Quelques-uns de nos prédécesseurs ont observé à propos du Nouveau Testament que partout où l’esprit est nommé sans un adjectif désignant quel est cet esprit, il faut entendre l’Esprit Saint. Ainsi : Le fruit de l’Esprit est la charité, la JOIE, la paix, etc. De même : Alors que vous avez commencé dans l’Esprit, vous achevez maintenant dans la chair. Nous pensons que cette distinction peut être aussi appliquée à l’Ancien Testament. Par exemple : Celui qui donne l’Esprit au peuple qui est sur terre et l’Esprit à ceux qui la foulent. Sans aucun doute celui qui foule aux pieds la terre, c’est-à-dire le terrestre et le corporel, participe à l’Esprit Saint, le recevant de Dieu. Un savant hébreu disait qu’il fallait entendre du Fils unique et de l’Esprit Saint les deux Séraphins qu’Isaïe décrit avec six ailes et qui se crient l’un à l’autre : Saint, Saint, Saint, le Seigneur Sabaoth. Nous pensons qu’il faut de même appliquer au Christ et à l’Esprit Saint ce qui est dit dans le cantique d’Habacuc : Au milieu des deux vivants – ou des deux vies -, lu seras connu. Toute la science venant du Père, par la révélation du Fils, est connue dans l’Esprit Saint, de sorte que l’un et l’autre, appelés par le prophète des vivants ou des vies, sont causes de la science de DieuDieu le Père. Comme il est dit du Fils que personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, l’Apôtre parle de même du Saint Esprit : Dieu nous a révélé par son Esprit : car l’Esprit scrute tout, même les profondeurs de Dieu. Mais de même dans l’Évangile, le Sauveur, mentionnant les doctrines divines les plus profondes que ne pouvaient encore saisir ses disciples, dit aux apôtres : J’ai encore beaucoup à vous dire mais vous ne pouvez pas encore le comprendre; lorsque sera venu le Paraclet, l’Esprit Saint, qui procède du Père, il vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Il faut donc penser que comme le Fils, qui seul connaît le Père, le révèle à qui il veut, le Saint Esprit, qui est seul à scruter jusqu’aux profondeurs de Dieu, révèle Dieu à qui il veut. Car l’Esprit souffle où il veut. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Malgré le peu de portée de notre intelligence, cette solution se présente qu’il nous faut indiquer sans péril pour la piété : Dieu le Père a toujours été, il a toujours eu un Fils unique qui est appelé en même temps Sagesse, selon ce que nous avons exposé plus haut. Cette Sagesse est celle qui faisait toujours la JOIE de Dieu quand il eut achevé le monde, pour que nous comprenions par là que Dieu toujours se réjouit. Dans cette Sagesse donc, qui était toujours avec le Père, la création était toujours présente en tant que décrite et formée et il n’y a jamais eu de moment où la préfiguration de ce qui allait être ne se trouvait pas dans la Sagesse. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Appendice
Puisque la logique de cette discussion montre que les astres sont des êtres animés et raisonnables, il faut voir s’ils ont reçu leurs âmes en même temps que leurs corps, au moment que désigne l’Écriture : Dieu fit deux grands luminaires, un plus grand pour gouverner le jour et un plus petit pour gouverner la nuit, ainsi que des étoiles, ou si l’esprit a été inséré, non à la création même des corps, mais du dehors, une fois les corps créés. Quant à moi je présume que l’esprit a été inséré du dehors, mais il paraîtra important de montrer cela à partir des Écritures. Cela semblera facile à affirmer par manière de conjecture, mais assurément plus difficile par le témoignage des Écritures. Car il est possible de le montrer ainsi par manière de conjecture. S’il est prouvé que l’âme de l’homme, assurément inférieure à celle des astres, puisqu’elle est l’âme de l’homme, n’a pas été façonnée avec le corps, mais a été effectivement insérée de l’extérieur, à plus forte raison est-ce le cas des âmes de ces êtres animés qui sont appelés célestes. Car en ce qui regarde l’homme, comment paraîtra-t-elle façonnée avec le corps l’âme de celui qui dans le ventre maternel a supplanté son frère, c’est-à-dire Jacob ? Ou comment a-t-elle été façonnée ou modelée avec le corps l’âme de celui qui, encore dans le ventre de sa mère, a été rempli de l’Esprit Saint ? Je parle de Jean, transporté de JOIE dans le sein de sa mère et s’agitant, pris d’une grande exultation, parce que la voix de la salutation de Marie était parvenue aux oreilles d’Elisabeth sa mère. Comment a-t-elle été façonnée et modelée avec le corps l’âme de celui qui est dit connu par Dieu avant d’être formé dans le sein et sanctifié par lui avant de sortir de la matrice ? A moins que Dieu ne paraisse remplir certains de l’Esprit Saint sans jugement et sans considération de leurs mérites et les sanctifier sans raison. Comment alors échapperons-nous à cette parole : Y a-t-il injustice auprès de Dieu ? Loin de là ! Ou à cette autre : Y a-t-il acception de personnes auprès de Dieu ? C’est à une telle conclusion qu’aboutit cependant la défense de l’assertion qui fait exister les âmes la même longueur de temps que les corps. Ce qu’on peut conjecturer par comparaison avec la situation humaine paraît s’appliquer encore plus logiquement aux êtres célestes : la raison de l’homme elle-même et l’autorité de l’Écriture semblent le montrer. LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section
Mais après toutes ces merveilles et magnificences, la capacité d’étonnement de l’intelligence humaine est complètement dépassée et la fragilité d’un entendement mortel ne voit pas comment elle pourrait penser et comprendre que cette Puissance si grande de la majesté divine, cette Parole du Père lui-même, cette Sagesse de Dieu dans laquelle ont été créés tout le visible et tout l’invisible, ait pu, comme il faut le croire, exister dans les étroites limites d’un homme qui s’est montré en Judée, et bien mieux que la Sagesse de Dieu ait pénétré dans la matrice d’une femme, soit née comme un petit enfant, ait émis des vagissements à la manière des nourrissons qui pleurent; et ensuite qu’elle ait été troublée par sa mort, comme on le rapporte et comme Jésus le reconnaît lui-même : Mon âme est triste jusqu’à la mort; et enfin qu’elle ait été conduite à la mort que les hommes jugent la plus indigne, bien qu’elle soit ressuscitée le troisième jour après. Tantôt nous voyons en lui certains traits humains qui paraissent ne différer en rien de la fragilité commune des mortels, tantôt des traits si divins qu’ils ne conviennent à personne d’autre qu’à la nature première et ineffable de la divinité : aussi l’entendement humain reste immobile par suite de son étroitesse et frappé d’une telle stupéfaction qu’il ignore où aller, que tenir, vers où se tourner. Pense-t-il le Dieu, il voit le mortel. Pense-t-il l’homme, il l’aperçoit, ayant vaincu le règne de la mort, revenir des morts avec ses dépouilles. C’est pourquoi ce mystère doit être contemplé en toute crainte et révérence pour montrer en un seul et même être la vérité de chaque nature, afin de ne rien penser d’indigne et d’indécent sur cet être substantiel divin et ineffable, ni juger au contraire que ce qu’il a fait soit l’illusion d’une imagination fausse. Exposer cela à des oreilles humaines et l’expliquer par des paroles excède de beaucoup les possibilités de notre mérite, de notre talent et de notre discours. Je juge que cela dépasse même la mesure des saints apôtres : bien mieux l’explication de ce mystère est peut-être au-dessus des puissances célestes de toute la création. Ce n’est pas cependant par témérité, mais parce que la suite du développement le demande, que nous exposerons en peu de mots, plutôt ce que notre foi contient que ce que les assertions de la raison humaine pourraient revendiquer, en présentant davantage ce que nous supposons que des affirmations manifestes. Donc le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, le visible et l’invisible, comme nous l’a appris plus haut cette discussion, a fait toute chose, selon l’attestation de l’Écriture, et aime tout ce qu’il a fait. Car, alors que du Dieu invisible il est lui-même l’image invisible, il a donné à toutes les créatures raisonnables de participer à lui de telle sorte que chaque créature adhère à lui par le sentiment de l’amour dans la mesure où elle participe davantage à lui. Mais puisque la faculté du libre arbitre a mis une variété et une diversité parmi les intelligences, les unes ayant un amour plus ardent envers leur créateur, les autres un amour plus faible et plus chétif, cette âme, dont Jésus dit : Personne ne m’ôte mon âme, adhérant à lui depuis sa création et dans la suite d’une manière inséparable et indissociable, comme à la Sagesse et à la Parole de Dieu, à la Vérité et à la Vraie Lumière, le recevant tout entier en elle tout entière et se changeant en sa lumière et en sa splendeur, est devenue avec lui dans son principe un seul esprit, de même que l’apôtre a promis à ceux qui devaient imiter cette âme que : Celui qui se joint au Seigneur est un seul esprit avec lui. De cette substance de l’âme servant d’intermédiaire entre un Dieu et la chair – car il n’était pas possible que la nature d’un Dieu se mêlât à la chair sans médiateur – naît, comme nous l’avons dit, le Dieu-Homme : cette substance était l’intermédiaire, car il n’était pas contre nature pour elle d’assumer un corps. Et de même il n’était pas contre nature que cette âme, substance raisonnable, puisse contenir Dieu, puisque, nous l’avons dit plus haut, elle s’était déjà toute changée en lui, comme en la Parole, la Sagesse et la Vérité. C’est pourquoi, à bon droit, parce qu’elle était tout entière dans le Fils de Dieu ou qu’elle contenait tout entier en elle le Fils de Dieu, elle est appelée elle-même, avec la chair qu’elle a assumée, Fils de Dieu et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et réciproquement, le Fils de Dieu par qui tout a été créé est nommé Jésus-Christ et Fils de l’homme. Car on dit que le Fils de Dieu est mort, à savoir à cause de cette nature qui pouvait parfaitement recevoir la mort ; et il est appelé Fils de l’homme, celui que l’on prêche comme devant venir dans la gloire de DieuDieu le Père avec les saints anges. Pour cette raison, dans toute l’Écriture la divine nature est appelée par des vocables humains et la nature humaine est ornée des titres réservés à Dieu. Dans ce cas plus que dans tout autre, on peut dire ce qui est écrit : Ils seront les deux dans une chair une: désormais ils ne sont plus deux, mais une chair une. Car la Parole de Dieu est bien plus avec son âme dans une chair une que ce que l’on pense du mari avec son épouse. Mais à qui convient-il mieux d’être un seul esprit avec Dieu qu’à cette âme qui s’est si bien jointe à Dieu par l’amour qu’elle peut être dite à bon droit un seul esprit avec lui. La perfection de l’amour et la sincérité d’une affection pure ont fait l’unité inséparable de cette âme avec un Dieu, tellement que l’assomption de cette âme n’est pas le produit du hasard ni le résultat d’une partialité envers une personne, mais vient du mérite de ses vertus. C’est ce que dit le prophète s’adressant à elle : Tu as aimé la justice et haï l’iniquité: c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a ointe de l’huile de JOIE plus que tes participants. A cause du mérite de son amour elle est ointe de l’huile de JOIE, c’est-à-dire l’âme avec la Parole de Dieu devient le Christ. Etre oint de l’huile de JOIE ne veut pas dire autre chose qu’être rempli de l’Esprit Saint. Ce qui est dit : plus que tes participants, indique que la grâce de l’Esprit ne lui a pas été donnée comme aux prophètes, mais qu’elle avait en elle la plénitude substantielle de la Parole de Dieu, selon l’Apôtre : En qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et enfin il n’est pas dit seulement : Tu as aimé la justice, mais : Et tu as haï l’iniquité. Haïr l’iniquité revient à ce que l’Écriture dit du Christ : Il n’a pas commis de péché et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche, et : Il a été éprouvé en tout de manière semblable sans péché. Mais le Seigneur lui-même dit : Qui de vous me convainc de péché ? De nouveau il dit de lui-même : Voici que vient le prince de ce monde et en moi il ne trouve rien. Tout cela montre qu’il n’y a en lui aucune pensée de péché. Le prophète exprime avec plus de clarté encore que jamais aucune pensée d’iniquité n’est entrée en lui quand il dit : Avant que l’enfant ait su appeler son père ou sa mère, il s’est détourné de l’iniquité. Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section
Pour expliquer plus complètement cela, il ne semblera pas absurde d’user d’une comparaison, bien que dans un sujet si ardu et difficile il ne soit pas aisé de se servir d’exemples commodes. Cependant, pour parler sans nuire à ce que nous allons dire, le métal appelé fer est capable de recevoir le froid et la chaleur : si donc une masse de fer est toujours placée dans le feu, le recevant dans tous ses pores et ses veines et devenue ainsi entièrement feu, dans le cas où le feu ne s’éloigne jamais d’elle et où elle n’est pas séparée du feu, ne dirons-nous pas que ce qui est par nature une masse de fer, placée dans le feu et continuellement brûlante, puisse jamais recevoir le froid ? Bien mieux – et cela est encore plus vrai -, nous la disons plutôt devenue tout entière feu, et nous constatons souvent de nos yeux qu’il en est ainsi dans les fours, car on ne voit en elle rien d’autre que du feu ; et si quelqu’un essaie de la toucher il ne sentira pas l’effet du fer, mais du feu. Pareillement cette âme qui, comme le fer dans le feu, se trouve toujours dans la Parole, toujours dans la Sagesse, toujours en Dieu, tout ce qu’elle fait, tout ce qu’elle pense, tout ce qu’elle comprend est Dieu. Et c’est pourquoi on ne peut la dire convertible ni muable, car, toujours enflammée, elle possède l’inconvertibilité par son unité avec la Parole de Dieu. On peut penser que parvient à tous les saints une certaine chaleur de la Parole de Dieu ; mais dans cette âme il faut croire que le feu divin lui-même repose substantiellement, ce feu dont les autres tirent un peu de chaleur. Enfin la phrase : Dieu, ton Dieu, t’a oint de l’huile de JOIE plus que tes participants, montre que cette âme est ointe de l’huile de JOIE, c’est-à-dire de la Parole de Dieu et de sa Sagesse, d’une autre manière que ses participants, les saints prophètes et apôtres. De ceux-ci on dit qu’ils ont couru dans l’odeur de ses parfums, mais cette âme fut le vase contenant le parfum lui-même : tous les prophètes et les apôtres devenaient dignes de participer à sa bonne odeur. Autre est l’odeur du parfum, autre sa substance ; ainsi autre est le Christ, autres ses participants. De même que le vase qui contient la substance du parfum ne peut en aucune façon recevoir de mauvaise senteur, mais que ceux qui participent à son odeur, s’ils s’en écartent un peu trop, sont susceptibles d’être atteints par les senteurs fétides ; de même le Christ, qui est le vase lui-même où se trouve la substance du parfum, ne pouvait recevoir l’odeur opposée, mais ses participants, dans la mesure où ils se tiendront proches du vase, participeront à l’odeur et pourront la contenir. Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section
Il nous faut donc savoir que l’Esprit Saint est Paraclet et qu’il enseigne des vérités trop grandes pour être exprimées, des vérités, pour ainsi dire, ineffables et qu’il n’est pas permis à l’homme de dire, c’est-à-dire qui ne peuvent être dévoilées par une parole humaine. Cette expression : il n’est pas permis, nous pensons qu’elle est employée par Paul au lieu de : il n’est pas possible, comme quand il dit : Tout est permis, mais tout ne convient pas; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Ce dont nous avons la possibilité, parce que nous pouvons l’avoir, il dit que c’est permis. Le Paraclet, terme appliqué au Saint Esprit, vient du mot consolation – paraclèsis en effet se dit en latin consolatio – : celui en effet qui aura mérité de participer au Saint Esprit par la connaissance des mystères ineffables, reçoit sans aucun doute consolation et JOIE du coeur. Lorsqu’il aura connu en effet la nature de tout ce qui se fait, qu’il saura, sur l’indication de l’Esprit, pourquoi et comment cela se fait, son âme ne pourra absolument plus être troublée ni accueillir aucun sentiment de peine : il ne sera plus terrifié par rien, lorsque, adhérant à la Parole de Dieu et à sa Sagesse, il dit dans l’Esprit Saint que Jésus est Seigneur. Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Certains, refusant en quelque sorte le travail de l’intelligence, s’ap-pliquant de façon superficielle au sens littéral de la loi, se complaisant d’une certaine manière dans ce qui les délecte et leur cause du plaisir, disciples de la lettre seule, pensent qu’il nous faut attendre l’accomplissement futur des promesses dans la volupté et la sensualité corporelles. Et c’est pourquoi ils désirent retrouver à la résurrection un corps charnel qui leur laisse pour toujours la possibilité de manger, de boire, et d’accomplir tous les actes qui relèvent de la chair et du sang : ils ne suivent pas l’opinion de l’apôtre Paul sur la résurrection du corps spirituel. A cela ils ajoutent logiquement la faculté de contracter mariage et de procréer des enfants même après la résurrection ; ils imaginent Jérusalem comme une ville terrestre qui sera réédifiée sur des pierres précieuses mises dans ses fondements, avec des murs bâtis en jaspe, des retranchements ornés de cristal et une enceinte de pierres choisies et diverses, jaspe, saphir, chalcédoine, émeraude, sardoine, onyx, chrysolithe, chrysoprase, hyacinthe et améthyste. Ils pensent qu’ils auront là comme ministres de leurs plaisirs des étrangers, servant de laboureurs ou de vignerons, et des maçons pour reconstruire leur cité démolie et écroulée ; ils jugent qu’ils y recevront pour nourriture les biens des nations et qu’ils seront maîtres de leurs richesses, de sorte que même les chameaux de Madian et d’Épha viendront leur apporter l’or, l’encens et les pierres précieuses. Ils s’efforcent de confirmer cela par l’autorité des prophètes lorsqu’ils parlent des promesses faites à Jérusalem : car il y est dit que ceux qui servent Dieu mangeront et boiront, que les pécheurs auront faim et soif, que les justes seront dans la JOIE et les impies dans la honte. Du Nouveau Testament, ils invoquent la parole du Sauveur promettant aux disciples de trouver la JOIE dans le vin : Je ne boirai plus de cela désormais jusqu’à ce que je le boive avec vous nouveau dans le royaume de mon Père. Ils ajoutent encore que le Sauveur proclame bienheureux ceux qui maintenant ont faim et soif, leur promettant d’être rassasiés; et ils apportent beaucoup d’autres textes des Écritures, sans voir qu’il faut les comprendre de façon figurée et spirituelle. Alors ils estiment qu’ils seront rois et princes, comme ceux d’ici-bas, comprenant cela selon les conditions de cette vie, selon les dignités et les classes instituées en ce monde ou selon les degrés d’autorité, assurément à cause de cette parole évangélique : Tu auras autorité sur cinq villes. Bref, ils veulent que tout ce qu’ils attendent de l’accomplissement des promesses soit exactement semblable à la manière de vivre ici-bas, c’est-à-dire que le monde actuel recommence à être. Telles sont les pensées de gens qui croient, certes, au Christ, mais comprenant à la juive les Écritures divines, n’y soupçonnent rien qui soit digne des promesses divines. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
Après tout cela il faut penser qu’il ne s’écoulera pas un laps de temps de peu de durée jusqu’à ce que soit montrée après leur mort, aux hommes qui en sont dignes et l’ont mérité, la raison de ce qui se passe sur la terre pour que la connaissance de tous ces mystères et la grâce d’une science complète les fasse jouir d’une JOIE inénarrable. Alors s’il est vrai que l’air que voici, qui s’étend entre le ciel et la terre, n’est pas dépourvu d’êtres animés, et d’êtres animés raisonnables, d’après ces paroles de l’Apôtre : Vous avez vécu jadis dans ces péchés, selon ce siècle et ce monde, selon le prince qui a puissance sur l’air, sur l’esprit (le souffle) qui agit maintenant dans les fils de la désobéissance, ou d’après celles-ci : Nous serons ravis sur les nuées à la rencontre du Christ dans l’air et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur, il faut penser en conséquence que les saints y demeureront un certain temps pour connaître de deux manières la raison qui dispose ce qui se passe dans les airs. J’ai employé comme il suit l’expression « de deux manières » : tant que nous étions sur terre, par exemple, nous avons vu les animaux et les arbres, nous avons constaté leurs différences, ainsi que la diversité extrême qu’il y a parmi les hommes; mais en les voyant nous n’avons pas compris leurs raisons, seulement cette diversité que nous avons perçue nous a amenés à rechercher et à scruter pourquoi tous ces êtres ont été créés si différents ou sont gouvernés de façon variée ; après avoir conçu sur terre le goût et l’amour de cette connaissance, nous en recevrons après la mort la science et la compréhension, si cependant nous en avons le désir; lorsque nous aurons une intelligence complète de leurs raisons, alors nous comprendrons des deux manières ce que nous avons vu sur terre. Il faut parler de même de ce qui se passe dans le séjour aérien. Je pense en effet que les saints, en quittant cette vie, demeureront en un lieu situé sur la terre, celui que l’Écriture divine appelle le Paradis, comme dans un lieu d’instruction, ou, pour ainsi dire, un auditoire ou une école des âmes, pour être instruits de tout ce qu’ils ont vu sur la terre, pour recevoir aussi quelques indications sur les réalités qu’ils verront dans la suite. De la même façon, quand ils étaient encore en cette vie, ils ont conçu quelque idée des réalités futures, à travers un miroir, en énigme, certes, mais cependant en partie : ces réalités seront révélées de façon plus claire et plus lumineuse aux saints dans les lieux et temps convenables. Si quelqu’un, certes, a le coeur pur, l’intelligence plus limpide et la pensée plus exercée, il progressera plus rapidement, montera vite à travers l’espace aérien et parviendra aux royaumes des cieux à travers ce que l’on pourrait appeler les demeures d’étape de chaque lieu, que les Grecs ont nommées sphères, c’est-à-dire globes, et que l’Écriture divine nomme les cieux. Dans chacune il apercevra d’abord ce qui s’y passe et ensuite même la raison de ce qui s’y passe ; et ainsi il parcourra dans l’ordre chaque chose à la suite de celui qui a pénétré les cieux, Jésus fils de Dieu, qui a dit : Je veux que là oh je suis, ceux-ci soient avec moi. Il donne une idée de cette diversité de lieux quand il dit : Il y a beaucoup de demeures auprès du Père. Quant à lui il est partout et parcourt toutes choses : ne le comprenons plus désormais dans l’exiguïté qu’il a assumée à nos yeux pour nous, c’est-à-dire dans les limites étroites qui l’ont enserré quand il était sur terre dans notre corps parmi les hommes et qui peuvent faire penser qu’il est circonscrit dans un seul lieu. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
A notre avis il faut penser ainsi des promesses divines lorsque nous projetons notre intelligence vers la contemplation de ce siècle éternel et sans fin et que nous contemplons sa JOIE et sa béatitude ineffable. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:
La raison en est claire : en ce qui concerne le bien, le propos humain à lui tout seul est insuffisant pour l’accomplir – c’est l’aide divine qui mène toute chose à sa perfection – ; de même, en ce qui concerne son opposé, nous recevons le début et pour ainsi dire la semence du péché de ce que nous utilisons naturellement. Si nous nous y complaisons plus qu’il ne faut et si nous ne résistons pas aux premiers mouvements d’intempérance, alors la puissance ennemie, prenant occasion de ce premier manquement, nous excite et nous presse, s’efforçant de toute manière de multiplier à profusion les péchés : c’est nous, les hommes, qui fournissons les occasions et les débuts des péchés, mais ce sont les puissances ennemies qui les propagent en long et en large et, si cela peut se faire, sans aucune limite. Ainsi on tombe dans l’avarice parce que d’abord on désire un peu d’argent, puis avec l’accroissement du vice la cupidité augmente. Et même ensuite, lorsque la passion a produit l’aveuglement de l’intelligence, sous la suggestion et la pression des puissances ennemies, on ne se contente pas de désirer l’argent, mais on le vole, on l’acquiert par violence et même en répandant le sang humain. Pour nous assurer avec plus de certitude que ces vices sans mesure viennent des démons, il est facile d’observer que ceux qu’accablent des amours immodérées, des colères intempérantes, des tristesses excessives, ne souffrent rien de moins que ceux qui sont possédés dans leurs corps par des dénions. Car quelques histoires rapportent que certains sont tombés dans la folie à partir de l’amour, d’autres à partir de la colère, d’autres à partir de la tristesse ou d’une JOIE excessive. A mon avis, cela se produit parce que ces puissances contraires, c’est-à-dire les démons, ayant occupé dans leurs intelligences la place que leur a faite auparavant l’intempérance, ont possédé complètement leur intellect, surtout lorsque la vertu n’a jamais eu pour eux le prestige qui les aurait poussés à résister. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section
Mais tout cela est caché, pensons-nous, dans ces récits. Car le royaume de Dieu est semblable à un trésor caché dans un champ. Celui qui le trouve le recache et, plein de JOIE, s’en va vendre tout ce qu’il a pour acheter ce champ. Demandons-nous si l’ensemble du champ plein de toutes sortes de plantes ne serait pas ce qui dans l’Écriture est visible, superficiel et obvie, et si ce qu’il contient, qui n’est pas vu de tous, mais est en quelque sorte enfoui sous les plantes visibles, ne serait pas les trésors cachés de la sagesse et de la connaissance que l’Esprit, par l’intermédiaire d’Isaïe, appelle ténébreux, invisibles et cachés. Pour les trouver on a besoin de Dieu, le seul qui puisse briser les portes d’airain qui les cachent et casser les verrous de fer apposés à ces portes, afin de trouver ce qui est écrit dans la Genèse au sujet des différentes races ou, pour ainsi dire, semences véritables des âmes, proches ou éloignées d’Israël, et la descente en Egypte des soixante-dix âmes pour devenir aussi nombreuses que les astres du ciel. Mais puisque tous ceux qui sortent d’elles ne sont pas lumière du monde – car tous ceux qui viennent d’Israël ne sont pas Israël -, les descendants des soixante-dix deviennent comme le sable qui est le long du rivage de la mer et est impossible à compter. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section