La troisième parole est « du Père des lumières ». Par le mot « Père », on entend filiation, et le mort « Père » dénote un engendrer limpide et est une vie de toutes choses. Le Père engendre son Fils dans l’entendement éternel, et donc le Père engendre son Fils dans l’âme comme dans sa nature propre et ( l’ ) engendre dans l’âme en propre, et son être dépend de ce qu’il engendre son Fils dans l’âme, que ce lui soit doux ou amer. On me demanda une fois, que fait le Père dans le Ciel ? Je dis alors : Il engendre son Fils, et cette oeuvre lui est si agréable et lui plaît tellement que jamais il ne fait autre chose que d’engendrer son Fils, et tous deux font fleurir le Saint Esprit. Là où le Père engendre son Fils en moi, là je suis le même Fils et non un autre ; nous sommes certes un autre en humanité, mais là je suis le même Fils et non un autre. « Là où nous sommes fils, là nous sommes de véritables héritiers. » Qui connaît la vérité sait bien que le mot « Père » porte en soi un engendrer limpide et le fait d’avoir de fils. C’est pourquoi nous sommes ici dans ce Fils et sommes de même Fils. Eckhart: Sermon 4
Il est à déplorer que certaines gens s’estiment très élevés et très unis à Dieu qui ne se sont pas pleinement laissés et sont encore attachés à de petites choses dans l’amour et dans la souffrance. Ils en sont bien plus éloignés qu’ils ne l’imaginent. Ils visent beaucoup et veulent tout autant. J’ai dit une fois : Qui ne cherche rien, de ce qu’il ne trouve rien à qui peut-il s’en plaindre ? Il a trouvé ce qu’il cherchait. Qui cherche ou vise quelque chose, il cherche et vise ( le ) néant, et qui demande quelque chose, il lui advient ( le ) néant. Mais qui ne cherche rien ni ne vise rien que Dieu limpidement, à lui Dieu découvre et lui donne tout ce qu’il a de caché dans son coeur divin, en sorte que cela lui advienne en propre, comme cela est en propre à Dieu, ni moins ni plus, à condition qu’il le vise lui seul, sans intermédiaire. Que le malade ne goûte les mets ni le vin, quoi d’étonnant à cela ? Car il n’absorbe pas le vin ni les mets selon leur goût propre. La langue a une couverture et un vêtement au travers desquels elle éprouve, et cela est amer conformément à la nature de la maladie. Cela n’atteint pas au point où cela devrait être goûté ; cela paraît amer au malade, et il a raison, car il faut que cela soit amer du fait du vêtement et du fait de l’intermédiaire. Si l’intermédiaire n’est pas ôté, cela n’est pas goûté selon ce qui est son propre. Aussi longtemps qu’intermédiaire n’est pas ôté en nous, Dieu n’est jamais goûté de nous selon ce qui lui est propre, et notre vie nous est souvent lourde et amère. Eckhart: Sermon 11