Tous ceux qui croient en toute certitude que la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, qui savent que le Christ est la Vérité puisqu’il a dit lui-même : Je suis la Vérité, ne reçoivent pas d’ailleurs que des paroles mêmes et de la doctrine du Christ la connaissance qui invite les hommes à une vie bonne et bienheureuse. Par paroles du Christ, nous n’entendons pas seulement ce qu’il a enseigné quand il s’est fait homme et quand il a vécu dans la chair : car auparavant le Christ, Parole de Dieu, se trouvait déjà en Moïse et dans les prophètes. En effet, sans la Parole de Dieu, comment auraient-ils pu prophétiser au sujet du Christ ? Il ne serait pas difficile de prouver cela en montrant à partir des divines Écritures comment Moïse et les prophètes ont parlé, ou ont accompli tout ce qu’ils ont fait, parce qu’ils étaient remplis de l’Esprit du Christ : mais notre propos est de traiter le sujet présent avec toute la brièveté possible. C’est pourquoi il suffira, je pense, d’utiliser seulement ce témoignage de Paul dans la lettre qu’il écrivit aux Hébreux : A cause de sa foi Moïse, devenu grand, refusa d’être dit le fils de la fille de Pharaon, préférant souffrir avec le peuple de Dieu que jouir quelque temps de la volupté du péché, estimant qu’il y a plus de richesse dans les outrages subis par le Christ que dans les trésors des Égyptiens. Et Paul indique en ces termes que Jésus a parlé en ses apôtres, même après son assomption dans le ciel : Cherchez-vous une preuve de celui qui parle en moi, le Christ ? Préface
Puisque beaucoup de ceux qui professent la foi au Christ sont en désaccord, non seulement sur des questions de peu et de très peu de valeur, mais sur des points de grande et de très grande importance, Dieu, le Seigneur Jésus-Christ lui-même, le Saint Esprit, et non seulement là-dessus, mais à propos des autres êtres, qui sont créés, c’est-à-dire des Dominations et des Puissances saintes, il paraît donc nécessaire sur chacun de ces points de définir ce qui est certain et d’exposer clairement la règle de foi, avant de tourner ailleurs notre recherche. En effet, alors que beaucoup de Grecs et de barbares promettaient la vérité, nous avons renoncé à la chercher chez ceux qui la présentaient dans des opinions fausses, lorsque nous avons cru que le Christ est le Fils de Dieu et que nous nous sommes persuadés que c’est de lui que nous devons l’apprendre : maintenant, de même, puisqu’il y en a beaucoup qui croient avoir les sentiments du Christ, alors que certains pensent différemment des autres, on doit garder la prédication ecclésiastique, transmise à partir des apôtres par ordre de succession et conservée dans les Églises jusqu’à présent; et seule doit être crue la vérité qui n’est pas en désaccord avec la tradition ecclésiastique et apostolique. Préface
Voici tout ce qui est transmis clairement par la prédication apostolique. D’abord il y a un seul Dieu qui a tout créé et établi, qui, alors que rien n’était, a fait être l’univers. Il est Dieu dès le début de la création et formation du monde, le Dieu de tous les justes, d’Adam, Abel, Seth, Énos, Enoch, Noé, Sem, Abraham, Isaac, Jacob, des douze patriarches, de Moïse et des prophètes. Et ce Dieu dans les derniers temps, comme il l’avait promis auparavant par ses prophètes, a envoyé notre Seigneur Jésus-Christ, pour appeler d’abord Israël, puis les nations après l’infidélité du peuple d’Israël. Ce Dieu juste et bon, père de notre Seigneur Jésus-Christ, a donné lui-même la loi, les prophètes et les évangiles : il est le Dieu des apôtres, celui de l’Ancien et du Nouveau Testament. Préface
Ensuite Jésus-Christ, celui qui est venu, est né du Père avant toute création. De même qu’il a aidé le Père dans la création de toutes choses, car tout a été fait par lui, de même dans les derniers temps, s’anéantissant lui-même, il s’est fait homme, il s’est incarné, alors qu’il était Dieu, et devenu homme, il est resté ce qu’il était, Dieu. Il a pris un corps semblable à notre corps, avec cette seule différence qu’il est né d’une vierge et de l’Esprit Saint. Préface
Et puisque ce Jésus-Christ est né et a souffert en vérité et non en apparence, il est mort de la mort commune; il est vraiment ressuscité des morts et, après sa résurrection, ayant vécu avec ses disciples, il fut enlevé (au ciel). Préface
Mais la Sagesse est encore appelée le miroir sans tache de l’activité de Dieu. Il faut donc comprendre d’abord ce qu’est cette activité de la puissance de Dieu. C’est la vigueur, pour ainsi dire, avec laquelle agit le Père lorsqu’il crée, qu’il pourvoie à tout, qu’il juge, qu’il dispose et gouverne chaque chose en son temps. De même que tous les mouvements et les actions de celui qui regarde dans un miroir produisent une image qui se meut et qui agit des mêmes mouvements et des mêmes actions, sans absolument aucune différence, de même selon sa propre volonté il faut comprendre la Sagesse, quand elle est appelée le miroir immaculé de la puissance et de l’activité paternelle. Ainsi le Seigneur Jésus-Christ, Sagesse de Dieu, parle-t-il de lui-même, lorsqu’il dit : Les oeuvres que fait le Père, le Fils les fait pareillement. Et il ajoute : Le Fils ne peut rien faire de lui-même, s’il ne voit le Père le faisant. Puisque le Fils ne se distingue ni ne diffère en rien du Père par la puissance de ses oeuvres, que l’ouvrage du Fils n’est pas autre que celui du Père, mais qu’un seul et même mouvement, pour ainsi dire, est dans les deux, le Fils est appelé un miroir immaculé pour faire comprendre qu’il n’y a aucune dissemblance entre Fils et Père. Certains parlent de similitude, d’imitation du maître par le disciple, ou ils disent que le Fils a exécuté dans la matière corporelle ce que le Père avait déjà formé dans les substances spirituelles : comment cela pourrait-il convenir, puisque l’Évangile ne dit pas que le Fils fait des oeuvres semblables, mais qu’il fait semblablement les mêmes oeuvres ? LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section
Que personne ne pense qu’en disant que l’Esprit Saint n’est donné qu’aux saints, tandis que les bienfaits et l’action du Père et du Fils parviennent aux bons et aux mauvais, aux justes et aux injustes, nous mettons le Saint Esprit au-dessus du Père et du Fils et nous lui attribuons une plus grande dignité : cela manquerait tout à fait de conséquence. Car nous avons décrit le caractère propre de sa grâce et de son action. Cependant il n’est pas question de plus ou de moins dans la Trinité, puisque une unique source de divinité gouverne l’univers par sa Parole et sa Raison et sanctifie par l’Esprit (le souffle) de sa bouche tout ce qui est digne de sanctification, comme il est écrit dans le Psaume : Par la Parole du Seigneur les deux ont été affermis et par l’Esprit (le souffle) de sa bouche toute leur puissance. C’est en effet une opération principale de Dieu le Père en plus de celle par laquelle il donne à tous les êtres d’exister selon leur nature. Il y a aussi un ministère principal du Seigneur Jésus-Christ à l’égard de ceux à qui il confère d’être raisonnables par nature, ministère par lequel il leur accorde en outre de bien l’être. Il y a encore une autre grâce de l’Esprit Saint attribuée à ceux qui en sont dignes, par le ministère du Christ, par l’opération du Père, d’après le mérite de ceux qui en sont faits capables. C’est ce qu’indiqué très clairement l’apôtre Paul, montrant qu’il y a une seule et même puissance de la Trinité quand il dit : Les dons sont différents, mais l’Esprit est le même; les ministères sont différents, mais le Seigneur est le même; les actions sont différentes, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun il est donné de manifester l’Esprit selon ce qui convient. Il explique par là très clairement qu’il n’y a dans la Trinité aucune séparation, mais que ce qui est appelé don de l’Esprit, vient du ministère du Fils et est opéré par Dieu le Père : Tout est l’oeuvre d’un seul et même Esprit, répartissant à chacun comme il veut. Après ces mises au point sur l’unité du Père, du Fils et du Saint Esprit, revenons à ce que nous avons commencé de discuter. Dieu le Père donne à tous les êtres l’existence, mais la participation du Christ selon qu’il est Parole – ou Raison – les rend raisonnables. Ils s’ensuit qu’ils sont dignes de louange ou d’accusation parce qu’ils sont capables de vertu ou de malice. En conséquence la grâce de l’Esprit Saint est en eux pour rendre saints par sa participation ceux qui ne le sont pas par leur substance. Puisqu’ils ont reçu d’abord de Dieu le Père l’être, ensuite de la Parole la rationalité, en troisième lieu du Saint Esprit la sainteté, ils deviennent en revanche capables de recevoir le Christ en tant qu’il est la Justice de Dieu, ceux qui ont été déjà auparavant sanctifiés par l’Esprit Saint; et ceux qui ont mérité de parvenir à ce degré par la sanctification reçue de l’Esprit Saint, obtiennent néanmoins le don de sagesse par la vertu de l’action de l’Esprit de Dieu. C’est, je pense, ce que dit Paul lorsqu’il écrit qu’à certains est donnée la parole de sagesse, à d’autres la parole de connaissance selon le même Esprit. Et désignant chaque sorte de dons, il rapporte toutes choses à la source de l’univers par ces mots : Les opérations sont différentes, mais c’est un seul Dieu qui opère tout en tous. Par là, l’action du Père qui donne l’existence à tous apparaît plus brillante et plus magnifique, lorsque chacun, en participant au Christ en tant que Sagesse, Connaissance et Sanctification, se perfectionne et monte dans son progrès à des degrés supérieurs. Sanctifié par la participation au Saint Esprit, on devient ainsi de plus en plus pur, on reçoit plus dignement la grâce de la sagesse et de la connaissance, et en rejetant toutes les taches de la souillure et de l’ignorance et en s’en nettoyant, on en arrive à un tel progrès de pureté, qu’ayant reçu de Dieu l’existence, on parvient à être digne de Dieu, qui donne d’être d’une manière pure et parfaite : tellement que la créature devient aussi digne que l’est celui qui l’a créée. Ainsi celui qui est tel que l’a voulu son créateur comprendra par l’action de Dieu que sa puissance existe toujours et demeure éternellement. Pour que cela se produise et pour que les créatures adhèrent sans fin et sans séparation possible à celui qui est, c’est l’oeuvre de la Sagesse de les enseigner et de les conduire à la perfection par l’Esprit Saint qui les affermit et les sanctifie continuellement, condition qui seule rend possible la réception de Dieu. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Mais c’est en voulant montrer en nous les bienfaits divins qui nous viennent par le Père, le Fils et l’Esprit Saint, Trinité qui est la source de toute sainteté, que nous avons dit cela comme par digression et que nous avons cru pouvoir toucher, quoique sommairement, la question de l’âme parce qu’elle s’était présentée, en traitant d’un sujet proche, à savoir de la nature raisonnable. Nous en discuterons cependant plus opportunément quand nous parlerons de toutes les natures raisonnables et de leurs trois genres et espèces, si Dieu, par Jésus-Christ et le Saint Esprit, nous l’accorde. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Ne nous étonnons pas si nous appelons vêtement du corps l’âme parfaite, qui est nommée ici incorruption à cause de la Parole et Sagesse de Dieu : en effet celui-là même qui est le Seigneur et le créateur de l’âme, le Christ Jésus, est dit un vêtement pour les saints, selon ces paroles de l’Apôtre : Révélez-vous du Seigneur Jésus-Christ. Comme le Christ est un vêtement pour l’âme, de même par une raison d’ordre intelligible l’âme est appelée vêtement du corps. Elle est son ornement, qui cache et couvre sa nature mortelle. Dire : Il faut que ce qui est corruptible revête l’incorruption, équivaut à ceci : il faut que cette nature corruptible du corps reçoive le vêtement de l’incorruption, c’est-à-dire l’âme qui a en elle l’incorruption, parce que, assurément, elle a revêtu le Christ, Sagesse et Parole de Dieu. Lorsque ce corps, que nous posséderons un jour sous une forme plus glorieuse, participera à la Vie, il accédera à ce qui est immortel, de sorte qu’il deviendra incorruptible. Ce qui est mortel est par le fait même corruptible : on ne peut pas dire cependant que ce qui est corruptible soit par le fait même mortel. Nous disons corruptibles la pierre ou le bois, mais il ne s’ensuit pas que nous les disions mortels, puisqu’ils n’ont jamais eu la vie. Mais le corps qui participe à la vie, puisque la vie peut lui être enlevée et qu’elle l’est effectivement, nous le nommons en conséquence mortel et, selon un autre aspect, nous l’appelons aussi corruptible. Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes
Maintenant que nous avons traité ces sujets selon l’ordre requis et le plus brièvement possible, il nous reste, conformément à notre propos initial, à réfuter ceux qui pensent que le Père de notre Seigneur Jésus-Christ est un autre Dieu que celui qui répondait à Moïse à propos de la loi et envoyait les prophètes, le Dieu des patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Il faut d’abord nous raffermir dans cette doctrine de foi. Considérons donc ce qui est dit souvent dans l’Évangile et rapporté en liaison avec chacun des actes de notre Seigneur et Sauveur : Pour que soit accompli ce qui est dit par le prophète, par tel ou tel prophète, puisqu’il est évident qu’ils sont les prophètes du Dieu qui a fait le monde. En bonne logique, on conclut que celui qui a envoyé les prophètes a lui-même prédit ce qu’il fallait prédire du Christ. Il n’est pas douteux que cela n’a pas été prédit par un Dieu qui lui aurait été étranger, mais par son propre père. Et le fait que, fréquemment, le Sauveur et ses apôtres prennent des exemples dans l’Ancien Testament n’indique pas autre chose que l’autorité attachée aux anciens par le Sauveur et ses disciples. Cette phrase du Sauveur exhortant ses disciples à la bonté : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait, lui qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir sur les justes et les injustes, suggère à tout homme, même d’intelligence médiocre, comme une vérité très évidente, qu’il ne propose pas à l’imitation de ses disciples un autre Dieu que le créateur du ciel, celui qui dispense les pluies. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Supposons cependant, malgré ces preuves tout à fait évidentes, que c’est de je ne sais quel autre Dieu que le Sauveur a dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, et tous les autres textes que nous avons invoqués. Si la loi et les prophètes sont l’oeuvre du créateur, à ce que disent les hérétiques, c’est-à-dire d’un autre Dieu que celui qu’ils présentent comme le Dieu bon, comment concilier avec cela ce que le Christ ajoute, que la loi et les prophètes dépendent de ces deux commandements ? Comment ce qui est étranger et éloigné de Dieu dépendra-t-il de Dieu ? Lorsque Paul déclare : Je rends grâce à mon Dieu que je sers comme l’ont fait mes ancêtres avec une conscience pure, il montre clairement qu’il n’est pas venu au Christ pour aller à un Dieu nouveau. Ces ancêtres de Paul faut-il les comprendre autres que ceux dont il dit : Ils sont Hébreux, moi aussi; ils sont Israélites, moi aussi. Mais la préface même de son Epître aux Romains ne montre-t-elle pas avec soin, à ceux qui savent comprendre les lettres de Paul, quel est ce Dieu que prêche Paul ? Il dit en effet : Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé apôtre, mis à part pour l’évangile de Dieu, que Dieu a promis dans les saintes Écritures au sujet de son Fils, ce Fils qu’il a fait chair à partir de la semence de David, qu’il a prédestiné comme Fils de Dieu dans sa puissance selon l’Esprit de sanctification en ressuscitant des morts Jésus-Christ notre Seigneur, et cetera. On peut aussi citer cette parole : Tu ne musèleras pas le boeuf qui foule l’aire; mais Dieu se soucie-t-il des boeufs ? Ou le dit-il assurément pour nous ? Pour nous en effet cela est écrit, car celui qui laboure doit labourer avec l’espérance et celui qui foule l’aire avec l’espoir de récolter. Par là, Paul montre avec évidence que le Dieu qui donne la loi a dit pour nous, c’est-à-dire pour ses apôtres : Tu ne musèleras pas le boeuf qui foule l’aire, car il ne se souciait pas des boeufs, mais des apôtres qui prêchaient l’évangile du Christ. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Mais puisque certains sont troublés de ce que les chefs de cette hérésie paraissent avoir séparé le juste du bon, déclarant que le juste est une chose et le bon une autre, et ont appliqué cette distinction à la divinité, affirmant que le Dieu Père de notre Seigneur Jésus-Christ est bon et non juste et que le Dieu de la loi et des prophètes est juste et non bon, je juge nécessaire de répondre à cette question le plus brièvement possible. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section
Ils pensent en effet que la bonté est un sentiment qui désire pour tous le bien, même si le bénéficiaire en est indigne et ne mérite pas d’obtenir le bien ; à ce qu’il me semble, ils n’ont pas utilisé correctement une telle définition, pensant que celui à qui arrive quelque chose de pénible et de triste ne reçoit pas le bien. Ils ont considéré la justice comme un sentiment qui veut rendre à chacun selon son mérite. Mais là aussi, ils n’interprètent pas correctement le sens de leur définition. Ils pensent en effet qu’il est juste de faire le mal aux mauvais, le bien aux bons, c’est-à-dire que, selon leur signification, le juste ne paraîtrait pas vouloir le bien aux mauvais, mais être animé d’une certaine façon de haine à leur égard : et ils recueillent ainsi tout ce qu’ils trouvent comme récits dans les écrits de l’Ancien Testament, par exemple le châtiment du déluge et de ceux qui y furent noyés, la dévastation de Sodome et de Gomorrhe par une pluie de feu et de soufre, la mort dans le désert à cause de leurs péchés de tous ceux qui avaient quitté l’Egypte, de telle sorte qu’aucun ne put entrer dans la terre des promesses sinon Josué et Caleb. Du Nouveau Testament ils rassemblent les paroles de miséricorde et de pitié que le Sauveur a dites à ses disciples pour les former, celles qui semblent déclarer que Personne n’est bon si ce n’est un seul, Dieu le Père; et ainsi ils ont osé, tout en proclamant bon le Dieu Père du Sauveur Jésus-Christ, dire que le Dieu du monde est autre et l’appeler juste, mais non bon. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section
Ensuite si celui qu’ils disent bon est bon pour tous, sans aucun doute il l’est pour ceux qui sont destinés à perdition ; comment alors ne les sauve-t-il pas ? S’il ne le veut pas, il ne sera pas bon; s’il le veut et ne le peut pas, il ne sera pas tout-puissant. Qu’ils entendent plutôt, dans les Évangiles, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ préparant le feu pour le diable et ses anges. Comment une action aussi punitive et pénible selon le sens qu’ils lui donnent pourra paraître l’oeuvre du Dieu bon ? Mais le Sauveur lui-même, fils du Dieu bon, déclare dans les Évangiles : Si ces signes et ces prodiges avaient été accomplis à Tyr et à Sidon, depuis longtemps elles auraient fait pénitence dans le sac et la cendre. Et lorsqu’il s’est approché de ces villes et qu’il a pénétré sur leur territoire, pourquoi, je vous le demande, a-t-il refusé d’entrer dans ces cités et de leur manifester en abondance les signes et les prodiges, puisqu’il était certain que devant cela elles auraient fait pénitence dans le sac et la cendre ? Puisque assurément il ne l’a pas fait, il a abandonné sans aucun doute à la perdition ces cités, qui n’étaient pas cependant d’une nature mauvaise et perdue d’après la parole même de l’Évangile, puisqu’il est dit qu’elles pouvaient se repentir. Et on trouve aussi dans une parabole évangélique : Le roi, pénétrant dans la salle pour voir les convives, qui avaient été invités, vit quelqu’un qui n’était pas vêtu de la tenue des noces et il lui dit: Ami, comment es-tu entré ici sans la tenue des noces ? Alors il dit aux serviteurs: Liez-lui mains et pieds et jetez-le dehors dans les ténèbres extérieures, là où il y aura pleurs et grincements de dents. Qu’ils nous disent quel est ce roi qui entre pour voir les convives et qui, trouvant parmi eux quelqu’un revêtu d’habits sales, ordonna à ses serviteurs de l’enchaîner et de le repousser dans les ténèbres extérieures : est-ce celui qu’ils appellent le Dieu juste ? Comment avait-il ordonné d’inviter des bons et des méchants sans avoir fait faire par ses serviteurs une enquête sur leurs mérites ? Par là ne sont pas seulement marqués les sentiments d’un juste, comme ils disent, et de quelqu’un qui rétribue selon le mérite, mais une bienveillance qui ne fait pas de distinction entre tous. S’il est vraiment nécessaire de comprendre ce passage du Dieu bon, c’est-à-dire du Christ ou de son Père, qu’a-t-il fait d’autre que ce qu’ils objectent au Dieu juste; bien plus, que reprochent-ils d’autre au Dieu de la loi que ce qu’a fait celui-là, qui, après avoir invité cet homme, par l’intermédiaire des serviteurs qu’il avait envoyés appeler les bons et les méchants, ordonne, à cause de vêtements trop sales, de lui lier les mains et les pieds et de le précipiter dans les ténèbres extérieures ? Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section
Il leur reste encore cette phrase que prononce le Seigneur dans les Évangiles et qu’ils pensent leur avoir été donnée en propre comme un bouclier pour les défendre : Personne n’est bon si ce n’est Dieu le Père. Ils disent qu’il y a là le vocable propre au Père du Christ, différent du Dieu créateur de l’univers, qu’on n’a jamais appelé bon. Voyons donc si dans l’Ancien Testament le Dieu des prophètes, le créateur du monde, le législateur, n’est pas nommé bon. Que disent les psaumes ? Qu’il est bon, le Dieu d’Israël, pour les coeurs droits ! Et : Qu’Israël dise maintenant qu’il est bon, que sa miséricorde dure des siècles. Dans les Lamentations de Jérémie il est écrit : Bon est le Seigneur pour qui le garde, pour l’âme qui le cherche. De même que Dieu est fréquemment appelé bon dans l’Ancien Testament, de même dans les Évangiles le Père de notre Seigneur Jésus-Christ est aussi nommé juste. En effet, dans l’Évangile selon Jean, notre Seigneur lui-même prie le Père en ces termes : Père juste, le monde lui-même ne t’a pas connu. Et s’ils disent qu’il appelait Père le créateur du monde à cause de son incarnation et que c’est lui qu’il nommait juste, cette affirmation est exclue par ce qui suit : le monde lui-même ne t’a pas connu. Car selon eux c’est le Dieu bon seul que le monde ignore; car il reconnaît avec pleine vérité son créateur, selon ces paroles du Seigneur lui-même : Le monde aime ce qui est sien. Il est donc manifeste que celui qu’ils croient le Dieu bon est appelé juste dans les Évangiles. Quand on en aura le loisir on pourra rassembler plusieurs témoignages, montrant que dans le Nouveau Testament le Père de notre Seigneur Jésus-Christ est nommé juste et que dans l’Ancien Testament le créateur du ciel et de la terre est dit bon, pour convaincre et confondre une bonne fois les hérétiques par leur nombre. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section
Mais après toutes ces merveilles et magnificences, la capacité d’étonnement de l’intelligence humaine est complètement dépassée et la fragilité d’un entendement mortel ne voit pas comment elle pourrait penser et comprendre que cette Puissance si grande de la majesté divine, cette Parole du Père lui-même, cette Sagesse de Dieu dans laquelle ont été créés tout le visible et tout l’invisible, ait pu, comme il faut le croire, exister dans les étroites limites d’un homme qui s’est montré en Judée, et bien mieux que la Sagesse de Dieu ait pénétré dans la matrice d’une femme, soit née comme un petit enfant, ait émis des vagissements à la manière des nourrissons qui pleurent; et ensuite qu’elle ait été troublée par sa mort, comme on le rapporte et comme Jésus le reconnaît lui-même : Mon âme est triste jusqu’à la mort; et enfin qu’elle ait été conduite à la mort que les hommes jugent la plus indigne, bien qu’elle soit ressuscitée le troisième jour après. Tantôt nous voyons en lui certains traits humains qui paraissent ne différer en rien de la fragilité commune des mortels, tantôt des traits si divins qu’ils ne conviennent à personne d’autre qu’à la nature première et ineffable de la divinité : aussi l’entendement humain reste immobile par suite de son étroitesse et frappé d’une telle stupéfaction qu’il ignore où aller, que tenir, vers où se tourner. Pense-t-il le Dieu, il voit le mortel. Pense-t-il l’homme, il l’aperçoit, ayant vaincu le règne de la mort, revenir des morts avec ses dépouilles. C’est pourquoi ce mystère doit être contemplé en toute crainte et révérence pour montrer en un seul et même être la vérité de chaque nature, afin de ne rien penser d’indigne et d’indécent sur cet être substantiel divin et ineffable, ni juger au contraire que ce qu’il a fait soit l’illusion d’une imagination fausse. Exposer cela à des oreilles humaines et l’expliquer par des paroles excède de beaucoup les possibilités de notre mérite, de notre talent et de notre discours. Je juge que cela dépasse même la mesure des saints apôtres : bien mieux l’explication de ce mystère est peut-être au-dessus des puissances célestes de toute la création. Ce n’est pas cependant par témérité, mais parce que la suite du développement le demande, que nous exposerons en peu de mots, plutôt ce que notre foi contient que ce que les assertions de la raison humaine pourraient revendiquer, en présentant davantage ce que nous supposons que des affirmations manifestes. Donc le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, le visible et l’invisible, comme nous l’a appris plus haut cette discussion, a fait toute chose, selon l’attestation de l’Écriture, et aime tout ce qu’il a fait. Car, alors que du Dieu invisible il est lui-même l’image invisible, il a donné à toutes les créatures raisonnables de participer à lui de telle sorte que chaque créature adhère à lui par le sentiment de l’amour dans la mesure où elle participe davantage à lui. Mais puisque la faculté du libre arbitre a mis une variété et une diversité parmi les intelligences, les unes ayant un amour plus ardent envers leur créateur, les autres un amour plus faible et plus chétif, cette âme, dont Jésus dit : Personne ne m’ôte mon âme, adhérant à lui depuis sa création et dans la suite d’une manière inséparable et indissociable, comme à la Sagesse et à la Parole de Dieu, à la Vérité et à la Vraie Lumière, le recevant tout entier en elle tout entière et se changeant en sa lumière et en sa splendeur, est devenue avec lui dans son principe un seul esprit, de même que l’apôtre a promis à ceux qui devaient imiter cette âme que : Celui qui se joint au Seigneur est un seul esprit avec lui. De cette substance de l’âme servant d’intermédiaire entre un Dieu et la chair – car il n’était pas possible que la nature d’un Dieu se mêlât à la chair sans médiateur – naît, comme nous l’avons dit, le Dieu-Homme : cette substance était l’intermédiaire, car il n’était pas contre nature pour elle d’assumer un corps. Et de même il n’était pas contre nature que cette âme, substance raisonnable, puisse contenir Dieu, puisque, nous l’avons dit plus haut, elle s’était déjà toute changée en lui, comme en la Parole, la Sagesse et la Vérité. C’est pourquoi, à bon droit, parce qu’elle était tout entière dans le Fils de Dieu ou qu’elle contenait tout entier en elle le Fils de Dieu, elle est appelée elle-même, avec la chair qu’elle a assumée, Fils de Dieu et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et réciproquement, le Fils de Dieu par qui tout a été créé est nommé Jésus-Christ et Fils de l’homme. Car on dit que le Fils de Dieu est mort, à savoir à cause de cette nature qui pouvait parfaitement recevoir la mort ; et il est appelé Fils de l’homme, celui que l’on prêche comme devant venir dans la gloire de Dieu le Père avec les saints anges. Pour cette raison, dans toute l’Écriture la divine nature est appelée par des vocables humains et la nature humaine est ornée des titres réservés à Dieu. Dans ce cas plus que dans tout autre, on peut dire ce qui est écrit : Ils seront les deux dans une chair une: désormais ils ne sont plus deux, mais une chair une. Car la Parole de Dieu est bien plus avec son âme dans une chair une que ce que l’on pense du mari avec son épouse. Mais à qui convient-il mieux d’être un seul esprit avec Dieu qu’à cette âme qui s’est si bien jointe à Dieu par l’amour qu’elle peut être dite à bon droit un seul esprit avec lui. La perfection de l’amour et la sincérité d’une affection pure ont fait l’unité inséparable de cette âme avec un Dieu, tellement que l’assomption de cette âme n’est pas le produit du hasard ni le résultat d’une partialité envers une personne, mais vient du mérite de ses vertus. C’est ce que dit le prophète s’adressant à elle : Tu as aimé la justice et haï l’iniquité: c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a ointe de l’huile de joie plus que tes participants. A cause du mérite de son amour elle est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire l’âme avec la Parole de Dieu devient le Christ. Etre oint de l’huile de joie ne veut pas dire autre chose qu’être rempli de l’Esprit Saint. Ce qui est dit : plus que tes participants, indique que la grâce de l’Esprit ne lui a pas été donnée comme aux prophètes, mais qu’elle avait en elle la plénitude substantielle de la Parole de Dieu, selon l’Apôtre : En qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et enfin il n’est pas dit seulement : Tu as aimé la justice, mais : Et tu as haï l’iniquité. Haïr l’iniquité revient à ce que l’Écriture dit du Christ : Il n’a pas commis de péché et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche, et : Il a été éprouvé en tout de manière semblable sans péché. Mais le Seigneur lui-même dit : Qui de vous me convainc de péché ? De nouveau il dit de lui-même : Voici que vient le prince de ce monde et en moi il ne trouve rien. Tout cela montre qu’il n’y a en lui aucune pensée de péché. Le prophète exprime avec plus de clarté encore que jamais aucune pensée d’iniquité n’est entrée en lui quand il dit : Avant que l’enfant ait su appeler son père ou sa mère, il s’est détourné de l’iniquité. Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section
Après les exposés que nous avons faits au début du livre sur le Père, le Fils et le Saint Esprit, selon que le demandait le sujet, il nous a paru bon de revenir sur ces points et de montrer que le même Dieu est le créateur et artisan du monde et le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire que le Dieu de la loi et des prophètes et celui des l’Évangiles sont un seul et même Dieu ; ensuite il a fallu indiquer au sujet du Christ que celui qui avait été désigné plus haut comme la Parole et la Sagesse de Dieu a été fait dans la suite comme un homme ; il nous reste à revenir, le plus brièvement possible, sur le Saint Esprit. Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Mais puisque nous mentionnons le Paraclet et que nous exposons, dans la mesure de nos forces, comment il faut comprendre de lui ce terme, notre Sauveur lui-même est appelé Paraclet dans l’Epître de Jean: Si l’un de nous a péché, nous avons un Paraclet auprès du Père, Jésus-Christ le juste, et il est lui-même propitiation pour nos péchés. Voyons si par hasard cette appellation de Paraclet signifierait, appliquée au Sauveur, autre chose qu’appliquée à l’Esprit Saint. Appliqué au Sauveur, Paraclet semble vouloir dire intercesseur, et les deux sens de consolateur et d’intercesseur existent dans le grec Paraclet. A cause de la parole qui suit : Il est lui-même propitiation pour nos péchés, il faut, semble-t-il, comprendre plutôt Paraclet appliqué au Sauveur comme intercesseur, car il est dit intercéder auprès du Père pour nos péchés. Appliqué au Saint-Esprit, Paraclet doit signifier consolateur, car il console les âmes auxquelles il ouvre et révèle le sens de la connaissance spirituelle. Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
S’il en est ainsi de la qualité du corps qui ressuscitera des morts, voyons ce que signifie la menace du feu éternel. Nous trouvons en effet dans le prophète Isaïe l’indication que le feu qui punit est propre à chacun : Marchez dans la lumière de voire feu et dans la flamme que vous vous êtes allumée à vous-mêmes. Ces paroles semblent montrer que chacun s’allume à lui-même la flamme d’un feu qui lui est propre, au lieu d’être plongé dans un autre feu qui aurait été auparavant allumé par un autre et subsisterait avant lui. La nourriture de ce feu, la matière qui l’alimente, ce sont nos péchés, appelés par l’apôtre Paul bois, foin et paille. A mon avis, de même que l’abondance de la nourriture dans le corps, les aliments dont la qualité et la quantité nous sont contraires, engendrent des fièvres de nature et de durée diverses dans la mesure où les excédents accu-mulés ont fourni à ces fièvres une matière et un excitant – cette quantité de matière, accumulée par divers excès est cause de l’acuité et de la longueur de la maladie -, de même, lorsque l’âme a accumulé en elle une foule de mauvaises oeuvres et une abondance de péchés, toute cette accumulation de maux bouillonne au moment convenable pour son supplice et s’enflamme pour son châtiment. Par ailleurs l’intelligence elle-même ou plutôt la conscience, se rappelant par la puissance divine tous les actes dont les empreintes et les formes s’étaient imprimées en elle quand elle péchait, tout ce qu’elle a fait de laid et de honteux et même tout ce qu’elle a commis d’impie, verra ainsi en quelque sorte étalée devant ses yeux l’histoire de ses crimes ; alors la conscience est agitée et comme piquée par des aiguillons dont elle est elle-même la cause et elle devient l’accusatrice d’elle-même et son témoin à charge. A mon avis l’apôtre Paul a eu une idée semblable quand il a dit : Nos pensées s’accusant ou même s’excusant réciproquement au jour où Dieu jugera les actions secrètes des hommes selon mon évangile par Jésus-Christ. Par là il faut comprendre que, en ce qui concerne la substance même de l’âme, les mauvais sentiments des pécheurs engendrent eux-mêmes certains tourments. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Seconde section
Mais si ces promesses ne paraissent guère aptes à susciter dans les intelligences de ceux qui espèrent en elles un désir adéquat, demandons-nous, en nous répétant un peu, dans quelle mesure est naturel et inséré dans l’âme le désir de la réalité elle-même, pour décrire enfin en quelque sorte, par la voie de l’interprétation spirituelle, la forme de ce pain de vie, la qualité de ce vin et la caractéristique des Principautés. De même que dans les métiers manuels la pensée donne l’idée de l’oeuvre, indiquant ce qui est à faire, comment le faire et pour quels usages le faire, puis l’exécution a lieu par le moyen des mains, de même, en ce qui concerne les oeuvres de Dieu, qui ont été faites par lui, il faut penser que l’idée et la compréhension de ce qu’il a fait et que nous voyons restent cachées. Quand nous contemplons de nos yeux des objets fabriqués par un artisan, si l’un d’eux nous paraît particulièrement bien fait, aussitôt nous désirons ardemment apprendre de quelle façon, comment et pour quels usages il a été fait : bien plus et sans comparaison possible nous brûlons du désir ineffable de connaître la raison des oeuvres de Dieu que nous voyons. Ce désir, cet amour, nous croyons que sans aucun doute ils ont été mis en nous par Dieu. Comme l’oeil recherche par nature la lumière et la vision, comme notre corps désire par nature nourriture et boisson, de même notre intelligence porte en elle un désir qui lui est propre et naturel de connaître la vérité divine et les causes des choses. Ce désir nous ne l’avons pas reçu de Dieu pour qu’il ne doive ni ne puisse jamais recevoir de satisfaction : autrement c’est en vain que l’amour de la vérité semblerait avoir été mis dans notre intelligence par le Dieu créateur, s’il ne pouvait jamais obtenir ce qu’il désire. C’est pourquoi ceux qui, même en cette vie, se sont mis à étudier, au prix d’un grand labeur, la piété et la religion, ne comprennent, certes, que peu de choses des trésors nombreux et immenses de la connaissance divine, mais cependant, par le fait même d’occuper à cela leur entendement et leur intelligence et de progresser dans ce désir, ils en reçoivent beaucoup d’utilité, parce qu’ils se sont tournés vers le goût et l’amour de la recherche de la vérité et qu’ils se sont rendus plus disposés à recevoir l’instruction future. Ainsi, lorsqu’on veut peindre une image, avant de tracer les lignes de la forme à venir, on en dessine l’esquisse d’un trait léger et on prépare les indications aptes à recevoir les visages qui seront peints par-dessus : il est clair que la figure ébauchée par l’esquisse sera davantage susceptible de recevoir les vraies couleurs. Cela vaut aussi pour la connaissance de la vérité, si dans ce cas l’esquisse et l’ébauche elles-mêmes sont dessinées sur les tablettes de notre coeur par le stylet de notre Seigneur Jésus-Christ. Pour cela il est dit peut-être : A celui qui a on donnera et on ajoutera ?. Il est donc clair qu’à ceux qui ont déjà en cette vie une certaine ébauche de la vérité et de la connaissance, sera ajoutée dans le futur la beauté de l’image parfaite. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
Mais puisque, quand nous discutons de réalités si nombreuses et si importantes, il ne suffit pas de nous confier entièrement aux pensées humaines et aux conceptions communes et, pour ainsi dire, de nous prononcer de mais que nous prenons en outre pour faire la démonstration de ce que nous disons des témoignages venant des Écritures que nous croyons divines, celle qui est dite l’Ancien Testament et celle qui est appelée le Nouveau, nous tentons d’affermir notre foi par la raison et nous n’avons pas encore établi la divinité des Écritures. Permettez que nous nous expliquions un peu, comme en résumé, sur ce sujet, exposant pour cela ce qui nous pousse à considérer les Écritures comme divines. Et d’abord, avant d’utiliser les Écritures elles-mêmes et tout ce qui y est exprimé, il nous faut discuter de Moïse et de Jésus-Christ, du législateur des Hébreux et de l’auteur des doctrines salvatrices du Christianisme. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section
Il y a eu certes beaucoup de législateurs chez les Grecs et les barbares, beaucoup de maîtres qui prêchaient des doctrines promettant la vérité ; nous ne connaissons cependant aucun législateur qui ait pu faire naître dans les autres nations le désir de recevoir ses paroles ; et alors que ceux qui promettaient de philosopher au sujet de la vérité y apportaient tout un appareil probatoire avec des démonstrations qui paraissaient raisonnables, aucun n’a pu répandre ce qu’il croyait la vérité dans des nations différentes ou même dans un nombre suffisant de gens appartenant à une seule nation. Et cependant les législateurs auraient bien voulu que les lois qui leur paraissaient bonnes aient autorité, si c’était possible, sur toute la race humaine, et les maîtres que ce qu’ils s’imaginaient être la vérité se soit répandu partout sur la terre. Mais comme ils ne pouvaient pas exhorter ceux qui parlaient d’autres dialectes ou appartenaient à de nombreuses nations à observer leurs lois et à recevoir leurs enseignements, ils n’ont même pas essayé de commencer à le faire, car, non sans raison, ils constataient qu’il leur était impossible d’y parvenir. En revanche, tout pays du monde, qu’il soit grec ou barbare, a des myriades de nos fidèles qui ont abandonné les lois paternelles et ceux qu’on croit être des dieux, pour observer les lois de Moïse et pour suivre en disciples les paroles de Jésus-Christ ; et cependant ceux qui se sont livrés à la loi de Moïse sont haïs de ceux qui adorent les statues, et ceux qui ont reçu la parole de Jésus-Christ risquent en outre, par suite de cette haine, une sentence de mort. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section
C’est pourquoi, maintenant qu’une puissance céleste, bien mieux supracéleste, nous a frappés, nous incitant à adorer seulement notre créateur, efforçons-nous de laisser la science des débuts du Christ, c’est-à-dire celle des rudiments, pour être portés vers la perfection, afin qu’on nous parle de la sagesse dont on parle parmi les parfaits. C’est en effet la sagesse dont celui qui l’a acquise promet de parler parmi les parfaits, autre que la sagesse de ce siècle et que la sagesse des princes de ce siècle, celle qui est détruite ; cette sagesse sera imprimée en nous clairement selon la révélation du mystère qui a été tu pendant des siècles sans fin, qui a été dévoilé maintenant par les Écritures prophétiques, et par la manifestation de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, à qui est la gloire dans tous les siècles. Amen. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section
Après avoir indiqué succinctement que les Écritures divines sont inspirées par Dieu, il faut discourir sur la manière de les lire et de les comprendre, car beaucoup de faux pas sont commis parce que beaucoup n’ont pas trouvé la voie par laquelle il faut parcourir les divines lectures. Ceux de la circoncision à cause de leur dureté de coeur et de leur peu de compréhension n’ont pas cru en notre Sauveur, parce qu’ils pensent qu’il faut suivre la lettre des prophéties le concernant et qu’ils ne le voient pas de façon sensible prêcher aux prisonniers la rémission, ni bâtir celle qu’ils croient être vraiment la ville de Dieu, ni détruire les chars d’Éphraïm et les chevaux de Jérusalem, ni manger le beurre et le miel et avant de connaître et de choisir le mal élire le bien. Ils ont pensé encore que, selon la prophétie, un loup, l’animal quadrupède, devait paître avec un agneau, et une panthère se reposer avec un chevreau, qu’un veau, un taureau et un lion devaient paître ensemble et être menés par un petit enfant, qu’une vache et une ourse devaient paître ensemble et leurs petits être élevés les uns avec les autres, qu’un lion mangerait de la paille comme un boeuf et, n’ayant vu rien de cela se réaliser sensiblement à la venue de celui que nous croyons le Christ, ils n’ont pas accepté notre Seigneur Jésus, mais ils l’ont crucifié parce qu’il affirmait qu’il était le Christ, contrairement à la loi. Quant aux hérétiques, quand ils lisent : Un feu est allumé par ma colère ; je suis un Dieu jaloux, punissant les péchés des pères sur les fils jusqu’à la troisième et quatrième génération; je me suis repenti d’avoir oint Saul comme roi ; Je suis un Dieu qui fais la paix et qui produis le mal ; et ailleurs : Il n’y a pas dans la ville de mal que le Seigneur n’ait pas produit; et encore : Le mal descendit d’auprès du Seigneur sur les portes de Jérusalem ; Un esprit mauvais venant de Dieu étouffait Saul; et bien d’autres choses semblables, n’ont pas osé cependant ne pas croire que les Écritures étaient d’un Dieu, mais ils ont cru qu’elles étaient du créateur adoré par les Juifs et ils ont pensé que, puisque ce créateur était imparfait et non bon, le Sauveur était venu annoncer un Dieu plus parfait, qu’ils disent différent du créateur, ayant des sentiments divers à son égard. Une fois qu’ils se sont éloignés du créateur, qui est le seul Dieu inengendré, ils se sont adonnés à des inventions, fabriquant eux-mêmes des suppositions mythiques sur la création des réalités visibles et sur celle d’autres non visibles que leur âme a représentées en figures. Mais, certes, les plus simples aussi de ceux qui sont fiers d’appartenir à l’Église n’ont pas accepté d’autre Dieu plus grand que le Créateur, agissant en cela sainement ; cependant ils acceptent à son sujet ce qu’ils ne supporteraient pas du plus cruel et du plus injuste des hommes. Pour tous ceux dont nous venons de parler, la cause de ces fausses opinions, de ces impiétés et de ces paroles stupides au sujet de Dieu ne semble pas être autre chose que le fait de ne pas comprendre l’Écriture dans son sens spirituel, mais de l’interpréter selon la lettre seule. C’est pourquoi, à ceux qui sont persuadés que les livres saints ne sont pas des écrits d’hommes, mais qu’ils ont été rédigés par l’inspiration de l’Esprit Saint d’après la volonté du Père de l’univers par le moyen de Jésus Christ et qu’ainsi ils sont venus jusqu’à nous, il faut montrer ce qui nous paraît la méthode convenable pour les comprendre, pour ceux qui tiennent à la règle de l’Église céleste de Jésus-Christ transmise par la succession des apôtres. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Qu’il y a des économies mystérieuses, montrées par les divines Écritures, tous, même les plus simples, parmi ceux qui viennent à notre doctrine, le croient ; que sont-elles en revanche, ceux qui sont sages et sans orgueil avouent qu’ils ne le savent pas. Si quelqu’un est embarrassé au sujet de l’union de Lot avec ses filles, des deux épouses d’Abraham, des deux soeurs mariées à Jacob et des Jeux servantes qui ont enfanté par lui, ils diront seulement qu’il y a là des mystères que nous ne comprenons pas. Et lorsqu’ils lisent la manière dont le tabernacle fut construit, persuadés que ce qui est écrit est symbole, ils cherchent à qui on pourra appliquer chacun des détails indiqués à propos du tabernacle : ils ne se trompent pas quand ils sont persuadés que le tabernacle est symbole de quelque chose, mais parfois ils s’égarent lorsqu’ils veulent appliquer la parole de façon digne de l’Écriture à telle réalité dont le tabernacle est symbole. Et tout récit qu’on croit raconter des noces, des enfantements, des guerres ou n’importe quoi qui serait compris par la foule comme des histoires, ils affirment qu’il y a là des symboles. Quant à savoir de quoi, tantôt à cause de capacités insuffisamment exercées, tantôt par précipitation, parfois aussi malgré l’exercice et la réflexion, à cause de la difficulté sans mesure qu’ont les hommes pour trouver les réalités, on n’arrive pas à éclaircir le sens de chaque chose. Et que dire des prophéties que nous savons tous pleines d’énigmes et de paroles obscures ? Et si nous en venons aux évangiles, leur sens exact, puisqu’il est la pensée du Christ, exige pour être compris la grâce qui a été donnée à celui qui a dit : Nous, nous avons la pensée du Christ pour que nous sachions ce que Dieu nous a accordé : ce que nous disons, nous ne le disons pas dans des paroles apprises de la sagesse humaine, mais dans des paroles apprises de l’Esprit. Quant à ce qui a été révélé à Jean, quel lecteur ne serait pas frappé de constater qu’y sont cachés des mystères ineffables, dont la présence apparaît même à celui qui ne comprend pas ce qui est écrit ? A qui, parmi ceux qui savent examiner les textes, les épîtres des apôtres sembleraient claires et faciles à comprendre, alors que d’innombrables passages donnent l’occasion d’entrevoir, là aussi, comme à travers une ouverture, des pensées très sublimes et très nombreuses ? C’est pourquoi, les choses étant ainsi et de nombreuses personnes s’y trompant, il n’est pas sans danger, quand on lit l’Écriture, de déclarer facilement qu’on comprend, ce qui exige qu’on soit en possession de la clef de la connaissance qui, d’après le Seigneur, se trouve chez les docteurs de la loi. Qu’ils nous disent, ceux qui ne veulent pas accepter qu’avant la venue du Christ la vérité se trouvait chez les docteurs de la loi, comment il se fait que notre Seigneur Jésus-Christ nous déclare que la clef de la connaissance est chez eux, alors que, d’après nos contradicteurs, ils n’ont pas de livres contenant les mystères secrets et parfaits de la connaissance. Le texte en effet est le suivant : Malheur à vous, docteurs de la loi, car vous avez ôté la clef de la connaissance; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes et vous avez empêché les autres d’entrer. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Mais, en tout cela, qu’il nous suffise de conformer notre intelligence à la règle de piété et de penser de l’Esprit Saint que sa parole n’est pas composée avec l’élégance des discours qui relèvent de la fragilité humaine, mais que, comme il est écrit : Toute la gloire du roi est à l’intérieur, le trésor des significations divines est contenu et enfermé dans le vase fragile de la lettre vile. Mais si quelqu’un est plus curieux et demande l’explication des détails, qu’il vienne entendre avec nous comment l’apôtre Paul, scrutant les profondeurs de la divine sagesse et de la divine connaissance, avec l’aide de l’Esprit Saint qui scrute même les profondeurs de Dieu, et n’ayant pas la force d’en venir à bout et de parvenir, pour ainsi dire, à une connaissance intime, désespère d’y arriver et s’exclame dans sa stupeur : Ô profondeur des richesses de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Et combien il désespère, dans cette exclamation, d’atteindre à la compréhension parfaite, on l’apprend de ces paroles : Combien les jugements de Dieu sont impossibles à scruter et ses voies à suivre à la trace ! Il ne dit pas en effet qu’il est difficile de pouvoir scruter les jugements de Dieu, mais qu’on ne le peut pas du tout ; il ne dit pas qu’il est difficile de suivre ses voies à la trace, mais qu’on ne peut pas le faire. On peut, certes, avancer dans cet examen, on peut y progresser en s’y appliquant de plus en plus intensément, par la grâce de Dieu qui illumine l’intelligence, mais on ne pourra atteindre parfaitement la fin de ce qu’on recherche. Aucune intelligence créée n’a la possibilité de parvenir à une connaissance absolue, mais, dès qu’elle trouve quelque chose de ce qu’elle cherche, elle en voit d’autres qui sont à chercher ; et si elle parvient à ces dernières, elle en verra de bien plus nombreuses qui seront encore à chercher. C’est pourquoi le très sage Salomon, contemplant dans sa sagesse la nature des choses, dit : J’ai dit : Je deviendrai sage. Et cette sagesse s’est éloignée de moi, plus qu’elle ne l’était avant. Qui trouvera l’immensité de sa profondeur ? Et Isaïe, sachant que les débuts des choses ne peuvent être trouvés par une nature mortelle, même pas par ces natures qui, bien plus divines que l’humaine, ont cependant elles-mêmes été faites et créées, sachant donc qu’aucune d’elle ne peut trouver ni le début ni la fin, dit : Dites ce qui fut avant et nous saurons que vous êtes des dieux ; annoncez ce qu’il y aura en dernier lieu et nous verrons que vous êtes des dieux. Car un docteur hébreu expliquait cela ainsi : le début et la fin de toutes choses ne peuvent être compris par personne, si ce n’est seulement par le Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit Saint, et c’est pourquoi Isaïe disait sous forme de vision que les deux Séraphins sont les seuls qui de deux ailes couvrent la face de Dieu, de deux autres les pieds et de deux ailes volent en se criant l’un à l’autre : Saint ! Saint ! Saint ! le Seigneur Sabaoth, toute la terre est pleine de ta gloire ! Puisque les deux Séraphins seuls ont leurs ailes sur la face de Dieu et sur ses pieds, il faut avoir l’audace d’affirmer que ni les armées des saints anges, ni les saints Trônes, Dominations, Principautés et Puissances ne peuvent connaître intégralement le début de tout et la fin de l’univers. Mais il faut comprendre que ces saints esprits et puissances ici mentionnés sont proches de ces débuts et en perçoivent plus que les autres ne peuvent le faire ; cependant quel que soit ce qu’ont appris ces puissances sur la révélation du Fils de Dieu ou de l’Esprit Saint, quelle que soit la quantité de connaissances qu’elles ont pu atteindre, certes beaucoup plus grande pour les puissances supérieures que pour les inférieures, il leur est cependant impossible de comprendre tout, puisqu’il est écrit : La plus grande partie des oeuvres de Dieu reste cachée. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
C’est pourquoi il est souhaitable que chacun dans la mesure de ses forces tende à ce qui est devant, oubliant ce qui est en arrière, qu’il s’agisse des oeuvres meilleures ou aussi d’une intelligence et compréhension plus pure, par Jésus-Christ notre Sauveur à qui appartient la gloire pour les siècles. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
On ne doit pas penser que nous affirmons ainsi qu’il y avait dans le Christ une partie de la divinité du Fils de Dieu, le reste se trouvant ailleurs ou partout : ceux qui peuvent penser ainsi ignorent la nature de la substance incorporelle et invisible. Il est impossible de parler d’une partie de l’incorporel ou qu’il y ait en lui une division ; mais il est en tout et à travers tout et au-dessus de tout, de la manière indiquée plus haut, c’est-à-dire qu’il est compris comme Sagesse, Parole, Vie et Vérité, compréhension qui exclut sans aucun doute qu’il soit enfermé dans un lieu. Donc le Fils de Dieu, voulant se montrer aux hommes et vivre parmi eux pour le salut du genre humain, a reçu non seulement, comme certains le pensent, un corps humain, mais aussi une âme, semblable par sa nature aux nôtres, mais semblable à lui, le Fils, par son propos et sa vertu, de façon qu’elle puisse accomplir sans aucune défaillance toutes les volontés et tous les desseins de la Parole et de la Sagesse. Qu’il ait possédé une âme, le Sauveur lui-même l’affirme très clairement dans les Évangiles : Personne ne m’enlève mon âme, mais c’est moi qui la dépose de moi-même. J’ai le pouvoir de la déposer et j’ai le pouvoir de la reprendre. Et pareillement : Mon âme est triste jusqu’à la mort. Ou encore : Maintenant mon âme est troublée. Il ne faut pas entendre dans cette âme triste et troublée la Parole de Dieu, qui dit par contre avec l’autorité de la divinité : J’ai le pouvoir de déposer mon âme. Nous ne disons pas non plus que le Fils de Dieu se soit trouvé dans cette âme comme il fut dans les âmes de Paul, de Pierre ou des autres saints, dans lesquels on croit que le Christ a parlé comme en Paul. Mais de tous ceux-ci il faut penser ce que dit l’Écriture : Personne n’est pur de souillure, même si sa vie n’a duré qu’un jour. Mais au contraire l’âme qui fut en Jésus, avant de connaître le mal, a choisi le bien; et parce qu’elle a aimé la justice et haï l’iniquité, à cause de cela Dieu l’a ointe de l’huile d’allégresse plus que ses compagnes. Elle a été ointe de l’huile d’allégresse lorsqu’elle fut jointe à la Parole de Dieu par une union sans tache et, à cause de cela, seule de toutes les âmes, elle a été incapable de pécher, puisqu’elle a contenu le Fils de Dieu d’une manière bonne et pleine ; c’est pourquoi elle est un avec lui, on la nomme des mêmes vocables que lui et on l’appelle Jésus-Christ, par qui, dit l’Écriture, tout a été fait. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
C’est de cette âme, parce qu’elle avait reçu en elle toute la Sagesse de Dieu, toute sa Vérité et sa Vie, que l’Apôtre, à mon avis, a dit : Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu; lorsque le Christ, votre vie, sera apparu, alors vous aussi vous apparaîtrez avec lui dans la gloire. Que faut-il entendre ici par le Christ qui est montré caché en Dieu et devant apparaître, sinon celui qui, comme on le rapporte, a été oint de l’huile d’allégresse, c’est-à-dire a été rempli, dans sa substance même, de Dieu, dans lequel on le dit maintenant caché ? C’est pourquoi le Christ est donné en exemple à tous les croyants, puisque toujours, et avant même de connaître, le moins que ce soit, le mal, il a choisi le bien, aimé la justice et haï l’iniquité et, pour cette raison, fut oint par Dieu de l’huile d’allégresse ; ainsi, que celui qui a péché ou erré se purifie de ses taches selon l’exemple proposé et que, l’ayant pour guide de sa route, il avance sur le dur chemin de la vertu, pour que par là, dans la mesure du possible, nous soyons faits en l’imitant participants de la nature divine, selon ce qui est écrit : Celui qui dit qu’il croit au Christ doit se conduire comme lui il s’est conduit. Donc cette Parole (Raison) et cette Sagesse, que nous imitons quand nous sommes dits sages ou raisonnables, se fait toutes choses à tous pour les gagner tous : il devient faible avec les faibles pour gagner les faibles. Et parce qu’il est devenu faible, il est dit de lui : Même s’il a été crucifié par faiblesse, il vit cependant de la force de Dieu. En fait, parmi les Corinthiens qui étaient faibles, Paul juge qu’il ne connaît rien quand il est avec eux, sinon Jésus-Christ et encore crucifié. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section