Les maîtres disent, qu’est-ce qui est meilleur : puissance des plantes ou puissance des paroles ou puissance des pierres ? Il faut s’interroger sur ce que l’on choisit. Les plantes ont grande puissance. J’ai entendu dire qu’un serpent et une belette se battirent entre eux. La belette s’enfuit et alla chercher une plante et l’enveloppa dans une autre chose et lança la plante sur le serpent, et celui-ci éclata par le milieu et tomba mort. Qu’est-ce qui donna cette sagesse à la belette ? Qu’elle savait la puissance en cette plante. En cela se trouve vraiment une grande sagesse. Les paroles aussi ont grande puissance ; on pourrait faire des miracles avec des paroles. Toutes les paroles tirent puissance de la première Parole. Les pierres aussi ont grande puissance de par l’égalité que les étoiles et la puissance du ciel y opèrent. Parce que l’égal opère à ce point dans l’égal, pour cette raison l’âme doit s’élever dans sa lumière naturelle, dans le plus élevé et le plus limpide, et entrer ainsi dans la lumière angélique, et avec la lumière angélique parvenir à la lumière divine, et se tenir ainsi entre les trois lumières au croisement des chemins, dans la hauteur, là où les lumières se rencontrent. Là la Parole éternelle lui dit la vie ; là l’âme devient vivante et répond dans la Parole. Eckhart: Sermon 18
Le Seigneur envoya ses serviteurs. Saint Grégoire dit ( que ) ces serviteurs sont l’ordre des prêcheurs. Je parle d’un autre serviteur, c’est l’ange. En outre nous parlons d’un serviteur, dont j’ai souvent parlé, c’est l’intellect à la périphérie de l’âme, là où elle touche à la nature angélique et est une image de Dieu. Dans cette lumière, l’âme a une communauté avec les anges, et même avec les anges qui sont déchus en enfer et ont pourtant gardé la noblesse de leur nature. Là cette petite étincelle se tient nue, sans souffrance d’aucune sorte, dressée vers l’être de Dieu. Elle s’égale aussi aux bons anges, qui là opèrent en Dieu et reçoivent en Dieu et portent toutes leurs oeuvres en retour vers Dieu et reçoivent Dieu de Dieu en Dieu. A ces bons anges s’égale la petite étincelle de l’intellect, qui là est créée par Dieu sans différence, une lumière qui plane et une image de nature divine et créée par Dieu. Cette lumière, l’âme la porte en elle. Les maîtres disent ( qu’ ) il est une puissance dans l’âme qui se nomme syndérèse, ( mais ) il n’en est pas ainsi. Cela exprime ce qui en tout temps dépend de Dieu, et cela ne veut jamais rien de mal. En enfer ( même ) cela est incliné au bien ; cela lutte toujours dans l’âme contre tout ce qui n’est pas limpide ni divine, et invite sans relâche au festin. Eckhart: Sermon 20b
Un maître dit que la nature angélique n’a aucune force ni aucune oeuvre, elle ne sait rien d’autre que Dieu seul. Ce qui est autre, elle n’en sait rien. C’est pourquoi il dit : « Un Dieu, Père de tous » ; « ami, va plus haut ». Certaines puissances de l’âme prennent de l’extérieur, comme l’oeil : si subtil ce qu’il attire dans soi en écartant le plus grossier, néanmoins il prend quelque chose de l’extérieur qui a un regard sur ici et maintenant. Mais entendement et intellect dépouillent pleinement et prennent ce qui n’est ici ni maintenant ; c’est dans cet ampleur qu’il ( = l’intellect ) touche la nature angélique. Cependant il prend ( quelque chose ) à partir des sens ; ce que les sens introduisent de l’extérieur, de cela prend l’intellect. Cela la volonté ne le fait pas ; en cette part, la volonté est plus noble qu’intellect. Volonté ne prend nulle part que dans le limpide entendement là où il n’est ni ici ni maintenant. Dieu veut dire : Si élevée, si pure soit la volonté, il lui faut monter davantage. C’est là une réponse lorsque Dieu dit : « Ami, monte plus haut, ainsi t’adviendra-t-il honneur. » Eckhart: Sermon 21
Ici trois choses sont à entendre. En premier lieu : l’infériorité de la nature angélique ; en second lieu : qu’il se reconnut indigne d’appeler la Mère de Dieu par son nom ; en troisième lieu : qu’il ne la ( la parole ) dit pas à elle seulement, mais plutôt à une grande multitude ; à toute âme bonne qui désire Dieu. Eckhart: Sermon 22
La communauté avec le corps égare, de sorte que l’âme ne peut entendre aussi limpidement que l’ange ; mais dans la mesure où l’on connaît sans les choses matérielles, dans cette mesure l’on est angélique. L’âme connaît du dehors, Dieu entend en lui-même par lui-même, car il est une origine de toutes choses, et que Dieu nous aide éternellement à parvenir à cette origine. Amen. Eckhart: Sermon 23