Christ

Si vous examinez les autres caractères de la beauté divine, vous trouverez que sur ces points encore la ressemblance est exactement gardée dans l’image que nous sommes. La Divinité est Esprit et Verbe : « Au commencement » en effet, « était le Verbe » . Et selon Paul, les Prophètes « ont l’Esprit du CHRIST » parlant en eux. La nature humaine, non plus, n’est pas loin de ces attributs : en vous-même, vous voyez la Raison et la Pensée, imitation de Celui qui est en vérité Esprit et Verbe. V

Examinons soigneusement les expressions. Nous découvrirons ceci : autre chose est ce qui est à l’image, autre chose ce que nous voyons maintenant dans le malheur. « Dieu fit l’homme », dit l’Écriture. « Il le fit à l’image de Dieu. » La création de celui qui est selon l’image a dès lors atteint sa perfection. Puis l’Écriture reprend le récit de la création et dit : « Dieu les fit mâle et femelle ». Tous savent, je pense, que cet aspect est exclu du prototype : « Dans le CHRIST Jésus, en effet, comme dit l’Apôtre, il n’y a ni mâle ni femelle. » Et pourtant l’Écriture affirme que l’homme a été divisé selon le sexe. Donc double est en quelque sorte la création de notre nature : celle qui nous rend semblable à la Divinité, celle qui établit la division des sexes. C’est bien une pareille interprétation que suggère l’ordre même du récit : l’Écriture dit en premier lieu : « Dieu fit l’homme ; à l’image de Dieu, Il le fit. » Dans la suite seulement, elle ajoute : « Il les fit mâle et femelle », division étrangère aux attributs divins . XVI

Qu’on prédise à un ignorant qu’à l’été la moisson viendra, que les greniers seront pleins et qu’en ce temps d’abondance, les tables seront chargées de mets, vous traiteriez de fou celui qui aurait hâte d’avoir devant lui la moisson, quand il faut d’abord semer et donner de sa peine, si l’on veut voir les fruits. Alors, que vous le vouliez ou non, la moisson viendra au temps fixé. Mais ils ne la verront pas du même oeil, celui qui par ses soins aura préparé pour lui la récolte et celui qui devant la moisson sera resté sans la préparer. De la même façon, je pense, alors que tous, nous savons par les oracles divins que le temps viendra de la transformation, nous n’avons pas à nous soucier du moment (le CHRIST a bien dit que ce n’était pas à nous de savoir les circonstances et l’époque) et à échafauder des raisonnements qui ne feront que gâter notre espérance de la Résurrection . Mais appuyés solidement sur la foi de ce que nous attendons, il faut nous assurer à l’avance le bienfait à venir par l’excellence de notre vie. XXII

Tout le monde connaît l’ancienne prospérité du peuple d’Israël, qui égalait toutes les puissances de la terre. On se rappelle les palais de Jérusalem, ses remparts, ses tours, la grandeur du temple. Devant ces merveilles, les disciples sont remplis d’étonnement et ils croient devoir attirer sur elles le regard du Seigneur, tellement leur admiration est grande. Ils adressent au CHRIST ces mots que rapporte l’Évangile : « Quelles grandes oeuvres ! quelles constructions ! » Mais lui, leur fait entrevoir le désert qui sera en cet endroit et la disparition de ces beautés, tandis qu’ils sont tout à l’admiration du présent ; il leur dit que dans peu il ne subsistera rien de ce qu’ils voient. XXV

Puis, au moment de sa Passion, aux femmes qui l’accompagnent en gémissant sur son injuste condamnation, sans regarder au vrai sens des événements, le CHRIST donne le conseil de se taire sur ses malheurs, qui ne méritent pas de larmes, et de conserver leurs gémissements et leurs lamentations pour le vrai jour des pleurs, lorsque la ville sera cernée par le siège et que les malheurs se presseront tellement sur elle que l’on enviera celle qui n’a pas enfanté . Il prédit le crime de ces mères qui mangeront leurs enfants, tandis qu’il proclame heureux le sein qui ces jours-là restera stérile. XXV

Le Seigneur, à mon avis, n’a pas fait ces prédictions en vue des faits eux-mêmes : quel avantage y avait-il pour les auditeurs à apprendre à l’avance des événements certains ? Ils les connaîtraient par expérience, même s’ils n’en savaient rien auparavant. Le CHRIST cherchait à les amener logiquement à la foi en des événements plus importants. La preuve d’expérience donnée par les premiers serait la preuve de la vérité des seconds . XXV

Si un agriculteur explique la puissance cachée dans une semence et si l’homme à qui il parle, ignorant l’agriculture, ne le croit pas sur parole, il suffit au paysan, pour prouver ce qu’il dit, de montrer dans une seule semence ce qu’il y a dans toutes celles d’un « médimne » et par elle de se porter garant de tout le reste. Quand on a vu un seul grain de blé ou d’orge ou toute autre graine contenue dans un « médimne » devenir un épi après son ensemencement en terre, on ne peut pas plus douter de l’ensemble que d’un seul. Aussi, à mon avis, le mystère de la Résurrection est suffisamment, prouvé, si les autres prédictions sont reconnues justes. Bien plus, nous avons l’expérience de la Résurrection et nous en sommes instruits, non pas tant par des discours, que par les faits eux-mêmes. Étant donné que la Résurrection constitue une merveille incroyable, le CHRIST commence par des miracles moins extraordinaires et habitue doucement notre foi à de plus grands. Une mère qui adapte la nourriture à son enfant, allaite de son sein au début la bouche encore tendre et humide ; puis, quand poussent les dents et que l’enfant grandit, elle ne commence pas à lui offrir un pain dur et impossible à digérer, qui par sa rudesse blesserait des gencives molles et sans exercice, mais avec ses propres dents elle mâche le pain, pour le mesurer et l’adapter à la force de celui à qui elle le donne ; enfin, quand le permet le développement des forces de l’enfant, elle le conduit doucement de nourritures plus tendres à une nourriture plus solide. Ainsi le Seigneur, vis-à-vis de la faiblesse de l’esprit humain : nous nourrissant et nous allaitant par des miracles comme un enfant encore imparfait, il donne d’abord une idée de la puissance qu’il a pour nous ressusciter par la guérison d’un mal incurable : cette action est grande, mais pas telle que nous ne puissions y croire. XXV

Le CHRIST s’en va maintenant accomplir un miracle plus sublime, afin que les oeuvres visibles nous fassent approcher du miracle incroyable de la Résurrection. Un des amis et familiers du Seigneur était malade : il s’appelait Lazare. Le Seigneur, qui se trouvait loin de lui, refuse de visiter son ami, afin de donner à la mort en l’absence de la Vie occasion et puissance de faire son oeuvre par la maladie. Le Seigneur en Galilée signifie à ses disciples l’état de Lazare ; il leur dit en particulier qu’il va partir pour aller le voir et faire lever celui qui est couché. Ceux-ci, peu assurés devant la brutalité des Juifs, trouvent pleine de difficultés et de risques la présence de Jésus en Judée au milieu de ceux qui veulent Le tuer. Aussi ils tardent et remettent toujours. Enfin, avec le temps, ils quittent la Galilée : le Seigneur les dominait par sa puissance et les conduisait. Il devait les initier à Béthanie aux préfigurations de la Résurrection universelle. XXV

Quatre jours s’étaient écoulés depuis l’événement ; les rites habituels avaient été accomplis pour le mort et le corps était déposé dans le tombeau. Sans doute le cadavre se gonflait déjà ; il commençait à se corrompre et à se dissoudre dans les profondeurs de la terre, selon les lois normales. C’était un objet à fuir, lorsque la nature se vit contrainte de rendre de nouveau à la vie ce qui déjà se dissolvait et était d’une odeur repoussante. Alors l’oeuvre de la résurrection universelle est amenée à l’évidence par une merveille que tous peuvent constater. Il ne s’agit pas ici d’un homme qui se relève d’une maladie grave ou qui, près du dernier soupir, est ramené à la vie ; il ne s’agit pas de faire revivre un enfant qui vient de mourir ou de délivrer du cercueil un jeune homme que l’on portait en terre. Il s’agit d’un homme âgé qui est mort et dont le cadavre, déjà flétri et gonflé, tombe en dissolution au point que ses proches ne supportent pas de faire approcher le Seigneur du tombeau, à cause de la mauvaise odeur du corps qui y est déposé. Or cet homme, par une seule parole, est rendu à la vie et ainsi est fondée l’assurance de la Résurrection : ce que nous attendons pour le tout, nous l’avons concrètement réalisé sur une partie. De même, en effet, que dans la rénovation de l’univers, comme dit l’Apôtre, le CHRIST lui-même descendra en un clin d’oeil, à la voix de l’Archange, et par la trompette fera lever les morts pour l’immortalité , de la même façon maintenant celui qui, au commandement donné, secoue dans le tombeau la mort comme on secoue un songe et qui laisse tomber la corruption des cadavres qui l’atteignait déjà, bondit du tombeau dans son intégrité et en pleine santé, sans que les bandelettes qui entourent ses pieds et ses mains l’empêchent de sortir. XXV

L’entretien du CHRIST sur l’Enfer montre que dans l’âme, même après sa séparation, demeurent des marques distinctives du composé que nous étions : alors que les corps sont déposés dans le tombeau, les âmes conservent quelque signe corporel, qui permet de reconnaître Lazare et ne permet pas au riche de rester inconnu. Il n’est donc pas invraisemblable de croire que les corps qui ressuscitent laissent la masse commune pour retourner aux êtres particuliers. Celui qui examine avec plus d’attention notre nature n’aura aucun mal à l’admettre. XXVII