Gregório de Nissa: parole

Où est l’hérésie des Anoméens ? Que disent-ils contre cette parole ? Comment en ce que nous avons dit défendront-ils une opinion qui ne repose sur rien ? Diront-ils qu’une image unique peut ressembler à des formes variées ? Si le Fils n’a pas une nature semblable à celle du Père, comment fera-t-il une seule image de natures différentes ? Celui qui dit, en effet, « Faisons l’homme à notre image » et qui emploie le pluriel pour désigner la Sainte Trinité, ne parlerait pas d’image au singulier, si précisément les modèles n’étaient semblables les uns aux autres. Car il est impossible de donner un portrait unique de personnes dissemblables. Si donc les natures étaient différentes, les images aussi seraient différentes et pour chaque personne il y aurait une image. Mais si l’image est unique sans que le modèle le soit, on doit conclure, à moins d’avoir perdu la raison, que des êtres semblables à un être unique le sont également entre eux . Aussi l’Écriture, sans doute pour couper court à cette hérésie, dit, à propos de la création de la vie humaine : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. VI

En particulier, les mains lui sont, pour les besoins du langage, d’une aide particulière. Quelqu’un qui verrait dans l’usage des mains le propre d’une nature rationnelle ne se tromperait pas du tout, non seulement pour cette raison couramment admise et facile à comprendre qu’elles nous permettent de représenter nos paroles par des lettres (c’est bien en effet une des marques de la présence de la raison de s’exprimer par les lettres et d’une certaine façon de converser avec les mains, en donnant par les caractères écrits de la persistance aux sons), mais pour ma part j’ai en vue autre chose lorsque je parle de l’utilité des mains pour la formation de la parole. VIII

Puisque l’homme était un vivant apte à la parole, il fallait que l’instrument de son corps fût construit en rapport avec les besoins du langage. De même que les musiciens travaillent tel genre de musique selon la nature des instruments et qu’ils ne jouent pas de la flûte avec un luth ou de la cithare avec une flûte, ainsi la parole devait avoir des organes appropriés, afin que, élaborée par les parties aptes à la voix, elle puisse rendre un son répondant aux besoins du discours . VIII

A cette fin les mains ont été articulées au corps. Sans doute peut-on dénombrer par milliers les besoins de la vie où la finesse de ces instruments qui suffisent à tout a servi l’homme dans la paix comme dans la guerre ; pourtant c’est avant tout pour le langage que la nature a ajouté les mains à notre corps. Si l’homme en était dépourvu, les parties du visage auraient été formées chez lui, comme celles des quadrupèdes, pour lui permettre de se nourrir : son visage aurait une forme allongée, amincie dans la région des narines, avec des lèvres proéminentes, calleuses, dures et épaisses, afin d’arracher l’herbe ; il aurait entre les dents une langue toute autre que celle qu’il a, forte en chair, résistante et rude, afin de malaxer en même temps que les dents les aliments ; elle serait humide, capable de faire passer ces aliments sur les côtés, comme celle des chiens ou des autres carnivores, qui font couler les leurs au milieu des interstices des dents. Si le corps n’avait pas de mains, comment la voix articulée se formerait-elle en lui ? La constitution des parties entourant la bouche ne serait pas conforme aux besoins du langage. L’homme, dans ce cas, aurait dû bêler, pousser des cris, aboyer, hennir, crier comme les boeufs ou les ânes ou faire entendre des mugissements comme les bêtes sauvages. Mais puisque la main a été donnée au corps, la bouche peut sans difficultés s’occuper de servir à la parole. Aussi les mains sont bien la caractéristique évidente de la nature rationnelle : le modeleur de notre nature nous rend par elles le langage facile. VIII

Ainsi c’est grâce à cette organisation que l’esprit, comme un musicien, produit en nous le langage et que nous devenons capables de parler. Ce privilège, jamais sans doute nous ne l’aurions, si nos lèvres devaient assurer, pour les besoins du corps, la charge pesante et pénible de la nourriture. Mais les mains ont pris sur elles cette charge et ont libéré la bouche pour le service de la parole. X

Dans cet organisme il y a une double activité, l’une pour l’émission du son, l’autre pour l’impression des objets venus de l’extérieur. Entre les deux il n’y a pas mélange, mais chacune demeure dans la fonction que lui a assignée la nature, sans venir troubler la voisine : ainsi l’oreille n’a pas à parler ni la voix à entendre. Mais celle-ci est toujours prête à émettre la parole et l’oreille toujours prête à la recevoir ; cependant elle ne se remplit pas, comme dit Salomon : chose, selon moi, la plus extraordinaire de toutes celles qui se passent en nous ! Car quelles sont les dimensions de l’intérieur de l’oreille, où s’écoule tout ce qui entre en nous par son moyen ? Où sont les secrétaires pour transcrire les paroles qui y pénètrent ? Où sont reçus les objets qui sont déposés ? Comment, dans la diversité des sons qui de partout s’y précipitent les uns sur les autres, l’esprit n’est-il pas confondu et égaré pour discerner la place respective de chacun d’eux ? X

Pour ma part, je trouve la solution de ces difficultés dans le recours à cette parole de Dieu : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance ». L’image n’est vraiment image que dans la mesure où elle possède tous les attributs de son modèle ; dans la mesure où elle déchoit de la ressemblance avec son prototype, par ce côté-là elle n’est plus image. Comme l’une des propriétés de la nature divine est son caractère insaisissable, en cela aussi l’image doit ressembler à son modèle. Si la nature de l’image pouvait être « saisie », tandis que le modèle est au-dessus de notre « prise », cette diversité d’attributions prouverait l’échec de l’image. Mais puisque nous n’arrivons pas à connaître la nature de notre esprit, qui est à l’image de son Créateur, c’est qu’il possède en lui l’exacte ressemblance avec Celui qui le domine et qu’il porte l’empreinte de la nature « insaisissable » par le mystère qui est en lui . XI

Revenons à la parole de Dieu : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance » . Certains « philosophes de l’extérieur » ont eu sur l’homme des idées vraiment mesquines et indignes de sa noblesse. Ils ont cru glorifier l’humanité en la comparant à ce monde-ci. Ils appellent l’homme un « microcosme », composé des mêmes éléments que l’univers . Par ce nom pompeux, ils ont voulu faire l’éloge de notre nature, mais ils n’ont pas vu que ce qui faisait pour eux la grandeur de l’homme appartenait aussi bien aux cousins et aux souris. Ceux-ci sont composés des quatre éléments, comme absolument tous les êtres animés, à un degré plus ou moins grand, en sont formés, car sans eux aucun être sensible ne peut subsister. Quelle grandeur y a-t-il pour l’homme a être l’empreinte et la ressemblance de l’univers ? Ce ciel qui tourne, cette terre qui change, ces êtres qui y sont enfermés passent avec ce qui les entoure. XVI

Selon l’Église, en quoi consiste la grandeur de l’homme? Non à porter la ressemblance de l’univers créé, mais à être à l’image de la nature de celui qui l’a fait. Quel est le sens de cette attribution d’« image » ? Comment, dira-t-on, l’incorporel est-il semblable au corps ? Comment ce qui est soumis au temps est-il semblable à l’éternel ? Ce qui se modifie à ce qui ne change pas ? À ce qui est libre et incorruptible ce qui est soumis aux passions et à la mort ? À ce qui ne connaît pas le vice ce qui en tout temps habite et grandit avec lui ? Il y a une grande différence entre le modèle et celui qui est « à l’image ». Or l’image ne mérite parfaitement son nom que si elle ressemble au modèle. Si l’imitation n’est pas exacte, on a affaire à quelque chose d’autre, mais non à une image. Comment donc l’homme, cet être mortel, soumis aux passions et qui passe vite, est-il image de la nature incorruptible, pure et éternelle ? Seul celui qui est la vérité sait clairement ce qu’il en est. Pour nous, selon notre capacité, par des conjectures et des suppositions, nous suivrons la vérité à la trace. Voici donc sur ces points ce que nous supposons : D’un côté, la parole divine ne ment pas, lorsqu’elle fait de l’homme l’image de Dieu ; de l’autre, la pitoyable misère de notre nature n’a pas de commune mesure avec la béatitude de la vie impassible. Il faut choisir : quand nous mettons en comparaison Dieu et notre nature, ou la divinité est soumise aux passions, ou l’humanité est établie dans la liberté de l’esprit, si l’on veut chez les deux à la fois parler de ressemblance. Mais si ni la divinité ne connaît les passions ni notre nature ne les exclut, avons-nous un moyen de vérifier l’exactitude de la parole divine : « L’homme a été fait à l’image de Dieu » ? Revenons à la divine Écriture elle-même pour voir si la suite du récit ne donnera pas à nos recherches quelque fil conducteur. Après la parole : « Faisons l’homme à notre image » et après avoir indiqué la fin de cette création, elle poursuit : « Dieu fit l’homme et Il le fit à son image. Il les fit mâle et femelle…». Déjà précédemment, on a vu que cette parole a été proférée à l’avance contre l’impiété des hérétiques, afin de nous apprendre que, si Dieu le Fils unique fit l’homme « à l’image de Dieu », il n’y a pas de différence à mettre entre la divinité du Père et celle du Fils, puisque la Sainte Écriture les appelle Dieu l’un et l’autre, celui qui a fait l’homme et celui à l’image de qui il a été fait. Mais laissons ce point pour revenir à notre sujet : Comment, si la divinité est heureuse et l’humanité malheureuse, se peut-il que l’Écriture dise celle-ci « à l’image » de celle-là ? XVI

Malgré tout, quelqu’un rougit peut-être de la nécessité où nous sommes de manger comme les animaux pour entretenir notre vie et il en conclut qu’il est indigne de croire l’homme à l’image de Dieu. EH bien ! qu’il espère que cette charge sera un jour enlevée à la nature dans la vie que nous attendons : « Le royaume de Dieu, comme dit l’Apôtre, n’est pas manger et boire » et le Seigneur a affirmé que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu . La résurrection fera paraître en nous une vie semblable à celle des anges. Or pour les anges, il n’est pas question de manger. Nous avons donc tout ce qu’il faut pour croire qu’un jour l’homme sera débarrassé de cette charge, lui qui vivra comme les anges. XVIII

Quand donc on parle de la plantation de Dieu dans l’Eden (Eden signifie «jouissance»), il faut penser à un fruit en rapport avec elle et ne pas hésiter à en faire la nourriture de l’homme, sans songer pour cette vie du paradis à notre nourriture passagère et fuyante : « Vous mangerez, dit Dieu, de tout arbre qui est dans le Paradis. » Qui donnera à celui qui a la véritable faim cet arbre-là, celui qui est dans le paradis, cet arbre qui renferme tout bien, qui est désigné par ce mot « tout », et dont l’Écriture accorde à l’homme la participation ? En ce mot qui désigne un ensemble et s’élève au-dessus de tout, est contenu naturellement l’idée de tout bien et par un seul arbre est signifié le tout. Qui m’écartera au contraire de goûter à cet arbre mélangé et participant de deux genres ? Ceux qui y regardent de près voient clairement quel est ce « tout », dont le fruit est la vie et aussi quel est cet arbre au fruit mélangé, dont le terme est la mort ? Celui, en effet, qui remet sans réserve à l’homme la jouissance du tout, le détourne absolument par ses paroles et ses conseils de toucher à ces biens « mélangés » . Pour interpréter cette parole, les meilleurs maîtres me semblent être le grand David et le sage Salomon. Tous les deux pensent que le bienfait unique de la jouissance qui nous est accordée, c’est le vrai Bien lui-même, qui est précisément « tout bien ». David dit : « Jouissez du Seigneur » et Salomon nomme « arbre de vie cette Sagesse même » qui est le Seigneur. XIX

Tous les patriarches qui entourent Abraham eurent le désir de voir la béatitude et ils ne cessèrent d’espérer la patrie céleste, comme dit l’Apôtre. Cependant ils demeurent encore dans l’espoir de ce bienfait, tandis que Dieu dispose les choses pour notre bien, selon la parole de l’Apôtre, afin, dit-il, qu’ils ne parviennent pas au terme sans nous. Si donc ceux qui viennent de loin supportent ce délai, si la seule vue de ces biens par la foi et l’espérance n’a pas empêché leur amour, selon l’Apôtre, et s’ils se reposent dans la certitude de la jouissance future sur la foi de la promesse, que doivent faire beaucoup d’entre nous, dont la vie ne manifeste guère l’espoir de ces biens supérieurs ? L’âme du prophète défaillait de désir et il avoue dans les Psaumes l’amour dont il est possédé, disant qu’il ne se tient plus d’être dans la maison du Seigneur, même si on doit le mettre à la dernière place. Car il préfère sans comparaison y être le dernier, plutôt que d’être le premier sous les tentes de ceux qui passent leur vie dans le péché. Pourtant il supportait ce délai, alors qu’il n’avait de bonheur que dans l’au-delà et aimait mieux quelques instants avec Dieu que mille années sur terre. « Un seul jour dans vos demeures vaut mieux que mille ans » , dit-il. Il ne trouvait pas mauvais le gouvernement nécessaire du monde et il lui paraissait suffisant au bonheur de l’humanité de ne l’avoir vu qu’en espérance. C’est pourquoi, à la fin de son Psaume, il dit : « Seigneur, Dieu des puissances, bienheureux l’homme qui espère en toi. » Nous non plus, nous ne devons pas resserrer nos coeurs, si la réalisation de nos espérances tarde un peu ; nous devons plutôt mettre tous nos soins à ne pas en être exclus. XXII

Si quelqu’un, considérant le déroulement régulier de l’univers, par lequel il se fait une idée de l’espacement temporel, avoue ne pas admettre cet arrêt de tout mouvement prédit dans l’Écriture, cet homme-là évidemment ne croit pas davantage qu’à l’origine Dieu ait donné l’existence au ciel et à la terre. Celui qui reconnaît une origine au mouvement n’a pas un doute sur son terme et celui qui ne lui reconnaît pas un terme n’en admet pas non plus le commencement. Nous, de même que nous pensons que l’agencement harmonieux des siècles est l’oeuvre de la parole divine, croyant, comme dit l’Apôtre, que le visible vient de l’invisible, nous portons la même foi en la parole de Dieu, qui nous prédit l’arrêt nécessaire des choses. XXIII

Si un agriculteur explique la puissance cachée dans une semence et si l’homme à qui il parle, ignorant l’agriculture, ne le croit pas sur parole, il suffit au paysan, pour prouver ce qu’il dit, de montrer dans une seule semence ce qu’il y a dans toutes celles d’un « médimne » et par elle de se porter garant de tout le reste. Quand on a vu un seul grain de blé ou d’orge ou toute autre graine contenue dans un « médimne » devenir un épi après son ensemencement en terre, on ne peut pas plus douter de l’ensemble que d’un seul. Aussi, à mon avis, le mystère de la Résurrection est suffisamment, prouvé, si les autres prédictions sont reconnues justes. Bien plus, nous avons l’expérience de la Résurrection et nous en sommes instruits, non pas tant par des discours, que par les faits eux-mêmes. Étant donné que la Résurrection constitue une merveille incroyable, le Christ commence par des miracles moins extraordinaires et habitue doucement notre foi à de plus grands. Une mère qui adapte la nourriture à son enfant, allaite de son sein au début la bouche encore tendre et humide ; puis, quand poussent les dents et que l’enfant grandit, elle ne commence pas à lui offrir un pain dur et impossible à digérer, qui par sa rudesse blesserait des gencives molles et sans exercice, mais avec ses propres dents elle mâche le pain, pour le mesurer et l’adapter à la force de celui à qui elle le donne ; enfin, quand le permet le développement des forces de l’enfant, elle le conduit doucement de nourritures plus tendres à une nourriture plus solide. Ainsi le Seigneur, vis-à-vis de la faiblesse de l’esprit humain : nous nourrissant et nous allaitant par des miracles comme un enfant encore imparfait, il donne d’abord une idée de la puissance qu’il a pour nous ressusciter par la guérison d’un mal incurable : cette action est grande, mais pas telle que nous ne puissions y croire. XXV

Quatre jours s’étaient écoulés depuis l’événement ; les rites habituels avaient été accomplis pour le mort et le corps était déposé dans le tombeau. Sans doute le cadavre se gonflait déjà ; il commençait à se corrompre et à se dissoudre dans les profondeurs de la terre, selon les lois normales. C’était un objet à fuir, lorsque la nature se vit contrainte de rendre de nouveau à la vie ce qui déjà se dissolvait et était d’une odeur repoussante. Alors l’oeuvre de la résurrection universelle est amenée à l’évidence par une merveille que tous peuvent constater. Il ne s’agit pas ici d’un homme qui se relève d’une maladie grave ou qui, près du dernier soupir, est ramené à la vie ; il ne s’agit pas de faire revivre un enfant qui vient de mourir ou de délivrer du cercueil un jeune homme que l’on portait en terre. Il s’agit d’un homme âgé qui est mort et dont le cadavre, déjà flétri et gonflé, tombe en dissolution au point que ses proches ne supportent pas de faire approcher le Seigneur du tombeau, à cause de la mauvaise odeur du corps qui y est déposé. Or cet homme, par une seule parole, est rendu à la vie et ainsi est fondée l’assurance de la Résurrection : ce que nous attendons pour le tout, nous l’avons concrètement réalisé sur une partie. De même, en effet, que dans la rénovation de l’univers, comme dit l’Apôtre, le Christ lui-même descendra en un clin d’oeil, à la voix de l’Archange, et par la trompette fera lever les morts pour l’immortalité , de la même façon maintenant celui qui, au commandement donné, secoue dans le tombeau la mort comme on secoue un songe et qui laisse tomber la corruption des cadavres qui l’atteignait déjà, bondit du tombeau dans son intégrité et en pleine santé, sans que les bandelettes qui entourent ses pieds et ses mains l’empêchent de sortir. XXV

Est-ce là peu de chose pour fonder notre foi en la Résurrection des morts ? Cherchez-vous encore d’autres témoignages pour confirmer votre jugement sur ce point ? EH bien ! Ce n’est pas sans raison, je crois, que le Seigneur, voulant traduire la pensée des hommes à son sujet, dit ces mots aux Capharnaïtes : « Sans doute, m’appliquerez-vous ce proverbe : « Médecin, guéris-toi toi-même. » Celui qui sur les corps des autres a habitué les hommes à la merveille de la Résurrection devait affermir sur lui-même la foi en sa parole. Vous voyez qu’un appel de lui produit son effet chez les autres : des hommes sur le point de mourir, l’enfant qui vient à peine d’expirer, le jeune homme porté au tombeau, le mort déjà corrompu, tous, à un seul commandement, sont rappelés également à la vie. Vous demandez où sont ceux qui sont morts dans des blessures et dans le sang, afin que la défaillance en ce point de sa puissance vivifiante n’amène pas le doute sur ses bienfaits : voyez celui dont les mains ont été transpercées par les clous, voyez celui dont le côté a été traversé par la lance. Portez vos doigts à l’endroit des clous. Avancez votre main dans la blessure faite par la lance. Vous pourrez constater de combien la pointe de celle-ci a dû s’enfoncer à l’intérieur, en calculant sa pénétration par la largeur de la blessure. La plaie laisse la place à une main d’homme ! Vous pouvez supposer combien le fer est allé profond. Si cet homme est ressuscité, on peut bien conclure en redisant le mot de l’Apôtre : « Comment certains disent-ils qu’il n’y a pas de Résurrection des morts ? » XXV

Coupons court à ces longs circuits d’une vaine raison : nous reconnaissons que le corps se dissout dans les éléments dont il était composé. Non seulement, selon la parole divine, la terre retourne à la terre, mais l’air, l’humide, retournent à ce qui est de la même espèce qu’eux et chacun des éléments de notre être passe aux éléments correspondants, que le corps humain ait été dévoré par des oiseaux carnivores ou par des bêtes sauvages et se trouve changé en eux, qu’il soit venu même sous la dent des poissons ou que le feu l’ait transformé en vapeur et en poussière. Où que, par hypothèse, notre raisonnement emporte l’homme, il est toujours à l’intérieur du monde. Or le monde est contenu dans la main de Dieu, comme nous l’enseigne l’Écriture inspirée . Si vous n’ignorez pas l’objet que vous tenez en main, croyez-vous que la connaissance de Dieu ait moins de force que la vôtre, comme si elle ne pouvait découvrir avec exactitude ce qui est enfermé dans l’empan divin ? XXVI