{{Lettre à Valérien sur le mépris du monde}} — Si les dignités et les richesses ont de l’attrait pour nous, ambitionnons les véritables richesses, les véritables dignités. Le sage sait échanger les honneurs de la terre contre les honneurs du ciel, l’opulence d’ici-bas contre celle d’en haut : il envoie tout dans ces lieux où l’on discerne avec justice et exactitude entre le bien et le mal, où l’on possède toujours ce que l’on a une fois acquis, où l’on ne craint plus de perdre ce que l’on a pu obtenir. Après avoir parlé de la fragile possession des biens temporels, il nous faut dire aussi quelque chose de l’extrême brièveté de la vie. Qu’est-ce que cela, je vous le demande, qu’est-ce que cela ? Rien ne s’offre journellement aux yeux des hommes comme la mort ; rien n’est aussi oublié par eux que la mort… Voyez-vous comme les jours et les années, et tous les astres du ciel, observent avec une fidélité sans défaillance la parole et l’ordre de Dieu, comme ils gardent une soumission sans relâche à ses préceptes ?… A ces appuis du monde il n’a donné qu’une fois l’ordre qu’ils auraient à observer au cours des siècles ; à nous il réitère ses commandements en tant ce volumes des Livres sacrés ; que par là du moins l’homme apprenne, ce qui d’ailleurs est son devoir, à remplir la volonté de son créateur et à garder ses préceptes ; car la nature, en servant à nos besoins, nous sert d’exemple… Ainsi donc les hommes ont beau s’éloigner par leur volonté du Maître de l’univers, il leur faut, bon gré, mal gré, subir sa domination. Ils ont beau être loin de lui par le sentiment, il est près d’eux par son empire. Ainsi, ce qui est le comble de l’imprudence et de l’irréflexion, errants et prisonniers tout ensemble, ils vivent en dehors de la pensée de Dieu, mais dans l’orbite de sa puissance.