En outre l’âme, qui possède une substance et une vie qui lui sont propres, lorsqu’elle aura quitté ce monde, recevra un sort conforme à ses mérites : ou bien elle obtiendra l’héritage de la vie éternelle et de la béatitude, si ses actions le lui valent, ou bien elle sera abandonnée au feu éternel et aux supplices, si les péchés commis par ses méfaits l’y entraînent; mais viendra le temps de la résurrection des morts, lorsque ce corps-ci, aujourd’hui semé dans la corruption, ressuscitera dans l’incorruption, aujourd’hui semé dans l’ignominie, ressuscitera dans la gloire. Le point suivant est aussi défini par la prédication ecclésiastique : toute âme raisonnable est douée de libre arbitre et de volonté. Elle est en lutte avec le Diable et ses anges, ainsi qu’avec les puissances contraires, car ils s’efforcent de la charger de péchés : mais si nous vivons droitement et avec réflexion, nous nous efforçons de nous débarrasser de telles souillures. Il faut donc comprendre que nous ne sommes pas soumis à la nécessité et que nous ne sommes pas forcés de toute manière, même contre notre gré, de faire le mal ou le bien. Si nous sommes doués de libre arbitre, certaines puissances peuvent bien nous pousser au mal et d’autres nous aider à faire notre salut, nous ne sommes cependant pas contraints par la nécessité d’agir bien ou mal. Pensent le contraire ceux qui disent que le cours et les mouvements des étoiles sont la cause des actes humains, non seulement de ceux qui ne dépendent pas du libre arbitre, mais aussi de ceux qui sont en notre pouvoir. Traité des Principes: Préface d’Origène
Cherchons cependant si ce que les philosophes grecs nomment asomatos, c’est-à-dire incorporel, se trouve sous un autre terme dans les saintes Écritures. Il faut se demander comment comprendre Dieu lui-même, s’il est corporel et possède une forme extérieure suivant un certain état, ou s’il est d’une autre sorte que les corps : cela n’est pas indiqué clairement dans notre prédication. On se posera les mêmes questions au sujet du Christ et du Saint Esprit, et même de toute âme et de toute nature raisonnable. Traité des Principes: Préface d’Origène
D’après la prédication ecclésiastique, existent aussi des anges de Dieu et des puissances bonnes qui l’aident à accomplir le salut des hommes : quand ont-ils été créés, avec quelle nature, comment sont-ils, cela n’est pas assez clairement précisé. Rien de clair n’est transmis au sujet du soleil, de la lune et des étoiles, s’ils sont des êtres animés ou sans âme. Traité des Principes: Préface d’Origène
Il semble bon de rechercher pourquoi ce qui reçoit par Dieu la régénération pour son salut a besoin du Père, du Fils et du Saint Esprit, alors qu’il ne recevrait pas le salut sans la Trinité entière, et pourquoi il n’est pas possible de participer au Père et au Fils sans l’Esprit Saint. En discutant de cela, il sera sans doute nécessaire d’attribuer une action spéciale au Saint Esprit et une autre au Père et au Fils. Je pense donc que l’action du Père et du Fils s’exerce aussi bien sur les saints que sur les pécheurs, sur les hommes raisonnables que sur les animaux muets et même sur ceux qui n’ont pas d’âme, absolument sur tout ce qui est; l’action du Saint Esprit ne s’étend en aucune façon à ceux qui sont sans âme, ni à ceux qui sont animés, mais muets ; elle ne se constate même pas chez ceux qui sont raisonnables, mais plongés dans la malice sans se retourner en aucune façon vers le bien. Je pense que l’action du Saint Esprit ne s’exerce que sur ceux qui se tournent vers le mieux et marchent dans les voies du Christ Jésus, c’est-à-dire sur ceux qui agissent bien et demeurent en Dieu. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)
Puisque l’action du Père et du Fils s’exerce sur les saints et les pécheurs, elle se manifeste en ce que tous les êtres raisonnables participent à la Parole de Dieu, c’est-à-dire à la Raison, et pour cela portent en eux comme des semences de la Sagesse et de la Justice, ce qu’est le Christ. De celui qui est vraiment, qui a dit par Moïse : Je suis celui qui suis, tous les êtres tirent participation. Cette participation du Père parvient à tous, justes ou pécheurs, êtres raisonnables et déraisonnables, et absolument à tout ce qui est. L’apôtre Paul montre, certes, que tous ont la participation au Christ quand il dit : Ne dis pas dans ton coeur : Qui montera dans le ciel, c’est-à-dire pour en faire descendre le Christ ? Ou: Qui descendra dans l’abîme, c’est-à-dire pour rappeler le Christ des morts ? Mais que dit l’Écriture: La Parole est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur. Par là il signifie que le Christ est dans le coeur de tous, en tant que Parole ou Raison, dont la participation fait les êtres raisonnables. Ce texte de l’Évangile : Si je n’étais pas venu et si je ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas de péché; maintenant ils n’ont pas d’excuse pour leur péché est clair pour ceux qui savent expliquer jusqu’à quel moment l’homme n’a pas de péché et à quel âge il devient sujet au péché : on voit ainsi comment, à cause de leur participation à la Parole ou à la Raison, on dit que les hommes ont le péché, à savoir à partir du moment où ils sont devenus capables de compréhension et de connaissance, lorsque la raison, mise à l’intérieur d’eux-mêmes, leur aura apporté le discernement du bien et du mal. Lorsqu’ils ont commencé à savoir ce qu’est le mal, s’ils le font, ils deviennent coupables de péché. C’est ce que veut dire : Les hommes n’ont pas d’excuse pour leur péché : la parole ou raison divine a commencé à leur montrer dans le coeur le discernement du bien et du mal, pour qu’ils puissent ainsi échapper au mal et s’en garder; qui connaît le bien et ne le fait pas, est-il écrit, le péché est en lui. De même, aucun homme n’est hors de la communion de Dieu ; l’Évangile l’enseigne par la bouche du Sauveur : Le royaume de Dieu ne se laisse pas observer quand il vient et on ne dit pas : Le voici ici ou là. Mais le royaume de Dieu est au dedans de vous. Il faut voir aussi si on ne trouve pas la même signification dans cette parole de la Genèse : Et il souffla sur sa face un souffle de vie et l’homme fut fait comme une âme vivante. S’il faut comprendre que cela a été donné à tous les hommes en général, tous les hommes ont une participation à Dieu ; s’il faut entendre de l’Esprit de Dieu cette parole, puisque Adam lui-même, semble-t-il, a prophétisé sur plusieurs points, on ne peut l’appliquer de façon générale, mais seulement à quelques saints. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)
Il y aura fin et consommation du monde lorsque chacun sera soumis aux peines méritées par ses péchés : ce temps, Dieu seul le connaît, quand chacun paiera pour ce qu’il mérite. Nous pensons que la bonté de Dieu rassemblera par son Christ toute la création dans une fin unique, après avoir réduit et soumis même les ennemis. C’est ce que dit la sainte Écriture : Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds. Si le sens de cette parole prophétique nous semble peu clair, écoutons l’apôtre Paul qui dit plus ouvertement : Il faut que le Christ règne, jusqu’à ce qu’il ait placé tous ses ennemis sous ses pieds. Si même cet avis si manifeste de l’Apôtre n’a pas suffi à nous enseigner ce que veut dire : placer ses ennemis sous ses pieds, entends ce qu’il dit à la suite : Il faut que tout lui soit soumis. Quelle est donc cette soumission par laquelle toutes choses doivent être soumises au Christ ? A mon avis il s’agit de cette même soumission par laquelle nous souhaitons lui être soumis, par laquelle lui sont soumis les apôtres et tous les saints qui ont suivi le Christ. Ce mot de soumission, de soumission au Christ, exprime pour les soumis le salut qui vient du Christ. David disait : Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu ? De lui en effet vient mon salut. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)
Nous pensons qu’ils peuvent être considérés comme des êtres animés par le fait qu’ils reçoivent, selon l’Écriture, des commandements de Dieu, ce qui ne peut se faire qu’avec des vivants raisonnables. Il leur donne en effet un commandement : Moi, j’ai commandé à toutes les étoiles. Quels sont ces préceptes ? Evidemment celui que chaque astre, suivant son ordre et son cours, fournisse au monde la quantité de lumière qui lui est accordée. Les astres qu’on appellent planètes se meuvent suivant un certain ordre, ceux que l’on nomme fixes suivant un autre. Ceci montre avec beaucoup de clarté qu’aucun corps ne peut se mouvoir sans âme et que les êtres animés ne peuvent jamais être sans mouvement. Mais les étoiles qui se meuvent avec tant d’ordre et de raison qu’on ne voit absolument pas ce qui pourrait jamais faire obstacle à leur course, comment ne serait-il pas de la dernière sottise de dire qu’un tel ordre, qu’une telle observation de la discipline et de la raison, seraient exécutés et accomplis par des êtres irrationnels ? Chez Jérémie assurément, la lune est appelée la reine du ciel. Si les étoiles sont animées et raisonnables, sans aucun doute il semblera qu’il y ait aussi chez elles des progrès ou des décadences. Ce que dit Job : Les étoiles ne sont pas pures à sa vue, me semble indiquer une signification de ce genre. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)
Bien que l’état de l’univers soit composé de fonctions diverses, il ne faut cependant pas comprendre qu’il serait en désaccord et en désharmonie avec lui-même ; mais comme notre corps formé de membres nombreux est un et maintenu par une âme unique, de même à mon avis il faut concevoir l’univers comme un animal immense et énorme, gouverné par la Puissance et Raison de Dieu comme par une âme unique. Cela est indiqué, je pense, par la sainte Écriture quand elle dit par le prophète : Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre, dit le Seigneur, De même : Le ciel est mon trône et la terre l’escabeau de mes pieds. Et ces paroles du Sauveur lorsqu’il défend de jurer, ni par le ciel, parce qu’il est le trône de Dieu, ni par la terre, parce qu’elle est l’escabeau de ses pieds. Pareillement celles de Paul, prêchant devant les Athéniens : En lui nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. Comment comprendre qu’en Dieu nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes, si ce n’est qu’il enserre et maintient le monde par sa puissance ? Comment comprendre que le ciel soit le trône de Dieu et la terre l’escabeau de ses pieds, comme l’affirme le Sauveur lui-même, si ce n’est que dans le ciel et sur la terre sa puissance remplit l’univers selon ses paroles : Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre, dit le Seigneur. Traité des Principes: Troisième traité (II, 1-3)
Il serait trop long d’extraire et de rassembler de tous les passages de l’Évangile des témoignages enseignant que le Dieu de la loi et le Dieu des évangiles sont un seul et même Dieu. Invoquons cependant brièvement ce passage des Actes des Apôtres qui montre Étienne et les apôtres dirigeant leurs prières vers le Dieu qui a fait le ciel et la terre et qui a parlé par la bouche de ses saints prophètes, l’appelant le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu qui a tiré son peuple de la terre d’Egypte. Ces paroles dirigent sans aucun doute notre pensée vers la foi au Créateur et le font aimer de ceux qui ont appris tout cela à son sujet avec piété et fidélité. Le Sauveur lui-même, à qui on demandait quel était le commandement suprême de la loi, répondit ainsi : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. Le second commandement lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et il ajouta : De ces deux préceptes dépendent toute la loi et les prophètes. Comment donc, à celui qu’il instruisait et qu’il invitait à être son disciple, recommande-t-il ce précepte avant tous les autres, ce précepte qui sans aucun doute demande d’aimer le Dieu de la loi, puisque tout cela fut dit par la loi dans les mêmes termes ? Traité des Principes: Premier traité (II, 4-5)
Mais après toutes ces merveilles et magnificences, la capacité d’étonnement de l’intelligence humaine est complètement dépassée et la fragilité d’un entendement mortel ne voit pas comment elle pourrait penser et comprendre que cette Puissance si grande de la majesté divine, cette Parole du Père lui-même, cette Sagesse de Dieu dans laquelle ont été créés tout le visible et tout l’invisible, ait pu, comme il faut le croire, exister dans les étroites limites d’un homme qui s’est montré en Judée, et bien mieux que la Sagesse de Dieu ait pénétré dans la matrice d’une femme, soit née comme un petit enfant, ait émis des vagissements à la manière des nourrissons qui pleurent; et ensuite qu’elle ait été troublée par sa mort, comme on le rapporte et comme Jésus le reconnaît lui-même : Mon âme est triste jusqu’à la mort; et enfin qu’elle ait été conduite à la mort que les hommes jugent la plus indigne, bien qu’elle soit ressuscitée le troisième jour après. Tantôt nous voyons en lui certains traits humains qui paraissent ne différer en rien de la fragilité commune des mortels, tantôt des traits si divins qu’ils ne conviennent à personne d’autre qu’à la nature première et ineffable de la divinité : aussi l’entendement humain reste immobile par suite de son étroitesse10 et frappé d’une telle stupéfaction qu’il ignore où aller, que tenir, vers où se tourner. Pense-t-il le Dieu, il voit le mortel. Pense-t-il l’homme, il l’aperçoit, ayant vaincu le règne de la mort, revenir des morts avec ses dépouilles. C’est pourquoi ce mystère doit être contemplé en toute crainte et révérence pour montrer en un seul et même être la vérité de chaque nature, afin de ne rien penser d’indigne et d’indécent sur cet être substantiel divin et ineffable, ni juger au contraire que ce qu’il a fait soit l’illusion d’une imagination fausse. Exposer cela à des oreilles humaines et l’expliquer par des paroles excède de beaucoup les possibilités de notre mérite, de notre talent et de notre discours. Je juge que cela dépasse même la mesure des saints apôtres : bien mieux l’explication de ce mystère est peut-être au-dessus des puissances célestes de toute la création. Ce n’est pas cependant par témérité, mais parce que la suite du développement le demande, que nous exposerons en peu de mots, plutôt ce que notre foi contient que ce que les assertions de la raison humaine pourraient revendiquer, en présentant davantage ce que nous supposons que des affirmations manifestes. Donc le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, le visible et l’invisible, comme nous l’a appris plus haut cette discussion, a fait toute chose, selon l’attestation de l’Écriture, et aime tout ce qu’il a fait. Car, alors que du Dieu invisible il est lui-même l’image invisible, il a donné à toutes les créatures raisonnables de participer à lui de telle sorte que chaque créature adhère à lui par le sentiment de l’amour dans la mesure où elle participe davantage à lui. Mais puisque la faculté du libre arbitre a mis une variété et une diversité parmi les intelligences, les unes ayant un amour plus ardent envers leur créateur, les autres un amour plus faible et plus chétif, cette âme, dont Jésus dit : Personne ne m’ôte mon âme, adhérant à lui depuis sa création et dans la suite d’une manière inséparable et indissociable, comme à la Sagesse et à la Parole de Dieu, à la Vérité et à la Vraie Lumière, le recevant tout entier en elle tout entière et se changeant en sa lumière et en sa splendeur, est devenue avec lui dans son principe un seul esprit, de même que l’apôtre a promis à ceux qui devaient imiter cette âme que : Celui qui se joint au Seigneur est un seul esprit avec lui. De cette substance de l’âme servant d’intermédiaire entre un Dieu et la chair ? car il n’était pas possible que la nature d’un Dieu se mêlât à la chair sans médiateur ? naît, comme nous l’avons dit, le Dieu-Homme : cette substance était l’intermédiaire, car il n’était pas contre nature pour elle d’assumer un corps. Et de même il n’était pas contre nature que cette âme, substance raisonnable, puisse contenir Dieu, puisque, nous l’avons dit plus haut, elle s’était déjà toute changée en lui, comme en la Parole, la Sagesse et la Vérité. C’est pourquoi, à bon droit, parce qu’elle était tout entière dans le Fils de Dieu ou qu’elle contenait tout entier en elle le Fils de Dieu, elle est appelée elle-même, avec la chair qu’elle a assumée, Fils de Dieu et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et réciproquement, le Fils de Dieu par qui tout a été créé est nommé Jésus-Christ et Fils de l’homme. Car on dit que le Fils de Dieu est mort, à savoir à cause de cette nature qui pouvait parfaitement recevoir la mort ; et il est appelé Fils de l’homme, celui que l’on prêche comme devant venir dans la gloire de Dieu le Père avec les saints anges. Pour cette raison, dans toute l’Écriture la divine nature est appelée par des vocables humains et la nature humaine est ornée des titres réservés à Dieu. Dans ce cas plus que dans tout autre, on peut dire ce qui est écrit : Ils seront les deux dans une chair une: désormais ils ne sont plus deux, mais une chair une. Car la Parole de Dieu est bien plus avec son âme dans une chair une que ce que l’on pense du mari avec son épouse. Mais à qui convient-il mieux d’être un seul esprit avec Dieu qu’à cette âme qui s’est si bien jointe à Dieu par l’amour qu’elle peut être dite à bon droit un seul esprit avec lui. La perfection de l’amour et la sincérité d’une affection pure ont fait l’unité inséparable de cette âme avec un Dieu, tellement que l’assomption de cette âme n’est pas le produit du hasard ni le résultat d’une partialité envers une personne, mais vient du mérite de ses vertus. C’est ce que dit le prophète s’adressant à elle : Tu as aimé la justice et haï l’iniquité: c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a ointe de l’huile de joie plus que tes participants. A cause du mérite de son amour elle est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire l’âme avec la Parole de Dieu devient le Christ. Etre oint de l’huile de joie ne veut pas dire autre chose qu’être rempli de l’Esprit Saint. Ce qui est dit : plus que tes participants, indique que la grâce de l’Esprit ne lui a pas été donnée comme aux prophètes, mais qu’elle avait en elle la plénitude substantielle de la Parole de Dieu, selon l’Apôtre : En qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et enfin il n’est pas dit seulement : Tu as aimé la justice, mais : Et tu as haï l’iniquité. Haïr l’iniquité revient à ce que l’Écriture dit du Christ : Il n’a pas commis de péché et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche, et : Il a été éprouvé en tout de manière semblable sans péché. Mais le Seigneur lui-même dit : Qui de vous me convainc de péché ? De nouveau il dit de lui-même : Voici que vient le prince de ce monde et en moi il ne trouve rien. Tout cela montre qu’il n’y a en lui aucune pensée de péché. Le prophète exprime avec plus de clarté encore que jamais aucune pensée d’iniquité n’est entrée en lui quand il dit : Avant que l’enfant ait su appeler son père ou sa mère, il s’est détourné de l’iniquité. Traité des Principes: Deuxième traité (II, 6)
Si cela paraît difficile à quelqu’un, alors que nous avons montré plus haut qu’il y a dans le Christ une âme raisonnable et que nous avons répété fréquemment dans toutes nos discussions que la nature des âmes est tout à fait capable de recevoir le bien et le mal, nous résoudrons cette difficulté de la façon suivante. On ne peut douter que la nature de cette âme n’ait été celle de toutes les âmes : autrement on n’aurait pu l’appeler âme, si elle n’avait pas été vraiment âme. Mais puisque choisir le bien ou le mal est au pouvoir de tous, cette âme, celle du Christ, a si bien choisi d’aimer la justice que, par suite de l’immensité de son amour, elle a adhéré à elle de manière inconvertible et inséparable : ainsi la fermeté de son propos, l’immensité de son affection et la chaleur inextinguible de son amour ont retranché tout désir de changement et de retournement, de telle sorte que ce qui se trouvait dans la volonté s’est transformé en nature par suite d’une longue habitude : tel fut le cas, il faut le croire, de l’âme humaine et raisonnable du Christ qui n’a eu aucune pensée ni aucune possibilité de péché. Traité des Principes: Deuxième traité (II, 6)
Pour expliquer plus complètement cela, il ne semblera pas absurde d’user d’une comparaison, bien que dans un sujet si ardu et difficile il ne soit pas aisé de se servir d’exemples commodes. Cependant, pour parler sans nuire à ce que nous allons dire, le métal appelé fer est capable de recevoir le froid et la chaleur : si donc une masse de fer est toujours placée dans le feu, le recevant dans tous ses pores et ses veines et devenue ainsi entièrement feu, dans le cas où le feu ne s’éloigne jamais d’elle et où elle n’est pas séparée du feu, ne dirons-nous pas que ce qui est par nature une masse de fer, placée dans le feu et continuellement brûlante, puisse jamais recevoir le froid ? Bien mieux ? et cela est encore plus vrai ?, nous la disons plutôt devenue tout entière feu, et nous constatons souvent de nos yeux qu’il en est ainsi dans les fours, car on ne voit en elle rien d’autre que du feu ; et si quelqu’un essaie de la toucher il ne sentira pas l’effet du fer, mais du feu. Pareillement cette âme qui, comme le fer dans le feu, se trouve toujours dans la Parole, toujours dans la Sagesse, toujours en Dieu, tout ce qu’elle fait, tout ce qu’elle pense, tout ce qu’elle comprend est Dieu. Et c’est pourquoi on ne peut la dire convertible ni muable, car, toujours enflammée, elle possède l’inconvertibilité par son unité avec la Parole de Dieu. On peut penser que parvient à tous les saints une certaine chaleur de la Parole de Dieu ; mais dans cette âme il faut croire que le feu divin lui-même repose substantiellement, ce feu dont les autres tirent un peu de chaleur. Enfin la phrase : Dieu, ton Dieu, t’a oint de l’huile de joie plus que tes participants, montre que cette âme est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire de la Parole de Dieu et de sa Sagesse, d’une autre manière que ses participants, les saints prophètes et apôtres. De ceux-ci on dit qu’ils ont couru dans l’odeur de ses parfums, mais cette âme fut le vase contenant le parfum lui-même : tous les prophètes et les apôtres devenaient dignes de participer à sa bonne odeur. Autre est l’odeur du parfum, autre sa substance ; ainsi autre est le Christ, autres ses participants. De même que le vase qui contient la substance du parfum ne peut en aucune façon recevoir de mauvaise senteur, mais que ceux qui participent à son odeur, s’ils s’en écartent un peu trop, sont susceptibles d’être atteints par les senteurs fétides ; de même le Christ, qui est le vase lui-même où se trouve la substance du parfum, ne pouvait recevoir l’odeur opposée, mais ses participants, dans la mesure où ils se tiendront proches du vase, participeront à l’odeur et pourront la contenir. Traité des Principes: Deuxième traité (II, 6)
6, 7. Je pense, certes, que c’est en comprenant quelle est dans le Christ la nature de la Sagesse de Dieu et quelle est aussi celle qu’il avait assumée pour le salut du monde que le prophète Jérémie a écrit : L’esprit (le souffle) de notre face, le Christ Seigneur, dont nous avons dit : à son ombre nous vivrons parmi les nations. L’ombre de notre corps est inséparable de notre corps, elle reçoit et reproduit sans déviation les mouvements et les gestes du corps : c’est pourquoi, je pense, pour désigner ainsi les actions et mouvements de cette âme qui adhérait au Christ sans séparation possible et faisait tout en suivant son impulsion et sa volonté, le prophète l’a appelée ombre du Christ Seigneur sous laquelle nous avons à vivre parmi les nations. Car dans le mystère de son assomption vivent les nations, quand, imitant cette âme, elles parviennent par la foi au salut. En disant : Souviens-toi de mon opprobre, Seigneur, de l’opprobre qu’ils m’ont fait à la place de ton Christ, David me semble exprimer la même chose. Paul pense-t-il différemment lorsqu’il dit : Noire vie est cachée avec le Christ en Dieu! Et ailleurs : Cherchez-vous une preuve de celui qui parle en moi, le Christ! Et maintenant il dit que le Christ est caché en Dieu. Si le sens de cela n’indique pas autre chose que ce qui est signifié chez le prophète par l’ombre du Christ, comme nous l’avons dit plus haut, il dépasse peut-être la compréhension de l’intelligence humaine. Mais on trouve dans les Écritures divines bien d’autres textes significatifs à propos de l’ombre, comme ce que dit Gabriel à Marie dans l’Évangile selon Luc : L’Esprit du Seigneur viendra sur toi et la Puissance du Très-Haut t’ombragera. L’apôtre dit que ceux qui ont la circoncision charnelle servent selon la ressemblance et l’ombre des réalités célestes. Et ailleurs il est dit : Notre vie sur terre n’est-elle pas une ombre! Si donc la loi donnée sur terre est ombre, si toute notre vie qui se passe sur terre est ombre, et si nous vivrons parmi les nations à l’ombre du Christ, il faut voir si la vérité de toutes ces ombres ne sera pas connue dans la grande révélation, lorsque tous les saints mériteront de contempler la gloire de Dieu, les causes et la vérité des choses, non plus à travers un miroir, en énigme, mais face à face. Ayant déjà reçu par l’Esprit Saint un gage de cette vérité, l’Apôtre disait : Même si nous avons jamais connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Traité des Principes: Deuxième traité (II, 6)
Il nous faut donc savoir que l’Esprit Saint est Paraclet et qu’il enseigne des vérités trop grandes pour être exprimées, des vérités, pour ainsi dire, ineffables et qu’il n’est pas permis à l’homme de dire, c’est-à-dire qui ne peuvent être dévoilées par une parole humaine. Cette expression : il n’est pas permis, nous pensons qu’elle est employée par Paul au lieu de : il n’est pas possible, comme quand il dit : Tout est permis, mais tout ne convient pas; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Ce dont nous avons la possibilité, parce que nous pouvons l’avoir, il dit que c’est permis. Le Paraclet, terme appliqué au Saint Esprit, vient du mot consolation ? paraclèsis en effet se dit en latin consolatio ? : celui en effet qui aura mérité de participer au Saint Esprit par la connaissance des mystères ineffables, reçoit sans aucun doute consolation et joie du coeur. Lorsqu’il aura connu en effet la nature de tout ce qui se fait, qu’il saura, sur l’indication de l’Esprit, pourquoi et comment cela se fait, son âme ne pourra absolument plus être troublée ni accueillir aucun sentiment de peine : il ne sera plus terrifié par rien, lorsque, adhérant à la Parole de Dieu et à sa Sagesse, il dit dans l’Esprit Saint que Jésus est Seigneur. Traité des Principes: Troisième traité (II, 7)
Maintenant la suite des idées demande de rechercher en général ce qu’est l’âme et de commencer par les êtres inférieurs pour monter aux supérieurs. Personne n’hésite à dire, je le crois, qu’il y a des âmes dans tous les êtres animés, même dans ceux qui vivent dans les eaux. C’est là l’opinion commune de tous et elle s’appuie sur l’Écriture sainte lorsqu’elle dit : Dieu fit les grands cétacés et toutes les âmes des animaux qui rampent, produits par les eaux selon leurs genres. Cela est confirmé à partir de la raison commune par ceux qui en donnent une définition en termes précis. En effet l’âme est définie comme une substance phantastikè et hormètikè (principe des imaginations et des impulsions), ce que l’on peut dire en latin, dans une traduction pas tout à fait exacte, sensibilis et mobilis (principe de sensibilité et de mouvement). Cette définition convient parfaitement à tous les animaux, y compris les aquatiques ; et elle s’adapte convenablement aux oiseaux. L’Écriture y ajoute l’autorité d’une autre proposition : Vous ne mangerez pas le sang, parce que le sang est l’âme de toute chair et vous ne mangerez pas l’âme avec les chairs. Là elle désigne en toute évidence le sang des animaux comme leur âme. Mais si quelqu’un demande, puisqu’elle a dit que l’âme de toute chair est son sang, ce qu’il en est des abeilles, guêpes et fourmis, des huîtres et des coquillages qui sont dans les eaux, et de tout autre être qui manque de sang, mais est de façon tout à fait manifeste un être animé, il faut répondre que le rôle qu’a chez les autres animaux la force du sang rouge est rempli chez eux par le liquide qui est en eux, bien qu’il soit d’une autre couleur; peu importe la couleur, pourvu qu’il y ait substance vitale. Des bêtes de somme et des bestiaux, il n’y a pas de doute dans l’opinion commune sur leur caractère d’êtres animés. Cela est clair aussi à partir du témoignage de l’Écriture divine puisque Dieu dit : Que la terre produise l’âme vivante selon son genre, les quadrupèdes, reptiles et bêtes de la terre selon leurs genres. En ce qui concerne l’homme il n’y a aucun doute et personne ne se pose de question ; cependant l’Écriture divine l’affirme en ces termes : Dieu insuffla sur son visage un souffle de vie et l’homme fut fait en âme vivante. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
Il reste à se demander à propos de l’ordre des anges, s’ils ont des âmes ou s’ils sont des âmes, et pareillement des autres puissances divines et célestes et des puissances contraires. Nous n’avons jamais trouvé d’attestation dans l’Écriture divine où les anges et les autres esprits divins serviteurs de Dieu soient dits avoir des âmes ou être des âmes. Au sujet de Dieu, nous trouvons ceci écrit : Je mettrai mon âme sur l’âme qui aura mangé le sang et je l’arracherai de son peuple; et ailleurs : je ne tiens pas pour agréables vos néoménies, vos sabbats et votre grand jour. Vos jeûnes, vos fériés et vos fêtes, mon âme les hait. Et dans le Psaume 21 il est dit du Christ ? car il est certain que ce psaume est composé comme prononcé par lui d’après le témoignage de l’Évangile ? : Toi, Seigneur, n’éloigne pas ton secours, veille à ma défense, arrache à l’épée mon âme et au pouvoir du chien mon unique. Et nombreux sont les témoignages sur l’âme du Christ incarné. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
Mais à propos de l’âme du Christ, la nature de l’incarnation, quand on la considère, supprime tout problème. Car de même qu’il a eu vraiment un corps, il a eu vraiment une âme. Mais il est difficile de penser et d’exposer comment on doit comprendre le fait qu’il soit question d’une âme de Dieu dans les Écritures : en effet nous reconnaissons une fois pour toutes que sa nature est simple, sans mélange ni addition. Cependant, de quelque façon qu’il faille l’entendre, il semble qu’on parle parfois de l’âme de Dieu. A propos de l’âme du Christ, il n’y a pas de doute. Et c’est pourquoi il ne me paraît pas absurde de dire ou de penser de même des saints anges et des autres puissances célestes, si toutefois la définition de l’âme donnée plus haut semble leur convenir. Qui pourra nier qu’ils possèdent une sensibilité raisonnable et le mouvement ? Si donc cette définition qui fait de l’âme une substance dotée de sensibilité raisonnable et de mouvement paraît juste, il semble qu’elle s’applique aussi aux anges. Qu’y a-t-il d’autre en eux qu’une sensibilité raisonnable et du mouvement ? Les êtres à qui conviennent une définition unique sont sans aucun doute d’une même substance. Certes, l’apôtre Paul parle d’un homme animal qui, selon lui, ne peut percevoir ce qui concerne l’Esprit de Dieu et il dit de même que l’enseignement de l’Esprit Saint paraît à cet homme absurde et qu’il ne peut comprendre ce qui est l’objet d’un discernement spirituel. Mais dans un autre passage, selon lui, est semé un corps animal et ressuscite un corps spirituel : il montre ainsi que dans la résurrection des justes il n’y aura rien d’animal dans ceux qui mériteront la vie des bienheureux. Et c’est pourquoi nous recherchons s’il y aurait une substance qui serait imparfaite parce qu’elle est âme. Mais nous nous demanderons, quand nous nous mettrons à discuter cela dans le détail, si elle est imparfaite parce qu’elle est tombée de la perfection ou si elle a été faite ainsi par Dieu. Si en effet l’homme animal ne perçoit pas ce qui concerne l’Esprit de Dieu et si, parce qu’il est animal, il ne peut recevoir la compréhension d’une nature supérieure, c’est-à-dire divine, c’est pour cela que Paul, voulant nous enseigner plus clairement quelle est la faculté qui nous permet de comprendre les réalités de l’Esprit, les réalités spirituelles, unit et associe à un esprit saint plutôt l’intelligence que l’âme. A mon avis il le montre, lorsqu’il dit : Je prierai par l’esprit, je prierai aussi par l’intelligence; je psalmodierai par l’esprit, je psalmodierai aussi par l’intelligence. Il ne dit pas : je prierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence ; et non plus : je psalmodierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
On demandera peut-être : si c’est l’intelligence qui prie et psalmodie avec l’esprit, si c’est elle qui perçoit la perfection et le salut, comment Pierre peut-il dire : Percevant comme le but de notre foi le salut de nos âmes! Si l’âme ne prie pas et ne psalmodie pas avec l’esprit, comment espérera-t-elle le salut ? Alors, lorsqu’elle parviendra à la béatitude, ne l’appellera-t-on plus âme ? Mais voyons si on ne peut pas répondre ainsi : De même que le Sauveur est venu sauver ce qui était perdu et que, une fois sauvé, ce qui auparavant était dit perdu n’est plus perdu, de même peut-être ce qu’on sauve est appelé âme, et quand elle a été sauvée, elle est désignée du terme qui s’applique à sa partie la plus parfaite. Mais certains croient pouvoir y ajouter ceci : de même que ce qui est perdu existait sans aucun doute avant de périr, lorsqu’il était autre chose, je ne sais quoi, qui n’était pas perdu, et qu’il existera assurément quand il ne sera plus perdu, de même l’âme, qui est dite perdue, semblera avoir été quelque chose autrefois, avant d’être perdue, et c’est pour cela que l’on dira que l’âme, lorsqu’elle sera en revanche libérée de la perdition, pourra être de nouveau ce qu’elle a été avant de périr et d’être nommée âme. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
Mais le sens même du mot âme, tel qu’il est en grec (psyché) a paru à certains de ceux qui cherchent avec plus de soin, suggérer une signification qui n’est pas sans intérêt. Car la parole divine dit que Dieu est feu : Notre Dieu est un feu qui consume. Et de la substance des anges elle affirme : Celui qui a fait de ses anges des esprits (souffles) et de ses ministres un feu qui brûle. Et ailleurs : L’Ange du Seigneur apparut en flamme de feu dans le buisson. Bien plus, nous avons reçu le commandement d’être brûlants par l’esprit : par là sans aucun doute il est montré que la Parole de Dieu est enflammée et chaude. Mais le prophète Jérémie entendait de celui qui lui répondait : Voici que j’ai mis mes paroles dans ta bouche comme du feu. De même que Dieu est feu, que les anges sont la flamme du feu et que les saints brûlent par l’esprit, de même au contraire ceux qui sont tombés de l’amour de Dieu se sont refroidis dans leur charité pour lui et on dit qu’ils sont devenus froids. En effet le Seigneur dit : Par suite de la multiplication de l’iniquité, la charité de beaucoup se refroidira. Et tout ce qui, de quelque manière, symbolise dans les Écritures saintes la puissance adverse est toujours froid, comme on peut le remarquer. En effet le diable est appelé le serpent et le dragon : que peut-on trouver de plus froid ? Le dragon est représenté régnant dans les eaux, et ceci revient aussi à propos d’un des esprits malins que le prophète montre dans la mer. En un autre endroit le prophète dit : Je lancerai l’épée sainte sur le dragon, le serpent qui fuit, sur le dragon, le serpent pervers, et l’épée le tuera. Et ailleurs : Même s’ils s’éloignaient de mes yeux et descendaient dans les profondeurs de la mer, je commanderai au dragon et il les mordra. Dans Job, le dragon est dit le roi de tous ceux qui sont dans les eaux. Le prophète annonce que de Borée viendront des maux sur tous ceux qui habitent la terre. Or Borée désigne dans les Écritures le vent froid, comme l’écrit la Sagesse: Borée est le vent froid. Cela, sans aucun doute, il faut l’entendre du diable. Si donc les réalités saintes sont appelées feu, lumière, et sont dites brûlantes, si les réalités contraires sont froides et si la charité se refroidit, selon l’Écriture, dans les pécheurs, on peut se demander si peut-être le mot âme, qui se dit en grec psyché, ne viendrait pas au figuré de ce refroidissement à partir d’un état plus divin et meilleur, c’est-à-dire que l’âme se serait refroidie de sa chaleur naturelle et divine pour recevoir l’état et la dénomination qu’elle a actuellement. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
En fait on peut chercher si on trouve aisément dans les Écritures le mot âme employé dans un sens louable. Il se présente fréquemment dans un sens blâmable, comme : Une âme mauvaise perd celui qui la possède, et : L’âme qui pèche, c’est elle qui mourra. Après avoir dit : Toutes les âmes sont à moi, aussi bien l’âme du fils que celle du père, il semblerait logique d’ajouter : L’âme qui agit selon la justice sera sauvée, l’âme qui pèche c’est elle qui mourra. Mais nous voyons que l’Écriture a associé à l’âme la culpabilité et a tu ce qui était digne de louange. Il faut voir maintenant si, comme nous l’avons dit à partir de la signification du terme, la psyché, c’est-à-dire l’âme, a reçu ce nom parce qu’elle s’est refroidie, perdant la ferveur des justes et la participation au feu divin, sans abandonner cependant la possibilité de se rétablir dans cet état de ferveur où elle fut au début. Le prophète paraît indiquer un sens semblable lorsqu’il dit : Reviens, mon âme, dans ton repos. Cela semble montrer à tous que l’intelligence, s’éloignant de son état et de sa dignité, est devenue et s’est appelée âme : si elle est convertie et corrigée elle redevient intelligence. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
S’il en est ainsi, on ne doit pas penser, me semble-t-il, que cette chute et cette dégradation de l’intelligence soient égales pour tous, mais que ce changement en âme comporte du plus et du moins, et que certaines intelligences conservent quelque chose de leur vigueur première, d’autres rien ou très peu. C’est pourquoi on en trouve qui ont, dès le jeune âge, une pénétration plus ardente, d’autres une pénétration plus lente, d’autres enfin naissent tout à fait obtus et complè-tement rebelles à l’éducation. Cependant ce que nous avons dit du changement de l’intelligence en âme et de tout ce qui se rapporte à ce sujet, que le lecteur le discute avec soin et l’étudié en lui-même : tout cela n’est pas présenté par nous comme des dogmes, mais discuté par manière d’étude et de recherche. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
Que le lecteur ajoute ce qui suit à notre discussion : on peut observer que, quand l’Évangile parle de l’âme du Sauveur, autre est ce qui lui est attribué avec le mot âme, autre est ce qui lui est attribué avec le mot esprit. Lorsque l’Évangile mentionne quelque passion ou trouble, il emploie le mot âme, comme dans : Maintenant mon âme est troublée; Mon âme est triste jusqu’à la mort et : Personne ne m’ôte mon âme, mais c’est moi qui la dépose. Mais ce qu’il confie aux mains du Père, ce n’est pas son âme, mais son esprit, et, lorsqu’il dit que la chair est infirme, il ne dit pas que l’âme est prompte, mais que l’esprit est prompt : d’où il semble que l’âme soit quelque chose d’intermédiaire entre la chair infirme et l’esprit prompt. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
Mais quelqu’un nous objectera peut-être, sur un point que nous avons déjà mentionné dans notre exposé : Comment est-il parlé d’une anthropomorphismes âme de Dieu ? Nous lui répondrons ce qui suit : Tout ce qui est attribué à Dieu de corporel, doigts, mains, bras, yeux, bouche, pieds, ne désigne pas selon nous des membres humains, mais certaines facultés de Dieu sous ces appellations de membres corporels ; il faut penser de même que quelque chose d’autre est indiqué par cette appellation d’âme de Dieu. Si nous pouvons nous permettre l’audace de parler encore sur un tel sujet, on peut entendre peut-être par âme de Dieu son Fils unique. En effet, de même que l’âme, insérée par tout le corps, fait tout mouvoir, opère et accomplit toutes choses, de même le Fils unique de Dieu, sa Parole et sa Sagesse, atteint et parvient à toute la puissance de Dieu, car il y est inséré. Et c’est peut-être pour indiquer ce mystère que, dans les Écritures, Dieu est représenté ou décrit comme un corps. Il faut, certes, examiner si on ne peut pas encore comprendre le Fils unique comme l’âme de Dieu parce qu’il est venu lui-même dans ce lieu d’affliction et qu’il est descendu dans cette vallée de larmes, dans le lieu de notre humiliation, comme dit le psaume : Parce que tu nous as humiliés dans le lieu d’affliction. Je sais enfin que quelques-uns, commentant ce qui est dit par le Sauveur dans l’Évangile : Mon âme est triste jusqu’à la mort, l’ont interprété des apôtres ; il les avait appelés son âme parce qu’ils étaient meilleurs que le reste du corps. Puisque la multitude des croyants est dite le corps du Sauveur, ils ont soutenu qu’il fallait comprendre les apôtres comme son âme, parce qu’ils sont meilleurs que le reste de la multitude. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
Lorsque nous disons que ce monde avec toute sa diversité, telle que nous l’avons exposée plus haut, a été fait par le Dieu que nous affirmons bon, juste et très équitable, beaucoup nous font des objections et demandent d’ordinaire ? surtout ceux qui viennent des écoles de Marcion, Valentin et Basilide et tiennent que les natures des âmes sont différentes ? comment il peut convenir à la justice de Dieu créant le monde de donner aux uns une demeure dans les cieux, et non seulement une demeure meilleure, mais un degré d’existence plus élevé et plus glorieux, d’accorder à d’autres le principal, d’attribuer à d’autres puissances et dominations, d’offrir à d’autres les trônes éminents des tribunaux célestes, que d’autres luisent d’une façon plus éclatante et brillent de l’éclat des astres, qu’autre soit la gloire du soleil, autre la gloire de la lune, autre la gloire des étoiles, et qu’une étoile diffère d’une autre en gloire. Pour parler de façon brève et ramassée, si au Dieu créateur ne manquent ni la volonté ni la possi-bilité d’accomplir une oeuvre très grande et très bonne, qu’est-ce qui a pu l’amener dans la création des natures raisonnables, c’est-à-dire de ceux pour qui il a été la cause de l’existence, de mettre les uns dans une condition supérieure et d’en créer d’autres au second ou au troisième degré ou même dans une condition bien inférieure ? Ces hérétiques nous opposent ensuite, au sujet des êtres terrestres, que certains reçoivent en naissant un sort plus heureux : l’un par exemple est engendré par Abraham et naît selon la promesse, un autre d’Isaac et de Rébecca; ce dernier encore dans le sein de sa mère supplante son frère et on dit qu’avant de naître il est aimé de Dieu. Ils nous objectent encore que l’un naît chez les Hébreux où il est éduqué par la loi divine, un autre chez les Grecs, hommes savants et de science non négligeable, un autre chez les Ethiopiens qui ont coutume de se nourrir de chair humaine, un autre chez les Scythes où le parricide est presque érigé en loi, ou chez les Tauriens qui immolent les étrangers. Ils nous disent : s’il y a une telle diversité de situations, si on naît dans des conditions si variées et si diverses, sans que la faculté du libre arbitre n’y intervienne ? car personne ne choisit lui-même où, chez qui et dans quelle condition il naîtra ?, si donc, reprennent-ils, cela n’est pas causé par la diversité des natures d’âmes, c’est-à-dire par le fait qu’une âme de nature mauvaise reçoit en partage une nation mauvaise, une âme de nature bonne une nation bonne, que reste-t-il alors, sinon d’impu-ter tout cela au hasard ? Si on accepte cette solution, le monde n’a pas été fait par Dieu et il ne faut pas croire qu’il soit régi par sa providence; en conséquence, il n’y a pas à attendre, semble-t-il, de jugement de Dieu pour les faits et gestes de chacun. Quelle est exactement la vérité dans un tel sujet ? Seul peut le savoir celui qui scrute toutes choses, même les profondeurs de Dieu. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)
Tel était le désir, je pense, qu’exprimait comme sien celui qui disait : Je suis pris dans une alternative, ayant le désir de mourir pour être avec le Christ, ce qui serait de beaucoup préférable. Il savait qu’alors, quand il serait retourné au Christ, il connaîtrait les raisons de tout ce qui se passe sur la terre, concernant l’homme, son âme et son intelligence, les éléments dont l’homme est composé, la nature de l’esprit principal, de l’esprit qui opère, de l’esprit vital, de la grâce du Saint Esprit donnée aux fidèles. Alors il comprendra la signification d’Israël, de la diversité des nations, des douze tribus en Israël et de chaque clan dans chaque tribu. Il comprendra encore alors la raison des prêtres, des lévites et des différentes classes sacerdotales, il verra ce qui était symbolisé dans Moïse, il saura même quelle est auprès de Dieu la vérité des jubilés et les semaines d’années. Il verra aussi la raison des jours de fêtes et des fériés, les causes des sacrifices et des purifications. Il constatera la raison de la purification de la lèpre et de la lèpre colorée, et la purification de ceux qui souffrent de pertes séminales. Il connaîtra l’identité, la quantité et la nature des puissances bonnes et des puissances contraires, l’affection des premières pour les hommes, la jalousie combattante des secondes. Il verra encore la nature des âmes, la diversité des êtres animés, que ce soit les animaux aquatiques, les oiseaux ou les bêtes sauvages, la cause qui divise chaque genre en des espèces si nombreuses, le but du créateur, la signification cachée que sa sagesse donne à tous ces êtres. Il connaîtra aussi la raison qui attache certaines vertus à des racines et à des herbes et qui les refuse au contraire à d’autres herbes ou racines; de même la raison des anges apostats et la cause pour laquelle, par ceux qui ne les méprisent pas de toute leur foi, ils peuvent être flattés d’une certaine façon et être pour eux cause d’égarement et de tromperie. Il apprendra les jugements de la divine providence sur chacun de ces êtres, sur les accidents qui se produisent chez les hommes et ne sont pas l’effet du sort ou du hasard, mais d’une raison si bien pesée et si difficile qu’elle ne perd pas de vue même le nombre des cheveux, non seulement des saints, mais encore de tous les hommes : cette raison de la providence s’étend jusqu’aux deux passereaux qui sont vendus pour un denier, que l’on entende ces deux passereaux au sens spirituel ou même selon la lettre. Maintenant on se pose encore des questions à ces sujets, mais alors là-haut on en aura la vision claire. Traité des Principes: Cinquième traité (II, 10-11)
Parmi les êtres qui sont mus, les uns ont en eux-mêmes la cause du mouvement, les autres sont mus seulement du dehors. Sont mus seulement du dehors les objets que l’on peut porter, comme le bois, les pierres et toute matière dont la cohésion est maintenue par leur structure seule. Ne parlons pas pour le moment d’appeler mouvement l’écoulement des corps, car nous n’avons pas besoin de cela pour notre sujet. Ont en eux-mêmes la cause de leur mouvement les animaux, les plantes, bref tout ce qui est maintenu ensemble par une force naturelle de croissance et une âme : parmi eux on dit que se trouvent aussi les mines métalliques, et en outre le feu lui aussi a son mouvement de lui-même, peut-être même les sources. Parmi ceux qui ont en eux-mêmes la cause de leur mouvement, on dit que les uns sont mus d’eux-mêmes, les autres par eux-mêmes : d’eux-mêmes ce sont les êtres inanimés et par eux-mêmes les animés. Et les êtres animés sont mus par eux-mêmes, car une représentation se produit en eux qui provoque l’impulsion. Mieux, chez certains animaux, des représentations se produisent provoquant l’impulsion, la nature imaginative actionnant l’impulsion de façon ordonnée : ainsi chez l’araignée la représentation de tisser se produit et l’impulsion à tisser suit, la nature imaginative la provoquant à cela de façon ordonnée, car l’animal n’a rien reçu d’autre que cette nature imaginative. La même chose se produit chez l’abeille pour façonner la cire. Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
Utilisons l’image qui suit prise à l’Évangile. Il est question d’une roche couverte d’un peu de terre superficielle : la semence qui y tombe fleurit rapidement, mais après, puisqu’elle n’a pas de racine, le soleil qui se lève la brûle et la dessèche. Cette roche c’est l’âme humaine, durcie par la négligence et pétrifiée par la malice : car à personne Dieu n’a créé un coeur de pierre, mais il devient tel par la malice. Si quelqu’un par exemple reprochait à un cultivateur de ne pas jeter plus vite les graines sur la terre pierreuse, en voyant qu’une autre terre pierreuse a déjà reçu les semences et a fleuri, ce dernier répondrait : J’ensemencerai plus tard cette terre, après avoir jeté ce qui pourra y fixer la graine, car il est préférable pour elle que j’agisse plus tardivement et plus sûrement comme le montre le cas de celle qui a reçu la semence de façon plus rapide et plus superficielle. Nous serions alors persuadés que le cultivateur a parlé raisonnablement et a agi avec compétence. De même le grand cultivateur de toute la nature diffère son aide quand il pense qu’elle serait prématurée, pour qu’elle n’agisse pas de façon superficielle. Mais vraisemblablement quelqu’un nous fera cette objection : Pourquoi alors une partie des semences tombe-t-elle sur cette âme, comparée à la pierre, qui est couverte superficiellement de terre ? Il faut répondre qu’il est alors préférable pour elle, parce qu’elle désire avec trop de fougue les réalités supérieures et ne se soucie pas de cheminer sur la route qui mène à elles, d’obtenir ce qu’elle désire : ainsi, ayant par là reconnu sa faute, elle attendra avec patience pour recevoir plus tard du cultivateur, après beaucoup de temps, des soins conformes à la nature. Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
Je pense que nous pouvons donner la justification suivante à la phrase : Ce n’est donc pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. Salomon dit dans le livre des Psaumes ? c’est de lui qu’est le Cantique des Montées, dont nous présentons ces paroles ? : Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain ont travaillé ses bâtisseurs ; si le Seigneur ne garde la cité, en vain a veillé son gardien. Il ne nous détourne pas de construire et il ne nous apprend pas par là à ne pas veiller pour garder la cité qui se trouve en notre âme, mais il enseigne que ce qui est bâti sans Dieu et ce qui n’est pas sous sa garde est bâti en vain et gardé sans résultat, car c’est à bon droit que Dieu est décrit comme le maître de la construction et le Seigneur de l’univers comme le chef de ceux qui gardent la ville. C’est comme si nous disions : Cette construction n’est pas l’oeuvre du bâtisseur, mais de Dieu ; ou, si cette ville n’a rien souffert de ses ennemis, le succès n’est pas à attribuer à son gardien, mais au Dieu de l’univers. Nous n’aurions pas tort, si on sous-entend cependant que l’homme a fait quelque chose, mais que l’exploit doit être rapporté avec actions de grâces à Dieu qui a tout accompli. De même, puisque le vouloir humain ne suffit pas pour atteindre la fin, ni le fait de courir comme des athlètes pour obtenir le prix de l’appel céleste venant de Dieu dans le Christ Jésus ? c’est en effet avec l’assistance de Dieu que cela s’accomplit ?, il est écrit justement : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. On peut invoquer à ce sujet ce qui est écrit comme s’il s’agissait d’un travail agricole : C’est moi qui ai planté, Apollos qui a arrosé, mais Dieu qui a fait croître: de telle sorte que ni celui qui plante ni celui qui arrose ne sont quelque chose, mais celui qui fait croître, Dieu. Il serait impie, à notre avis, de dire que, si les fruits sont parvenus à leur plénitude, c’est l’oeuvre du cultivateur ou de celui qui arrose, alors que c’est l’oeuvre de Dieu. Pareillement en ce qui regarde notre perfection, on ne peut dire que nous n’ayons rien fait, cependant ce n’est pas nous qui l’avons accomplie, mais Dieu qui en a fait la plus grande part. Et pour qu’on croie avec plus de clarté à ce que nous disons, prenons en exemple l’art du pilote. Par comparaison à l’action des vents qui soufflent, à la sérénité de l’air, à l’éclat des astres, tout cela collaborant au salut des navigateurs, quelle importance a, dirait-on, pour retrouver le port, l’art du pilote ? Les pilotes eux-mêmes sont souvent assez circonspects pour ne pas se permettre de reconnaître qu’ils ont sauvé le navire, mais ils rapportent le tout à Dieu : cela ne veut pas dire qu’ils n’aient rien fait, mais que la part de la Providence est infiniment plus grande que celle de la technique. En ce qui concerne notre salut, la part de Dieu est infiniment plus grande que celle de notre libre arbitre. C’est pourquoi, à mon avis, il est dit : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. S’il fallait comprendre comme le font nos objecteurs la phrase : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde, les commandements seraient superflus et c’est en vain que Paul distribue le blâme à ceux qui sont tombés, la louange à ceux qui se conduisent bien, et légifère pour les Églises : en vain nous nous appliquons à vouloir les biens les meilleurs, en vain à courir. Mais non, ce n’est pas en vain que Paul conseille ceci, blâme les uns et approuve les autres, ce n’est pas en vain que nous nous consacrons à vouloir les biens les meilleurs et à nous hâter vers les biens supérieurs. Nos objecteurs donc n’ont pas bien compris ce qui concerne ce passage. Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
En même temps il est montré clairement que, en ce qui concerne la nature qui sert de substrat, de même que le potier a à sa disposition une seule sorte d’argile, pâte dont il va tirer les vases d’honneur et de déshonneur, Dieu a à sa disposition une unique nature qui est sous-jacente à toute âme et, pour ainsi dire, une seule pâte qui est celle des substances raisonnables, et ce sont des causes antécédentes qui ont destiné les uns à l’honneur, les autres au déshonneur. S’il faut voir une réprimande dans la parole de l’Apôtre : Effectivement, homme, qui es-tu pour répondre à Dieu ? elle nous enseigne peut-être que celui qui est en confiance avec Dieu, qui est croyant et vit bien, ne serait pas exposé à entendre : Qui es-tu pour répondre à Dieu ? Il serait comme était Moïse : Moïse parlait et Dieu lui répondait de sa propre voix. De même que Dieu répond à Moïse, de même le saint répond à Dieu. Celui qui n’a pas acquis une semblable confiance, soit parce qu’il l’a perdue, soit parce qu’il discute de ces choses non par désir d’apprendre, mais par amour de la contestation et qui dit ainsi : Que blâme-t-il encore ? Qui s’est opposé à sa volonté ? mériterait la réprimande : Effectivement, homme, qui es-tu pour répondre à Dieu ? Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
Nous disions plus haut que soit la providence divine soit les puissances contraires peuvent aussi éveiller en nous des souvenirs concernant le bien ou le mal. Cela est montré par le Livre d’Esther : Artaxerxès ne se rappelait pas les bonnes actions du très juste Mardochée, mais alors qu’il était harcelé par des insomnies nocturnes, Dieu mit en sa mémoire l’inspiration de réclamer les livres contenant le récit de ses chroniques : mis alors au courant des services rendus par Mardochée il fît pendre son ennemi Aman, lui fit rendre des honneurs magnifiques et sauva toute la nation sainte menacée par un péril imminent. C’est au contraire la puissance du diable, il faut le penser, qui remit en mémoire aux pontifes et aux scribes ce qu’ils allèrent dire à Pilate : Seigneur, nous nous sommes souvenus de ce que ce séducteur a dit quand il était encore vivant: le troisième jour après je ressusciterai. Lorsque Judas eut l’idée de livrer le Sauveur, elle ne venait pas seulement de son intelligence mauvaise : l’Écriture atteste en effet que le diable avait mis dans son coeur le désir de le livrer. C’est pourquoi Salomon a donné un bon précepte lorsqu’il a dit : Garde ton coeur de toute manière. De même l’apôtre Paul en disant : Nous devons accorder une plus grande attention à ce que nous entendons pour ne pas nous égarer, et : Ne donnez pas de place au diable: il montre par là que certaines actions et une certaine négligence spirituelle donnent de la place au diable qui, une fois entré dans notre coeur, nous possède, ou du moins souille notre âme s’il ne peut la posséder complètement, en lançant en nous ses traits enflammés ; par là, tantôt il nous blesse, d’une blessure qui descend dans nos profondeurs, tantôt seulement il nous enflamme. Il arrive rarement que quelques-uns, peu nombreux, réussissent à éteindre ses traits enflammés, de sorte que l’on ne trouve plus trace de la blessure, et cela se produit lorsqu’on est protégé, comme par une fortification très solide, par le bouclier de la foi. Cela est dit réellement dans l’Épître aux Ephésiens: Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, les puissances, les chefs de ce monde de ténèbres, les esprits de malice qui sont dans les deux. Il faudra comprendre de la sorte le mot nous, c’est-à-dire moi, Paul, et vous, Ephésiens, et tous ceux qui n’ont pas à lutter contre la chair et le sang : ce sont eux en effet qui ont à lutter contre les principautés et puissances, les chefs de ce monde de ténèbres. Il n’en était pas de même à Corinthe où l’on avait à lutter contre la chair et le sang : les Corinthiens n’étaient pas sujets à la tentation, si ce n’est à une tentation humaine. Traité des Principes: Septième traité (III, 2-4)
Il me paraît logique de rechercher pourquoi l’âme humaine est tantôt mue par les bons esprits, tantôt par les mauvais. Je soupçonne que les causes en sont antérieures à notre naissance corporelle, comme le montre Jean, s’agitant et exultant dans le sein de sa mère, lorsque la voix de la salutation de Marie parvint aux oreilles de sa mère Elisabeth, et comme le déclare le prophète Jérémie qui, avant d’être façonné dans le sein de sa mère, était connu de Dieu, avant de sortir de la matrice fut sanctifié par lui et reçut, encore enfant, la grâce de la prophétie. Et en revanche il est montré clairement que certains ont été possédés par des esprits ennemis dès leur premier âge, c’est-à-dire qu’ils sont nés ayant déjà leur démon ; d’autres ont été devins étant enfants, comme le garantit l’histoire, d’autres ont subi dès leur jeune âge l’action du démon nommé Python, c’est-à-dire ventriloque. A tout cela, ceux qui déclarent que la providence de Dieu régit tout ce qui est dans ce monde ? c’est là aussi une affirmation de notre foi, à ce qu’il me semble ? ne pourront répondre autre chose que ce qui suit, pour montrer la providence divine indemne de toute faute d’injustice : il faut dire qu’il y a eu certaines causes antécédentes qui, avant que les âmes ne naissent dans des corps, les ont rendues coupables dans leurs pensées et dans leurs mouvements, au point de mériter de souffrir cela au jugement de la providence divine. Car l’âme possède toujours son libre arbitre, qu’elle soit dans ce corps ou en dehors de ce corps ; le libre arbitre est attiré toujours soit au bien soit au mal, et jamais le sens de la raison, c’est-à-dire l’intelligence ou âme, ne peut rester sans mouvement, bon ou mauvais. Que ces mouvements soient causes de mérites, c’est vraisemblable, même avant qu’ils n’agissent en ce monde ; ainsi, selon ces causes et ces mérites, dès la naissance, bien mieux, pour ainsi parler, avant même la naissance, la divine providence a réglé que les hommes subiraient du bien ou du mal. Traité des Principes: Septième traité (III, 2-4)
Tout cela est dit de ce qui paraît arriver à l’homme dès la naissance et même avant qu’il ne vienne à la lumière du jour. De tout ce qui est suggéré par des esprits divers à l’âme, c’est-à-dire aux pensées de l’homme, et le pousse au bien et au mal, il faut penser qu’il y a parfois des causes antécédentes à la naissance corporelle. Tantôt l’intelligence vigilante, rejetant d’elle le mal, s’attire l’aide des bons esprits ; ou au contraire, négligente et lâche, elle ne se tient guère sur ses gardes et donne place à ces esprits qui, comme des larrons machinant leurs embûches en cachette, s’arrangent pour faire irruption dans les intelligences humaines, lorsqu’ils voient que la paresse leur a fait place, comme le dit l’apôtre Pierre : Votre adversaire le diable tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer. C’est pourquoi il faut garder de toute façon notre coeur jour et nuit et ne pas donner place au diable, mais faire tout ce qu’il faut pour que les ministres de Dieu, à savoir ces esprits envoyés au service de ceux qui sont appelés à hériter du salut, trouvent en nous une place et se réjouissent d’entrer dans le gîte de notre âme : habitant chez nous, c’est-à-dire en notre coeur, ils nous dirigeront par des conseils meilleurs, si toutefois ils trouvent l’habitacle de notre coeur orné des parures de la vertu et de la sainteté. Traité des Principes: Septième traité (III, 2-4)
Maintenant je pense qu’il ne faut pas passer sous silence les tentations qui naissent parfois de la chair et du sang ou de la prudence de la chair et du sang, dite ennemie de Dieu, puisque nous avons déjà parlé de ces tentations qui sont traitées de plus qu’humaines, les luttes que nous menons contre principautés et puissances, les chefs de ce monde de ténèbres et les esprits de méchanceté qui sont aux deux et celles que nous poursuivons contre les esprits malins ou les démons immondes. En cela il faut se demander, je crois, s’il y a en nous, hommes, qui sommes composés d’une âme et d’un corps et aussi d’un esprit de vie, quelque chose d’autre qui possède un stimulant qui lui est propre et un mouvement nous poussant au mal. C’est ainsi que certains se posent habituellement la question suivante : ne faut-il pas parler de deux âmes en nous, l’une plus divine et céleste et l’autre inférieure ; ou bien est-ce, parce que nous sommes attachés à des corps ? des corps qui selon leur nature propre sont morts et tout à fait inanimés puisque c’est par nous, c’est-à-dire par nos âmes que le corps matériel est vivifié, alors qu’il est assurément en opposition et en inimitié avec l’esprit ? que nous sommes attirés et poussés vers ces maux qui sont agréables au corps ; ou bien encore, troisième solution, suivant l’opinion de quelques Grecs, est-ce que notre âme, une par sa substance, est composée de plusieurs éléments, une partie dite rationnelle et une partie irrationnelle, cette partie dite irrationnelle se divisant de nouveau en deux tendances, la convoitise et la colère. Ces trois opinions susdites concernant l’âme ont été tenues, nous le savons, par certains. De ces trois, celle qui professe selon quelques philosophes grecs, avons-nous dit, le tripartisme de l’âme, je ne la vois guère confirmée par le témoignage de la divine Écriture ; quant aux deux autres qui restent, on peut trouver certaines affirmations dans les lettres divines qui paraissent pouvoir s’y adapter. Traité des Principes: Septième traité (III, 2-4)
Discutons d’abord l’opinion, habituelle chez certains, qu’il y a en nous une âme bonne et céleste et une autre plus basse et terrestre, et que la meilleure est mise en nous venant du ciel, comme celle qui donna à Jacob luttant contre Ésaü encore dans le sein maternel la palme de la victoire sur son frère qu’il supplantait ainsi, comme celle qui dans Jérémie fut sanctifiée dès la matrice, et celle qui fut remplie de l’Esprit Saint dans Jean dès le sein de sa mère. L’âme qu’ils appellent inférieure, ils affirment qu’elle a été semée avec le corps à partir de la semence corporelle et ils nient en conséquence qu’elle puisse vivre et subsister sans le corps : c’est pourquoi fréquemment ils l’appellent la chair. Cette phrase de l’Écriture : La chair convoite contre l’esprit, ils ne l’entendent pas de la chair proprement dite, mais de l’âme qui est à proprement parler l’âme de la chair. Mais ils essaient cependant de confirmer cela par ce passage du Lévitique: L’âme de toute chair c’est le sang. Puisque c’est le sang répandu dans toute la chair qui lui fournit la vie, ils disent que cette âme, qui est appelée l’âme de toute chair, se trouve dans le sang. Par eux ces paroles : La chair combat contre l’esprit et l’esprit contre la chair, et : L’âme de toute chair c’est son sang, désignent en d’autres termes la sagesse de la chair, une sorte d’esprit matériel, qui n’est pas soumis à la loi de Dieu et ne peut lui être soumis, parce qu’il possède des volontés terrestres et des désirs corporels. Ils pensent que l’Apôtre a parlé de cela dans ces termes : Je vois une autre loi dans mes membres, qui combat la loi de mon intelligence et me rend captif de la loi du péché, qui est dans mes membres. Traité des Principes: Septième traité (III, 2-4)
souffrir ni subir en quoi que ce soit aucun malaise, qu’il vienne de l’abondance ou de la pénurie. Mais les partisans de la doctrine des deux âmes essaieront de résoudre cette objection et de la combattre en montrant qu’il y a en l’âme de nombreuses passions qui ne tirent nullement de la chair leur origine et que cependant l’esprit s’y oppose : ainsi l’ambition, l’avarice, la jalousie, l’envie, l’orgueil et tout ce qui leur est semblable. Voyant que l’intelligence ou l’esprit de l’homme ont à les combattre, ils n’assignent pas à tous ces maux d’autres causes que celle dont nous avons parlé plus haut, une âme corporelle engendrée par l’intermédiaire de la semence. Ils trouvent d’ordinaire une confirmation à cela dans ce témoignage de l’Apôtre : Il est facile de savoir ce que sont les oeuvres de la chair, la fornication, l’impureté, l’impudicité, l’idolâtrie, les sortilèges, les inimitiés, les disputes, les jalousies, les colères, les rixes, les dissensions, les divergences d’opinions, les envies, les ivrogneries, les orgies et tout ce qui leur est semblable. Pour eux ce ne sont pas tous ces maux, mais une partie d’entre eux, qui tirent leur origine de l’usage et de la délectation de la chair, de sorte qu’on puisse penser qu’ils existent à cause d’une substance que l’âme ne possède pas, c’est-à-dire la chair. Mais cette autre phrase de l’Apôtre : Voyez, frères, d’où vous avez été appelés, car il n’y a pas parmi vous beaucoup de sages selon la chair, semble tendre vers cette solution qu’il paraît y avoir à proprement parler une sagesse charnelle et matérielle, autre que la sagesse selon l’esprit, et l’on ne pourrait l’appeler sagesse s’il n’y avait pas une âme de la chair qui puisse être sage de cette sagesse dite de la chair. Ils ajoutent encore ceci : Si la chair combat contre l’esprit et l’esprit contre la chair, de telle sorte que nous ne faisions pas ce que nous voulons, qui sont ceux dont il est dit : de telle sorte que nous ne faisions pas ce que nous voulons ? Il est certain, disent-ils, qu’il ne s’agit pas de l’esprit, car ce n’est pas la volonté de l’esprit qui est empêchée ; ni de la chair, car si elle n’a pas une âme propre, sans aucun doute elle n’aura pas de volonté. Il ne reste qu’une solution, que cela soit dit de la volonté de cette âme, qui peut avoir une volonté propre s’opposant à la volonté de l’esprit. S’il en est ainsi il est clair que la volonté de cette âme est comme un intermédiaire entre la chair et l’esprit, servant sans aucun doute l’un des deux et obéissant à celui à qui elle a choisi d’obéir : et lorsque cette âme s’est soumise aux délectations de la chair elle rend les hommes charnels ; mais lorsqu’elle s’est jointe à l’esprit, elle fait vivre l’homme dans l’esprit et pour cela il est appelé spirituel. L’Apôtre semble indiquer cela lorsqu’il dit : Mais vous, vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’esprit. Traité des Principes: Septième traité (III, 2-4)
Nous avons traité tout cela dans le désir de discuter ces diverses opinions et nous l’avons fait comme une digression plus ample que nous ne l’aurions voulue, pour que l’on ne pense pas que nous aient échappé les points de vue exprimés habituellement par ceux qui se demandent s’il n’y a pas en nous une autre âme que celle qui est céleste et raisonnable, une autre âme qui s’oppose par nature à celle-ci et est appelée soit chair, soit sagesse de la chair, soit âme de la chair. Traité des Principes: Septième traité (III, 2-4)
Voyons maintenant la réponse que font d’ordinaire à cela ceux qui soutiennent qu’il y a en nous une seule sorte de mouvement intérieur et une seule vie pour une seule et même âme, à laquelle il faut attribuer proprement, par suite de ces actes, salut ou perdition. Examinons d’abord de quelle sorte sont les passions dont souffre notre intelligence, lorsque nous nous sentons nous-mêmes comme déchirés intérieurement en partis opposés sur chaque point, lorsque nos pensées d’une certaine manière luttent ensemble dans nos coeurs, nous suggérant comme des apparences de vérité qui nous inclinent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, qui nous entraînent tantôt à nous accuser, tantôt à nous approuver. Il n’y a rien d’étrange à dire que les caractères pervers ont un jugement variable, en contradiction et en opposition avec lui-même, puisque cela se produit chez tous les hommes quand il s’agit de délibérer sur une chose douteuse et qu’on examine et recherche ce qui est le plus droit et le plus utile à choisir. Rien d’étonnant par conséquent que deux apparences de vérité se présentent l’une contre l’autre, suggèrent des décisions contraires et déchirent l’intelligence en divers partis. Par exemple, quand une pensée nous pousse à la foi et à la crainte de Dieu, on ne peut dire que la chair combatte contre l’esprit ; mais tant qu’on reste indécis sur ce qui est vrai et utile, l’intelligence est tirée de divers côtés. Ainsi, lorsqu’on pense que la chair pousse au plaisir tandis qu’un projet meilleur résiste à cette sorte d’incitation, il ne faut pas croire qu’il s’agisse d’une vie qui résiste à une autre, mais que cela vient de la nature du corps qui brûle d’éliminer et de vider les organes remplis d’humeur séminale. Pareillement il ne faut pas imaginer quelque puissance contraire ou quelque autre âme vivante qui excite en nous la soif et nous pousse à boire, ou qui nous donne faim et nous invite à manger. De même que ces appétits ou évacuations proviennent des mouvements naturels du corps, de même l’humeur contenant naturellement la semence, quand elle s’est rassemblée depuis un certain temps en son lieu, brûle d’être expulsée et rejetée, et ce n’est pas tellement l’action d’un stimulant extérieur qui le produit, puisque parfois cela s’accomplit spontanément. Traité des Principes: Septième traité (III, 2-4)
Quand on dit que la chair combat contre l’esprit, les partisans de cette dernière explication comprennent par là que l’usage, les besoins ou le plaisir de la chair, quand ils excitent l’homme, le distraient et le détournent des réalités divines et spirituelles. Lorsque nous sommes attirés par les besoins du corps, nous n’avons plus le moyen de vaquer aux réalités divines qui nous seront utiles pour l’éternité, et en revanche l’âme qui s’adonne au divin et est unie à l’Esprit de Dieu combat la chair, comme on dit, car elle ne la laisse pas s’amollir dans les délices et nager dans les plaisirs qui sont sa délectation naturelle. Ceux dont nous rapportons l’opinion expliqueront l’affirmation : La sagesse de la chair est ennemie de Dieu, sans penser que la chair ait vraiment une âme ou une sagesse propre, mais par une signification impropre, comme lorsque nous disons couramment que la terre a soif ou qu’elle veut boire de l’eau ? le mot vouloir, nous ne l’employons pas au sens propre mais au sens large, comme lorsque nous disons de même qu’une maison veut être restaurée et d’autres expressions semblables ? ; c’est donc ainsi qu’il faut entendre la sagesse de la chair et l’expression : La chair convoite contre l’esprit. Ils y ajoutent d’ordinaire cette expression : La voix du sang de ion frère crie vers moi de la terre. Ce qui crie vers Dieu, ce n’est pas à proprement parler le sang répandu, mais on dit au sens large que le sang crie, car il est demandé à Dieu de tirer vengeance de celui qui a répandu le sang. La phrase de l’Apôtre : Je vois une autre loi dans mes membres, ils l’entendent ainsi : celui qui veut vaquer à la parole de Dieu est distrait, dissipé et gêné par les besoins et l’usage du corps, présents en lui comme une sorte de loi : il ne peut s’adonner à la sagesse de Dieu et contempler les mystères divins. Traité des Principes: Septième traité (III, 2-4)
Ce serait un gros travail de passer en revue les prophéties très anciennes concernant chacune des réalités futures, afin que celui qui doute, frappé de leur inspiration divine, rejette toute hésitation et tout ce qui le tire en arrière et se donne de toute son âme aux paroles de Dieu. Mais si le caractère surhumain des pensées (de l’Écriture) pour ceux qui ne sont pas instruits n’apparaît guère dans la lettre de chaque passage, il n’y a là rien d’étonnant : en effet, en ce qui concerne les oeuvres de la providence qui s’étend à tout l’univers, certaines apparaissent très clairement en tant qu’oeuvres de la Providence, mais d’autres sont cachées pour rendre possible l’incroyance envers le Dieu qui gouverne toutes choses avec un art et une puissance indicibles. La manière dont opère le Dieu provident n’est pas aussi claire quand il s’agit des réalités terrestres que quand il s’agit du soleil, de la lune ou des étoiles, mais elle n’est pas non plus aussi claire en ce qui concerne les événements humains que quand il s’agit des âmes et des corps des animaux, car le pourquoi et la finalité peuvent être parfaitement trouvés par ceux que cela intéresse, au sujet des instincts, des imaginations et des natures des animaux et de la constitution des corps. Mais la Providence n’est pas victime d’une banqueroute à cause de nos ignorances aux yeux de ceux, du moins, qui l’ont une fois pour toutes bien acceptée ; il en est de même de la divinité de l’Écriture, qui s’étend à toute l’Écriture, bien que notre faiblesse ne puisse faire ressortir dans chacune de ses expressions la splendeur cachée des doctrines qui est déposée dans une lettre vile et méprisable : Nous avons en effet ce trésor dans des vases d’argile afin qu’éclaté la démesure de la puissance de Dieu et qu’on ne pense pas qu’elle vienne de nous, les hommes. En effet, si les méthodes de démonstration dont les hommes ont l’habitude et qui sont consignées dans les livres avaient convaincu l’humanité, on soupçonnerait avec raison notre foi d’avoir pour origine la sagesse des hommes et non la puissance de Dieu ; mais maintenant, pourvu qu’on lève les yeux, il est clair que la parole et la prédication tiennent leur pouvoir sur la foule, non des expressions persuasives de la sagesse, mais de la manifestation de l’esprit et de la puissance. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)
Après avoir indiqué succinctement que les Écritures divines sont inspirées par Dieu, il faut discourir sur la manière de les lire et de les comprendre, car beaucoup de faux pas sont commis parce que beaucoup n’ont pas trouvé la voie par laquelle il faut parcourir les divines lectures. Ceux de la circoncision à cause de leur dureté de coeur et de leur peu de compréhension n’ont pas cru en notre Sauveur, parce qu’ils pensent qu’il faut suivre la lettre des prophéties le concernant et qu’ils ne le voient pas de façon sensible prêcher aux prisonniers la rémission, ni bâtir celle qu’ils croient être vraiment la ville de Dieu, ni détruire les chars d’Éphraïm et les chevaux de Jérusalem, ni manger le beurre et le miel et avant de connaître et de choisir le mal élire le bien. Ils ont pensé encore que, selon la prophétie, un loup, l’animal quadrupède, devait paître avec un agneau, et une panthère se reposer avec un chevreau, qu’un veau, un taureau et un lion devaient paître ensemble et être menés par un petit enfant, qu’une vache et une ourse devaient paître ensemble et leurs petits être élevés les uns avec les autres, qu’un lion mangerait de la paille comme un b?uf et, n’ayant vu rien de cela se réaliser sensiblement à la venue de celui que nous croyons le Christ, ils n’ont pas accepté notre Seigneur Jésus, mais ils l’ont crucifié parce qu’il affirmait qu’il était le Christ, contrairement à la loi. Quant aux hérétiques, quand ils lisent : Un feu est allumé par ma colère ; je suis un Dieu jaloux, punissant les péchés des pères sur les fils jusqu’à la troisième et quatrième génération; je me suis repenti d’avoir oint Saul comme roi ; Je suis un Dieu qui fais la paix et qui produis le mal ; et ailleurs : Il n’y a pas dans la ville de mal que le Seigneur n’ait pas produit; et encore : Le mal descendit d’auprès du Seigneur sur les portes de Jérusalem ; Un esprit mauvais venant de Dieu étouffait Saul; et bien d’autres choses semblables, n’ont pas osé cependant ne pas croire que les Écritures étaient d’un Dieu, mais ils ont cru qu’elles étaient du créateur adoré par les Juifs et ils ont pensé que, puisque ce créateur était imparfait et non bon, le Sauveur était venu annoncer un Dieu plus parfait, qu’ils disent différent du créateur, ayant des sentiments divers à son égard. Une fois qu’ils se sont éloignés du créateur, qui est le seul Dieu inengendré, ils se sont adonnés à des inventions, fabriquant eux-mêmes des suppositions mythiques sur la création des réalités visibles et sur celle d’autres non visibles que leur âme a représentées en figures. Mais, certes, les plus simples aussi de ceux qui sont fiers d’appartenir à l’Église n’ont pas accepté d’autre Dieu plus grand que le Créateur, agissant en cela sainement ; cependant ils acceptent à son sujet ce qu’ils ne supporteraient pas du plus cruel et du plus injuste des hommes. Pour tous ceux dont nous venons de parler, la cause de ces fausses opinions, de ces impiétés et de ces paroles stupides au sujet de Dieu ne semble pas être autre chose que le fait de ne pas comprendre l’Écriture dans son sens spirituel, mais de l’interpréter selon la lettre seule. C’est pourquoi, à ceux qui sont persuadés que les livres saints ne sont pas des écrits d’hommes, mais qu’ils ont été rédigés par l’inspiration de l’Esprit Saint d’après la volonté du Père de l’univers par le moyen de Jésus Christ et qu’ainsi ils sont venus jusqu’à nous, il faut montrer ce qui nous paraît la méthode convenable pour les comprendre, pour ceux qui tiennent à la règle de l’Église céleste de Jésus-Christ transmise par la succession des apôtres. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)
La méthode qui nous paraît s’imposer pour l’étude des Écritures et la compréhension de leur sens est la suivante ; elle est déjà indiquée par ces écrits eux-mêmes. Dans les Proverbes de Salomon nous trouvons cette directive concernant les doctrines des divines Écritures : Et toi, inscris trois fois ces choses dans ta réflexion et dans ta connaissance, afin de répondre avec des paroles de vérité aux questions qui te sont posées. Il faut donc inscrire trois fois dans sa propre âme les pensées des saintes Écritures : afin que le plus simple soit édifié par ce qui est comme la chair de l’Écriture ? nous appelons ainsi l’acception immédiate ? ; que celui qui est un peu monté le soit par ce qui est comme son âme ; mais que le parfait, semblable à ceux dont l’Apôtre dit : Nous parlons de la sagesse parmi les parfaits, non de celle de ce siècle ni des princes de ce siècle qui sont détruits, mais nous parlons de la sagesse de Dieu cachée dans le mystère, que Dieu a prédestinée avant tous les siècles à notre gloire, le soit de la loi spirituelle qui contient une ombre des biens à venir. De même que l’homme est composé de corps, d’âme et d’esprit, de même l’Écriture que Dieu a donnée dans sa providence pour le salut des hommes. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)
On ne doit pas penser que nous affirmons ainsi qu’il y avait dans le Christ une partie de la divinité du Fils de Dieu, le reste se trouvant ailleurs ou partout : ceux qui peuvent penser ainsi ignorent la nature de la substance incorporelle et invisible. Il est impossible de parler d’une partie de l’incorporel ou qu’il y ait en lui une division ; mais il est en tout et à travers tout et au-dessus de tout, de la manière indiquée plus haut, c’est-à-dire qu’il est compris comme Sagesse, Parole, Vie et Vérité, compréhension qui exclut sans aucun doute qu’il soit enfermé dans un lieu. Donc le Fils de Dieu, voulant se montrer aux hommes et vivre parmi eux pour le salut du genre humain, a reçu non seulement, comme certains le pensent, un corps humain, mais aussi une âme, semblable par sa nature aux nôtres, mais semblable à lui, le Fils, par son propos et sa vertu, de façon qu’elle puisse accomplir sans aucune défaillance toutes les volontés et tous les desseins de la Parole et de la Sagesse. Qu’il ait possédé une âme, le Sauveur lui-même l’affirme très clairement dans les Évangiles : Personne ne m’enlève mon âme, mais c’est moi qui la dépose de moi-même. J’ai le pouvoir de la déposer et j’ai le pouvoir de la reprendre. Et pareillement : Mon âme est triste jusqu’à la mort. Ou encore : Maintenant mon âme est troublée. Il ne faut pas entendre dans cette âme triste et troublée la Parole de Dieu, qui dit par contre avec l’autorité de la divinité : J’ai le pouvoir de déposer mon âme. Nous ne disons pas non plus que le Fils de Dieu se soit trouvé dans cette âme comme il fut dans les âmes de Paul, de Pierre ou des autres saints, dans lesquels on croit que le Christ a parlé comme en Paul. Mais de tous ceux-ci il faut penser ce que dit l’Écriture : Personne n’est pur de souillure, même si sa vie n’a duré qu’un jour. Mais au contraire l’âme qui fut en Jésus, avant de connaître le mal, a choisi le bien; et parce qu’elle a aimé la justice et haï l’iniquité, à cause de cela Dieu l’a ointe de l’huile d’allégresse plus que ses compagnes. Elle a été ointe de l’huile d’allégresse lorsqu’elle fut jointe à la Parole de Dieu par une union sans tache et, à cause de cela, seule de toutes les âmes, elle a été incapable de pécher, puisqu’elle a contenu le Fils de Dieu d’une manière bonne et pleine ; c’est pourquoi elle est un avec lui, on la nomme des mêmes vocables que lui et on l’appelle Jésus-Christ, par qui, dit l’Écriture, tout a été fait. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)
C’est de cette âme, parce qu’elle avait reçu en elle toute la Sagesse de Dieu, toute sa Vérité et sa Vie, que l’Apôtre, à mon avis, a dit : Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu; lorsque le Christ, votre vie, sera apparu, alors vous aussi vous apparaîtrez avec lui dans la gloire. Que faut-il entendre ici par le Christ qui est montré caché en Dieu et devant apparaître, sinon celui qui, comme on le rapporte, a été oint de l’huile d’allégresse, c’est-à-dire a été rempli, dans sa substance même, de Dieu, dans lequel on le dit maintenant caché ? C’est pourquoi le Christ est donné en exemple à tous les croyants, puisque toujours, et avant même de connaître, le moins que ce soit, le mal, il a choisi le bien, aimé la justice et haï l’iniquité et, pour cette raison, fut oint par Dieu de l’huile d’allégresse ; ainsi, que celui qui a péché ou erré se purifie de ses taches selon l’exemple proposé et que, l’ayant pour guide de sa route, il avance sur le dur chemin de la vertu, pour que par là, dans la mesure du possible, nous soyons faits en l’imitant participants de la nature divine, selon ce qui est écrit : Celui qui dit qu’il croit au Christ doit se conduire comme lui il s’est conduit. Donc cette Parole (Raison) et cette Sagesse, que nous imitons quand nous sommes dits sages ou raisonnables, se fait toutes choses à tous pour les gagner tous : il devient faible avec les faibles pour gagner les faibles. Et parce qu’il est devenu faible, il est dit de lui : Même s’il a été crucifié par faiblesse, il vit cependant de la force de Dieu. En fait, parmi les Corinthiens qui étaient faibles, Paul juge qu’il ne connaît rien quand il est avec eux, sinon Jésus-Christ et encore crucifié. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)