souffle

Quant à la musique qui se fait entendre dans l’organisme humain, elle est comme un mélange de flûte et de lyre qui s’unissent l’une à l’autre en une même harmonie. Le SOUFFLE, venant des réservoirs qui le contiennent, est poussé vers le haut à travers la trachée. Lorsque celui qui veut parler tend cet organe en vue de produire un son, le SOUFFLE se heurte aux commissures intérieures qui entourent ce conduit pareil à une flûte. Il imite d’une certaine façon le son de celle-ci par les vibrations produites autour des saillies membraneuses. Puis le son venu d’en bas est reçu dans la cavité pharyngienne, d’où il se divise dans le double conduit des narines et dans les cartilages de l’ethmoïde pareils à des stries d’écaille, ce qui donne à la voix plus de clarté. La joue, la langue, la structure des parties entourant le pharynx qui donne à la mâchoire inférieure une forme creuse terminée en pointe, toute cette organisation correspond de bien des manières au mouvement des cordes du plectre, car elle permet de tendre rapidement l’ensemble au moment voulu. Les lèvres, quand elles se relâchent et se resserrent, ont le même effet que les doigts de ceux qui règlent l’air de la flûte et l’harmonie du chant . IX

Pour cette même raison, si les exhalaisons venues de l’intérieur, rétrécissent les endroits où se trouvent les sens et si par ailleurs quelque nécessité interdit le sommeil, le système nerveux, rempli de ces vapeurs, se tend naturellement lui-même et cet allongement amincit la région chargée des vapeurs. Il se produit quelque chose d’identique à ce qui a lieu quand on tord avec force des vêtements pour en faire sortir l’eau. La région du pharynx est arrondie et le système nerveux y est très développé. Lorsqu’il faut en chasser les vapeurs qui s’y sont accumulées (comme on ne peut étirer un objet rond qu’en l’étendant suivant une forme circulaire), cette forme arrondie fait que le SOUFFLE est reçu dans le bâillement : la luette fait s’abaisser la mâchoire inférieure et, tandis que l’intérieur de la cavité ainsi formée se détend en forme de cercle, cette sorte de suie lourde répandue en ces organes est exhalée avec le SOUFFLE. Souvent, après le sommeil, la même chose se produit, lorsqu’une de ces vapeurs a été laissée en ces lieux sans être chassée par le SOUFFLE. XIII

Dans l’activité du corps, bien que chaque partie ait une fonction propre liée à la puissance qui est en elle, il n’y en a pas moins corrélation entre la partie en repos et celle qui est soumise au mouvement ; de la même façon dans l’âme, même si une de ses parties est en repos et l’autre en mouvement, l’ensemble reste en liaison avec ses parties. Car on ne peut admettre que l’unité naturelle de l’âme soit entièrement dissoute par la prédominance de l’activité d’une des puissances sur une partie. Mais de même que chez ceux qui sont éveillés et en exercice, l’esprit domine et le sens sert, alors que cependant la partie nutritive du corps ne fait pas défaut au reste (l’esprit fournit la nourriture nécessaire, le sens la reçoit et la force nutritive du corps l’assimile) ; de la même façon durant le sommeil l’ordre de commandement de ces puissances est en nous comme inversé : alors que commande la partie irrationnelle, l’activité des autres cesse, mais ne s’éteint pas tout à fait. A ce moment la partie nutritive est occupée, grâce au sommeil, à la digestion, et elle assure le soin de toute la nature ; mais alors la force de la sensation n’est pas tout à fait détendue (ce que la nature a une fois uni ne peut être ensuite complètement séparé), sans que son activité puisse pourtant s’exercer au grand jour, à cause de l’inactivité des sens pendant le sommeil. Il faut en dire autant de l’esprit : comme il est uni à la partie sensitive de l’âme, il serait logique d’affirmer que les mouvements de celle-ci déterminent les mouvements de l’esprit et que son repos amène le repos de l’esprit. C’est ainsi que normalement il arrive pour un feu. Lorsque de tous côtés on l’a recouvert de pailles mais qu’aucun SOUFFLE ne vient agiter la flamme, celle-ci ne se répand pas sur les matières environnantes. Cependant le feu n’est pas tout à fait éteint ; mais, au lieu d’une flamme, la paille ne donne qu’une vapeur. Le vent vient-il à s’en emparer, la paille change la fumée en flamme. De la même façon l’esprit, recouvert pendant le sommeil par suite de l’inaction des sens, n’a pas la force de faire briller en eux sa lumière ; mais il n’est pas tout à fait éteint. Son mouvement est celui de la fumée : il a bien quelque activité, mais elle est sans force. Un musicien, qui frappe le plectre sur les cordes relâchées de sa lyre, ne fait pas entendre de chant régulier, car une corde, si elle n’est pas tendue, ne résonne pas. Alors sa main a beau être fidèle à son art et poser le plectre à l’endroit voulu, aucun son n’en sort, mais un bruit sourd qui n’a ni sens ni ordre et qui vient du mouvement des cordes. Ainsi l’ensemble des organes des sens est relâché par le sommeil et, ou bien l’artiste se repose tout à fait, quand une trop grande fatigue ou quelque lourdeur ont entièrement détendu l’instrument, ou bien son activité reste sans vigueur et indistincte, quand l’organe des sens est incapable de recevoir exactement son impression. La mémoire alors est confuse et notre connaissance de l’avenir sommeille sous des voiles incertains ; l’imagination nous présente l’image d’objets dont nous nous occupions éveillés et il arrive souvent que nous y trouvions l’indication d’événements à venir. Car alors la mémoire, par la subtilité de la nature, dépasse la lourdeur corporelle et peut apercevoir quelque objet existant. Sans doute n’a-t-elle pas le pouvoir de faire comprendre nettement ce qu’elle dit et d’annoncer clairement l’avenir, mais la manière dont elle le montre reste incertaine et amphibologique, à quoi les interprètes des songes donnent le nom d’énigmes. Ainsi l’échanson broie des grappes de raisin dans la coupe du pharaon ; ainsi le panetier se voit en songe en train de porter des corbeilles : chacun pendant ses songes se croit dans ses occupations de l’état de veille. L’impression, dans la partie de l’âme qui regarde l’avenir, des objets qui étaient l’occupation ordinaire de ces hommes, a fait qu’occasionnellement leur a été prédit quelque événement à venir, grâce à cette prévision de l’esprit. XIII

Le témoignage des événements passés confirme donc la vérité de toute prédiction du Seigneur : non seulement la Résurrection nous est enseignée par des paroles, mais, grâce à ceux-là même que la résurrection a rendus à la vie, les faits nous donnent la preuve de la promesse. Maintenant, quel argument reste-t-il à ceux qui ne croient pas ? Nous laisserons là tous ceux qui se fondent sur la « philosophie » ou sur de vaines erreurs pour repousser la foi dans sa simplicité et nous donnerons notre assentiment sans réserve aux brèves paroles du Prophète qui nous enseigne la manière dont se fera ce don : « On leur enlèvera, dit-il, le SOUFFLE et ils expireront et ils retourneront en leur poussière. Tu enverras ton Esprit et ils seront créés et tu renouvelleras la face de la terre. » Alors le Seigneur trouvera sa joie en ses oeuvres, les pécheurs ayant débarrassé la terre. Comment pourrait-on appeler quelqu’un pécheur, quand le péché n’existe plus ? XXV

Une autre catégorie d’auteurs, s’attachant à l’ordre suivi par Moïse dans le récit de la formation de l’homme , affirment que temporellement l’âme a été créée après le corps. Dieu, en effet, a d’abord pris de la poussière du sol pour en former l’homme ; ensuite il l’a animée de son SOUFFLE. Par cette façon de parler, ils établissent que la chair vaut mieux que l’âme, puisque celle-ci est introduite dans une chair formée antérieurement : ils disent en effet que l’âme existe en vue du corps, afin que le corps modelé ainsi ne reste pas sans SOUFFLE et sans mouvement. Or un objet qui existe en vue d’un autre a certainement moins de valeur que ce à cause de quoi il est fait. Ainsi, d’après les expressions de l’Évangile, l’âme vaut plus que la nourriture, le corps plus que le vêtement, car les seconds sont à cause des premiers. L’âme n’est pas faite pour la nourriture ni le corps pour le vêtement, mais, l’âme et le corps existant d’abord, les seconds ont été découverts après coup pour satisfaire aux besoins des premiers. XXVIII

Étudiant la nature de notre corps, nous considérerons la finalité de chaque partie de notre être sous trois aspects : la vie, son bien-être, sa transmission. Les organes, sans lesquels il est impossible que se soutienne la vie humaine, sont au nombre de trois : le cerveau, le coeur et le foie. Il faut ajouter tous les biens que la nature accorde à l’homme pour lui permettre de vivre aisément : ce sont les organes des sens. Ils ne constituent pas la vie de l’homme, puisque certains font souvent défaut, sans qu’elle en soit atteinte ; mais, sans leur activité, l’homme ne peut trouver de joie dans l’existence. Le troisième point concerne la continuité et la succession de la vie. En plus de ces organes, il y en a d’autres, présents chez tous, pour la conservation de son être et qui ont chacun leur utilité propre, comme l’estomac ou les poumons : l’un, par le SOUFFLE, ranime le feu du coeur, l’autre introduit la nourriture dans les viscères. Par cette division de notre organisme, on peut se rendre exactement compte que la vie ne nous est pas communiquée par un seul organe, mais que la nature a réparti en plusieurs ce qui contribue au maintien de notre être et qu’elle rend nécessaire au tout le concours de chaque élément. De là viennent le nombre et la grande variété des organes qu’elle a confectionnés pour assurer et embellir notre vie. XXX

La pauvreté de notre nature se fait sentir dans le besoin absolu où elle est de tout ce qui est nécessaire à son existence : non seulement elle manque d’un air qui lui appartienne et d’un SOUFFLE qui réveille sa chaleur, puisqu’elle ne cesse de l’introduire en elle de l’extérieur pour la conservation de la vie, mais aussi elle prend la nourriture au dehors pour entretenir la masse corporelle. C’est pourquoi elle satisfait à nos besoins par la nourriture et la boisson, mettant en nous le moyen d’attirer ce qui lui manque et de rejeter ce qui est de trop. En ce travail, d’ailleurs, la chaleur cardiaque fournit à la nature une aide précieuse. Selon ce que nous avons admis, en effet, la partie principale du vivant est le coeur : par son SOUFFLE (pneuma) chaud, il réchauffe chaque partie une à une. Aussi il exerce son action de partout par la puissance efficace qu’il possède, selon la disposition du créateur voulant que chaque partie ait son activité et son emploi pour le bien de l’ensemble. De là vient que placé en dessous et en arrière du poumon, par la continuité de son mouvement, il assure d’un côté, en tirant vers lui le poumon, l’élargissement des conduits pour l’aspiration et de l’autre, en le soulevant à nouveau, l’évacuation de l’air reçu. De là vient aussi que, réuni à la partie supérieure du ventre, il le réchauffe pour le rendre capable d’accomplir sa fonction : il ne l’excite pas pour aspirer l’air, mais pour qu’il reçoive sa nourriture. Les passages du SOUFFLE et de la nourriture sont en fait voisins ; sur toute leur longueur, ils viennent à la rencontre l’un de l’autre, puis ils se rejoignent vers le haut, au point de n’avoir qu’un même orifice et de terminer leurs conduits dans une seule bouche, d’où par l’un se fait l’introduction de la nourriture, par l’autre celle du SOUFFLE. Mais en profondeur, l’union entre ces conduits n’existe plus du tout : le coeur, tombant au milieu du siège de l’un et de l’autre, donne à l’un ce qu’il faut pour respirer, à l’autre ce qu’il faut pour se nourrir. La substance ignée en effet recherche naturellement une substance combustible et elle la trouve nécessairement dans le réceptacle de la nourriture. Plus ce réceptacle est chaud, à cause de la chaleur environnante, plus sont attirées en même temps les substances capables de nourrir la chaleur. Cette attirance, nous l’appelons « appétit ». XXX

Le foie, plus que le reste, avait besoin de l’aide de la chaleur pour convertir en sang les substances humides ; mais, comme par position, il se trouve loin du coeur – (je ne crois pas possible qu’étant lui-même principe et source d’énergie, il se trouve à l’étroit par le voisinage d’un autre principe) -, pour que notre organisme n’ait cependant pas à souffrir de l’éloignement de la substance calorifique, un conduit semblable aux nerfs (que les savants en ces matières appellent « artère ») reçoit du coeur le SOUFFLE chaud et l’apporte au foie ; il communique avec le coeur près de l’endroit où s’introduisent les substances humides et comme sa chaleur fait bouillir celles-ci, il leur fait part de sa parenté avec le feu, en donnant au sang une coloration de feu. Deux conduits jumelés prennent là naissance : l’un et l’autre, en forme de tuyau, contiennent le premier le SOUFFLE, le second le sang. Il en est ainsi pour faciliter le passage à la matière humide qui suit le mouvement de la chaleur et est par elle rendue plus légère. De là ils se répandent et se divisent sur tout le corps en mille conduits et ramifications qui atteignent tous les organes. Cette union des deux principes des forces vitales – de celle qui envoie la chaleur et de celle qui envoie l’humide à travers le corps, – leur permet de communiquer à la puissance qui gouverne toute notre vie leurs propriétés comme un présent dont celle-ci ne pouvait se passer. XXX

Je veux parler ici de la force qui est dans les méninges et le cerveau. Que l’on considère les mouvements des membres, les contractions des muscles, la réception en chacune des parties du SOUFFLE (pneuma) envoyé par la volonté , cette force, comme par un dessein prémédité, apparaît être la cause de l’activité et du mouvement dans cette statue faite de terre que nous sommes. Les éléments les plus purs de la substance calorifique et les plus légers de l’humide s’unissent très intimement en ces deux puissances pour nourrir et soutenir le cerveau par le moyen des vapeurs . Ces vapeurs, pour se répartir, sont rendues excessivement minces et elles enduisent par en dessous la membrane qui entoure le cerveau ; celle-ci, allant de haut en bas, a la forme d’une flûte et, à travers les vertèbres successives, emmène avec elle la moelle qu’elle contient jusqu’à la dernière vertèbre dorsale où elle s’arrête. A toutes les jointures des os et des articulations, aux origines des muscles, comme un cocher, elle communique l’excitation et la puissance du mouvement et du repos. Cette constitution rendait, je crois, nécessaire une plus grande protection de cette membrane. Aussi dans la tête, celle-ci est encerclée de la double défense des os ; dans les vertèbres, elle est protégée à la fois par les défenses des épines et par les entrelacements de toutes sortes qu’elles présentent. Ces défenses qui l’entourent la mettent à l’abri de toute atteinte. XXX