paraboles (Orígenes)

Mais ils diront : Dieu est invisible. Que ferez-vous alors ? Si vous le dites invisible par nature, il ne sera même pas visible pour le Sauveur. Bien plus, le Dieu Père du Christ est vu selon l’Écriture puisque : qui a vu le Fils a vu aussi le Père. Cette parole, qui vous gêne fortement, est comprise par nous plus justement non de la vision mais de la compréhension. Celui qui a compris le Fils a compris aussi le Père. C’est ainsi qu’on pense que Moïse a vu Dieu, non pas en le regardant avec les yeux charnels, mais en le comprenant par la vue du coeur et le sens de l’intelligence, et cela seulement en partie. Il est dit en effet clairement par celui qui répondait à Moïse : Tu ne verras pas ma face, mais mon dos. Tout cela est assurément à comprendre selon le mystère habituel aux paroles divines, en rejetant certes et en méprisant ces fables de bonne femme, oeuvres d’ignorants, qui imaginent en Dieu une face et un dos. Que personne ne nous attribue une pensée impie lorsque nous disons que Dieu n’est même pas visible pour le Sauveur, mais qu’il considère les distinctions que nous devons utiliser pour traiter avec les hérétiques. Nous avons dit en effet qu’autre chose est voir et être vu, autre chose connaître et être connu. Voir et être vu sont donc le propre des corps et ne peuvent être appliqués aux relations réciproques du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Car la nature de la Trinité excède les capacités de la vue, tout en accordant à tous les êtres corporels, c’est-à-dire à tous les autres êtres, les créatures, la possibilité de voir dans leurs relations réciproques, mais à une nature incorporelle, et surtout à une nature intellectuelle, ne conviennent que connaître et être connu, selon cette parole du Sauveur : Personne ne connaît le Fils sinon le Père, ni le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. Il a dit fort clairement, non : Personne ne voit sinon le Fils, mais : Personne ne connaît sinon le Fils. Mais si, à cause de ce qui est dit dans l’Ancien Testament sur Dieu qui s’irrite, se repent, ou éprouve toute autre passion humaine, les hérétiques pensent avoir de quoi nous réfuter, puisqu’ils affirment qu’on doit se représenter Dieu comme absolument impassible et exempt de tout sentiment de cette sorte, il faut leur montrer que même dans les paraboles évangéliques on trouve des expressions semblables : par exemple celui qui planta une vigne, la loua à des agriculteurs qui tuèrent les serviteurs qu’il leur envoya et à la fin mirent à mort même son fils qu’il leur avait député, est dit s’être mis en colère, leur avoir enlevé la vigne, avoir fait périr ces mauvais agriculteurs et avoir confié la vigne à d’autres disposés à lui remettre les fruits au moment voulu. On peut citer aussi ces concitoyens qui, après que le père de famille fut parti pour recevoir la royauté, dépêchèrent à sa suite des envoyés pour dire : Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous ; et quand il revint, ayant obtenu la royauté, le père de famille irrité les fit tuer en sa présence et détruire leur ville par le feu. Mais nous, lorsque nous voyons l’Ancien ou le Nouveau Testament parler de la colère de Dieu, nous ne prenons pas à la lettre ce qui y est dit, mais nous y cherchons une compréhension spirituelle, pour penser selon une intelligence digne de Dieu. Lorsque nous avons commenté ce verset du Psaume 2 : Alors il leur parlera dans sa colère et les épouvantera dans sa fureur, nous avons montré comment il fallait entendre cela, comme nous l’avons pu, avec les faibles ressources de notre intelligence. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Examinons aussi le passage évangélique où le Sauveur répond à ceux qui lui demandent pourquoi il parle à la foule en paraboles : pour que, dit-il, voyant, ils ne voient pas et entendant, ils entendent et ne comprennent pas, de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné. On trouve de même chez Paul : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui a miséricorde. Et ailleurs : Le vouloir et l’agir viennent de Dieu. Ailleurs encore : Il a donc pitié de celui qu’il veut et il endurcit celui qu’il veut. Tu me diras donc: Que blâme-t-il encore ? Qui s’est opposé à sa volonté ? [Et : La persuasion vient de celui qui appelle, et non de nous]. Effectivement, homme, qui es-tu pour répondre à Dieu ? Ce qui est façonné dira-t-il à celui qui l’a façonné: Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Est-ce que le potier qui travaille l’argile n’a pas le pouvoir de faire à partir de la même pâte tel vase pour un usage honorable, tel autre pour un usage sans honneur ? Ces textes par eux-mêmes peuvent troubler la foule et faire croire que l’homme n’a pas de libre arbitre, mais que Dieu sauve ou perd ceux qu’il veut. Traité des Principes: Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Il y avait ensuite cette parole de l’Évangile, quand le Seigneur expliquait pourquoi il parlait en paraboles aux gens du dehors, pour que voyant ils ne voient pas et entendant ils ne comprennent pas, de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné. Et l’opposant dira : Puisque de toutes façons ceux-ci se convertissent lorsqu’ils ont entendu l’enseignement le plus clair, et de telle manière qu’ils deviennent dignes de recevoir la rémission des péchés, puisque, en outre, il n’est pas en leur pouvoir d’entendre les paroles plus claires, mais au pouvoir du Maître – et c’est pourquoi le Maître ne les leur annonce pas plus clairement, de peur qu’ils ne voient et qu’ils ne comprennent -, il n’est pas en leur pouvoir d’être sauvés. S’il en est ainsi, nous n’avons pas de libre arbitre en ce qui concerne le salut ou la perdition. On aurait pu justifier ce passage d’une façon convaincante, si le Christ n’avait pas ajouté : de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné : dans ce cas le Seigneur ne voulait pas que ceux qui ne devaient pas être des hommes honnêtes pussent comprendre les réalités plus mystiques, et c’est pourquoi il leur parlait en paraboles. Mais maintenant, puisque ces paroles : de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné, sont écrites, la justification est plus difficile. Traité des Principes: Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Nous disions, quand nous examinions le cas de Pharaon, que parfois il n’est pas bon pour ceux qui sont soignés de l’être trop rapidement, si, étant tombés par eux-mêmes dans des difficultés, ils étaient ainsi éloignés plus aisément de ce en quoi ils étaient tombés : car ils méprisent alors le mal, le considérant comme facile à guérir, et une autre fois, ne prenant pas garde à l’éviter, ils y resteront. C’est pourquoi dans des cas semblables, le Dieu éternel qui connaît les secrets, lui qui sait toute chose avant qu’elle ne se produise, diffère dans sa bonté de leur apporter un secours qui serait autrement trop rapide et, pour ainsi dire, il les secourt en ne les secourant pas, car cela leur est utile. Vraisemblablement ceux du dehors, à qui s’appliquait cette parole, le Sauveur voyait, selon le texte proposé, qu’ils ne seraient pas solides dans leur conversion, s’ils entendaient distinctement ce qui leur était dit, et c’est pourquoi le Seigneur a fait en sorte qu’ils n’entendent pas plus clairement les paroles plus profondes, de peur que, trop vite convertis et guéris en obtenant la rémission, méprisant comme bénignes et faciles à guérir les blessures de la malice, ils n’y retombent bien vite. Peut-être, subissant alors la peine des péchés qu’ils ont commis autrefois contre la vertu en l’abandonnant, n’ont-ils pas encore atteint le temps convenable où, après avoir été privés des visites divines et rassasiés par les maux qu’ils ont eux-mêmes semés, ils seront appelés plus tard à une pénitence plus solide, et ne retomberont pas si vite dans les maux où auparavant ils sont tombés, quand ils insultaient la dignité du bien et qu’ils se livraient au pire. Ceux qui sont dehors, évidemment par comparaison avec ceux du dedans, ne se trouvant pas totalement éloignés de ceux du dedans, alors que ces derniers entendent clairement, entendent de manière obscure parce qu’il leur est parlé en paraboles : ils entendent cependant. D’autres que ceux du dehors, ceux qui sont appelés Tyriens, bien que le Seigneur ait prévu qu’ils auraient fait déjà pénitence assis dans le sac et la cendre, si le Sauveur s’était approché de leurs frontières, n’entendent même pas ce qu’entendent ceux du dehors, comme c’est vraisemblable, car ils sont plus loin de la dignité de ceux du dehors ; mais à un autre moment, après que leur sort sera devenu plus supportable que celui de ceux qui n’ont pas accueilli la Parole – c’est à leur sujet que le Seigneur mentionne aussi les Tyriens -, ayant entendu d’une manière plus opportune, ils feront une pénitence plus solide. Traité des Principes: Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21: