même famille que l’instinct des bêtes, mais chez nous elle se développe par l’aide que lui apportent nos raisonnements. De là viennent le ressentiment, l’envie, le mensonge, les embûches, l’hypocrisie. Tous ces sentiments sont le produit de la mauvaise culture de l’esprit. Si en effet ces mouvements sont privés de l’aide de nos raisonnements, la colère n’a ni durée ni vigueur : comme une bulle d’eau, à peine née, elle crève. Ainsi ce qui est gloutonnerie chez les porcs devient chez nous cupidité et la hauteur du cheval devient de l’orgueil. Tous les instincts qui venaient chacun de la nature irrationnelle de la bête, chez nous sont transformés en vices par le mauvais usage de l’esprit. XVIII

Comme Dieu vit dans l’ouvrage que nous étions notre inclination vers le mal et comme il vit que, par notre déchéance spontanée de la dignité que nous partagions avec les anges, nous chercherions à nous unir avec ce qui était au-dessous de nous, pour ce motif il mêla à sa propre image quelque chose de l’irrationnel. Car ce n’est pas à la nature divine et bienheureuse que peut appartenir la division en mâle et femelle. Dieu applique à l’homme un caractère du règne ANIMAL, refusant à notre race le mode de propagation en rapport avec la grandeur de notre création. Ce n’est pas en effet lorsqu’il créa l’homme à son image qu’il y adjoignit le pouvoir de se développer et de se multiplier, mais lorsqu’il divisa l’homme en mâle et en femelle. Alors il dit : « Croissez et multipliez-vous et remplissez la terre. » Ce genre d’accroissement n’est pas un caractère de la nature divine, mais de l’ANIMAL, comme le fait entendre le récit qui prête d’abord ces paroles à Dieu quand il s’agit des animaux. Car si, avant la division en mâle et femelle, il avait prononcé ces mots pour donner à l’homme le pouvoir de se multiplier, nous n’aurions pas besoin de ce mode de reproduction qui est celui des animaux. XXII