Ce n’est pas que par notre victoire sur ces animaux féroces qui tendent journellement à nous dévorer, nous les ayons entièrement séparés de notre cercle, et qu’ils ne soient plus liés à notre existence : non, ils y sont liés par la nature de notre chair et de notre sang ; et ils sont destinés à être entraînés avec tout notre être dans le cercle passager que nous parcourons, comme l’abîme est entraîné avec l’univers dans le vaste cercle du temps ; mais de même que cet abîme est entraîné avec l’univers sans lui nuire et sans gêner la marche de ces opérations et l’accomplissement de ses lois, de même la région de nos animaux dévorants, doit être entraînée avec nous sans se mêler aux fonctions de notre esprit, et comme occupant une demeure séparée, cette région n’existant pour nous, que comme l’abîme pour l’univers, c’est-à-dire pour faire le contrepoids, et pour que nous ne remontions pas dans la région de la vie, avant d’avoir eu le temps de purger nos éléments spirituels, sans quoi nous ne serions pas admis dans son sein. Nouvel Homme 7
Car dès que ces circonstances favorables en apparence t’arriveront, le même ennemi qui se défend, mettra dessus son tarif, et les diminuera, par là, au point de les rendre presque nulles, pour ne pas dire préjudiciables, en ce qu’elles te rendront son esclave et son tributaire, au lieu de l’état libre que tu en avais attendu. Mais si c’est hors de la région des ténèbres que tu ailles créer tes circonstances, l’ennemi ne peut y établir d’imposition, il ne sait pas même que ces circonstances existent, et tu le laisses errer dans son abîme, sans qu’il puisse apercevoir ni tes mouvements ni tes succès. Nouvel Homme 11
En effet, le nouvel homme est celui qui gardera soigneusement en lui la parole du Seigneur, de peur qu’il ne la transporte ailleurs. Il travaillera jour et nuit pour conserver dans son coeur la chaleur de l’esprit, et pour en conserver la lumière dans les trésors de son intelligence. Il regardera le corps de l’homme comme un vase d’un puissant métal, qui soutient l’action du feu sans se briser, et sans se fondre. Il se dira : avant que j’eusse reçu sensiblement pour moi cette naissance spirituelle qui m’éclaire si puissamment sur ma vraie nature, le Seigneur me comblait cependant de ses biens. Comment m’abandonnera-t-il après m’avoir donné l’existence ? Il m’a enseigné à distinguer la joie que nous goûtons en lui ; comment ne viendrons-nous pas tout entiers pour la posséder ? Comment nous contenterions-nous de la joie qui ne serait attachée qu’aux images, quand nous pouvons goûter la joie attachée aux réalités, et surtout quand les images nous sont offertes comme au milieu d’un abîme, et au sein des plus profondes ténèbres ? Nouvel Homme 29
C’est là où la vie suprême, touchée de sa misère, n’a pu s’empêcher de venir partager ses maux et ses privations, pour le mettre à même de partager ensuite avec elle, cette liberté qu’il avait perdue ; notre fidèle compagnon est descendu avec nous dans notre abîme, comme le Réparateur est descendu dans l’abîme universel ; il verse des sueurs de sang avec nous, pour nous aider à opérer cette transmutation qui eût été si visiblement au-dessus de nos forces ; cet ami fidèle, en travaillant avec tant de constance à notre régénération, a développé en nous le nouvel homme qui nous a appris combien nous pouvions devenir terribles pour nos ennemis, puisque nous étions la parole et le nom de Dieu, et qu’il n’y a rien de si terrible que la parole et le nom du Seigneur (Ps. 110:9). Nouvel Homme 41
Quelle était cette mer ? C’est cet abîme dans lequel le crime primitif nous a tous plongés. Quelle était cette ligne qui s’y devait jeter ! C’est ce rayon de miséricorde et d’amour, que la main du pêcheur n’a pas craint, du haut de son siège éternel, de faire descendre jusque dans cette mer si distante de lui et si ténébreuse. Quel était ce premier poisson qui s’y devait prendre ? C’était ce vieil homme qui tenait renfermé dans ses entrailles, le seul trésor avec lequel nous pouvons payer l’imposition. Quelle est cette pièce d’argent de quatre drachmes qui devait se trouver dans la bouche de ce poisson ? C’est cette parole éternelle dont le quaternaire de l’homme est l’image ; c’est cette parole qui seule pouvait régénérer la nôtre, et qui seule pouvait payer pour elle comme pour nous, à César, ce qui était dû à César. Nouvel Homme 53