Apologie de la vie monastique — 3, 15. EH quoi, direz-vous, les gens mariés seront-ils tous perdus ? Je ne dis pas cela, mais je soutiens qu’il leur faudra faire de plus grands efforts s’ils veulent se sauver, à cause des entraves qui les gênent; celui qui est libre court bien mieux que celui qui est enchaîné. — Sans doute, direz-vous, mais celui qui surmonte plus de difficultés reçoit aussi une plus grande récompense et de plus brillantes couronnes ? — Point du tout, si c’est lui qui s’impose cette nécessité, lorsqu’il lui est loisible de ne pas la subir. Ainsi puisqu’il nous est clairement démontré que nous sommes assujettis aux mêmes obligations que les moines, hâtons-nous de prendre le chemin le plus facile, entraînons-y nos enfants ; mais n’allons pas les attirer et les submerger dans les abîmes du vice, comme si nous étions leurs adversaires et leurs ennemis. Si du moins c’étaient des étrangers qui le fissent, le mal serait moindre ; mais quand des parents qui ont essayé toutes les choses de la terre, qui savent par expérience combien sont fades et insipides tous les plaisirs d’ici-bas, sont assez insensés pour attirer leurs enfants à ces misérables jouissances que l’âge leur interdit désormais à eux-mêmes ; quand, au lieu de déplorer leur passé, ils en appellent d’autres dans leurs voies, et cela lorsqu’ils sont eux-mêmes aux portes de la mort, au seuil du tribunal redoutable, sur le point de rendre compte de toute leur vie, quelle excuse, dites-moi, peut-il leur rester, quel pardon, quelle miséricorde ? Non seulement ils subiront la peine de leurs propres fautes, mais encore la peine de celles qu’ils ont voulu faire commettre à leurs enfants, qu’ils aient réussi ou non à les faire tomber dans l’abîme.