Elle veut que cet homme se lave et se régénère perpétuellement, et en entier dans la piscine du feu, et dans la soif de l’unité ; elle veut qu’il fasse boire chaque jour ses péchés à la terre, c’est-à-dire, qu’il lui fasse boire toute sa matière, puisque c’est là son vrai péché ; elle veut qu’il tienne sans cesse son corps prêt à la mort et aux douleurs, son âme prête à l’activité de toutes les vertus, son esprit prêt à saisir toutes les lumières, et à les faire fructifier pour la gloire de la source d’où elles lui viennent ; elle veut qu’il se regarde dans tout son être comme une armée toujours sur pied, et prête à marcher au premier ordre qu’elle lui donnera ; elle veut qu’il ait une résolution et une constance que rien ne puisse altérer, et qu’étant prévenu qu’en avançant dans la carrière, il n’y peut trouver que des souffrances, puisque le mal va s’offrir à lui à tous les pas, cette perspective ne l’arrête point dans sa marche, et qu’il ne porte pas moins sa vue exclusivement sur le terme qui l’attend à la fin de la course. Nouvel Homme
Ce n’est donc point un simple effet mystique, ni une simple opération métaphysique qui se passe en nous lorsque le verbe Divin nous régénère, et qu’il nous appelle par notre nom pour nous faire sortir de notre tombeau, c’est une oeuvre vive, et dont tout notre être spirituel et corporel éprouve physiquement la sensation, puisque cette parole est la vie, et l’activité ; et lorsque Lazare sortit de son cercueil à la voix du Seigneur, ses membres n’éprouvèrent pas autant de cette sensation réelle, que nous en éprouvons dans notre régénération spirituelle, parce qu’après être descendu dans le tombeau, son âme passive ne pouvant recevoir la sensation de la mort et de la froideur sépulcrale, ne pouvait pas non plus en faire la comparaison avec la sensation de la vie qui s’introduisait alors en lui, et semblait le créer pour la première fois : au lieu que notre âme immortelle ne descend point dans le lac de la mort spirituelle, sans en ressentir toute l’horreur ; et par conséquent lorsqu’elle recouvre la sensation de la vie, ce doit être avec une sensibilité inexprimable. Nouvel Homme 4
En effet, nous nous sommes laissé garrotter tout vifs et dans nos facultés, par les chaînes de l’ennemi : nous sentons que ces chaînes nous écrasent et nous ôtent tous nos mouvements ; si nous avions donc le courage de prononcer l’arrêt de cet ennemi, et de lui déclarer que, conformément aux intentions de la volonté suprême et bienfaisante, nous sommes déterminés à rompre tous les liens dont il se sert pour nous retenir captifs, si nous lui annoncions fermement qu’il doit s’attendre que son règne sur nous va être détruit, et qu’il nous est aussi aisé, par les secours divins qui nous environnent, de briser ce règne, qu’il nous est aisé de briser un brin de paille ; enfin, si cet arrêt étant prononcé nous n’oublions rien pour l’exécuter, et pour persévérer avec constance dans cette indispensable et nécessaire résolution, il n’est pas douteux que nous verrions bientôt tomber à nos pieds toutes ces entraves qui nous gênent si horriblement, et que nous sentirions y substituer en nous, à la fois, tous les transports de la vraie vie, lesquels seraient d’autant plus actifs et délicieux pour nous, que nous en aurions été plus dénués. C’est ce passage complet de la mort à la vie que l’âme de l’homme peut éprouver physiquement dans toute ses facultés quand, en imitant la douce et humble simplicité du verbe et de la parole, il parvient à en recouvrer la force, la chaleur et la lumière. Nouvel Homme 4
Tel est l’état de ceux qui après avoir vaincu le dragon, sont montés après leur mort dans la région du repos et du bonheur ; tel est même l’état de ceux qui ici-bas ont rompu les chaînes de leur esclavage, et ont ouvert toutes leurs facultés à celui qui ne demande pas mieux que de les pénétrer et de les remplir ; enfin tel est l’état de ceux sur qui l’esprit a imposé les mains, parce que par cette imposition des mains, il rassemble en eux dans une unité toutes les subdivisions spirituelles qu’ils avaient laissé disséminer ; c’est même par ce moyen, et en vertu de l’unité indivisible dont cet esprit est dépositaire qu’il les met dans le cas d’imposer les mains à leur tour sur leurs semblables, et d’y opérer les mêmes rassemblements qui se sont opérés en eux lors de l’imposition des mains de l’esprit ; et tel est l’objet du sacerdoce ; tels en sont les pouvoirs, tels en sont les fruits pour ceux qui s’en sont rendus dignes, et qui ont été compris dans la divine sélection. Nouvel Homme 5
Ces fruits même ne paraissent plus avoir de bornes dès que le principe, après avoir été mis en activité, se transmet dans la même mesure, et sans altération, parce qu’il agit toujours par la même loi, et toujours sur la même espèce de désordre qui n’est autre chose qu’une subdivision ; aussi c’est le même esprit qui, au physique et au moral, fait par l’imposition des mains que l’aveugle voit, que le sourd entend, que le boiteux marche, que le malade est guéri, que le mort ressuscite, et que l’esclave est remis en liberté. Nouvel Homme 5
Hommes qui croyez à la vertu de la parole, et aux prodiges qu’elle opère dans l’âme de l’homme quand elle le veut employer à ses diverses manifestations, croyez aussi à la progression de ses puissances, et à l’accroissement quoiqu’invisible des diverses actions qu’elle a dessein de faire fructifier dans le champ de la mort que nous habitons. Car cette parole est vive par elle-même, et quoiqu’elle soit fixe, et en quelque façon immobile dans le centre de son essence, les mouvements qu’elle opère ne peuvent pas être bornés et fixés à demeure dans les localités du temps. Nous voyons combien cette vérité se démontre sur nous-mêmes par les progressions que notre esprit parcourt, et qui font que notre vie entière semble n’être qu’une suite d’accroissements, dans lesquels les dons et les vertus d’une époque disparaissent et sont remplacés par les dons et les vertus de l’époque suivante. Nouvel Homme 5
Voilà pourquoi les actions que la sagesse envoie dans notre région n’y restent point, au moins sous la même forme, et pourquoi l’homme s’abuse quand il regarde ces actions comme devant être sensiblement permanentes ; car dès qu’il leur imprime par sa pensée ce caractère de stagnation, il n’en peut plus retirer de fruit, puisque la stagnation opérerait la mort et que tout doit être esprit et mouvement ; or, le mouvement de l’esprit est comme celui du feu, il se fait en ascension, il se fait dans la ligne droite, et il échappe bientôt à notre vue. Mais cependant ces diverses actions ne tendent qu’à nous conduire un jour par leurs différents degrés temporels, au vrai repos dans le centre de la parole éternelle. Nouvel Homme 5
Disons à notre ennemi : c’est le Dieu souffrant qui veut lui-même élever en moi son édifice ; c’est le Dieu souffrant qui veut le soutenir lui-même, tu ne pourras jamais le renverser. Plus le Dieu souffrant s’approchera de moi, plus je serai en sûreté contre tes attaques, parce qu’il prendra lui-même sur lui le fardeau que je ne pourrais pas porter ; quoique je sois suspendu au-dessus de l’abîme comme par un fil, quoique j’habite au milieu des lions voraces et des serpents sifflants et meurtriers, il est près de moi ce Dieu souffrant, il est conçu en moi ce Dieu souffrant, et d’un seul de ses mouvements, quelque faible qu’il soit, il me séparera lui-même de tous ces insectes, et reptiles venimeux dont tes iniques séductions ont fait revêtir corporellement la malheureuse postérité de l’homme. Ce Dieu souffrant ne cherche qu’à faire entrer en moi sa chair, son sang, son esprit, sa parole, pour y introduire enfin le nom puissant qui a tout créé, et qui veut aussi créer tout dans moi ; il veut me faire planer avec lui dans la région de la vie, afin que je sois dans l’impossibilité de retomber dans les précipices et dans les régions de la mort. Nouvel Homme 6
Pernicieux ennemi de l’homme, tu occasionnes bien aussi des souffrances, mais c’est en opérant une contraction de ta puissance désordonnée et mensongère contre les lois éternelles de la vérité, et contre l’ordre immuable des choses ; aussi tes succès, quand tu l’emportes, entraînent l’homme dans le néant, la mort et les ténèbres. Mais lorsque le Dieu souffrant s’approche de nous et nous occasionne des douleurs, c’est en opposant la mesure, l’ordre et la vérité, aux désordres et aux irrégularités que tu sèmes journellement dans les hommes, et que tu y entretiens. Aussi la contradiction que ce Dieu souffrant opère dans ceux qui la désirent et qui y concourent, se termine toujours par la joie le bonheur et la lumière. Nouvel Homme 6
Si tu veux donc conserver ce précieux rejeton, nourris-le chaque jour des mêmes éléments qui lui ont donné naissance ; fais couler à chaque instant sur lui le sang de l’alliance qui doit le préserver du glaive de l’ange exterminateur ; bien plus, fais pénétrer sans cesse dans toutes ses veines, ce même sang de l’alliance qui doit donner la mort à tous les Égyptiens, et le mettre à même de les dépouiller un jour de leurs vaisseaux d’or et d’argent avec lesquels ils font des festins d’iniquité. Laisse couler dans ses veines ce sang corrosif qui n’aura point de relâche qu’il n’ait rongé jusqu’aux moindres traces du péché ; tu verras par là les membres de ton fils acquérir peu à peu de la force et de la consistance. Nouvel Homme 10
Et pourquoi ce sang accumulera-t-il ainsi la vie dans les membres de son fils ? C’est qu’il est le sang de la douleur, et que la douleur n’est point sans la vie, puisqu’elle n’est qu’une contraction de la mort contre la vie, et de la vie contre la mort ; voilà pourquoi plus il y a de douleurs plus il y a de vie, voilà pourquoi ce sang de l’alliance est si souffrant puisqu’il est composés des ténèbres et de la lumière de la corruption et de la santé, de la nature et de la Divinité, du temps et de l’éternité. Nouvel Homme 10
Qu’il passe les jours et les nuits dans les déserts, que la mort des lions soit comme les jeux de son enfance ; et qu’il s’annonce de bonne heure comme devant être redoutable aux nations, attendu qu’il aura mangé chaque jour de sa vie le pain sacerdotal. Les temps viendront où l’élément sacerdotal qui se sera déposé en lui y fera fleurir à son tour l’hysope et l’olivier ; car, ce n’est que pour triompher de la mort et faire régner la vie que le sang de l’alliance s’est rendu le sang de la douleur. Nouvel Homme 10
L’homme est tranquille au milieu des abîmes qui l’environnent ; il oublie que ses ennemis sont si redoutables, qu’il ne peut pas abattre le moindre degré de leur puissance, qu’autant que la force Divine, elle-même, se met en mouvement, et sans qu’il n’en coûte à Dieu, une opération, et un acte réel de sa force et de son action entière. L’ennemi ne l’ignore pas cette vérité ; aussi, il ne remue pas tant que nous ne mettons en jeu que nos puissances inférieures et particulières à l’homme ténébreux ; et un de ses grands secrets, c’est d’abuser les mortels par d’apparents succès fondés sur des prières faibles et illusoires, qui les font dormir dans le sommeil de la mort ; c’est par là qu’il dévore journellement toute la terre. Nouvel Homme 12
C’est ce qui est arrivé au réparateur qui ne songeait point à la mort de son corps lorsqu’il demandait que ce calice s’éloignât de lui ; enfin c’est le combat de l’esprit, c’est cette douleur à laquelle aucune douleur ne se compare, et qui par sa grandeur même nous met dans le cas de supporter toutes les autres avec une sorte d’indifférence. Nouvel Homme 12
13. Lorsque le Réparateur alla à Béthanie pour y ressusciter le frère de Marthe et Marie qui était mort depuis quatre jours, et qui sentait mauvais ; lorsqu’étant près du tombeau, il dit d’une voix haute : Lazare, levez-vous ; c’est à toi, âme humaine, qu’il adressait la parole encore plus qu’à ce cadavre qui n’était que le symbole de la véritable renaissance ; et c’est encore là où tu trouves un nouveau trait de ce tableau général dont tu es l’objet, et qui embrasse l’ensemble des choses. Nouvel Homme 13
Bientôt aussi le Dieu de la vie vient visiter notre âme, et nous pouvons dire alors avec jubilation : Dieu vit en moi, Dieu va vivre dans ma pénitence ; il vivra dans mon humilité, il vivra dans mon courage, il vivra dans ma charité, il vivra dans mon intelligence, il vivra dans mon amour, il vivra dans toutes mes vertus ; parce qu’il a promis qu’il serait un avec nous, toutes les fois que nous nous réclamerions à lui au nom de celui qu’il nous a envoyé pour nous servir de signe, et de témoignage entre lui et nous. Ce signe ou ce témoignage est éternel comme celui qui nous l’a envoyé, assimilons-nous à ce signe et à ce témoignage, et nous participerons à sa Divine et sainte sécurité, et nous serons comme lui tellement pleins de la vie, que la seconde et la première mort demeureront loin de nous, et nous serons tout là fait étrangères. Nouvel Homme 14
Tiens-toi sur tes gardes au milieu de toutes ces insinuations ; il y aurait là plus de paresse que de vertu, plus de défiance que de véritable courage, plus de ténèbres que de lumière ; remplis-toi d’abord de la profonde persuasion, que la vérité l’emporte sur le mensonge, comme la vie l’emporte sur la mort ; remplis-toi de la profonde persuasion que par ta simple conduite régulière et attentive, l’ennemi n’aura plus sur toi qu’une frêle influence en ce qu’elle ne trouverait plus de base pour s’y fixer, et s’y attacher ; remplis-toi de la profonde persuasion que tu es né dans la vie, que tu n’existes que dans la vie, et par la vie, et que tu dois retourner à la vie; enfin remplis-toi de la profonde persuasion que la vie universelle et sacrée, ne cherche sans cesse qu’à réchauffer tout ton être, et à la maintenir dans l’harmonie active et efficace de toutes les facultés qui le constituent. Nouvel Homme 14
15. Si l’homme est mort dans toutes ses facultés, il n’y a pas un seul mouvement de son être qui puisse se faire sans que l’on prononce en lui cette parole rapportée plus haut : Lazare, levez-vous. Et si l’homme veut ensuite étendre son intelligence, il verra que non seulement c’est sur lui que le réparateur profère continuellement cette parole, mais aussi sur tout l’univers, et sur toutes les parties de l’univers, puisqu’il n’y en a point qui ne soit aujourd’hui ensevelie dans les ténèbres de la mort, et qui ne soit en souffrance suivant le passage de saint Paul aux Romains, 8:19-23. Nouvel Homme 15
Cette vérité que l’âme sent, quand elle se dépouille et se concentre, lui démontre quelles sont les énormes suites de la prévarication, et lui fait connaître, par l’expérience de tous les moments, que nous habitons la terre de la mort et de la douleur ; mais elle sent en même temps qu’il n’y a pas un instant pour elle où cette parole salutaire ne puisse être suivie d’une résurrection. Nouvel Homme 15
Vois-tu à quel prix cet air actif que la physique emploie se peut obtenir des corps qui le tenaient renfermé ? Ce n’est qu’en les violentant par des caustiques, ou qu’en les livrant à la putréfaction. Il en est de même du vieil homme qui doit être ainsi violemment dissous par le même feu sacré qu’il tient enseveli dans lui-même, et il faut qu’à chaque degré que ce feu va parcourir pour recouvrer sa liberté et sa splendeur, il dissolve, corrode, et putréfie toutes les substances hétérogènes qui composent aujourd’hui en toi l’homme de ténèbres, et l’homme de la mort ; il faut que ces mêmes substances soient brisées, et renversées par l’approche de ce feu sacré, comme l’idole de Dagon le fut par la présence de l’arche sainte ; il faut que les habitants de Bethsamès soient frappés de mort pour oser regarder cette arche sainte lorsqu’elle est ainsi conduite par le Seigneur, et que dans leur terreur ils la renvoient bien vite dans la ville de Cariathiarim : il faut que lorsque David la ramènera de chez Obédédom jusqu’à Sion, tu aies toujours près de toi sept choeurs de musique, et qu’à chaque fois que ceux qui porteront l’arche auront fait six pas, tu immoles des victimes. Nouvel Homme 16
Cette même arche sainte engagera le grand prêtre de l’ordre de Mélchisédech à te revêtir lui-même de tes habits sacerdotaux qu’il aura bénis auparavant, il te donnera de sa propre main les ordinations sanctifiantes par le moyen desquelles tu pourras, en son nom, verser les consolations dans les âmes, en leur faisant sentir par ton approche, par ton verbe purificateur, et par la sainteté de tes lumières, que nous passons dans l’esclavage, dans les ténèbres, et dans la mort tous les moments où nous ne sommes point directement dans l’atmosphère de notre Dieu ; et tu seras dans sa main, comme les soldats dans la main de ce centenier qui dit à l’un : allez là, et il y va ; venez ici, et il y vient. Nouvel Homme 16
Dieu de force, Dieu de vie, Dieu de longanimité, aide-moi à accélérer ces temps si propices et si salutaires ! Aide-moi au moins à ne pas les retarder par ma défiance et ma lâcheté, aide-moi à préparer par la constante activité de ma pénitence l’empreinte sacrée de ton triple sceau sur toute ma personne, de ce triple sceau dont l’unité est un feu dévorant qui consume tout ce qui n’est pas né de l’esprit, de ce triple sceau qui n’abandonne plus l’âme humaine, dès qu’il a imprimé profondément sur elles ses vivifiants caractères, de ce triple sceau qui transporte aussitôt l’homme hors de cette sphère de langueur et de dégoût, où nous ne nous nourrissons que de la mort, au lieu de goûter les délices inexprimables du lieu de paix où nous avons puisé la naissance, et toi, sagesse sainte, qui devrais être notre aliment de toutes les heures, et de tous les moments, viens poser tes mains bienfaisantes sur ces signes sacrés que la bonté suprême a daigné attacher sur l’homme ; que tes mains soient comme autant de bandelettes qui contiennent et fixent le baume vivifiant qui a été appliqué sur mes plaies, et qu’elles en fassent pénétrer les sucs et les esprits régénérateurs jusque dans mes substances les plus corrompues, afin que le peu de vie qui y reste reprenne ses forces, et que mes membres reprennent leur agilité. Nouvel Homme 18
Oui, le coeur de l’homme est un foyer où toutes les paroles divines se pressent et s’accumulent, et où elles sont en une continuelle fermentation. C’est cette fermentation des paroles divines dans l’homme qui, par leur mutuelle réaction, produit le mouvement spirituel de notre âme, et la préserve de l’état de mort et de stagnation ; quiconque n’a pas senti physiquement cette fermentation intérieure, ne peut point encore avoir la moindre idée de l’origine de l’homme, ni par conséquent de sa renaissance, ou du nouvel homme. Car cette fermentation est le principe exclusif, et nécessaire pour nous faire reprendre la forme que nous avons perdue, et si nous n’avons pas le sentiment vif et physique de ce principe, comment aurons-nous le sentiment des effets qui en doivent résulter, et des oeuvres que nous aurons à produire, c’est-à-dire, comment pourrons-nous remplir notre destination ? Nouvel Homme 19
Car, ne trouvant point en lui de justes analogies avec son unité qui doit toujours triompher, (et cela par sa puissance et sa force, quand elle ne trouve pas à triompher par son amour et par ses bienfaits), elle le ferait périr de honte par son énorme disproportion, et en lui faisant connaître combien il est défiguré ; elle dissoudrait toutes les puissances fausses qui seraient en activité en lui ; elle le laisserait dans le néant spirituel absolu, où il ne pourrait éprouver que le désespoir d’atteindre à un terme si éloigné ; et au lieu de l’animer de l’unité de la vie qu’elle porte en elle-même, elle le réduirait à une unité de mort par l’impossibilité de former aucun rapport de vérité, ni aucune correspondance spirituelle divine avec lui. Nouvel Homme 21
Car même dans l’ordre de la simple morale ordinaire, si nous mourrions un peu tous les jours, nous éviterions par là de mourir tout à la fois, comme cela arrive à presque tous les hommes, qui par cette raison trouvent la mort si dure ; et la mort physique finale de notre corps ne nous paraîtrait pas plus fâcheuse que celle momentanée par laquelle nous passons à chaque instant. Bien plus nous vivrions aussi un peu tous les jours, en raison des portions de mort que nous aurions détruites. Faute de cette précaution, et à force de s’enfoncer dans la vie fausse, l’homme vulgaire perd journellement les facultés qui lui avaient été accordées par la nature et par la vérité, pour se soutenir pendant son voyage terrestre. Aussi les hommes livrés au torrent sont-ils toujours au-dessous de la mesure. Leur coeur n’a plus de goût pour la vertu ; leur oreille n’a plus de tact pour la vraie musique ; il n’est pas jusqu’à leurs facultés animales et digestives, qui ne deviennent nulles par leur intempérance. Nouvel Homme 24
Voyons donc ainsi croître en paix ce nouvel homme ; voyons-le sacrifier à tout moment tout ce qui n’est pas du ressort de la parole, et faire en sorte, par ce moyen, que la parole prenne en lui la place de tout ce qui la gênait, et l’empêchait de venir démontrer à cet homme qu’il est une pensée du Dieu des êtres, une parole du Dieu des êtres, une opération du Dieu des êtres. Voyons-le par ces sacrifices journaliers, et continuels, mourir par degrés dans la parole, et s’ensevelir tellement dans la confiance en cette parole, qu’elle puisse elle-même ressusciter en lui dans les mêmes mesures, et qu’elle finisse par y manifester complètement, et universellement son action de vie, lorsqu’il aura fini de son côté, par manifester en elle complètement, et universellement son action de mort. Nouvel Homme 24
Alors ce nouvel homme sera réellement sorti de l’état d’enfance où est encore ce fils chéri de l’esprit que nous avons déjà vu naître, et même patente au milieu des docteurs à son âge de douze ans, mais qui n’est point encore parvenu à cet état de virilité que nous peignons par anticipation, et qu’il ne faut point confondre avec l’état heureux qui nous attend après notre mort corporelle, si nous avons suivi les lois de la sagesse. Nouvel Homme 24
Le nouvel homme ne connaît le besoin de ces secours indispensables, et c’est parce qu’il les a reçus, qu’il se remplit d’indulgence et de pitié pour ses malheureux concitoyens qui sont encore dans l’attente. Il sait que nous ne connaissons Dieu ici-bas que par les objets sensibles ; qu’à notre mort nous commençons à le connaître par les centres spirituels, mais que ce n’est qu’à notre entière réintégration que nous le connaîtrons par lui-même. Il voit que c’est une attente qui décourage les mortels, et qui les mène dans le désert par les sentiers de l’impatience. Il frissonne de douleur de savoir que la voie du retour n’est pas, à beaucoup près, si large que la font les hommes, avec toutes leurs doctrines qui semblent n’être que des recettes empiriques et de charlatans. Nouvel Homme 29
Alors il dit au Seigneur : Ne laissez pas les hommes dans des voies qui nuisent à votre oeuvre même, que j’ai si grand désir de voir s’accomplir. Venez au secours de leur faiblesse, puisque vous seul pouvez les préserver de la mort, et leur donner les forces et tous les appuis qui leur manquent. Puis se tournant vers l’ennemi, il lui dit : Faut-il que le sang de mon esprit coule pour assouvir ta soif et te faire lâcher ta proie ? Le voici : laisse aller mes frères en liberté. Ce n’est pas seulement en mon nom que je te parle, c’est au nom de celui qui vient de me rendre à la vie; mais si tu ne veux pas croire en mon nom, ni au nom de celui qui m’a envoyé, crois au moins à l’oeuvre qu’il a faite dans mon être et dont tu ne peux nier la réalité puisqu’elle t’est prouvée par mon existence que ton oeil ne peut méconnaître et que tu ne peux t’empêcher de sentir. Nouvel Homme 29
Aussi, son désir et son zèle s’accroissent à ces douces expériences ; sa prière se transforme, pour ainsi dire en une sainte fureur, et il veut prendre le ciel par violence. Dieu de ma vie, viens donc vivre dans ma vie, afin que je puisse approcher la mort sans mourir, mais au contraire afin que je puisse à mon tour faire revivre la mort, comme tu m’as fait revivre moi-même lorsque j’étais mort. Nouvel Homme 30
Hélas ! Les hommes ne se touchent que par la mort au lieu de, se toucher par la vie ! Quels étaient les desseins de la justice, lorsqu’après leur crime elle les a précipités dans l’abîme terrestre où nous vivons, et qu’elle les a placés les uns auprès des autres ? C’était pour qu’ils se servissent mutuellement de témoignages de leur égarement, et de signes de leur misère. C’était pour qu’ils eussent continuellement devant les yeux le triste tableau de l’horreur où le péché les avait réduits. C’était pour que chacun d’eux voyant son frère dans les ténèbres, dans l’inquiétude, dans les tribulations, dans les souffrances et dans les puissances de la mort physique et morale, il s’attendrît, il rit un retour sur lui-même, et qu’en reconnaissant humblement les droits de la justice qu’il verrait exercer avec tant de constance et de sévérité, il tâchât, par ses larmes et sa pénitence, d’en calmer le courroux et d’en tempérer la rigueur. Nouvel Homme 30
Par ce moyen, les hommes, après s’être servis réciproquement de témoignages de leur égarement, et de signes de leur état d’expiation, auraient pu se servir ensuite les uns aux autres, de signes d’amendement, de résignation, d’encouragement à la prière pour fléchir la colère divine, et sans doute ils seraient arrivés bientôt après, à se servir mutuellement de signes de grâces célestes, de pardons, de consolations, et de jouissances qui eussent changé pour eux le règne de la mort, et les eussent placés, en quelque sorte, dans le royaume de la vie, avant même qu’ils eussent quitté cette région terrestre et mixte, à laquelle l’unité paraît devoir être si étrangère. N’en doutons pas, telles étaient les vues de la sagesse sur la postérité de l’homme puisque cette sagesse ne cherche qu’à remplir toute la terre. Nouvel Homme 30
Or, le moindre rayon de sa parole suffit pour opérer en nous ce prodige, pour nous remplir tout entiers de force, d’amour et de lumière, et substituer en nous des vertus et des facultés caractérisées, à la place de cet état ténébreux, et insignifiant qui est le propre de la région que nous habitons ; et c’est le rayon de cette parole que nous nous efforçons soigneusement de repousser de nous, comme s’il devait nous donner la mort. Nouvel Homme 31
Car, c’est là la tâche qui nous reste à remplir depuis que la faiblesse de l’homme primitif a laissé pénétrer l’iniquité dans nos domaines ; lorsqu’il mangea de l’arbre de la science du bien et du mal, il rassembla, près l’un de l’autre, son être qui habitait dans la lumière, et son adversaire qui habitait dans les ténèbres ; c’était cette réunion monstrueuse que la sagesse divine voulait empêcher, en le prévenant de ne point manger de cet arbre de la science du bien et du mal, qui devait lui donner la mort ; c’est donc la rupture d’une pareille association que nous devons opérer aujourd’hui, si nous voulons nous mettre en état de manger des fruits de l’arbre de vie, sans commettre la plus abominable des profanations. Nouvel Homme 33
Ô nouvel homme, combien tu deviens respectable à tes propres yeux quand tu sens ce qu’opère pour toi l’auteur des choses ! Il est le Dieu unique, tu es son fils ; peut-il y avoir quelque chose qui ne soit divin dans l’oeuvre qui s’opère en toi et lui ! Peut-il y avoir quelque chose qui ne soit pas l’acte même de ton Dieu ! Aussi tu ne vivrais pas, et tu serais déjà mort, si tu ne croyais pas à celui qu’il a envoyé en toi. Nouvel Homme 34
C’est là le sens de sa véritable réconciliation et régénération ; ainsi il faut qu’il soit réconcilié en lui avec ces principes et actions élémentaires, avec toutes les régions temporelles, avec les deux régions spirituelles, célestes et terrestres, avec toutes les régions surcélestes, avec toutes les régions saintes et avec toutes les régions divines; puisque toutes ces régions-là sont en lui, et qu’elles n’ont pas été placées en lui pour y demeurer dans l’inertie et dans la mort. Nouvel Homme 34
35. Comment ce nouvel homme paraît-il avoir des rapports si parfaits, et des droits si actifs sur la nature, au point de pouvoir changer les substances qui la composent, et de leur donner des propriétés si puissantes, en comparaison de celles qu’elles annonçaient avant qu’il eût paru ? C’est qu’il a déjà fait les noces de Cana. C’est qu’il a déjà changé en lui l’eau en vin ; c’est qu’il a déjà revivifié en lui les six urnes, c’est-à-dire, les six actions élémentaires qui composent la circonférence visible de tout ce qui est matière, et que, par cette revivification, il a donné accès en lui, à leur principe central et septénaire qui leur donne le mouvement et la vie, et qui peut la transmettre par leur moyen à tout ce qui ne l’a pas reçu, et est encore dans le séjour de la mort, et de l’inaction ; c’est qu’en donnant accès en lui à ce principe central et septénaire, il a rendu à sa forme corporelle la propriété originelle qui lui appartient par sa nature, d’être supérieure à toutes les formes de l’univers, et de leur prouver sa supériorité ; c’est qu’en rendant à sa forme corporelle sa propriété originelle, il peut prouver, à toutes les autres formes que sa destination primitive fût en effet de produire de pareils résultats, et de semblables régénérations sur toutes les formes de la nature qui auraient été soumises à son empire. Nouvel Homme 35
Le fruit que le nouvel homme a retiré de toutes ces découvertes, c’est d’avoir laissé pénétrer en lui une sorte d’impétuosité spirituelle qui s’est emparée de son courage, de son amour, de sa parole, de sa pensée et qui n’est que la correspondance de cette impétuosité divine avec laquelle l’action supérieure cherche à se précipiter en nous pour y prendre la place des ténèbres et de la mort. Nouvel Homme 35
« Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de la justice, qui auront aimé leur être jusqu’à se déterminer à goûter la mort, pour lui fournir les moyens de goûter la vie, et pour se mettre en état de prononcer le jugement qui est remis à tous les enfants des hommes ! Car le vieil homme est toujours en litige avec l’homme nouveau, et si l’homme intérieur prononce avec force le jugement et l’arrêt contre le vieil homme, l’homme nouveau n’est-il pas sur le champ remis dans tous ses droits, comme cela arrive dans les contestations des hommes par le seul effet de la sentence des juges de ce monde ? L’effet n’en doit-il pas être plus grand dans les choses qui tiennent à un ordre vif ? Et n’est-ce pas là le vrai moyen qui est offert à l’homme d’être rassasié de la justice ? » Nouvel Homme 36
« Ayez donc constamment le soin de rompre la chaîne de vos crimes, et de la laisser à demeure sous vos pieds, afin que rien en vous ne repousse les trésors qui vous seront prodigués par la sagesse qui veille sur vous ; car elle vous en enverra de plus considérables encore que ceux que l’ennemi vous avait fait perdre, parce qu’elle est mille fois plus riche, et plus bienfaisante qu’il ne peut être méchant et pervers. Elle enverra des anges pour enlever les pierres de vos sépulcres, et après vous avoir fait sortir vivants de vos tombeaux, ils s’assoiront sur ces pierres comme un signe éternel que la mort ne reprendra plus ses droits sur vous. » Nouvel Homme 38
Voilà les instructions que vous devez répandre avec abondance parmi votre peuple, afin que le nouvel homme soit honoré comme il doit l’être, et qu’il puisse communiquer la vie qu’il a reçue à tous ceux à qui il est envoyé pour les délivrer des ténèbres et de l’esclavage de la mort, car si quelqu’un rougit de lui et de ses paroles, le nouvel homme rougira aussi de lui, lorsqu’il viendra dans sa gloire, dans celle de son père et des saints anges. Nouvel Homme 40
Il faut donc aujourd’hui que le malheureux homme ne cesse de verser des sueurs de sang pour transmuer cette effroyable demeure en une demeure de liberté et de joie, où son sort n’ait plus les mêmes alarmes à lui causer, ni la même inquiétude à lui présenter ; mais au contraire où il marche comme autrefois dans des sentiers sans borne, et qui lui offrent à tous les pas, les perspectives les plus consolantes. Il faut qu’il transmue son corps de mort, en un corps d’activité, de puissance, et de domination sur toutes les lois inférieures par lesquelles ce bas monde est constitué, et maîtrisé ; il faut qu’il transmue toutes les illusions qui poursuivent ici-bas son coeur, et sa pensée, en Nouvel Homme 41
Or, quelle est cette foi tant recommandée par le Réparateur ? C’est celle qui s’est développée dans le nouvel homme, c’est celle qui repose sur le sentiment de la sainteté et de la force de son être, quand par sa fidélité aux mouvements secrets que nous recevons tous, il aura obtenu que la main bienfaisante de la sagesse vienne le délivrer de ses ténèbres, et rompre ses chaînes, pour lui faire connaître les régions de la vie et de la lumière qui sont en lui, et qui étaient seulement enveloppées de nuages. Mais de même qu’un seul rayon du soleil qui perce au travers des nuages suffit pour dissiper l’obscurité, de même le moindre rayon de notre être qui peut sortir de ses gouffres et de ses abîmes est suffisant pour nous éclairer sur l’étendue de nos possessions, pour découvrir à nos yeux tous les plans des ennemis qui sont sans cesse occupés à ravager notre terre, et pour nous donner la force de renverser tous leurs projets. Voilà pourquoi le Réparateur disait à ses disciples que s’ils avaient de la foi gros comme un grain de sénevé, ils diraient à une montagne de se jeter dans la mer, et elle s’y jetterait ; ce serait le combat de la vie contre la mort ; il ne serait donc pas étonnant que la mort eût tous les désavantages, et que la vie eût tous les triomphes. Nouvel Homme 42
Il se trouvera peut-être dans le nouvel homme des Juifs, qui lui demanderont, comme autrefois les docteurs de la loi et les Pharisiens demandaient au Réparateur : Pourquoi vos disciples violent-ils la tradition des anciens? Car ils ne lavent point leurs mains lorsqu’ils prennent leur repas. Lorsqu’ils ne seront pas susceptibles de s’élever à ces sublimes régions de l’esprit qui expliquent tout, il les fera tomber en confusion, en leur objectant leur propre conduite sur des points d’une plus grande importance ; et il leur dira : « Pourquoi vous-mêmes, violez-vous le commandement de Dieu pour suivre votre tradition ? Car Dieu a fait ce commandement : honorez votre père, et votre mère ; et cet autre : que celui qui outrage de paroles son père ou sa mère, soit puni de mort. Cependant vous dites : quiconque dira à son père ou à sa mère : tout don que je fais à Dieu vous est utile, satisfait à la loi, encore qu’après cela il n’honore, et n’assiste point son père ou sa mère, et ainsi vous avez rendu inutile le commandement de Dieu par votre tradition. Hypocrites que vous êtes, Isaïe a bien prophétisé de vous quand il a dit : ce peuple est proche de moi en paroles, et il m’honore des lèvres, mais son coeur est bien éloigné de moi… toute plante qui n’aura point été plantée par mon père qui est dans le ciel, sera arrachée. » Nouvel Homme 43
44. Le vieil homme est tombé sous le joug d’une triple mort, que l’on désigne sous le nom de la mort du corps, la mort de l’âme, et la mort de l’esprit ; mais qui, ayant eu primitivement pour cause, et pour principe, la mort ou l’abolition de ses titres de pensée, parole, et opération de l’Eternel, doit se considérer sous le nom de la mort de son être divin, qui, en effet, est aujourd’hui comme enseveli dans un sépulcre, en comparant sa déplorable situation avec l’état glorieux dont il a joui ; il faut donc que le nouvel homme ait pour tâche de se procurer une triple résurrection, c’est-à-dire, qu’il arrache sa pensée, sa parole, et son action aux ténébreuses régions où elles sont en esclavage, qu’il retienne sa pensée, sa parole, et son action sur le bord du précipice, dans lequel l’ennemi cherche journellement à les entraîner, et qu’il prévienne pour l’avenir la mort de sa pensée, de sa parole, et de son action, dans toutes les circonstances où l’ennemi pourra les menacer. Nouvel Homme 44
Oui, le nouvel homme peut y lire à découvert cette triple résurrection si nécessaire à notre être, pour qu’il jouisse de quelque repos, et si conforme à cette triple mort, ou à cette triple concentration que nous éprouvons si douloureusement, quand nous voulons jeter un instant nos regards sur nous-mêmes, et qui nous convainc d’une manière si triste, et si démonstrative de cette triple mort, ou de cette triple concentration dans laquelle le premier homme a plongé ses facultés spirituelles, et a entraîné les facultés spirituelles de toutes sa malheureuse postérité. Nouvel Homme 44
La seconde résurrection sera de retenir sur les bords du précipice, celles de ses pensées, de ses volontés, et de ses actions qui seraient prêtes à y tomber, s’il n’employait toute sa vigilance à les arracher des mains qui les portaient déjà dans le sépulcre ; mais le même pouvoir dont il se sera servi dans la première résurrection lui sera également utile dans la seconde, et ce seront encore de nouvelles victimes qu’il retirera des bras de la mort. Nouvel Homme 44
Mais pour avoir encore de cette triple résurrection une idée plus simple, plus rapprochée, et par conséquent plus facile à saisir, considérons-la dans une époque où la mort ait déjà produit ses ravages dans toutes les facultés spirituelles de l’homme ; ce tableau, étant à la portée du plus grand nombre, ne pourra en être que plus utile. Nouvel Homme 44
En effet, ce Lazare ressuscité dans le tombeau, et déjà livré à la putréfaction, est le type de nos actes dépravés, et des prévarications que nous avons portées jusqu’à l’oeuvre, et à la consommation, c’est-à-dire, jusque dans la demeure de la mort, et de la corruption, qui nous est figurée ici-bas par les sépulcres matériels. Le fils unique de la veuve de Naïm, ressuscité dans le chemin du tombeau, est le type de nos volontés criminelles qui ont adhéré aux plans faux de notre pensée, mais qui n’ont été arrêtées dans la voie du tombeau, c’est-à-dire, avant d’arriver à leur consommation, et aux actes iniques qui en auraient complété la corruption, et leur auraient fait connaÎtre la putréfaction sépulcrale. Enfin la fille du chef de la synagogue, ressuscitée dans la maison, est le type de cette mort que nous pouvons éprouver dans notre pensée, quand nous la laissons infecter de plans coupables, et injurieux à l’esprit de vérité, qui ne veut pas que nous adoptions d’autres plans que les siens, qui a daigné choisir la pensée de l’homme pour être le chef de la synagogue universelle, et qui désire sans cesse que cette pensée de l’homme, et tous les enfants qui peuvent émaner d’elle, répandent partout la vie qui les anime. Nouvel Homme 44
Or, leurs manifestations, quoique diverses, tendent cependant à un but commun et unique qui est la propagation, et la communication de la chose sacrée ; car un sacrement porte ce nom, parce qu’il est la voie par laquelle les choses saintes et divines se transmettent là où elles manquaient, et où elles étaient nécessaires pour que la mort et le néant disparussent ; et sous ce rapport nous voyons encore s’agrandir devant nos yeux la dignité de l’homme qui est choisi pour être la pierre fondamentale du temple, et en outre pour posséder les sept sources spirituelles par où la vie divine veut bien se communiquer dans les lieux arides et stériles. Or nous ne pouvons plus ignorer aujourd’hui ce qui développe en lui ces sept sources sacramentelles, puisque nous avons, à tant de reprises, présenté l’homme comme étant la pensée, la parole, l’opération de l’éternel, et comme ayant eu un besoin indispensable du secours de la parole pour que la parole lui fût rendue, et pour qu’il pût parvenir à la dignité du nouvel homme. Nouvel Homme 46
Disons donc que le nouvel homme ne possède en lui ces sept sources sacramentelles ou ces sept sacrements, que parce qu’il a reçu réellement en lui le sacrement de la parole, et que c’est ce sacrement de la parole qui a fait jaillir en lui ces sept sources, qui auparavant étaient dans la stagnation et dans la mort ; mais comme ce sacrement de la parole n’a pu atteindre jusqu’à ces sept sources sacramentelles du nouvel homme, sans avoir opéré auparavant sur la pierre fondamentale du temple, il s’ensuit que cette pierre fondamentale du temple, doit d’abord être pénétrée et revêtue de ce sacrement de la parole, pour que les sept sources qui en vont provenir soient toujours dans l’abondance, et que les fleuves divins puissent les remplir sans interruption et dans toute leur pureté. Nouvel Homme 46
Car le nouvel homme peut d’avance déclarer qu’à l’image du Réparateur il doit être livré entre les mains des hommes, qu’il faut qu’il souffre beaucoup, qu’il faut qu’il soit rejeté par les sénateurs, par les princes des prêtres, et par les docteurs de la loi, et qu’enfin il soit mis à mort, et qu’il ressuscite le troisième jour. Mais ce nouvel homme dévoué au service de son maître ne voit que les consolations qui l’attendent, et n’est point arrêté par les maux qu’il doit souffrir, parce qu’il a bu le médicament d’amertume, que par ce moyen son coeur lui a engendré l’intelligence, et que l’intelligence lui a engendré la parole avec laquelle il a une vive confiance qu’il renversera à la fin ses ennemis. En conséquence, voici de quelle manière il emploie les différents secours qui lui sont accordés par l’esprit, et qu’il trouve en lui par les divers développements de son être. Nouvel Homme 47
Il place la constance à l’orient, il place la purification à l’occident, il place la confiance au nord, il place la sainte audace au midi, et ainsi il marche à son oeuvre, toujours au milieu des vertus ; il ne se laisse pas même affaiblir par la tendresse de ses frères qui veulent le retenir, et l’empêcher d’aller à Jérusalem où il doit souffrir, et être mis à mort ; il ne connaît que les choses du ciel, et se « plaint vivement à ses frères de ce qu’ils ne renoncent pas à eux-mêmes pour le suivre, et de ce qu’ils n’ont de goût que pour les choses de la terre. Et que servirait à un homme de gagner tout le monde, et de se perdre soi-même ? Par quel échange se pourrait-il racheter, lorsque le fils de l’homme viendra dans la gloire de son père, avec ses anges, pour rendre à chacun selon ses oeuvres ? » Nouvel Homme 47
Le devoir est à côté de la loi, la fatigue à côté du devoir, le découragement à côté de la fatigue, et la misère à côté du découragement : dans l’ordre même des jouissances légitimes de ce bas monde, et dans tout ce que nous pouvons appeler ici-bas les douceurs, et le bonheur de l’esprit, nous ne sommes guère plus en sûreté, tant que ce n’est pas l’unité, elle-même, qui nous dirige, qui nous domine, et qui nous maîtrise ; car le plaisir est à côté du bonheur, l’erreur à côté du plaisir, le crime à côté de l’erreur, et la mort à côté du crime. Nouvel Homme 48
Quel est donc le triste état de la postérité humaine, où l’homme de désir lui-même est réduit à pleurer en vain, et à voir ses frères ou liés par de fortes chaînes dans de ténébreux cachots ou transportés dans les sépulcres de la mort et de la putréfaction ! Et cela sans qu’il lui soit possible d’agir pour leur délivrance, ni de rien opérer pour eux ! Il n’est que trop vrai, malheureux homme, que le temps, et la mort sont les rois de ce monde. Tu as des désirs purs, tu as des désirs divins, tu as des désirs qui concourent avec ceux dont le coeur et la sagesse de Dieu même sont remplis, et cependant ces désirs ne s’accomplissent point ! Et cependant l’oeuvre vraie se voit comme forcée de céder le pas à l’oeuvre illusoire ! Et cependant notre Dieu, lui-même, enveloppe sa gloire, et parait comme contraint de différer jusqu’à un autre temps, pour en manifester les triomphes ! Nouvel Homme 50
Seigneur, Seigneur, est-il donc vrai que tu aies besoin de l’homme pour l’accomplissement de ton oeuvre ici-bas ? Oui, tu en as besoin puisque cette oeuvre n’est autre chose que la réunion de l’homme avec toi. Seigneur, Seigneur, il serait vrai que tu aurais besoin de l’homme ici-bas, et cependant, ce malheureux se refuserait à tes désirs, et à tes besoins ! Oh, non, rien ne peut égaler l’horrible férocité, et l’impie cruauté de l’homme ; rien n’est déchirant comme l’idée de son effroyable volonté. Frappe-le, Seigneur, avec la verge du temps, afin qu’il sache que le temps l’abuse journellement. Frappe-le avec la verge du temps, afin qu’il ne croie plus au temps. Alors le temps se frappera lui-même, alors le temps sera plein de remords, et de honte d’avoir trouvé un terme à ses desseins. C’est au temps, c’est à la mort, c’est à ces rois de la terre que tu avais adressé tant de reproches par la bouche de ton prophète David (Ps. 2). Nouvel Homme 50
L’homme de régénération semble avoir été conçu sous le règne patriarca1, il paraît être au berceau au temps de David, où on lui donne une nourriture proportionnée à son âge ; il paraît être dans l’adolescence sous les prophètes où sa nourriture devient plus forte et ses mouvements plus déterminés, et il semble être à l’âge viril sous le Réparateur qui l’affranchit et 1’émancipe des entraves de la minorité ; c’est à la mort de le remettre au rang des anciens et des princes du peuple pour en obtenir la vénération et les respects qui sont dus aux sages vieillards. Nouvel Homme 52
Homme de paix, voilà sur quoi doit reposer votre confiance. La drachme est retrouvée, ne vous séparez point de celui qui la fait sortir du fond de la mer, et vous serez toujours prêts a vous acquitter, parce qu’il a rendu la valeur et la vie à ce qui était mort et sans vertu en vous. Le nouvel homme a aussi retrouvé cette drachme, il a saisi avidement la ligne qui se présentait, il est sorti du fond de l’abîme, il a satisfait aux droits de la justice, n’hésitez point à suivre son exemple. Nouvel Homme 53
Mais ne faites pas ensuite comme tant de malheureux qui ont laissé effacer les signes de cette drachme par les pouvoirs de la lime tranchante ; leur numéraire ne porte plus l’effigie du prince. Ce numéraire ne peut plus circuler, il laisse l’homme dans la disette la plus affreuse ; cherchez au moins s’il ne vous reste pas quelques moyens d’échapper à la mort. Ecoutez. Nouvel Homme 53
Vous pouvez abréger cette oeuvre pendant votre vie terrestre ; après qu’elle sera terminée, vous serez obligés d’attendre, et de subir toute la longueur du décret, pour que dans vous le mort ou le numéraire reprenne sa vie, son caractère, et sa valeur. Nouvel Homme 53
Hommes de Dieu, consolez-moi, consolez-moi, mon coeur est gonflé d’affliction, consolez-moi, il est plein de douleurs comme le coeur des prophètes ; car il embrasse la vaste étendue du crime, et les abîmes s’entrouvent devant moi. J’y vois les victimes qui y sont immolées journellement sur l’autel de l’iniquité ; j’y vois ces infâmes sacrificateurs égorger eux-mêmes les victimes malheureuses qu’ils ont séduites sous l’appât des plus grands triomphes, et des plus douces consolations. J’y vois les satellites de ces sacrificateurs parcourir tous les sentiers de la terre pour surprendre de nouvelles proies, et les entraîner dans la caverne du lion féroce, et je ne vois personne qui les défende, et qui les arrache à la mort. Hommes de Dieu, que ce soient vos pleurs qui coulent dans toutes mes veines en place de mon sang. Donnez-moi votre force, et j’irai prendre tous ces prophètes de mensonge qui s’emparent de l’esprit des rois d’Israël, et comme Elie sacrifia les faux prophètes de Baal et d’Astarté, je les précipiterai dans le torrent de Cison. Je foulerai aux pieds ces habitants d’Edom ; je les foulerai comme dans un pressoir, et leur sang rejaillira sur mes vêtements, et rougira les bords de ma robe (Isaïe 63). Nouvel Homme 53
Consolez-vous hommes de paix, vous n’êtes pas non plus séparés de ceux de vos frères qui habitent une atmosphère pure ; la mort ne sépare que le méchant ; c’est à lui d’attendre que l’on vienne lui apporter des secours ; parce qu’en lui ôtant son enveloppe de mensonge, on lui a ôté ce qui était tout pour lui. Souvenez-vous de la parabole du mauvais riche ; il aurait désiré que Lazare eût pu seulement tremper son doigt dans ses abîmes, pour en tempérer l’ardeur dévorante, et cette consolation lui est refusée. Mais l’homme juste n’est jamais un instant sans que le doigt de Dieu ne se trempe dans son atmosphère ; aussi, tel que l’épi au milieu du champ il voit sans sourciller la faux du moissonneur tout renverser autour de lui, et s’approcher pour le renverser à son tour ; il sait qu’en quittant cette terre il entre dans l’atmosphère de la pureté, et que là, des yeux plus perçants encore que ceux de l’impie, le visiteront avec vigilance pour le préserver, et l’aider à son insu. Nouvel Homme 55
En effet, cette action divine et le nouvel homme sont unis par les liens les plus indissolubles ; il ne peut rien sans elle, puisqu’elle est la plénitude universelle, mais elle ne peut rien sans lui puisqu’il est son agent de prédilection ; c’est pourquoi il peut dire : Mon père m’a remis toutes choses entre les mains. Mais s’il se réjouit de ce que son père lui a mis toutes choses entre les mains, c’est moins parce que tous les esprits lui sont soumis par là, que parce que son nom est écrit dans le livre de vie. C’est parce que quiconque l’écoutera, écoutera son père ; c’est parce que telle est l’ardeur de son zèle pour la gloire de son père céleste, qu’il n’aperçoit aucune perspective plus consolante que celle de manifester les merveilles de ce père céleste qui l’a engendré et qui l’engendre continuellement. Aussi au seul éclat de la lumière dont brille ce nouvel homme, la mort et le néant s’enfuiront dans leurs ténèbres. Nouvel Homme 55
Voilà par quels moyens le nouvel homme repoussera sans cesse les insinuations, et les ruses de ses adversaires, et traversera ainsi la mort avec la vie. Car il est écrit qu’il passa au milieu l’eux. Mais ce sera toujours par les lumières de la raison, et de l’intelligence la plus saine, et la plus pure, qu’il saura s’en défendre, et les combattre ; car le nouvel homme est un être qui doit, à tout moment, faire développer en lui, et hors de lui les abondances de la justice, les abondances de la miséricorde, et les abondances de la lumière. Nouvel Homme 57
« Ne prenez pas même pour les signes infaillibles de votre régénération les choses étonnantes, et les grands prodiges que vous pourrez opérer ; car il peut s’élever en vous de faux christs, et de faux prophètes qui en opèrent de semblables, jusqu’à séduire, s’il était possible, les élus mêmes. Ne vous rendez donc point à toutes les voix qui vous diront intérieurement : « Je suis le Christ ; car comme un éclair qui sort de l’orient, paraît jusqu’à l’occident, ainsi sera dans votre être l’avènement du fils de l’homme. » Chassez seulement de vous avec le plus grand soin tous les corps morts, car partout où le corps mort se trouvera, les aigles s’y assembleront. » Nouvel Homme 59
Il prend le calice, et ayant rendu grâce, il nous dit : « Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang, lequel sera répandu pour vous. Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu’à ce jour où je le boirai de nouveau avec vous dans le royaume de mon père ; toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. » Parce que le sang de cette coupe, annonce l’effusion du sang matériel du Réparateur, que l’effusion de son sang matériel annonce l’effusion de son sang spirituel, et qu’en même temps cette coupe annonce l’effusion du sang corporel de l’homme pour l’abolition du péché, et l’effusion de son sang spirituel pour sa régénération particulière. Nouvel Homme 60
C’est pourquoi le nouvel homme n’aurait pas été régénéré si le Réparateur ne s’était pas fait homme, parce que sans cela les voies de notre sang n’auraient jamais été ouvertes, et ce sang n’aurait jamais pu couler, malgré la mort corporelle que nous subissons tous les jours, et malgré tous les massacres de la terre. C’est aussi par ce moyen qu’il a fait de l’âme des hommes un agneau pascal semblable à lui ; et que cet agneau doit être immolé dans chacun d’eux, pour en faire autant de nouveaux hommes, comme il a dû être immolé lui-même pour le renouvellement, et la régénération de toute l’espèce humaine. Nouvel Homme 60
Dans l’ardeur de notre zèle, et dans l’ignorance où nous sommes de toute l’étendue de l’épreuve, nous lui disons : Seigneur, je suis tout prêt d’aller avec vous, et en prison, et à la mort même. Mais l’esprit qui nous connaît bien mieux que nous ne pouvons nous connaître, nous répond : « Pierre, je vous déclare que d’aujourd’hui le coq ne chantera que vous n’ayez nié par trois fois que vous me connaissiez, parce que l’esprit voit à découvert tous les plans des mouvements des êtres, parce que cet esprit voit notre faiblesse, et le penchant que nous avons à lui être infidèles, et que comme le péché primitif a eu un triple caractère, et qu’il a opéré en nous une triple mort, nous répétons ce triple péché, ou cette triple infidélité dans nos épreuves particulières, jusqu’à ce que le coq, ayant chanté trois fois, comme pour annoncer ce malheureux triomphe de la matière sur nous, nous rentrions en nous-mêmes, et que, comme fit Pierre, nous versions des larmes sur notre péché et sur notre lâcheté. Nouvel Homme 60
C’est ici, nouvel homme, que le poids de l’oeuvre te va paraître accablant ; tu vas commencer à être saisi de tristesse, tu diras à ceux des tiens qui sont les plus près de toi : Mon âme triste jusqu’à la mort, demeurez ici et veillez avec moi. Mais comme l’homme coupable pécha seul, tu les croiras encore trop près de toi, dans l’expiation que tu vas subir, et tu travailleras seul à cette terrible expiation. Tu concentreras toutes tes facultés en toi-même, en raison de la criminelle concentration où l’homme se réduisit par son crime. Cette expiation te paraîtra redoutable que tu diras : Mon père, faites s’il est possible que ce calice passe et s’éloigne de moi. Mais la soumission l’emportant sur ta faiblesse, tu ajouteras : Néanmoins que votre volonté s’accomplisse, et non la mienne ! Nouvel Homme 65
Ce grand prêtre de la loi du temps, feindra d’être scandalisé de tes paroles. Dans son hypocrite ignorance, il déchirera ses vêtements en disant : il a blasphémé, qu’avons-nous plus besoin de témoins ? Vous venez vous-mêmes de l’entendre blasphémer. Qu’en jugez-vous ? En étant remplis de l’esprit de leur chef, ils répondront : Il a mérité la mort. Alors tous les adhérents de ce chef ambitieux et jaloux se réuniront contre toi ; ils t’accableront d’insultes et d’outrages ; ils multiplieront contre toi les accusations afin de te troubler dans ton oeuvre, et surtout afin de t’empêcher de manifester les titres de la véritable royauté. Nouvel Homme 65
Les ennemis de la paix et de la lumière, en te traitant de la sorte, auront grand soin d’observer quelques points de la loi, afin de parenté fidèles à la justice, tout en égorgeant l’innocence. C’est ainsi que les Juifs, en conduisant le Réparateur chez Pilate pour le livrer à la mort, ne voulurent point entrer dans le palais de ce gouverneur qui n’était pas de leur religion, de peur qu’étant impurs, ils ne pussent manger la Pâque. Nouvel Homme 65
Néanmoins, cet homme naturel qui est encore en toi, et qui ne s’aveugle point sur les injustices qui se commettront intérieurement contre toi, se séparera de tes accusateurs, et dira comme Pilate lorsqu’il fit apporter de l’eau, et qu’il se lava les mains devant le peuple : je suis innocent du sang de ce juste ; ce serait en vain qu’il s’opposerait à ta condamnation, ce serait en vain que les rois de la terre, tout en te méprisant, comme Hérode méprisa le Réparateur, diraient cependant qu’ils ne trouvent rien en toi qui mérite la mort ; ce serait en vain qu’ils offriraient de te délivrer au moment de la Pâque, selon l’usage où était le gouverneur de délivrer un criminel à cette époque. Tes ennemis intérieurs ne se contentent pas de te dénoncer comme criminel, ils veulent encore que tu sois crucifié comme tel, tandis qu’au contraire, ils veulent qu’on délivre Barabbas, c’est-à-dire, qu’ils veulent que la grâce tombe sur le coupable, et toute la fureur de la vengeance qu’ils appellent justice, sur l’innocent. Nouvel Homme 65
Comment pourrait-il avancer son oeuvre quand il attaque le diamant vif, puisqu’en croyant agir pour son propre avantage, il agit presque toujours contre ? Il a poussé les Juifs à faire mourir le Réparateur, et c’est cette mort qui devait le tuer. Il a poussé les Juifs à demander que le sang de ce Réparateur retombât sur leur tête parce qu’il comptait les perdre par cette imprécation, et c’est ce sang qui devait les sauver. N’ayant pu réussir dans ces deux entreprises, il essaie de le faire tenter par eux en lui demandant de se délivrer lui-même pour les convaincre, et c’est au contraire ce sacrifice qu’il fait de lui-même qui doit les amener à la conviction. Nouvel Homme 66
67. Nouvel homme, applique promptement sur toi tous ces types que tu viens de parcourir. La mort corporelle du Réparateur devait être volontaire pour rendre à ton esprit la force de mourir volontairement à son tour ; et elle t’offre une oeuvre plus grande que celle de ta mort corporelle même ; aussi avait-il dit : Vous ferez de plus grandes oeuvres que les miennes. Nouvel Homme 67
Les premiers prévaricateurs firent mourir de mort le premier homme envoyé pour les régénérer ; ils le firent mourir de mort, parce que n’étant pas matière, il ne pouvait pas mourir autrement. Les Juifs ont fait mourir le Réparateur qui venait les sauver ; mais ils ne l’ont pas fait mourir de mort, parce qu’il était au-dessus du péché. Mais toi nouvel homme, toi à qui le Réparateur vient de rendre la puissance sacerdotale pour immoler la victime, ne perds pas un instant pour exercer ton ministère. Tu. vois que les premiers prévaricateurs ont fait mourir de mort le premier homme envoyé pour les régénérer. Il faut donc que tu meures de mort une seconde fois, si tu veux payer le tribut à la justice, et si tu veux rentrer dans la vie de ton esprit, et cela sans attendre même la mort de ton corps laquelle doit, à la vérité, être toujours prête et résignée de ta part, mais qui ne doit point être volontaire, puisque celle du corps du Réparateur l’a été, et puisque ce n’est pas ton corps qui a péché. Nouvel Homme 67
C’est donc à l’holocauste et à la mort de ton esprit que doivent être consacrés tous tes efforts, et c’est à l’accomplissement de ce grand oeuvre que doivent s’employer sans cesse toutes tes intelligences et toutes tes puissances ; car si tu meures de mort dans ton esprit avant la mort de ton corps, tu dois craindre qu’après la mort de ton corps, ton esprit ne puisse plus vivre que de mort au lieu de vivre de la vie. Il faut donc qu’après avoir été le jouet du peuple ignorant qui est en toi, après avoir été conduit au supplice au milieu des voleurs et de l’iniquité dont tu t’es rapproché autrefois, enfin après avoir été appliqué sur la croix, et après avoir pris le vinaigre qui t’es présenté, tu dises comme le Réparateur : tout est accompli, et qu’ayant baissé la tête, tu rendes l’esprit comme lui. Nouvel Homme 67
Aussi ceux qui n’auront pas consommé l’oeuvre de leur crucifixion ne seront point admis au festin de l’agneau, et ne goûteront point de ce nouveau jus de la vigne qui est préparé pour le Réparateur, et pour tous ceux qui auront fait mourir leur esprit en son nom, et qui l’auront fait ensevelir dans ce sépulcre nouveau où personne avant lui n’avait encore été mis, parce qu’il n’y avait que lui qui pût pénétrer ainsi le premier jusque dans les sombres demeures de la mort, afin qu’après en avoir dissipé les ténèbres et la corruption, ceux qui voudraient ensuite mourir en lui, et s’ensevelir en lui n’y rencontrassent plus que la lumière, la pureté, et la vie. Nouvel Homme 67
Nouvel homme, si à l’exemple de ce Réparateur tu marches ainsi à ton sacrifice, et que tu aies le bonheur de l’accomplir, tu verras en toi s’opérer les mêmes prodiges qui parurent au moment où il subit la mort corporelle. Le soleil de la matière s’obscurcira, parce que ce soleil n’opère en toi que la mort de la vie, et que cet esprit qui naît en toi doit opérer la mort de la mort. Nouvel Homme 67
Les sépulcres s’ouvriront, et plusieurs corps des saints qui sont dans le sommeil ressusciteront, et sortant de leurs tombeaux après leur résurrection, ils viendront dans la ville sainte, et seront vus de plusieurs personnes. Tu sentiras tes substances spirituelles renaître en toi, et sortir de leurs tombeaux où elles te paraissaient ensevelies dans le sommeil de la mort ; elles reprendront leur activité, et viendront se réunir à l’action de ton esprit pour y puiser continuellement de nouvelles forces et une nouvelle vie. Elles viendront se promener dans les rues de cette Jérusalem sainte, qui a été construite en toi dès l’origine, mais dont toutes les avenues avaient été fermées par l’iniquité, et qui ne pouvaient être rendues libres que par la puissance de celui qui vient d’expirer en toi, et qui n’a pu y expirer, sans y opérer une explosion universelle. Nouvel Homme 67
Le nouvel homme restera donc également ignoré des siens pendant un temps, et tandis qu’ils le croiront séparé d’eux pour jamais, il sera occupé à revivifier, et scruter tout ce qu’il y aura encore d’impur et d’irrégulier dans les substances de son propre ternaire, et il ne cessera point de siéger parmi elles, qu’il ne les ait fait passer tout entières par la corruption du tombeau. Si lui-même a subi la mort pour opérer sa propre régénération, comment tout ce qui est en lui pourrait-il recouvrer la vie sans subir la même loi, et sans passer par l’horreur de la mort, et de la putréfaction qui en est la suite ? Si tout a été coupable en lui, comment tout n’y serait-il pas soumis au jugement, et à la condamnation ? Nouvel Homme 68
69. Quand le nouvel homme aura ainsi prononcé le jugement au fond de ses propres abîmes, qu’il aura condamné à être exterminés devant lui tous ceux qui se seront rendus les ennemis de sa parole, et de son nom, et qu’il aura rendu la liberté à ceux qui l’auront désirée, il rentrera dans la région de son être apparent, et là il se montrera à ceux des siens qui sont encore dans cette région, afin de les convaincre qu’il est vivant, et qu’il est ressuscité puisqu’il a été mort ; il les convaincra en même temps des avantages qu’il a acquis par cette mort, et par cette résurrection. Nouvel Homme 69
En même temps l’intelligence ne doit point être étonnée de voir le nouvel homme rentrer dans tous les droits de cet être apparent qui avaient semblé comme suspendus pendant le supplice, les épreuves et la mort de ce nouvel homme ; l’intelligence, dis-je, ne doit point être étonnée de voir le nouvel homme passer de nouveau dans son être apparent, après en avoir comme disparu, parce que lorsqu’il a semblé comme séparé de cet être apparent, ça n’a été que pour descendre encore au-dessous de cette apparence, afin d’aller exercer le jugement dans les abîmes ; mais comme son séjour, et sa demeure ne sont point dans ces abîmes, comme il est né d’en haut, et qu’il lui faut retourner vers le royaume de son père, il ne peut se rendre à ce royaume de son père, sans passer de nouveau par cet être apparent au-dessous duquel il était descendu pour un temps. Nouvel Homme 69
Il faut donc qu’indépendamment de ce jugement particulier que nous lui avons vu prononcer, lorsqu’il est descendu dans ses abîmes, il prononce encore, prophétiquement, le jugement final qui doit décider du sort des prévaricateurs, et faire la séparation de ceux qui dans lui-même ayant échappé, par la pénitence, à la première mort, seront préservés de la seconde mort, d’avec ceux qui seront les victimes de l’une et de l’autre de ces deux morts. Nouvel Homme 71
Voyons-le verser les quatre premières coupes sur la terre, sur les fleuves, et sur le soleil pour opérer la dissolution de la région fantastique et illusoire qui le retient dans les ténèbres, et pour faire « que les hommes qui auront le caractère de la bête soient frappés d’une plaie maligne et dangereuse, que la mer devienne comme le sang d’un mort, que les fleuves et les sources des eaux soient changés en sang ; et les hommes étant frappés d’une chaleur dévorante, blasphèmeront le nom de Dieu, qui a ces plaies en son pouvoir, refusant de faire pénitence pour lui donner gloire. La cinquième coupe se répandra sur le trône de la bête, et son royaume deviendra ténébreux. La sixième coupe se versera sur le grand fleuve d’Euphrate, et son eau sera séchée pour ouvrir le chemin aux rois qui doivent venir de l’Orient. La septième coupe se répandra dans l’air, et une forte voix se fera entendre du temple comme du trône, et qui dira : c’en est fait. » Nouvel Homme 71
Ame humaine, quand ces redoutables jugements seront prononcés, et exécutés en toi, c’est alors qu’il y aura pour toi un nouveau ciel, et une nouvelle terre, car le premier ciel, et la première terre auront disparu, et la mer ne sera plus ; alors tu verras « la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, qui venant de Dieu descendra du ciel en toi, étant parée comme une épouse qui se pare pour son époux ; et tu entendras une grande voix qui viendra du trône, et qui dira : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec toi, et tu seras son peuple, et tes yeux, et la mort ne sera plus. » Ame humaine, veux-tu connaître les proportions de cette ville sainte, de cette Jérusalem qui descendra en toi, étant parée comme une épouse qui se pare pour son époux, transporte-toi sur la grande, et haute montagne qui est en toi. Tu verras que cette ville sainte est illuminée de la clarté de Dieu, que la lumière qui éclaire, est semblable à une pierre précieuse, à une pierre de jaspe transparente comme du cristal. Nouvel Homme 71