aliment (Orígenes)

Entre bien d’autres, je citerai quelques passages pour montrer la calomnie gratuite de Celse quand il dit que les Écritures ne sont pas susceptibles d’allégorie. Voici une déclaration de Paul, l’Apôtre de Jésus : « Il est écrit dans la loi de Moïse : ” Tu ne muselleras pas le boeuf qui foule le grain. ” Dieu se met-il en peine des boeufs, ou n’est-ce point surtout pour nous qu’il parle évidemment ? C’est bien pour nous qu’il a été écrit : celui qui laboure doit labourer dans l’espérance et celui qui foule le grain doit le faire dans l’espérance d’y avoir part. » Et le même écrivain dit ailleurs : « Car il est écrit : ” C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair. ” Ce mystère est de grande portée : je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église. » Et encore à un autre endroit : « Mais, nous le savons : nos pères ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer. » Puis, interprétant l’histoire de la manne et de l’eau sortie miraculeusement du rocher, au dire de l’Écriture, il s’exprime en ces termes : « Tous ont mangé le même aliment spirituel, et tous ont bu la même boisson spirituelle ; ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher spirituel, c’était le Christ. » Et Asaph a montré que les histoires de l’Exode et des Nombres sont des mystères et des paraboles, comme il est écrit dans le livre des Psaumes ; car à leur narration il donne cette préface : « Écoutez, ô mon peuple, ma loi : tendez l’oreille aux paroles de ma bouche. J’ouvrirai la bouche en paraboles, j’évoquerai les mystères de l’origine, ce que nous avons entendu et appris, et que nos pères ont raconté. » De plus si la loi de Moïse ne contenait rien que mettent en lumière les significations symboliques, le prophète ne dirait pas à Dieu dans sa prière : « Ote le voile de mes yeux pour que je contemple les merveilles de ta loi. » Mais en réalité il savait bien qu’il y a un « voile » d’ignorance étendu sur le coeur de ceux qui lisent et ne comprennent pas les significations figurées. Ce voile est ôté par faveur divine, quand Dieu exauce celui qui a fait tout ce qui dépend de lui, qui a pris l’habitude d’exercer ses facultés à distinguer le bien et le mal et qui dit continuellement dans sa prière : « Ote le voile de mes yeux pour que je contemple les merveilles de ta loi. » LIVRE IV

De plus, si les Juifs s’enorgueillissent de s’abstenir des porcs, ce n’est pas qu’il y ait là un grand mérite, mais c’est qu’ils ont appris la différence naturelle entre animaux purs et impurs, qu’ils en savent la raison, et que le porc se trouve parmi les animaux impurs. Gela n’était que figures d’autres réalités avant l’arrivée de Jésus ; après elle, son disciple ne comprenait pas encore la raison de ces interdits et objectait : « Jamais je n’ai rien mangé de souillé ni d’impur » ; il entendit la parole : « Ce que Dieu a déclaré pur, ne va pas le dire souillé. » Il n’importe donc ni aux Juifs ni à nous-mêmes que les prêtres d’Egypte s’abstiennent non seulement des porcs, mais en outre des chèvres, des brebis, des b?ufs et des poissons. Comme « ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme » et que « ce n’est pas un aliment qui nous recommandera auprès de Dieu », nous ne nous glorifions pas de nos abstinences, mais nous n’allons pas non plus manger par gloutonnerie. Aussi, en ce qui nous concerne, nous disons bonne chance aux disciples de Pythagore qui s’abstiennent des êtres vivants. Mais il faut voir la différence du motif pour lequel s’abstiennent des êtres vivants les disciples de Pythagore et nos ascètes. Eux pratiquent cette abstinence des êtres vivants à cause du mythe de la métensomatose de l’âme. Et qui donc « serait assez fou pour élever vers le ciel son fils bien-aimé et l’immoler avec imprécation ? » Mais nous, par cette même pratique nous châtions notre corps et le réduisons en servitude ; nous voulons mortifier « nos membres terrestres : fornication, impureté, impudicité, passion, mauvais désir » ; nous faisons tout pour mortifier « les oeuvres de notre corps ». LIVRE V

Et s’il faut montrer que les mêmes doctrines, si paradoxal que semble le propos, ont été mieux exprimées par les prophètes des Juifs ou les discours des chrétiens, on peut établir la thèse par un exemple concernant la nourriture et la façon de l’apprêter. Supposons qu’un aliment sain et fortifiant soit apprêté de manière spéciale, assaisonné de condiments déterminés, et qu’il soit pris non par les paysans qui, élevés dans les chaumières et la pauvreté, n’ont point appris à manger de mets pareils, mais seulement par les riches efféminés. Supposons qu’on l’apprête non de cette façon chère aux gens qui passent pour distingués, mais comme ont appris à le manger les pauvres, les gens plus vulgaires, la majorité des hommes, et qu’alors toutes les multitudes s’en nourrissent. Or, si l’on accorde que la première façon d’apprêter entretient la santé des seuls qui passent pour raffinés, puisque nul parmi la foule ne touche de mets pareils, et que la seconde améliore la santé des foules humaines, qui donc préférer, au nom du bien commun, pour la préparation de saines nourritures ? Ceux qui le font au profit des seuls connaisseurs, ou ceux qui le font au profit des foules ? Admettons qu’une égale santé et un égal réconfort proviennent des aliments préparés de l’une ou l’autre façon : il est manifeste que l’amour des hommes et le bien commun font considérer le médecin qui pourvoit à la santé de la multitude comme plus utile à la communauté que celui qui le fait pour un petit nombre. LIVRE VI

Aussi déclara-t-il : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur, mais ce qui sort de la bouche… Car, ce qui entre dans la bouche passe dans le ventre pour être jeté aux lieux d’aisances, mais ce qui sort de la bouche, ce sont pensées perverses qu’on exprime, meurtres, adultères, fornications, vols, faux témoignages, diffamations.» Paul dit de même : « Ce n’est pas un aliment qui nous vaudra la faveur de Dieu. Si nous en mangeons, nous n’avons rien de plus, si nous n’en mangeons pas, nous n’avons rien de moins. » Ensuite, comme il y avait là quelque obscurité exigeant une précision, « il fut décidé par les apôtres de Jésus et les anciens » qui étaient rassemblés à Antioche, et comme ils le dirent eux-mêmes, « par le Saint-Esprit », d’adresser aux fidèles venus de la gentilité une lettre leur interdisant de manger seulement ce dont ils déclarèrent nécessaire de s’abstenir : c’est-à-dire les idolothytes, les viandes étouffées et le sang. LIVRE VIII