3. ” Seigneur Dieu, nous avons reçu votre miséricorde au milieu de votre temple (Psal. XLVII, 10. ” Quelle parole de reconnaissance, différente de ce gémissement : ” Votre miséricorde, ô mon Dieu, est dans le Ciel, et votre vérité s’élève jusqu’aux nues (Psal. XXXV, 6)! ” EH quoi, en effet, trouvez-vous que la miséricorde était au milieu du temple, lorsqu’elle ne se rencontrait qu’au milieu des seuls esprits célestes ? Mais lorsque le Christ se fut abaissé un peu au dessous des anges, et se fut fait médiateur entre les hommes et Dieu, et que, par son sang; il pacifia et réunit ensemble, comme la pierre angulaire, les choses du Ciel et celles de la terre, on peut dire que c’est alors que nous avons reçu votre miséricorde, ô mon Dieu, au milieu de votre temple. Nous étions auparavant des enfants de colère, mais nous avons obtenu miséricorde. Comment étions-nous enfants de colère, et quelle miséricorde avons-nous reçue ? Nous étions des enfants d’ignorance, de lâcheté et de servitude, et la miséricorde que nous avons reçue est une miséricorde de sagesse, de force et de rédemption. L’ignorance de la première femme que le serpent avait séduite, nous avait aveuglés; la mollesse du premier homme attiré, entraîné par sa propre concupiscence, nous avait énervés ; la malice du démon à laquelle Dieu nous avait justement exposés, nous avait réduits en esclavage. Voilà dans quel état nous venons tous au monde. Aussi, en premier lieu, nous ignorons complètement la voie qui conduit à la sainte cité qui doit être notre séjour; puis, nous sommes si faibles et si lâches, que connussions-nous le chemin qui mène à la vie, nous serions retenus en place et empêchés de le suivre par notre propre lâcheté. Enfin, nous sommes réduits en esclavage par un tyran si mauvais et si cruel, que, quand même nous connaîtrions et pourrions parcourir la voie de la vie, nous en serions empêchés par le poids accablant de notre malheureuse servitude. Ne vous semble-t-il point qu’une pareille misère a besoin d’une compassion, et d’une miséricorde excessives? Mais si nous avons déjà été sauvés de cette triple colère par Jésus-Christ qui nous a été donné (le Dieu son père, pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption (I Car. I, 30), quelle ne doit pas être notre vigilance, mes frères bien-aimés, pour que notre fin ne devienne pas pire que notre commencement? Dieu nous préserve de ce malheur, parce que nous retomberions dans la colère, et redeviendrions ainsi des enfants de colère, non plus seulement par un effet de notre nature, mais par suite de notre propre volonté !
4. Embrassons donc. la miséricorde que nous avons reçue au milieu du temple, et ne nous éloignons pas plus du temple que la bienheureuse Anne ne s’en éloignait elle-même. ” Car le temple de Dieu est saint, mais ce temple n’est autre que vous-même (I Cor. III, 17), ” dit l’Apôtre. Par conséquent, cette miséricorde n’est pas loin de. vous, la parole de Dieu n’est point éloignée de vous, elle est dans votre bouche, dans votre cœur (Rom. X, 8). D’ailleurs, le Christ habite dans vos coeurs par la foi, voilà quel est son temple, quel est son trône; car je ne pense pas que vous ayez oublié ces paroles. ” L’âme du juste est le trône de la sagesse (a). ” Aussi, s’il est une chose que je veux rappeler souvent à mes frères, que je veux leur rappeler toujours, et que je leur demande aujourd’hui avec instance, c’est que, dans cette chair, nous ne vivions point selon la chair, si nous ne voulons point déplaire à Dieu. Ne soyons pas amis de ce siècle, si nous ne voulons être ennemis de Dieu. Résistons aussi au diable, et il s’éloignera de nous, il nous laissera marcher librement selon l’esprit, et vivre dans notre coeur. Aussi bien, le corps qui se corrompt appesantit, énerve et effémine l’âme, et cette habitation de boue accable l’esprit par la multitude de soins dont elle l’occupe, et l’empêche de s’élever aux choses du ciel (Sap. IX, 15). Voilà pourquoi la sagesse de ce monde est appelée folie auprès de Dieu, et celui qui se laisse vaincre par le malin lui est abandonné en esclavage. Or, c’est dans le cœur que nous recevons la miséricorde, c’est dans le cœur que Jésus-Christ habite, c’est dans le cœur enfin qu’il parle de paix à sort peuple, à ses saints, à ceux, en un mot, qui rentrent dans leur coeur.
{Premier sermon pour la Purification}