En outre l’âme, qui possède une substance et une vie qui lui sont propres, lorsqu’elle aura quitté ce monde, recevra un sort conforme à ses mérites : ou bien elle obtiendra l’héritage de la vie éternelle et de la béatitude, si ses actions le lui valent, ou bien elle sera abandonnée au feu éternel et aux supplices, si les péchés commis par ses méfaits l’y entraînent; mais viendra le temps de la résurrection des morts, lorsque ce corps-ci, aujourd’hui semé dans la corruption, ressuscitera dans l’incorruption, aujourd’hui semé dans l’ignominie, ressuscitera dans la gloire. Le point suivant est aussi défini par la prédication ecclésiastique : toute âme raisonnable est douée de libre arbitre et de volonté. Elle est en lutte avec le Diable et ses anges, ainsi qu’avec les puissances contraires, car ils s’efforcent de la charger de péchés : mais si nous vivons droitement et avec réflexion, nous nous efforçons de nous débarrasser de telles souillures. Il faut donc comprendre que nous ne sommes pas soumis à la nécessité et que nous ne sommes pas forcés de toute manière, même contre notre gré, de faire le mal ou le bien. Si nous sommes doués de libre arbitre, certaines puissances peuvent bien nous pousser au mal et d’autres nous aider à faire notre salut, nous ne sommes cependant pas contraints par la nécessité d’agir bien ou mal. Pensent le contraire ceux qui disent que le cours et les mouvements des étoiles sont la cause des actes humains, non seulement de ceux qui ne dépendent pas du libre arbitre, mais aussi de ceux qui sont en notre pouvoir. Traité des Principes: Préface d’Origène
Du Diable et de ses anges, ainsi que des puissances contraires, la prédication ecclésiastique a enseigné l’existence, mais elle n’a pas exposé assez clairement leur nature et leur manière d’être. On trouve cependant chez beaucoup l’opinion que le Diable a été un ange et que, devenu apostat, il a convaincu de nombreux anges de le suivre dans son éloignement : c’est pourquoi ces derniers sont appelés jusqu’à maintenant ses anges. Traité des Principes: Préface d’Origène
Il faut ensuite savoir que tout ce qui est raisonnable et s’écarte des limites et des décrets de la raison, sans aucun doute par sa désobéissance à ce qui est droit et juste, tombe dans le péché. Ainsi toute créature raisonnable est susceptible de recevoir louange ou accusation : louange si, suivant la raison qu’elle a en elle, elle progresse vers le mieux ; accusation, si elle s’écarte de la conduite et de la poursuite du bien, et c’est pourquoi elle est passible à bon droit de peines et de supplices. C’est ainsi qu’il faut penser au sujet du Diable lui-même et de ceux qui le suivent et sont appelés ses anges. Nous allons aussi exposer leurs noms pour savoir ce que sont les réalités dont nous allons parler. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)
Les noms de Diable, de Satan, de Malin, sont employés en de nombreux passages de l’Écriture pour désigner celui qui est décrit comme l’ennemi de Dieu. On y parle aussi des anges du Diable et du Prince de ce monde, terme dont on ne peut dire encore clairement s’il s’applique au Diable ou à un autre. Il y a des Princes de ce monde, possédant une certaine sagesse qui sera détruite : ces Princes sont-ils les mêmes que les Principautés contre lesquelles nous avons à lutter ou d’autres, il ne me paraît pas facile de se prononcer. Après ces Principautés, on nomme encore certaines Puissances contre qui nous avons à lutter et à porter le combat, mais nous avons aussi à le faire contre les Princes de ce monde et les Dirigeants de ces ténèbres : Paul nomme encore des esprits de malice dans les deux. Que dire des esprits malins et des démons impurs cités dans les évangiles ? Ensuite des êtres sont appelés d’un nom semblable, les Célestes ? mais ils sont dits fléchir ou devoir fléchir le genou au nom de Jésus ?, d’autres les Terrestres et les Infernaux que Paul énumère dans cet ordre. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)
Par ailleurs nous trouvons un même enseignement concernant une autre puissance contraire dans le prophète Isaïe : Comment est-il tombé du ciel, Lucifer, celui qui se levait à l’aurore ? Il a été brisé et abattu sur terre, celui qui attaquait toutes les nations. Tu as dit dans ton coeur: Je monterai au ciel, au-dessus des étoiles du ciel je placerai mon trône, je siégerai sur un mont plus haut que toutes les montagnes les plus élevées qui sont au nord, je monterai sur les nuées, je serai semblable au Très-Haut. Maintenant, au contraire, tu seras plongé dans l’Hadès et dans les profondeurs de la terre. Ceux qui t’auront vu seront dans la stupéfaction à ton sujet et diront: Voici l’homme qui irritait toute la terre, qui renversait les rois, qui a fait de toute la terre un désert, qui a détruit les villes et qui n’a pas libéré ceux qui se trouvaient en prison. Tous les rois des nations se sont endormis avec honneur, chacun dans sa maison; toi, tu seras jeté dans les montagnes comme un mort abominable, au milieu de nombreux morts qui ont été percés du glaive et sont descendus dans l’Hadès. Comme un vêtement durci et souillé par le sang ne sera pas pur, ainsi toi non plus tu ne seras pas pur, parce que tu as dévasté ma terre et tué mon peuple : tu ne demeureras pas éternellement, engeance très mauvaise. Prépare tes fils à être tués pour les péchés de leur père, pour qu’ils ne se relèvent plus, qu’ils ne possèdent plus le pays en héritage et qu’ils ne remplissent plus la terre de guerres. Je me lèverai contre eux, dit le Seigneur Sabaoth, et je ferai disparaître leur nom, leurs restes et leur semence. Gela montre très clairement qu’il est assurément tombé du ciel, celui qui était auparavant Lucifer et qui se levait à l’aurore. Si, comme certains le pensent, il était de la nature des ténèbres, comment l’appelle-t-on auparavant Lucifer ? Comment pouvait-il se lever à l’aurore, lui qui n’avait en lui rien de la lumière ? Mais le Seigneur lui-même nous enseigne ce qui suit du Diable : Voici que je vois Satan tombé du ciel comme la foudre. Il fut donc jadis lumière. Mais notre Seigneur, qui est la Vérité, a comparé cependant à la foudre la grandeur de sa venue glorieuse : Comme la foudre brille d’un sommet du ciel à un autre sommet du ciel, ainsi sera aussi la venue du Fils de l’homme. Et il compare malgré cela Satan à la foudre, et il dit qu’il est tombé du ciel pour montrer qu’il a été lui-même jadis dans le ciel, qu’il eut place parmi les saints, qu’il a participé à la lumière à laquelle tous les saints participent, cette lumière qui fait les anges de lumière et qui fait appeler les apôtres par le Seigneur lumière du monde. De la même manière, il était donc jadis lumière avant de prévariquer et de tomber en ce lieu, avant que sa gloire ne se change en poussière, ce qui est le propre des impies, comme le dit le prophète. Et c’est pourquoi il est appelé Prince de ce monde, c’est-à-dire de cette habitation terrestre; et il gouverne ceux qui l’ont suivi dans sa malice puisque ce monde tout entier ? j’appelle maintenant monde ce lieu terrestre ? est placé sous le pouvoir du Malin, c’est-à-dire de cet apostat. Il est donc un apostat ? c’est-à-dire un transfuge ?, et c’est le Seigneur qui le dit dans le Livre de Job : Tu prendras à l’hameçon le dragon apostat, c’est-à-dire transfuge. Il est certain en effet que ce dragon désigne le Diable. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)
Il faut savoir cependant que quelques-uns de ceux qui sont tombés de l’unité de ce commencement, nous l’avons dit plus haut, se sont livrés à une telle indignité et à une telle malice, qu’ils sont devenus indignes de cette instruction et de cette formation qui sont données au genre humain par le moyen de la chair avec l’aide des puissances célestes ; au contraire, ils sont les adversaires de ceux qui sont ainsi instruits et formés et ils les combattent. De là viennent les luttes et les combats qui remplissent toute la vie des mortels, car nous sommes sujets aux oppositions et aux attaques de ceux qui sont tombés de l’état supérieur sans aucun regret, ceux qu’on appelle le Diable et ses anges, et tous les autres ordres mauvais que l’Apôtre a nommés à propos des puissances malignes. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)
En outre, est-ce que quelques-uns de ces ordres qui agissent sous la domination du Diable et obtempèrent à sa malice pourront jamais dans les siècles futurs revenir à la bonté parce que reste en eux la faculté du libre arbitre ? Ou au contraire la malice durable et invétérée ne se changerait-elle pas, par l’habitude, d’une certaine façon en nature ? Que le lecteur juge s’il est possible que de toutes manières, soit dans les siècles des réalités visibles et temporelles, soit dans ceux des réalités invisibles et éternelles, cette partie de la création ne soit pas complètement séparée de cette unité et de cet accord final. Entre-temps cependant, tant dans les siècles des réalités visibles et temporelles que dans ceux des réalités invisibles et éternelles, tous sont gouvernés selon leur ordre, leur nature, leur mesure et la dignité de leurs mérites. Ainsi comme les uns dans les premiers temps et d’autres dans les seconds, certains même dans les derniers, passant par des supplices plus grands et plus lourds, et même durables et supportés, pour ainsi dire, pendant de nombreux siècles, sont réformés par des corrections plus pénibles et rétablis, étant instruits d’abord par les anges, puis même par les puissances des degrés supérieurs, pour être portés ainsi d’étape en étape aux réalités les plus hautes et parvenir à celles qui sont invisibles et éternelles, ayant exercé de cette façon une à une les fonctions des puissances célestes comme dans une sorte d’instruction. C’est ce que montre, à mon avis, la logique : chaque nature raisonnable peut passer d’un ordre à l’autre et parvenir à tous à travers chacun et à chacun à travers tous, puisque chaque être, à cause de la faculté du libre arbitre, est susceptible de progrès ou de déchéances variés, selon ses mouvements et efforts propres. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)
Selon nous, en réalité, dans toute créature raisonnable, il n’y a rien qui ne soit capable de bien autant que de mal. Mais en disant qu’il n’y a aucune nature qui ne puisse recevoir le mal, nous n’affirmons pas, en conséquence, que toute nature a reçu le mal, c’est-à-dire a été faite mauvaise : lorsqu’on dit que toute nature d’homme a la possibilité de naviguer, ce n’est pas pour cela que tout homme naviguera ; de même il est possible à tout homme d’apprendre la grammaire ou la médecine, mais cela ne veut pas dire que tout homme soit médecin ou grammairien. Pareillement, si nous disons qu’il n’y a pas de nature qui ne puisse recevoir le mal, il n’est pas indiqué nécessairement par là qu’elle ait reçu le mal ; réciproquement il n’y a pas de nature incapable de recevoir le bien, mais cela ne prouve pas en conséquence que toute nature ait reçu le bien. Selon nous, en effet, le Diable lui-même n’était pas incapable de bien, mais, du fait qu’il ait pu recevoir le bien, il ne s’ensuit pas qu’il l’ait voulu, ni qu’il ait pratiqué la vertu. Comme nous l’ont appris les passages prophétiques que nous avons invoqués, il fut jadis bon, lorsqu’il se trouvait dans le paradis de Dieu, au milieu des Chérubins. Il possédait la faculté de recevoir la vertu ou la malice, mais s’écartant de la vertu il s’est tourné vers le mal de toute son intelligence : ainsi les autres créatures, tout en possédant cette double faculté, ont fui le mal avec leur libre arbitre et adhéré au bien. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)