De plus, il accepte bien, de l’histoire écrite dans l’Évangile de Matthieu, la venue de Jésus en Egypte ; mais il refuse de croire aux prodiges qui l’ont provoquée, à l’ordre transmis par l’ange, à toute la signification mystérieuse possible du départ de Jésus de la Judée et de son séjour en Egypte. Il invente encore autre chose : d’un côté, il donne une certaine adhésion aux miracles extraordinaires accomplis par Jésus, grâce auxquels celui-ci persuada la multitude de le suivre comme Christ, de l’autre, il entend les disqualifier comme dus à la magie et non à la puissance divine. Car il affirme : Il fut élevé en secret, s’en fut en Egypte louer ses services, et, ayant acquis là l’expérience de certains pouvoirs, il s’en revint, proclamant grâce à ces pouvoirs qu’il était Dieu. Quant à moi, je ne comprends pas comment un magicien aurait pu prendre la peine d’enseigner une doctrine persuadant de tout faire dans la pensée que Dieu juge chacun sur toutes ses actions, et de donner cette disposition à ses disciples dont il allait faire les ministres de son enseignement. Ceux-ci gagnaient-ils leurs auditeurs par les miracles appris de cette façon, ou sans faire aucun miracle ? Dire qu’ils ne faisaient pas de miracle du tout, mais qu’après avoir cru, sans aucune puissance de raisons qui ressemblât à la sagesse dialectique des Grecs, ils se sont voués à l’enseignement d’une doctrine nouvelle pour ceux chez qui ils séjournaient, c’est le comble de l’absurdité : d’où leur fût venue l’audace pour enseigner la doctrine et les innovations ? Et s’ils accomplissaient des miracles, quelle vraisemblance y a-t-il que des magiciens se fussent exposés à de si graves périls pour un enseignement interdisant la magie ? LIVRE I
A la suite de ces remarques, le Juif de Celse dit à Jésus : “Pourquoi donc fallait-il, alors que tu étais encore enfant, te transporter en Egypte pour te faire échapper au massacre ? Il ne convenait pas qu’un Dieu craignît la mort ! Mais un ange vint du ciel pour t’ordonner à toi et aux tiens de fuir de peur qu’on ne vous surprît et qu’on ne vous mît a mort. A te garder sur place, toi son propre fils, le grand Dieu qui avait déjà envoyé deux anges a cause de toi était-il donc impuissant ? ” Celse pense ici que pour nous il n’y a rien de divin dans le corps humain et l’âme de Jésus, et même que son corps ne fut pas de cette nature qu’imaginent les mythes d’Homère. Raillant donc le sang de Jésus répandu sur la croix, il dit que ce n’était pas l’« ichôr tel qu’il coule aux veines des divinités bienheureuses ». Mais nous, nous croyons en Jésus lui-même, aussi bien quand il dit de la divinité qui est en lui « Je suis la voie, la vérité, la vie » et autres paroles semblables, que lorsqu’il déclare, parce qu’il était dans un corps humain « Or vous cherchez à me tuer, moi, un homme qui vous ai dit la vérité », et nous affirmons qu’il a été une sorte d’être composé. Prenant soin de venir à la vie comme un homme, il fallait qu’il ne s’exposât point à contretemps au péril de mort. Ainsi devait-il être conduit par ses parents dirigés par un ange de Dieu Le messager dit d’abord « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint » , et, ensuite « Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, fuis en Egypte, et restes-y jusqu’à nouvel ordre, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr » Ce qui est écrit là ne me paraît pas le moins du monde extraordinaire. C’est en songe que l’ange a ainsi parlé à Joseph, comme l’attestent les deux passages de l’Écriture or, la révélation faite en songe à certaines personnes sur la conduite à tenir est arrivée à bien d’autres, que l’âme reçoive des impressions d’un ange ou d’un autre être Qu’y a-t-il donc d’absurde à ce que, une fois entre dans la nature humaine, Jésus fût également dirigé suivant la conduite humaine pour éviter les dangers, non qu’une autre méthode ait été impossible, mais parce qu’il fallait recourir aux moyens et aux dispositions humaines pour assurer sa sauvegarde. Et même il valait mieux que l’enfant Jésus évitât le complot d’Hérode et partît avec ses parents en Egypte jusqu’à la mort de l’auteur du complot, et que la providence veillant sur Jésus n’empêchât point la liberté d’Hérode de vouloir tuer l’enfant, ou encore ne plaçât autour de Jésus « le casque d’Hades » des poètes ou quelque chose de semblable, ou bien ne frappât comme les gens de Sodome ceux qui venaient le tuer. Car un mode tout à fait extraordinaire et trop éclatant de le secourir eût fait obstacle à son dessein d’enseigner comme un homme recevant de Dieu le témoignage que, dans l’homme paraissant aux regards, il y avait quelque chose de divin ; et c’était au sens propre le Fils de Dieu, Dieu Logos, puissance de Dieu et sagesse de Dieu, celui qu’on appelle le Christ. Mais ce n’est pas le moment de traiter de l’être composé et des éléments dont était formé Jésus fait homme, ce point donnant matière, pour ainsi dire, à un débat de famille entre croyants. LIVRE I
Il faut donc examiner ce qu’il dit contre les croyants venus du judaïsme. Il affirme qu’« abandonnant la loi de leurs pères, à cause de la séduction exercée par Jésus, ils ont été bernés de la plus ridicule façon et ont déserté, changeant de nom et de genre de vie ». Il n’a pas remarqué que ceux des Juifs qui croient en Jésus n’ont pas abandonné la loi de leurs pères. Car ils vivent en conformité avec elle, et doivent leur appellation à la pauvreté d’interprétation de la loi. « Ebion » est en effet le nom du pauvre chez les Juifs et « Ebionites », l’appellation que se donnent ceux des Juifs qui ont reçu Jésus comme Christ. De plus, Pierre paraît avoir gardé longtemps les coutumes juives prescrites par la loi de Moïse, comme s’il n’avait pas encore appris de Jésus à s’élever du sens littéral de la loi à son sens spirituel. Nous l’apprenons des Actes des Apôtres. Car, « le lendemain » de l’apparition à Corneille de l’ange de Dieu lui enjoignant d’envoyer « à Joppé » vers Simon surnommé Pierre, « Pierre monta sur la terrasse vers la sixième heure pour prier. Il sentit la faim et voulut manger. Or, pendant qu’on préparait un repas, il lui survint une extase : il voit le ciel ouvert, et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en descendre vers la terre. Et dedans, il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles de la terre, et tous les oiseaux du ciel. Une voix lui dit alors : Debout, Pierre, immole et mange ! Mais Pierre répondit : Oh ! non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur. Et de nouveau la voix lui dit : Ce que Dieu a purifié, toi ne le dis pas souillé ». Vois donc ici comment on représente que Pierre garde encore les coutumes juives sur la pureté et l’impureté. Et la suite montre qu’il lui fallut une vision pour communiquer les doctrines de la foi à Corneille qui n’était pas israélite selon la chair, et à ses compagnons : car, resté juif, il vivait selon les traditions ancestrales et méprisait ceux qui étaient hors du judaïsme. Et dans l’épître aux Galates, Paul montre que Pierre, toujours par crainte des Juifs, cessa de manger avec les Gentils, et, à la venue de Jacques vers lui, « se tint à l’écart » des Gentils « par peur des circoncis » ; et le reste des Juifs ainsi que Barnabé firent de même. LIVRE II
Mais pour quelle raison le Juif de Celse a-t-il dit que Jésus se cachait ? Car il dit de lui : Quel messager envoyé en mission se cacha-t-il jamais au lieu d’exposer l’objet de son mandat ? Non, il ne se cachait pas, puisqu’il dit à ceux qui cherchaient à le prendre : « Chaque jour j’étais dans le temple à enseigner librement, et vous n’osiez m’arrêter. » A la suite, où Celse ne fait que se répéter, j’ai déjà répondu une fois, je me bornerai donc à ce qui est déjà dit. Car plus haut se trouve écrite la réponse à l’objection : Est-ce que, de son vivant, alors que personne ne le croyait, il prêchait à tous sans mesure, et, quand il aurait affermi la foi par sa résurrection d’entre les morts, ne se laissa-t-il voir en cachette qu’à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie ? Ce n’est pas vrai : il n’est pas apparu seulement à une femmelette, car il est écrit dans l’Évangile selon Matthieu : « Après le sabbat, dès l’aube du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie allèrent visiter le sépulcre. Alors il se fit un grand tremblement de terre : l’ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre. » Et peu après, Matthieu ajoute : « Et voici que Jésus vint à leur rencontre ? évidemment, les Marie déjà nommées ?, et il leur dit : « Je vous salue ». Elles s’approchèrent, embrassèrent ses pieds et se prosternèrent devant Lui. » On a également répondu à sa question : Est-ce donc que, durant son supplice, il a été vu de tous, mais après sa résurrection, d’un seul – en réfutant l’objection qu’il n’a pas été vu de tous. Ici j’ajouterai : ses caractères humains étaient visibles de tous ; ceux qui étaient proprement divins – je ne parle pas de ceux qui le mettaient en relation avec les autres êtres, mais de ceux qui l’en séparaient – n’étaient pas intelligibles à tous. De plus, note la contradiction flagrante où Celse s’empêtre. A peine a-t-il dit : « Il s’est laissé voir en cachette à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie », qu’il ajoute : « durant son supplice, il a été vu de tous, après sa résurrection, d’un seul ; c’est le contraire qu’il aurait fallu. » Entendons ce qu’il veut dire par « durant son supplice il a été vu de tous, après sa résurrection, d’un seul ; c’est le contraire qu’il aurait fallu». A en juger par son expression, il voulait une chose impossible et absurde : que, durant son supplice, il soit vu d’un seul, après sa résurrection, de tous ! Ou comment expliquer : « c’est le contraire qu’il aurait fallu »? Jésus nous a enseigné qui l’avait envoyé, dans les paroles : « Personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils », « Personne n’a jamais vu Dieu : mais le Fils unique, qui est Dieu, qui est dans le sein du Père, lui, l’a révélé» . C’est lui qui, traitant de Dieu, annonça à ses disciples véritables les caractéristiques de Dieu. Les indices qu’on en trouve dans les Écritures nous offrent des points de départ pour parler de Dieu : on apprend, ici, que « Dieu est lumière et il n’y a point en lui de ténèbres », là, que « Dieu est esprit, et ses adorateurs doivent l’adorer en esprit et en vérité ». De plus, les raisons pour lesquelles le Père l’a envoyé sont innombrables : on peut à son gré les apprendre soit des prophètes qui les ont annoncées d’avance, soit des évangélistes ; et on tirera bien des connaissances des apôtres, surtout de Paul. En outre, si Jésus donne sa lumière aux hommes pieux, il punira les pécheurs. Faute d’avoir vu cela, Celse écrit : Il illuminera les gens pieux et aura pitié des pécheurs ou plutôt de ceux qui se sont repentis. Après cela, il déclare : S’il voulait demeurer caché, pourquoi entendait-on la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu ? S’il ne voulait pas demeurer caché, pourquoi le supplice et pourquoi la mort ? Il pense par là montrer la contradiction entre ce qui est écrit de lui, sans voir que Jésus ne voulait ni que tous ses aspects fussent connus de tous, même du premier venu, ni que tout ce qui le concerne demeurât caché. En tout cas, la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me suis complu », au témoignage de l’Écriture, n’a pas été dite de façon à être entendue de la foule, comme l’a cru le Juif de Celse. De plus, la voix venant de la nuée, sur la haute montagne, a été entendue de ceux-là seuls qui avaient fait l’ascension avec lui ; car c’est le propre de la voix divine d’être entendue seulement de ceux à qui il « veut » faire entendre sa parole. Et je n’insiste pas sur le fait que la voix de Dieu, mentionnée dans l’Écriture, n’est certainement pas de l’air en vibration, ou un ébranlement d’air, ou tout autre définition des traites sur la voix : elle est donc entendue par une oreille supérieure et plus divine que l’oreille sensible Et comme Dieu qui parle ne veut pas que sa voix soit audible à tous, qui a des oreilles supérieures entend Dieu, mais qui est sourd des oreilles de l’âme est insensible à la parole de Dieu. Voilà pour répondre à la question : « Pourquoi entendait-on la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu ? » Et la suivante : « S’il ne voulait pas demeurer caché, pourquoi le supplice et pourquoi la mort ? » trouve une réponse suffisante dans ce qu’on a dit longuement de sa passion dans les pages précédentes. LIVRE II
Les Juifs, il est vrai, s’enorgueillissent de leur circoncision, la distinguant non seulement de celle des Colchidiens et des Égyptiens, mais encore de celle des Arabes Ismaélites, bien qu’Ismaël soit fils d’Abraham leur ancêtre et ait été circoncis avec lui. D’après les Juifs, la circoncision principale est celle qui se fait le huitième jour et il n’en est pas de même pour celle qui est due aux circonstances. Peut-être était-elle pratiquée à cause d’un ange ennemi de la nation des Juifs, capable de nuire à ceux d’entre eux qui étaient incirconcis, mais sans pouvoir contre les circoncis. Voilà, dirait-on, ce que montre le passage de l’Exode où l’ange, avant la circoncision d’Éléazar pouvait agir contre Moïse, mais après qu’il fut circoncis n’eut plus de force. Et parce qu’elle le savait, « Séphora prit une pierre tranchante et circoncit » son fils en disant, au témoignage des leçons communes des copies : « Le sang de la circoncision de mon fils est arrêté », mais selon le texte hébreu lui-même : « Tu es pour moi un époux de sang » ; car elle savait l’histoire de cet ange qui avait un pouvoir avant l’effusion du sang, pouvoir que lui fit perdre le sang de la circoncision : voilà pourquoi elle lui dit : « Tu es pour moi un époux de sang. » LIVRE V
Celse revient alors aux sept démons archontes, dont les noms ne sont absolument pas donnés par les chrétiens, mais, je crois , sont transmis par les Ophites. Et j’ai même trouvé dans le diagramme que je me suis procuré pour cette étude un ordre semblable à celui de Celse. Celse disait que le premier est figuré sous la forme d’un lion, mais il ne cite pas le nom que lui donnent ces gens réellement très impies. J’ai trouvé que l’ange du Créateur célébré dans les saintes Écritures, d’après ce diagramme scélérat, est Michel à forme de lion. Puis Celse dit que le suivant, le second est un taureau; le diagramme que j’avais dit que c’est Suriel à figure de taureau. Pour Celse, le troisième est un amphibie aux sifflements horribles; pour le diagramme, ce troisième est Raphaël à forme de dragon. Puis Celse affirmait que le quatrième a une forme d’aigle; le diagramme disait que Gabriel est cet être à forme d’aigle. Celse affirmait ensuite que le cinquième a la face d’un ours; le diagramme, que Thauthabaoth est l’être à forme d’ours. Ensuite, disait Celse, on raconte chez eux que le sixième a une face de chien; le diagramme affirmait que c’est Érathaoth. Celse affirmait enfin que le septième a une face d’âne et se nomme Thaphabaoth ou Onoel; j’ai trouvé dans le diagramme que celui qu’on appelle Onoel ou Thartharaoth a bien une forme d’âne. J’ai jugé bon de donner ces indications précises pour ne point paraître ignorer ce que Celse prétendait savoir et pour prouver que nous, chrétiens, nous en avons une connaissance plus précise que la sienne, et que ce sont des doctrines non pas des chrétiens, mais de gens totalement étrangers au salut et qui refusent absolument à Jésus les titres de Sauveur, de Dieu, de Maître, de Fils de Dieu. LIVRE VI
Après cela, comme s’il oubliait son propos d’écrire contre les chrétiens, il déclare avoir ouï dire à un certain Denys d’Egypte, musicien, que les pratiques de la magie n’ont de pouvoir que sur les gens sans culture et aux moeurs corrompues, mais restent sans effet sur les philosophes parce qu’ils ont à coeur de mener une vie saine. S’il était question pour moi de discuter ici de magie, j’aurais à ajouter quelques remarques à ce que j’en ai dit plus haut ; mais puisqu’il faut répondre du mieux possible au traité de Celse, je dis : pour savoir si même les philosophes sont séduits ou non par la magie, il n’y a qu’à lire ce qu’a écrit Méragène des mémoires d’Apollonius de Tyane, mage et philosophe. L’auteur, non chrétien mais philosophe, a observé que certains philosophes de valeur, séduits par le pouvoir magique d’Apollonius, étaient venus à lui le regardant comme un sorcier ; de ce nombre il mentionne, je crois, le fameux Euphratès et un Epicurien. Mais nous, nous affirmons avec énergie et savons par expérience que ceux qui servent le Dieu suprême selon la doctrine chrétienne et vivent en conformité avec son Évangile, s’acquittant des prières prescrites continuellement et avec la révérence exigée de nuit et de jour, ne sont séduits ni par la magie ni par les démons. Car en vérité, « l’ange du Seigneur établit ses tentes autour de ceux qui le craignent et il les protège » de tout mal. Et les anges des petits enfants de l’Église, préposés à leur garde, est-il dit, « voient sans cesse la face du Père qui est au ciel », quel que soit le sens du mot « face » et le sens du mot « voir ». LIVRE VI
Mais il n’est pas vrai, comme le croit Celse, que les anges, véritables satrapes, gouverneurs, généraux, procurateurs de Dieu, causent des dommages à ceux qui les outragent. Si certains démons causent des dommages, ces démons dont même Celse a une idée, ils le font parce qu’ils sont mauvais et sans avoir reçu de Dieu aucune mission de satrape, général, procurateur ; et ils causent des dommages à ceux qui leur sont soumis et se sont livrés à eux comme à des maîtres. C’est peut-être la raison pour laquelle ceux qui, en chaque région, enfreignent les lois établies sur les aliments qu’il est interdit de manger éprouvent des dommages, s’ils sont parmi les sujets de ces démons. Mais s’il y en a qui ne sont pas de leurs sujets et ne se sont pas livrés au démon de ce lieu, ils restent exempts de tout sévice de leur part et se rient de ces puissances démoniaques. Cependant si, à cause de leur ignorance sur d’autres points, ils se sont soumis à d’autres démons, ils peuvent souffrir de leur part. Mais non pas le chrétien, le véritable chrétien qui s’est soumis à Dieu seul et à son Logos : il ne saurait souffrir quoi que ce soit des êtres démoniaques, puisqu’il est supérieur aux démons. Et il ne saurait souffrir puisque « l’ange du Seigneur établira ses tentes autour de ceux qui le craignent», et que son ange, « qui voit sans cesse la face du Père qui est dans les cieux », sans cesse présente ses prières par le seul Grand-Prêtre au Dieu de l’Univers et s’unit lui-même à la prière de celui qui est sous sa tutelle. Que Celse ne nous effraie donc pas en nous menaçant de dommage à subir de la part de démons que nous aurions négligés. Car il n’est aucun dommage que les démons qu’on néglige puissent nous causer : nous appartenons à Celui qui seul est capable de secourir ceux qui le méritent, et qui a néanmoins préposé aussi ses anges à la garde de ceux qui ont de la piété envers lui, afin que ni les anges adversaires ni leur chef appelé « prince de ce monde » ne puissent rien exécuter contre ceux qui sont consacrés à Dieu. LIVRE VIII
Et si nous désirons avoir un grand nombre d’êtres dont nous voulons la bienveillance, nous apprenons que « mille milliers se tenaient devant lui, et des myriades de myriades le servaient ». Ces êtres, regardant comme des parents et des amis ceux qui imitent leur piété envers Dieu, collaborent au salut de ceux qui invoquent Dieu et le prient véritablement ; ils leur apparaissent et croient de leur devoir d’exaucer et de visiter, comme par suite d’une convention pour leur apporter service et salut, ceux qui prient Dieu, qu’ils prient eux-mêmes. Car « ils sont tous des esprits chargés d’un ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter le salut. » Libre donc aux sages de la Grèce de dire que les démons ont reçu en partage l’âme humaine dès la naissance ! Mais Jésus nous a enseigné à ne pas mépriser même les petits qui sont dans l’Église, en disant : « Leurs anges voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux. » Et le prophète déclare : « L’ange du Seigneur établira ses tentes autour de ceux qui le craignent et il les délivrera. » LIVRE VIII
Je dirai donc aux Grecs : les mages ont commerce avec les démons et les invoquent selon leur art et leurs desseins. Ils réussissent tant que rien de plus divin et de plus puissant que les démons et l’incantation qui les évoque n’apparaît pas ou n’est pas prononcée. Mais s’il survient une manifestation plus divine, sont détruites les puissances des démons, incapables de résister à la lumière de la divinité. Il est donc vraisemblable aussi qu’à la naissance de Jésus, lorsqu’« une troupe nombreuse de l’armée céleste », ainsi que l’écrivit Luc et que j’en suis persuadé, loua Dieu et dit : « Gloire à Dieu dans les hauteurs, paix sur la terre, et bienveillance divine chez les hommes » ! », de ce fait, les démons perdirent leur vigueur et leur force ; leur magie fut confondue et leur pouvoir cessa ; ils furent ruinés non seulement par la venue des anges à l’entoure de la terre pour la naissance de Jésus, mais encore par l’âme de Jésus et la divinité présente en lui. Aussi les mages, voulant accomplir comme auparavant leurs habituelles incantations et sorcelleries et n’y parvenant pas, en recherchèrent-ils la cause dont ils comprenaient l’importance. A la vue du signe céleste, ils désirèrent voir ce qu’il signalait. A mon sens donc, en possession des prophéties de Balaam rapportées par Moïse, lui aussi expert en cet art, ils y trouvèrent à propos de l’étoile ces mots : « Je lui montrerai, mais non maintenant ; je le félicite, mais il n’approchera pas. » Ils conjecturèrent que l’homme prédit avec l’étoile était venu à la vie, et, l’accueillant comme supérieur à tous les démons et aux êtres qui d’habitude leur apparaissaient et manifestaient leur puissance, ils voulurent « l’adorer ». Ils vinrent donc en Judée parce qu’ils étaient persuadés qu’un roi était né, mais sans savoir la nature de sa royauté, et parce qu’ils connaissaient le pays où il naîtrait. Ils apportaient « des présents » qu’ils offrirent comme à quelqu’un qui tienne à la fois, pour ainsi dire, de Dieu et de l’homme mortel, et des présents symboliques : l’or comme à un roi, la myrrhe comme à un être mortel, l’encens comme à un Dieu ; ils les « offrirent » après s’être informés du lieu de sa naissance. Mais puisqu’il était Dieu, ce Sauveur du genre humain élevé bien au-dessus des anges qui secourent les hommes, un ange récompensa la piété des mages à adorer Jésus, et les avertit de ne pas aller vers Hérode, mais de retourner chez eux par un autre chemin. LIVRE I
Il n’est pas étonnant qu’Hérode ait tramé un complot contre le nouveau-né, même si le Juif de Celse refuse de le croire : la méchanceté est aveugle et voudrait, comme si elle était plus forte que lui, vaincre le destin. Dans ce sentiment, Hérode crut bien à la naissance du roi des Juifs, mais il prit une décision en désaccord avec cette croyance, sans avoir vu le dilemme : ou effectivement il était roi et il régnerait, ou il ne régnerait pas et vouloir sa mort était mutile. Il désira donc le mettre à mort, ayant à cause de sa méchanceté des jugements discordants, poussé par le diable aveugle et méchant qui, dès l’origine, conspirait contre le Sauveur, et présageant que Celui-ci était et deviendrait quelqu’un de grand. Cependant un ange, qui, bien que Celse refuse de le croire, veillait à la suite des événements, avertit Joseph de partir en Egypte avec l’enfant et sa mère ; mais Hérode fit tuer tous les enfants de Bethléem et des alentours, dans l’espoir de supprimer le roi des Juifs qui venait de naître. C’est qu’il ne voyait pas la Puissance toujours vigilante à protéger ceux qui méritent d’être gardés avec soin pour le salut de l’humanité. Au premier rang, supérieur à tous en honneur et en excellence, se trouvait Jésus : il serait roi, non pas au sens où l’entendait Hérode, mais où il convenait que Dieu lui conférât la royauté, pour le bienfait de ceux qui seraient sous sa loi : à lui qui allait non point accorder à ses sujets un bienfait ordinaire et pour ainsi dire indifférent, mais les former et les soumettre à des lois qui sont vraiment celles de Dieu. Cela aussi, Jésus le savait : il nia être roi au sens reçu par la multitude, et enseigna l’excellence de sa royauté personnelle en ces mots : « Si ma royauté était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux Juifs. Mais en fait, elle n’est pas de ce monde, ma royauté ». » Si Celse l’avait vu, il n’aurait pas dit : ” Si c’était de peur que, devenu grand, tu ne règnes à sa place, pourquoi, maintenant que te voilà grandi, ne règnes-tu pas, toi le Fils de Dieu, au lieu de mendier si lâchement, courbant l’échine de crainte, et te consumant par monts et par vaux ?” Mais il n’y a pas de lâcheté à éviter prudemment de s’exposer aux dangers, non par crainte de la mort, mais pour secourir utilement les autres en continuant à vivre, jusqu’à ce que vienne le temps opportun pour que Celui qui avait pris une nature humaine meure d’une mort d’homme, utile aux hommes ; c’est une évidence pour qui a compris que Jésus est mort pour le salut des hommes, comme je l’ai dit précédemment de mon mieux. LIVRE I
” Quelle noble action digne d’un Dieu a donc fait Jésus “, dit Celse ? ” A-t-il méprisé les hommes, s’est-il moqué et joué de son malheur ? ” A sa question, même si je pouvais établir l’action noble et le miracle au temps de son malheur, quelle meilleure réponse faire que de citer l’Évangile ? « La terre trembla, les rochers se fendirent, les tombeaux s’ouvrirent, le voile du Temple se déchira en deux du haut en bas, le soleil s’éclipsa et l’obscurité se fit en plein jour. » Mais si Celse croit les Evangiles pour y trouver une occasion d’accuser Jésus et les chrétiens, et ne les croit pas quand ils prouvent la divinité de Jésus, on lui dira : holà, mon brave, ou bien refuse de croire à tout l’ensemble et ne pense pas nous formuler de grief, ou bien crois à tout l’ensemble et admire que le Logos de Dieu se soit fait homme dans le dessein de secourir tout le genre humain. Et c’est un acte noble de Jésus que jusqu’à nos jours soient guéris par son nom ceux que Dieu veut guérir. L’éclipse arrivée au temps de Tibère César sous le règne de qui, semble-t-il, Jésus a été crucifié, et les grands tremblements de terre alors survenus, Phlégon aussi les a notés dans le treizième ou le quatorzième chapitre, je crois, de ses ” Chroniques “. Le Juif de Celse qui croit railler Jésus est présenté comme s’il connaissait ” le mot de Bacchus chez Euripide: Le dieu lui-même me délivrera quand je voudrai “. Les Juifs pourtant ne s’occupent guère de littérature grecque. Mais admettons qu’il y ait eu un Juif ainsi ami des lettres. Comment donc, si Jésus ne s’est pas délivré lui-même de ses liens, ne pouvait-il pas le faire ? Qu’il croie plutôt, d’après mes Ecritures, que Pierre lui aussi, enchaîné en prison, en sortit quand un ange eût détaché ses liens, et que Paul, mis aux ceps avec Silas à Philippes de Macédoine, fut délié par une puissance divine au moment ou s’ouvrirent les portes de la prison. Mais probablement Celse rit de l’histoire, ou il ne l’a pas lue du tout, sinon il s’aviserait de répondre que des sorciers aussi par leurs incantations brisent les chaînes et font ouvrir les portes, afin d’assimiler à des actes de sorcellerie les événements rapportés parmi nous. LIVRE II
A ces considérations, pouvant paraître superflues et inadaptées à l’audience de la foule, que j’ai eu la hardiesse de développer, j’ajouterai, avant de passer à la suite, une réflexion plus chrétienne. Cet ange, d’après moi, avait un pouvoir contre ceux du peuple qui étaient incirconcis et, en général, contre ceux-là qui n’adoraient que le Créateur ; de plus, il avait ce pouvoir aussi longtemps que Jésus n’avait pas pris un corps. Quand il l’eut fait et que son corps fut circoncis, alors fut détruit tout le pouvoir de cet ange contre les incirconcis de cette religion ; car Jésus le détruisit par son ineffable divinité. D’où la défense à ses disciples d’être circoncis, et l’affirmation : « Si vous êtes circoncis, le Christ ne vous servira de rien. » LIVRE V
Voici le passage de Celse que je veux maintenant examiner : ” soit ! Nous laissons de côté tout ce qui les confond au sujet de leur maître; admettons qu’il fut un ange véritable. Fut-il le premier et le seul à venir ou y en eut-il d’autres auparavant? S’ils répondaient qu’il fut le seul, ils seraient convaincus de mensonge et de contradiction. Car ils disent qu’il en est souvent venu d’autres, et même jusqu’à soixante ou soixante-dix à la fois; qu’ils se sont pervertis et, en punition, ont été enchaînés sous terre, d’où vient que les sources chaudes sont leurs larmes. De plus, à son tombeau il vint, les uns disent un ange, les autres deux, annoncer aux femmes qu’il était ressuscité. Car le Fils de Dieu, à ce qu’il paraît, ne pouvait ouvrir le tombeau, mais il a eu besoin d’un autre pour déplacer la pierre. Bien plus, il vint encore un ange auprès du charpentier pour expliquer la grossesse de Marie, et un autre ange pour les faire fuir en arrachant le bébé au péril. Mais à quoi bon tout rechercher avec minutie et dénombrer ceux qu’on dit avoir été envoyés à Moïse et à d’autres des leurs? Or, si d’autres encore ont été envoyés, il est manifeste que Jésus est lui aussi venu de la part du même Dieu. Accordons même qu’il ait eu un message d’une autre importance: par exemple, que les Juifs étaient en train de commettre des fautes, de falsifier la religion, d’accomplir des actions impies. C’est ce qu’on nous laisse entendre.” Il suffirait, pour répondre aux paroles de Celse, de renvoyer à ce que j’ai dit dans les recherches particulières sur notre Sauveur Jésus-Christ. Mais pour ne point paraître négliger exprès un passage de son traité comme si j’étais incapable de le réfuter, qu’on me permette, au risque de me répéter puisque Celse m’y engage, de le discuter aussi brièvement que possible : peut-être les mêmes questions présentent-elles un aspect plus clair ou plus nouveau. Il déclare bien avoir laissé de côté tout ce qui confond les chrétiens au sujet de leur Maître, mais il n’a rien laissé de ce qu’il pouvait dire, comme le montre la précédente tirade, ce qui n’est après tout qu’un procédé de rhétorique. Mais nous ne sommes pas confondus à propos de notre si grand Sauveur, bien que notre calomniateur se figure nous confondre : c’est ce que fera ressortir une lecture soigneuse et loyale de tout ce qui le concerne, prophéties et histoire. LIVRE V
Ensuite, il pense faire une concession en disant du Sauveur : Admettons qu’il fut un ange véritable. Nous disons : assurément nous l’admettons, non point parce que Celse nous l’accorde, mais parce que nous voyons l’oeuvre de celui qui est venu visiter tout le genre humain par sa parole et par son enseignement, dans la mesure où chacun de ceux qui l’accueillent en était capable. C’était l’oeuvre non seulement d’un ange mais, comme le nomme la prophétie qui le vise, de l’Ange du « grand conseil ». Car il a annoncé aux hommes le grand conseil que formait sur eux le Dieu et Père de l’univers : que ceux qui consentent à vivre dans une piété pure s’élèvent par leurs grandes actions vers Dieu, que ceux qui ne l’accueillent pas s’éloignent de Dieu et s’acheminent à la perdition par le refus de croire en Dieu. LIVRE V
Il continue : Même si cet ange est venu aux hommes, fut-il le premier à venir et le seul, ou y en eut-il d’autres auparavant ? Et il pense répondre à chaque membre de l’alternative par plusieurs arguments. En fait, aucun véritable chrétien ne dit que le Christ est le seul à être venu visiter le genre humain. Mais comme si on répondait qu’il fut le seul, Celse réplique que d’autres sont apparus aux hommes. Ensuite, il se réfute lui-même à sa guise : ” On est bien loin de dire qu’il est le seul à être venu au genre humain. Même ceux qui sous prétexte d’enseigner au nom de Jésus se sont écartés du Créateur comme d’un être inférieur, et sont allés comme à un être supérieur au Dieu et Père de celui qui est venu, reconnaissent que même avant lui quelques-uns sont venus d’auprès du Créateur visiter le genre humain.” Examinant loyalement la question, je dirai qu’Apelles, le disciple de Marcion, qui devint l’auteur d’une hérésie et regarde comme un mythe les Ecritures juives, affirme que seul Jésus est venu visiter le genre humain. Donc, à son affirmation que Jésus est le seul à être venu aux hommes de la part de Dieu, Celse ne pourrait logiquement opposer que d’autres encore sont venus, puisque Apelles, comme on l’a déjà dit, ne croit pas aux Ecritures juives rapportant les miracles : à bien plus forte raison refusera-t-il d’admettre le passage que Celse paraît avoir cité du livre d’Enoch sans l’avoir compris. Personne donc ne nous convainc de mensonge et de contradiction, comme si nous disions que notre Sauveur est venu seul et que cependant il en est souvent venu d’autres. C’est avec une confusion totale, quand il discute la venue des anges vers les hommes, qu’il cite des passages obscurs tirés du livre d’Enoch. Il ne semble ni l’avoir lu, ni avoir su que le livre intitulé Enoch n’est pas généralement tenu pour divin dans les églises ; on pourrait cependant croire qu’il en a tiré l’affirmation : Il en est descendu à la fois soixante et soixante-dix qui se sont pervertis. Mais accordons-lui généreusement ce qu’il n’a pas découvert du livre de la Genèse : « Les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles et prirent pour femmes celles qu’ils avaient choisies entre toutes. » Néanmoins à ce sujet je persuaderai ceux qui sont capables de comprendre l’intention du prophète que, selon un de nos prédécesseurs, le passage concerne la doctrine des âmes qui se trouvaient désireuses de vivre dans un corps humain et que, selon lui, on appelle au figuré « filles des hommes ». Mais quoi qu’il en soit du passage sur les fils de Dieu qui désirèrent les filles des hommes, il ne fournit à Celse aucun appui pour soutenir que Jésus ne fut pas le seul à venir comme un ange auprès des hommes, lui qui manifestement est le Sauveur et le bienfaiteur de tous ceux qui se sont convertis du flot du vice. Puis, brouillant et confondant ce qu’il a appris on ne sait quand, dans on ne sait quel texte, que ce soit tenu ou non comme doctrine divine par les chrétiens, il dit que ceux qui sont descendus à la fois soixante ou soixante-dix ont été en punition enchaînés sous terre. Et il cite apparemment Enoch, mais sans le nommer : D’où vient que les sources chaudes sont leurs larmes, ce que l’on ne dit ni n’entend dans les églises de Dieu. Car personne n’est assez stupide pour se représenter matériellement comme des larmes d’hommes les larmes des anges descendus du ciel. Et, s’il était permis de répondre par une plaisanterie au sérieux des objections de Celse contre nous, on pourrait dire : personne, parlant des sources chaudes, dont la plupart sont de l’eau douce, ne les appellerait des larmes d’anges, puisque les larmes sont naturellement salées ; à moins peut-être que les anges de Celse ne pleurent des larmes d’eau douce ! LIVRE V
Il mélange des choses incompatibles et assimile entre elles des choses dissemblables ; car après avoir parlé des soixante ou soixante-dix anges descendus, selon lui, et dont les pleurs, à l’en croire, seraient les sources chaudes, il ajoute qu’il vint alors, dit-on, au tombeau de Jésus deux anges d’après les uns, un seul d’après les autres. Il n’a pas observé, je pense, que Matthieu et Marc ont parlé d’un seul, Luc et Jean de deux, ce qui n’est pas contradictoire. Les auteurs désignent par un seul ange celui qui a fait rouler la pierre loin du tombeau, et par deux anges ceux qui se sont présentés « en robe étincelante » aux femmes venues au tombeau, ou ceux qui ont été vus à l’intérieur « assis dans leurs vêtements blancs ». Il serait possible de montrer ici que chacune de ces apparitions est à la fois un événement historique et une manifestation d’un sens allégorique relatif aux vérités qui apparaissent à ceux qui sont prêts à contempler la résurrection du Logos; cela ne relève pas de l’étude actuelle, mais plutôt des commentaires de l’Évangile. Des réalités merveilleuses se sont parfois manifestées aux hommes : c’est ce que rapportent aussi parmi les Grecs non seulement ceux qu’on pourrait soupçonner d’inventer des fables, mais encore ceux qui ont donné maintes preuves de la rigueur philosophique et de leur loyauté à citer les faits qui leur sont parvenus. J’ai lu de ces traits chez Chrysippe de Soles, d’autres chez Pythagore ; et depuis, chez certains aussi plus récents, nés d’hier ou d’avant-hier, comme chez Plutarque de Chéronée dans le “Traité de l’âme”, et le Pythagoricien Noumenios dans le deuxième livre “Sur l’incorruptibilité de l’âme”. Ainsi donc, quand les Grecs, et surtout leurs philosophes, racontent des faits de cet ordre, leurs récits ne provoquent ni moquerie ni dérision et on ne les traite pas de fictions et de fables. Au contraire, quand des hommes voués au Dieu de l’univers et qui, pour ne pas dire une parole mensongère sur Dieu, acceptent d’être maltraités jusqu’à la mort, annoncent qu’ils ont vu des apparitions d’anges, ils ne mériteraient pas créance et leurs paroles ne seraient pas reconnues véridiques ? Il serait déraisonnable de trancher ainsi entre la sincérité et le mensonge. La rigueur de la critique exige une recherche longue et précise, un examen de chaque point, après lesquels, avec lenteur et précaution, on prononce que tels auteurs disent vrai et tels auteurs mentent sur les prodiges qu’ils racontent. Tous ne manifestent pas qu’ils sont dignes de foi, tous ne montrent pas clairement qu’ils transmettent aux hommes des fictions et des fables. Il faut ajouter à propos de la résurrection de Jésus d’entre les morts : il n’est pas étonnant qu’alors un ange ou deux soient apparus pour annoncer qu’il était ressuscité, et qu’ils aient pourvu à la sécurité de ceux qui pour leur salut croyaient à ce miracle. Et il ne me semble pas déraisonnable que toujours ceux qui croient Jésus ressuscité et présentent comme un fruit appréciable de leur foi la générosité de leur vie et leur aversion pour le débordement du vice, ne soient point séparés des anges qui les accompagnent pour leur porter secours dans leur conversion à Dieu. Celse reproche aussi à l’Écriture d’affirmer qu’un ange avait roulé la pierre loin du tombeau où était le corps de Jésus : il ressemble à un jeune homme qui s’exerce à user de lieux communs pour soutenir une accusation. Comme s’il avait trouvé contre l’Écriture une objection subtile, il ajoute : Le Fils de Dieu, à ce qu’il paraît, ne pouvait ouvrir le tombeau, mais il a eu besoin d’un autre pour déplacer la pierre. Mais je ne veux pas perdre mon temps à discuter l’objection ni, en développant ici une interprétation allégorique, paraître introduire mal à propos des considérations philosophiques. Du récit lui-même je dirai que d’emblée il semble plus digne que ce fût l’inférieur et le serviteur, plutôt que celui qui ressuscitait pour le bien des hommes, qui ait fait rouler la pierre. Je m’abstiens de souligner que ceux qui conspiraient contre le Logos, qui avaient décidé de le tuer et de montrer à tous qu’il était mort et réduit à rien, ne voulaient pas du tout que son tombeau fût ouvert, afin que personne ne pût voir le Logos vivant après leur conspiration. Mais « l’Ange de Dieu » venu sur terre pour le salut des hommes coopère avec l’autre ange et, plus fort que les auteurs de la conspiration, fait rouler la lourde pierre, afin que ceux qui croient le Logos mort soient persuadés qu’« il n’est point parmi les morts », mais qu’il vit et « précède » ceux qui consentent à le suivre, pour expliquer la suite de ce qu’il avait commencé à leur expliquer auparavant, lorsqu’au premier temps de leur initiation ils n’étaient pas encore capables de saisir les vérités plus profondes. LIVRE V
Après cela il ajoute, je ne sais pourquoi, car j’ignore quel avantage il en espère pour son propos : Il vint un ange auprès de Joseph pour expliquer la grossesse de Marie, puis de nouveau pour les faire fuir en Egypte en arrachant le bébé au complot qui le menaçait. Ce point a été de même discuté plus haut dans mes répliques à ses attaques. Mais quelle est l’intention de Celse en objectant que, d’après le récit des Écritures, des anges furent envoyés à Moïse et aux autres ? Cela ne me semble être d’aucun appui à son propos, pour cette raison surtout qu’aucun d’eux n’a lutté de toutes ses forces pour détourner le genre humain de ses péchés. Il est vrai que d’autres encore ont été envoyés de Dieu et que Jésus eut un message d’une autre importance ; que les Juifs étant en train de commettre des fautes, de falsifier la religion, d’accomplir des actions impies, le Règne de Dieu a été remis à « d’autres vignerons »; à ceux qui partout prenant soin d’eux dans les églises mettent tout en oeuvre afin d’en amener d’autres encore suivant l’enseignement de Jésus, par une vie pure et une doctrine en accord avec la vie, au Dieu de l’univers. LIVRE V
Telles sont les idées concernant le Seigneur et les seigneurs que les divines Écritures proposent à notre recherche et à notre réflexion, disant ici : « Célébrez le Dieu des dieux, car sa pitié est éternelle, célébrez le Seigneur des seigneurs », et là : « Dieu est Roi des rois et Seigneur des seigneurs ». Et l’Écriture distingue les prétendus dieux de ceux qui le sont en effet, qu’ils en aient ou non le titre. Paul enseigne la même doctrine sur les seigneurs authentiques ou non : « Bien qu’il y ait au ciel et sur la terre de prétendus dieux, et de fait il y a quantité de dieux et quantité de seigneurs.» Puis, comme «le Dieu des dieux », par Jésus, appelle du levant et du couchant ceux qu’il veut à son héritage, comme le Christ de Dieu qui est Seigneur prouve qu’il est supérieur à tous les seigneurs, du fait qu’il a pénétré les territoires de tous et qu’il appelle à lui les gens de tous ces territoires, Paul, parce qu’il savait tout cela, dit après le passage cité : « Mais pour nous il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes. » Et, percevant là une doctrine admirable et mystérieuse, il ajoute : « Mais tous n’en ont pas la science. » Or, en disant : « Mais pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe », il désigne par « nous » lui-même et tous ceux qui se sont élevés jusqu’au suprême Dieu des dieux et au Seigneur des seigneurs. On s’est élevé jusqu’au Dieu suprême lorsqu’on l’adore sans séparation, division ni partage, par son Fils, Logos de Dieu et Sagesse que l’on contemple en Jésus, qui seul Lui amène ceux qui s’efforcent en toutes manières de s’unir au Créateur de l’univers par la qualité de leurs paroles, de leurs actions et de leurs pensées. Pour cette raison, je crois, et d’autres semblables, le Prince de ce monde, se transformant en ange de lumières, a fait écrire : « A sa suite vient toute une armée de dieux et de démons, répartis en onze sections », dans l’ouvrage où à propos de lui-même et des philosophes il dit : « Nous sommes, nous, avec Zeus, et d’autres sont avec d’autres démons. » LIVRE VIII