Cassiano: cénobites

Plusieurs ont voué leur sollicitude et leur zèle à instruire les frères et à conduire en toute vigilance des maisons de cénobites. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

La première est celle des cénobites, c’est-à-dire de ceux qui vivent ensemble dans une communauté, sous le gouvernement et la discrétion d’un ancien; ils sont répandus par toute l’Égypte, et le nombre en est fort grand. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

La deuxième est celle des anachorètes, qui, après avoir été formés aux monastères des cénobites et s’être rendus parfaits dans la vie active, ont préféré le secret de la solitude. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

C’était, je le répète, toute l’Église qui présentait alors ce spectacle, qu’il n’est plus donné de voir aujourd’hui que difficilement et chez un bien petit nombre, dans les monastères de cénobites. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Ainsi se forma, des disciples qui s’étaient retirés de la contagion du grand nombre, une observance particulière. Peu à peu, le progrès du temps les constitua en catégorie séparée des autres fidèles. Comme ils s’abstenaient du mariage, et se tenaient à l’écart de leurs parents et de la vie du siècle, on les appela moines ou a raison de celle vie solitaire et sans famille. Puis, les communautés qu’ils formaient leur firent donner le nom de cénobites, et à leurs cellules et logis, celui de maisons de cénobites. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Telle fut l’unique sorte de moines dans les temps les plus anciens, la première par le temps, la première par la grâce. Elle se conserva de longues années dans tout l’honneur de son intégrité, jusqu’à l’époque des Paul et des Antoine. Nous en voyons encore aujourd’hui les restes dans les monastères fervents de cénobites. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Mais, soit qu’ils n’apportent au service de leur ambition qu’une âme pusillanime, dans une entreprise qui exige une force peu commune, soit que la seule nécessité les ait contraints à la profession monastique, ils se montrent aussi empressés à se parer du nom de moine, que peu disposés à en imiter la vie. Ils n’ont cure de la discipline cénobitique, ni de s’assujettir à l’autorité des anciens, ou d’apprendre d’eux à vaincre leurs volontés; nulle formation régulière, point de règle dictée par une sage discrétion. Mais c’est pour le public seulement qu’ils renoncent et à la face des hommes. Ou ils restent dans leurs demeures particulières, et, couverts par le privilège d’un nom glorieux, s’embarrassent des mêmes soins que devant. Ou bien ils se construisent des cellules, les décorent du nom de monastères, mais pour y vivre selon leur guise et en complète liberté. L’Évangile commande : Ne vous laissez prendre, ni par le souci du pain quotidien, ni par les embarras d’une fortune. Mais ils ne consentent point à courber la tête sous ce joug. Ceux-là seulement rempliront le précepte, sans les hésitations d’une âme infidèle, qui se dégagent entièrement des biens de ce monde, puis se soumettent aux supérieurs des communautés cénobitiques, jusqu’à faire profession de ne s’appartenir plus soi-même. Tels ne sont pas les sarabaïtes. Fuyant, comme on l’a dit, l’austérité cénobitique, ils habitent à deux ou trois dans des cellules. Leur moindre désir est d’être gouvernés par les soins et l’autorité d’un abbé. Bien au contraire, ils font leur principale affaire de rester libres du joug des anciens, afin de garder toute licence d’accomplir leurs caprices, de sortir, d’errer où il leur plaît, de faire ce qui les flatte. Chose curieuse, il arrive même qu’ils travaillent plus que les cénobites; mal contents d’y passer le jour, ils y donnent encore la nuit. Mais non pas dans les mêmes pensées de foi ni avec le même but. Ce qu’ils en font, n’est point du tout pour abandonner le fruit de leur travail à la libre disposition d’un économe, mais pour gagner de l’argent et le mettre en réserve. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Les cénobites, sans pensée du lendemain, offrent à Dieu le fruit de leurs sueurs comme une hostie agréable; les sarabaïtes étendent le souci de leur âme infidèle, non seulement au lendemain, mais à une longue suite d’années, et font Dieu menteur ou dénué de ressources, comme s’il ne pouvait ou ne voulait pas tenir sa promesse, de donner en suffisance le pain quotidien et le vêtement. Les premiers souhaitent de tous leurs voeux le dépouillement total et la pauvreté perpétuelle, les seconds, l’abondance de tous les biens. Les uns s’efforcent à l’envi de dépasser la mesure de travail prescrite, mais afin qu’après avoir suffi aux saints usages du monastère, le reste soit dépensé, selon le jugement de l’abbé, aux prisonniers, aux hospices pour les étrangers, aux hôpitaux, aux indigents; les autres n’ont pour but que de satisfaire, avec le superflu de leur gourmandise, une fantaisie dépensière ou une coupable avarice. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Mais je veux que parfois les sarabaïtes emploient mieux l’argent qu’ils n’ont pas amassé à bonne intention. Même alors, ils n’approchent pas de la vertu des cénobites ni de leur perfection. Ceux-ci, dans le temps qu’ils procurent au monastère de si gros revenus, et chaque jour en font un généreux abandon, persévèrent néanmoins dans une humilité et soumission profonde, n’ayant la libre disposition, ni de leur personne, ni de ce qu’ils gagnent à la sueur de leur front; de plus, par ce dépouillement quotidien du fruit de leur travail, ils renouvellent sans cesse la ferveur de leur premier renoncement. Ceux-là conçoivent de l’élèvement par là même qu’ils font quelque largesse aux pauvres, et chaque jour qui passe les précipite à leur perte. La patience et la fidélité rigoureuse avec lesquelles les premiers persévèrent dévotement dans la profession qu’ils ont une fois embrassée, n’accomplissant jamais leurs volontés, en fait tous les jours des crucifiés au monde et des martyrs vivants; la tiédeur et le caprice des seconds les ensevelit dans l’enfer. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Les deux premières espèces de moines, cénobites et anachorètes, se balancent à peu près pour le nombre, dans cette province mais dans les autres que les nécessités de la foi catholique m’ont forcé de parcourir, la troisième espèce, celle des sarabaïtes, pullule et se voit presque seule. Au temps de Lucius, qui était un évêque vendu à la perfidie arienne, alors que Valens gouvernait le monde, je dus porter le fruit d’une collecte à nos frères qui, de l’Égypte et de la Thébaïde, avaient été relégués dans les mines du Pont et de l’Arménie, pour leur fidélité a la foi catholique. Je pus voir, en quelques villes, des traces bien rares de vie cénobitique, pour les anachorètes, je ne sache pas que le nom même y ait jamais été entendu. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Quelle différence y a-t-il entre une maison de cénobites et un monastère ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

GERMAIN. — Y a-t-il quelque différence entre une maison de cénobites et un monastère, ou sont-ce là deux noms pour une même chose ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

PIAMUN. — Plusieurs emploient indifféremment ces deux appellations, de monastère et de maison de cénobites. Il y a pourtant cette différence : le monastère désigne seulement le logis, l’endroit même on habitent des moines; la maison de cénobites signifie en même temps le caractère de la profession et le genre de vie. De plus, on peut appeler monastère la demeure d’un seul moine; l’autre appellation, au contraire, ne convient qu’aux maisons où nombre de personnes vivent en commun sous le même toit. On donne aussi le nom de monastère aux lieux habités par les associations de sarabaïtes. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Au surplus, il ne faudra pas s’étonner que des pervers et des criminels se cachent au milieu des saints. Tant que nous sommes roulés et broyés sur l’aire de ce monde, il est inévitable que la paille destinée pour le feu éternel se trouve mêlée au pur froment. Souvenons-nous, qu’il y eut un Satan parmi les anges, un Judas sur le nombre des apôtres, un Nicolas, auteur d’une hérésie monstrueuse, entre les diacres : et nous ne serons plus surpris de découvrir, dans les rangs des saints, des hommes perdus de mal. Certains, je le sais, soutiennent que ce Nicolas n’est pas celui que les apôtres choisirent pour l’oeuvre du ministère; mais ils ne peuvent nier qu’il n’ait compté parmi ces disciples d’une perfection si éminente, dont nous trouvons à peine quelques rares imitateurs parmi les cénobites de nos jours. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

La vie anachorétique, dont vous admirez si fort que je sois sorti, fit-il, est loin de m’inspirer de l’éloignement ou du mépris. Je la révère, au contraire, l’aime et l’approuve de toute mon âme. Après trente années passées dans un monastère de cénobites, j’en ai donné vingt au désert; et je me réjouis d’y avoir été tel, que je ne fusse point noté tout à fait de lâcheté parmi ceux qui s’y montraient au moins médiocres. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Et maintenant, laissez-moi vous faire un exposé rapide des avantages que je trouve dans la vie cénobitique. S’ils balancent ceux de la solitude, vous en jugerez vous-mêmes, lorsque j’aurai terminé. Vous verrez également par mon discours si c’est le dégoût ou bien plutôt le désir de la pureté que je cherchais autrefois dans le désert, qui m’a décidé à m’enfermer dans un monastère de cénobites. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Ceci arrive particulièrement à ceux qu’un désir prématuré de la vie solitaire a portés au désert, avant qu’ils aient été bien formés dans les monastères de cénobites et se soient débarrassés de leurs vices anciens. Ils restent toujours imparfaits dans l’un et l’autre état, toujours fragiles, penchant où les pousse le moindre souffle de leurs émotions. La compagnie des frères et le dérangement qu’ils en éprouvent les font bouillonner d’impatience. Retrouvent-ils leur solitude, ils ne peuvent supporter le silence sans bornes qu’ils ont souhaité. Mais quoi ? ils ne savent même pas quelle fin la solitude est désirable, et s’imaginent que le tout, l’essence de la perfection consiste à éviter la compagnie des frères et à fuir comme une peste la vue des humains. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Question : Quel sera le remède pour ceux qui ont quitté prématurément les monastères de cénobites ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Tandis qu’il se condamne par ces reproches mêlés de repentir, il ne laissera pas impunie l’émotion à laquelle il s’est laissé surprendre. Mais il châtiera plus durement sa chair par les jeûnes et les veilles; il expiera, dans le labeur d’une continuelle abstinence, la faute échappée à sa mobilité : de manière à consumer dans la solitude ce qu’il aurait dû réduire, lorsqu’il vivait parmi les cénobites. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Il n’y chercha point la solitude du désert ni le calme de la vie solitaire, on l’on voit parfois se jeter, avec une orgueilleuse présomption, des moines imparfaits, qui ne veulent plus porter le labeur de l’obéissance parmi les cénobites; mais il choisit le joug de la vie commune dans ce monastère célèbre. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE

Ceux-là pratiquent spécialement cette vertu, qui vivent dans les maisons de cénobites. L’autorité d’un ancien les conduit; et ils ne font rien de leur propre mouvement, mais leur volonté dépend de la volonté de l’abbé. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM