Qu’est-ce que renoncer au démon ?

{{Histoire des moines — 1.}} S’il y a quelqu’un qui pense avoir renoncé au monde et aux œuvres du démon, il ne lui suffit pas d’y avoir, renoncé de bouche, en abandonnant ses biens, ses domaines et toutes les affaires du siècle; il faut encore qu’il ait renoncé à ses propres vices et qu’il ait dit adieu aux plaisirs inutiles et vains. C’est là ce dont parle l’Apôtre : « Les convoitises vaines et funestes qui plongent les hommes dans la perdition» ( I Tim 6,9 ). C’est donc là avoir renoncé au démon et à ses œuvres. Car le démon, prenant occasion de quelque vice et entrant par notre volonté perverse, se glisse dans notre cœur, parce que les vices viennent de lui, comme les vertus viennent de Dieu. Si donc les vices sont dans notre cœur, lorsqu’arrive leur prince le démon, ils lui cèdent la place comme à leur auteur et l’introduisent comme dans son domaine. Et de là vient que jamais de tels cœurs ne peuvent avoir la paix ni le repos ; mais ils sont toujours troublés, toujours tenus captifs, et tantôt une vaine joie, tantôt une inutile tristesse les déprime; car ils ont en eux un détestable habitant à qui ils ont ouvert la porte par leurs passions et leurs vices. Au contraire l’âme qui a vraiment renoncé au monde, c’est-à-dire qui a retranché d’elle et supprimé tout vice et n’a laissé au démon aucun accès chez elle ; qui contient la colère, réprime l’emportement, repousse le mensonge, déteste l’envie, et non seulement ne souffre pas la détraction, mais ne se permet pas de mal penser de son prochain ou de le soupçonner ; qui regarde les joies de son frère comme les siennes et aussi sa tristesse comme la sienne ; l’âme qui observe tout cela et choses semblables ouvre la porte chez soi au Saint Esprit, lequel y étant entré et l’ayant illuminée, y fait toujours naître la joie, l’allégresse, la charité, la patience, la longanimité, la bonté et tout ce qui constitue les fruits de l’Esprit. Et c’est ce que disait le Seigneur dans l’évangile : « Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, pas plus qu’un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits» ( Mt 7, 18 ). Car on reconnaît l’arbre à ses fruits.