RECUEILLEMENT INTERIEUR

Quand une poule, ayant trouvé un grain, le fait savoir à ses poussins, ils accourent de tous les côtés et tous ensemble mettent leurs becs là où se trouve le bec de la poule. De même, quand la grâce divine agit sur le cœur de l’homme, l’esprit de cet homme y pénètre d’une façon consciente, et toutes les facultés de l’âme et du corps le suivent. De là vient une loi pour se maintenir à l’intérieur de soi : retiens la conscience de toi-même dans ton cœur et tâche d’y concentrer toutes les énergies de l’âme et du corps. A vrai dire, ce séjour à l’intérieur de soi consiste à enfermer la conscience de soi-même dans le cœur. L’effort de concentration des énergies de l’âme et du corps est le moyen d’y parvenir ; c’est là l’activité, le haut fait de l’ascèse. D’ailleurs, ces deux réalités – séjour à l’intérieur et recueillement des facultés – s’engendrent mutuellement et se conditionnent, l’une ne va pas sans l’autre ; qui s’est enfermé dans son cœur est recueilli, et qui est recueilli est dans son propre cœur.
Le recueillement de soi dans son cœur doit réunir toutes les énergies de l’esprit, de la volonté et du sentiment. Le recueillement de l’esprit dans le cœur c’est l’attention ; le recueillement des sentiments, la sobriété. Attention, vigilance et sobriété, voilà les trois activités intérieures par lesquelles se réalise le rassemblement des facultés et le séjour en soi-même.
…Ainsi, toute la pratique du séjour à l’intérieur de soi par le recueillement (samosobranié) consiste en ceci. Dès le premier moment du réveil, dès que tu es conscient, descends en ton intérieur vers le cœur, vers le fond de toi. Aussitôt après, appelle, attire, pousses-y toutes les forces psychiques et corporelles, en gardant l’esprit attentif, les regards tournés vers le fond de toi, en maintenant la volonté en vigilance, les muscles tendus, avec une grande sobriété des sentiments, qui règle le repos et les plaisirs de la chair. Fais cela jusqu’à ce que la conscience de toi-même s’y trouve comme à sa place, bien fixée, attachée, comme une matière gluante sur un mur solide. Ensuite, reste là sans en sortir, aussi longtemps que tu es conscient de toi-même, en recommençant souvent cette pratique du recueillement, en la renouvelant et en la fortifiant, car à chaque instant elle est tantôt affaiblie, tantôt troublée,..
Il est évident que la véritable permanence à l’intime de soi est une condition de la vraie maîtrise de l’homme sur lui-même et, par conséquent, une condition pour être vraiment libre et raisonnable, donc pour mener une vraie vie spirituelle. Cela ressemble à ce que l’on constate dans le monde extérieur : on considère comme maître de la ville celui qui occupe la forteresse. Aussi toute activité spirituelle et en général tout haut fait ascétique doit s’appuyer sur cette maîtrise de soi, sinon l’activité n’est pas spirituelle, elle manque d’effort héroïque et doit être rejetée…
Le recueillement est le meilleur moyen pour maintenir la ferveur. En effet : 1) L’homme re-cuilli doit être ardent, car il concentre toutes ses énergies ; ainsi les rayons divergents du soleil, si on les réunit en un point, produisent une grande chaleur et enflamment… 2) Il est fort comme une armée disciplinée, comme un faisceau de tendres roseaux liés ensemble… 3) Il voit tout à l’entour de soi-même ; regardant du centre dans la direction des rayons, on voit tout en un cercle, tout également et comme d’un seul coup… [La Voie du Salut (en russe). Moscou, 4 e éd. 1879, p. 228-230]

Le Seigneur nous a donné le sacrement de son Corps et de son Sang pour nourrir et élever notre Qu’est-ce que la vie spirituelle et comment s’y disposer ? Moscou, 5e éd. 1904; C’est la source surnaturelle qui la conserve et la fortifie. Aussi, dès les origines du christianisme, les âmes zélées pour la piété considéraient comme le bienfait primordial la communion fréquente. Durant la vie des apôtres elle était de règle partout : tous les chrétiens prenaient part aux prières et à la fraction du pain, c’est-à-dire communiaient. Saint Basile le Grand, dans sa lettre à Césaire, dit qu’il est salutaire de communier tous les jours, et en parlant de sa propre vie, il écrit : « Nous communions quatre fois par semaine. » C’est l’opinion commune de tous les saints qu’il n’y a pas de salut sans communion et qu’il n’y a pas de progrès dans la vie spirituelle sans communion fréquente. [La Voie du Salut (en russe). Moscou, 4 e éd. 1879, p. 277]