Le vrai riche est celui qui méprise tout.

{{Apologie de la vie monastique — L. 2, n. 5.}} Voulez-vous voir d’un autre point de vue encore votre pauvreté et l’opulence de votre fils ? Allez, enlevez-lui son vêtement, le seul qu’il possède, chassez-le de sa demeure, renversez sa cellule, et vous ne le verrez pour cela ni chagrin ni affligé ; il vous saura gré de toutes ces persécutions, parce que vous le poussez plus loin dans la perfection ; tandis que, si l’on venait seulement vous voler dix drachmes, vous ne cesseriez de vous plaindre et de pleurer. Quel est donc le plus riche des ceux, de celui qui s’abat pour si peu, ou de celui qui méprise tous les biens de la terre ? Ne vous en tenez pas là ; chassez-le de pays en pays, et vous le verrez rire de cela comme de jeux d’enfant. Mais vous, si l’on vous chassait seulement de votre patrie, vous éprouveriez la plus vive douleur et vous ne pourriez supporter ce malheur. Votre fils, comme si toute la terre et la mer étaient à lui, passera aussi gaîment et sans plus de peine de ces lieux à d’autres, que vous, quand vous vous promenez dans vos terres ; encore même le fera-t-il plus facilement… Celui qui peut se procurer partout nourriture et boisson, habitation et repos, qui, loin de se plaindre de son état, y vit plus agréablement que vous dans le vôtre, est évidemment plus heureux que tous les riches comme vous, qui ne peuvent vivre que dans leur maison. C’est pourquoi celui-là ne saurait jamais se plaindre de sa pauvreté. Non seulement cette richesse est la meilleure, la plus abondante, la plus agréable, mais encore elle est le plus à l’abri des voleurs, elle ne peut ni dégénérer en pauvreté, ni être soumise aux incertitudes de l’avenir, ni connaître les soucis, ni prêter à l’envie, elle procure l’admiration, l’estime et la louange générale. Il en va tout au contraire pour vous.