Mais, comme le Juif de Celse arrête sur ces mots son entretien avec Jésus, moi aussi j’arrêterai là mon premier livre contre lui. Et si Dieu donne cette vérité qui anéantit les discours mensongers, selon la PRIÈRE qui demande : « Dans ta vérité anéantis-les », j’aborderai dans la suite le second discours fictif où le Juif que Celse fait parler adresse à ceux qui ont cru en Jésus les objections suivantes. LIVRE I
Après cela, il dit : ” S’il avait pris cette décision, et si c’est par obéissance à son Père qu’il a été puni, il est évident que, puisqu’il était Dieu et qu’il le voulait, les traitements spontanément voulus pouvaient ne lui causer ni douleurs ni peines “. Et il n’a même pas vu la contradiction où il s’empêtre ! Car s’il accorde que Jésus a été puni parce qu’il en avait pris la décision, et qu’il s’est livré par obéissance à son Père, il est clair que Jésus a été puni et qu’il lui était impossible d’éviter les douleurs que lui infligent les bourreaux ; car la douleur échappe au contrôle de la volonté. Si au contraire, puisqu’il le voulait, les traitements ne pouvaient lui causer ni douleurs ni peines, comment Celse a-t-il accordé qu’il a été puni ? C’est qu’il n’a pas vu que Jésus, ayant une fois pris un corps par sa naissance, il l’a pris exposé aux souffrances et aux peines qui arrivent aux corps, si par peine on entend ce qui échappe à la volonté. Donc, de même qu’il l’a voulu et qu’il a pris un corps dont la nature n’est pas du tout différente de la chair des hommes, ainsi avec ce corps il a pris les douleurs et les peines ; et il n’était pas maître de ne pas les éprouver, cela dépendait des hommes disposés à lui infliger ces douleurs et ces peines. J’ai déjà expliqué plus haut que s’il n’avait pas voulu tomber entre les mains des hommes, il ne serait pas venu. Mais il est venu parce qu’il le voulait pour la raison déjà expliquée : le bien que retirerait tout le genre humain de sa mort pour les hommes. Ensuite il veut prouver que ce qui lui arrivait lui causait douleurs et peines, et qu’il lui était impossible, l’eut-il voulu, d’empêcher qu’il en fût ainsi, et il dit : ” Pourquoi dès lors exhale-t-il des plaintes et des gémissements et fait-il, pour échapper à la crainte de la mort, cette sorte de PRIÈRE : «Père, si ce calice pouvait s’éloigner»? ” En ce point encore, vois la déloyauté de Celse. Il refuse d’admettre la sincérité des évangélistes, qui auraient pu taire ce qui, dans la pensée de Celse, est motif d’accusation, mais ne l’ont pas fait pour bien des raisons que pourra donner opportunément l’exégèse de l’Évangile ; et il accuse le texte évangélique au moyen d’exagérations emphatiques et de citations controuvées. On n’y rencontre pas que Jésus exhale des gémissements. Il altère le texte original : « Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne. » Et il ne cite pas, au delà, la manifestation immédiate de sa piété envers son Père et de sa grandeur d’âme, qui est ensuite notée en ces termes : « Cependant non pas comme je veux, mais comme tu veux. » Et même la docilité de Jésus à la volonté de son Père dans les souffrances auxquelles il était condamné, manifestée dans la parole , « Si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que ta volonté soit faite » il affecte ne de pas l’avoir lue. Il partage l’attitude des impies qui entendent les divines Écritures avec perfidie et « profèrent des impiétés contre le ciel » Ces gens semblent bien avoir entendu l’expression « Je ferai mourir », et ils nous en font souvent un reproche , ils ne se souviennent plus de l’expression « Je ferai vivre » Mais le passage tout entier montre que ceux dont la vie est ouvertement mauvaise et la conduite vicieuse sont mis à mort par Dieu, mais qu’est introduite en eux une vie supérieure, celle que Dieu peut donner à ceux qui sont morts au péché. De même, ils ont entendu « Je frapperai », mais ils ne voient plus « C’est moi qui guérirai » expression semblable à celle d’un médecin qui a incisé des corps, leur a fait des blessures pénibles pour leur enlever ce qui nuit et fait obstacle à la santé, et qui ne se borne pas aux souffrances et à l’incision, mais rétablit par ce traitement les corps dans la santé qu’il avait en vue. De plus, ils n’ont pas entendu dans son entier la parole « Car il fait la blessure et puis il la bande », mais seulement « il fait la blessure ». C’est bien ainsi que le Juif de Celse cite « Père, si ce calice pouvait s’éloigner », mais non la suite, qui a prouve la préparation de Jésus a sa passion et sa fermeté Et c’est même là une matière offrant un vaste champ d’explication par la sagesse de Dieu, qu’on pourrait avec raison transmettre à ceux que Paul a nommes « parfaits » quand il dit « Pourtant c’est bien de sagesse que nous parlons parmi les parfaits » , mais, la remettant à une occasion favorable, je rappelle ce qui est utile à la question présente. Je disais donc déjà plus haut il y a certaines paroles de celui qui est en Jésus le premier-né de toute créature, comme « Je suis la voie, la vérité, la vie » et celles de même nature, et d’autres, de l’homme que l’esprit discerne en lui, telles que « Mais vous cherchez à me faire mourir, moi, un homme qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de mon Père » Dés lors, ici même, il exprime dans sa nature humaine et la faiblesse de la chair humaine et la promptitude de l’esprit la faiblesse, « Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi » , la promptitude de l’esprit, « cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux » De plus, s’il faut être attentif a l’ordre des paroles, observe qu’est d’abord mentionnée celle qui, pourrait-on dire, se rapporte a la faiblesse de la chair, et qui est unique , et ensuite, celles qui se rapportent à la promptitude de l’esprit, et qui sont multiples. Voici l’exemple unique « Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi ». Voici les exemples multiples « Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux », et « Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que ta volonté soit faite » Il faut noter aussi qu’il n’a pas dit « Que ce calice s’éloigne de moi », mais que c’est cet ensemble qui a été dit pieusement et avec révérence : « Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi. » Je sais bien qu’il y a une interprétation du passage dans le sens que voici : Le Sauveur, à la vue des malheurs que souffriraient le peuple et Jérusalem en punition des actes que les Juifs ont osé commettre contre lui, voulut, uniquement par amour pour eux, écarter du peuple les maux qui le menaçaient, et dit : « Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi », comme pour dire : puisque je ne peux boire ce calice du châtiment sans que tout le peuple soit abandonné de toi, je te demande, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi, afin que la part de ton héritage ne soit pas, pour ce qu’elle a osé contre moi, entièrement abandonné de toi. » Mais encore si, comme l’assure Celse, ce qui est arrivé en ce temps n’a causé à Jésus ni douleur, ni peine, comment ceux qui vinrent après auraient-ils pu proposer Jésus comme modèle de patience à supporter les persécutions religieuses, si au lieu d’éprouver des souffrances humaines il avait seulement semblé souffrir ? Le Juif de Celse s’adresse encore aux disciples de Jésus comme s’ils avaient inventé tout cela : ” En dépit de vos mensonges, vous n’avez pu dissimuler vos fictions d’une manière plausible.” A quoi la réplique sera : il y avait un moyen facile de dissimuler les faits de ce genre : n’en rien écrire du tout ! Car si elles n’étaient contenues dans les Evangiles, qui donc aurait pu nous faire un reproche des paroles que Jésus prononça au temps de l’Incarnation ? Celse n’a pas compris qu’il était impossible que les mêmes hommes, d’une part aient été dupes sur Jésus qu’ils croyaient Dieu et prédit par les prophètes, et de l’autre aient sur lui inventé des fictions qu’ils savaient évidemment n’être pas vraies ! Donc, ou bien ils ne les ont pas inventées, mais les croyaient telles et les ont écrites sans mentir , ou bien ils mentaient en les écrivant, ne les croyaient pas authentiques et n’étaient point dupés par l’idée qu’il était Dieu. LIVRE II
Mais le Logos entend que nous soyons sages, et on peut le montrer soit par les anciennes Écritures juives dont nous gardons l’usage, soit aussi par celles qui sont postérieures à Jésus dont les églises reconnaissent l’inspiration divine. Or il est écrit, au cinquantième psaume, que David dit dans sa PRIÈRE à Dieu : « Tu m’as révélé les secrets et les mystères de ta sagesse. » Et en lisant les psaumes, on trouve ce livre rempli d’un grand nombre de sages doctrines. De plus, Salomon demanda et obtint la sagesse ; et de sa sagesse, on peut reconnaître les marques dans ses écrits, quand il enferme en peu de mots une grande profondeur de pensée : on y trouverait, entre autres, nombre d’éloges de la sagesse et d’exhortations sur le devoir de l’acquérir. Et telle était même la sagesse de Salomon que la reine de Saba, ayant appris sa « renommée et la renommée du Seigneur », vint « le mettre à l’épreuve en lui posant des énigmes. Elle lui dit tout ce qui était dans son coer. Et Salomon répondit à toutes ses questions ; et il n’y eut pas une question qui resta cachée au roi, sur laquelle il ne lui fournit de réponse. La reine de Saba vit toute la sagesse de Salomon » et toutes ses ressources. « Et hors d’elle-même, elle dit au roi : C’est donc la vérité que j’ai entendu dire dans mon pays sur toi et sur ta sagesse ; je n’ai pas voulu y croire quand on m’en faisait part, avant de venir et de voir de mes yeux. Et voici qu’on ne m’en avait pas dit la moitié. Tu surpasses en sagesse et en magnificence tout ce que j’ai appris par ouï-dire. » Et justement il est écrit de lui : « Dieu donna à Salomon une intelligence et une sagesse extrêmement grandes, et un coer aussi vaste que le sable du rivage de la mer. Et la sagesse de Salomon surpassait de beaucoup l’intelligence de tous les anciens et de tous les sages d’Egypte. Il fut plus sage que tous les hommes, plus sage que Gétan l’Ezrahite, et qu’Emad, Chalcad, Aradab, fils de Mad. Il était renommé dans toutes les nations d’alentour. Salomon prononça trois mille paraboles, et ses cantiques étaient au nombre de cinq mille. Il a parlé des plantes, depuis le cèdre du Liban jusqu’à l’hysope qui se fraye un chemin dans la muraille. Il a parlé des poissons comme du bétail. Tous les peuples venaient entendre la sagesse de Salomon, et on venait de la part de tous les rois de la terre qui avaient entendu parler de sa sagesse. » LIVRE III
Ensuite, il ne comprend pas le sens de l’expression : « Quiconque s’élève sera abaissé », il n’a même pas appris de Platon que l’honnête homme s’avance « humble et rangé », il ne sait même pas que nous disons : « Humiliez-vous sous la puissante main de Dieu pour qu’il vous élève au bon moment », et il déclare : Des hommes, qui président correctement à un procès, ne tolèrent pas qu’on déplore les fautes en discours à lamentations, de peur que la pitié plus que la vérité ne dicte leur sentence; Dieu, donc, juge en fonction non de la vérité mais de la flatterie. Quelle flatterie, quel discours à lamentations y a-t-il dans les divines Écritures? Le pécheur dit dans sa PRIÈRE à Dieu : « Je t’ai fait connaître mon péché, je ne t’ai point caché mon iniquité ; j’ai dit : je veux m’accuser de mon iniquité au Seigneur, etc. » Peut-il prouver qu’un tel aveu de pécheurs qui s’humilient devant Dieu dans leurs PRIÈREs n’est pas capable d’obtenir la conversion ? De plus, troublé par son ardeur à accuser, il se contredit. Tantôt il semble connaître un homme sans péché et juste qui, dans sa vertu originelle lève ses regards vers Dieu, tantôt il approuve ce que nous disons : « Quel est l’homme parfaitement juste, quel est l’homme sans péché ? » car c’est bien approuver cela que d’ajouter : Il est probablement vrai que la race humaine a une propension native à pécher. Ensuite, comme si tous les hommes n’étaient point appelés par le Logos, il objecte : Il eût donc fallu appeler tous les hommes sans exception, si en fait tous sont pécheurs. Mais j’ai montré plus haut que Jésus a dit : « Venez, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. » Tous les hommes donc, « qui peinent et ployent sous le fardeau » à cause de leur nature pécheresse, sont appelés au soulagement près du Logos de Dieu, car Dieu envoya « son Logos, les guérit et les préserva de leurs corruptions ». LIVRE III
Est-ce à cause de leurs doctrines que Celse n’approuve pas et dont il paraît ignorer le premier mot, que les Juifs et les chrétiens seraient des vers et des fourmis à la différence du reste des hommes? Alors, comparons les doctrines des chrétiens et des Juifs qui sont d’elles-mêmes connues de tous, aux doctrines des autres hommes. N’est-il pas évident, dès qu’on a admis que certains hommes sont vers et fourmis, que ces vers, fourmis et grenouilles sont ceux qui, déchus d’une saine compréhension de Dieu, adorent par une apparence de piété des animaux sans raison, des statues, ou même les créatures, alors qu’il faut, à partir de leur beauté, admirer leur Artisan et l’adorer ? Ne doit-on pas considérer comme des hommes, et des êtres plus honorables que des hommes s’il en est, ceux qui, sous la conduite du Logos, ont pu s’élever à partir de la pierre et du bois, et même de la matière estimée la plus précieuse, l’argent et l’or, et qui, après s’être élevés des merveilles du monde jusqu’au Créateur de l’univers, se sont confiés à Lui ? Car du moment qu’il est seul capable de combler tous les êtres, de percevoir les pensées de tous et d’entendre la PRIÈRE de tous, ils lui adressent leurs PRIÈREs, ils accomplissent toutes leurs actions en pensant qu’il voit ce qui arrive, et sachant qu’il entend ce que l’on dit, ils se gardent bien de dire un mot qui ne pourrait être rapporté à Dieu sans lui déplaire. LIVRE IV
Entre bien d’autres, je citerai quelques passages pour montrer la calomnie gratuite de Celse quand il dit que les Écritures ne sont pas susceptibles d’allégorie. Voici une déclaration de Paul, l’Apôtre de Jésus : « Il est écrit dans la loi de Moïse : ” Tu ne muselleras pas le boeuf qui foule le grain. ” Dieu se met-il en peine des boeufs, ou n’est-ce point surtout pour nous qu’il parle évidemment ? C’est bien pour nous qu’il a été écrit : celui qui laboure doit labourer dans l’espérance et celui qui foule le grain doit le faire dans l’espérance d’y avoir part. » Et le même écrivain dit ailleurs : « Car il est écrit : ” C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair. ” Ce mystère est de grande portée : je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église. » Et encore à un autre endroit : « Mais, nous le savons : nos pères ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer. » Puis, interprétant l’histoire de la manne et de l’eau sortie miraculeusement du rocher, au dire de l’Écriture, il s’exprime en ces termes : « Tous ont mangé le même aliment spirituel, et tous ont bu la même boisson spirituelle ; ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher spirituel, c’était le Christ. » Et Asaph a montré que les histoires de l’Exode et des Nombres sont des mystères et des paraboles, comme il est écrit dans le livre des Psaumes ; car à leur narration il donne cette préface : « Écoutez, ô mon peuple, ma loi : tendez l’oreille aux paroles de ma bouche. J’ouvrirai la bouche en paraboles, j’évoquerai les mystères de l’origine, ce que nous avons entendu et appris, et que nos pères ont raconté. » De plus si la loi de Moïse ne contenait rien que mettent en lumière les significations symboliques, le prophète ne dirait pas à Dieu dans sa PRIÈRE : « Ote le voile de mes yeux pour que je contemple les merveilles de ta loi. » Mais en réalité il savait bien qu’il y a un « voile » d’ignorance étendu sur le coeur de ceux qui lisent et ne comprennent pas les significations figurées. Ce voile est ôté par faveur divine, quand Dieu exauce celui qui a fait tout ce qui dépend de lui, qui a pris l’habitude d’exercer ses facultés à distinguer le bien et le mal et qui dit continuellement dans sa PRIÈRE : « Ote le voile de mes yeux pour que je contemple les merveilles de ta loi. » LIVRE IV
La question présente est donc de réfuter le passage que voici : ” Juifs et chrétiens, nul Dieu, nul Fils de Dieu n’est descendu ni ne saurait descendre. Que si vous parlez d’anges, dites-nous quels ils sont, dieux ou des êtres d’une autre espèce ? D’une autre espèce, sans doute, des démons.” Ces redites de Celse – car il l’a maintes fois déjà répété plus haut -, n’exigent pas une longue discussion : les réponses données suffiront. Je me bornerai entre bien d’autres à quelques remarques qui semblent être dans la ligne des précédentes, bien qu’elles n’aient pas cependant tout à fait le même sens. J’établirai donc que, dans sa thèse absolue que nul Dieu ou Fils de Dieu n’est jamais descendu vers les hommes, Celse réduit à néant les manifestations de Dieu généralement admises que lui-même avait mentionnées plus haut. En effet si, dans l’affirmation absolue que nul Dieu ou Fils de Dieu n’est descendu ni ne saurait descendre, Celse a dit la vérité, c’en est fait évidemment de toutes les descentes des dieux du ciel sur la terre pour prédire aux hommes ou les guérir par leurs oracles. Ni Apollon de Pytho, ni Asclépios, ni aucun de ceux auxquels on attribue des actes pareils ne peut être un dieu descendu du ciel, si ce n’est peut-être un dieu dont le sort est de toujours habiter la terre, comme banni du séjour des dieux ou un des êtres incapables d’entrer en communion avec les dieux qui s’y trouvent. Ou bien Apollon, Asclépios et tous ceux dont on vénère l’action sur la terre ne peuvent être des dieux, mais certains démons bien inférieurs aux hommes sages qui s’élèvent par la vertu jusqu’à la voûte du ciel. Remarque à quel point, dans son dessein de ruiner notre foi, on le prend, lui qui tout au long de son traité refuse de s’avouer épicurien, à passer en transfuge au camp d’Épicure. Le moment est venu pour toi, lecteur des arguments de Celse qui admets ce qui précède, ou bien de nier la présence de Dieu qui étend sa providence à tous les hommes individuellement, ou bien de l’admettre et de prouver que la doctrine de Celse est fausse. Nies-tu radicalement la Providence? Alors pour établir la vérité de ta position, tu prouveras la fausseté des raisons qui lui font admettre des dieux et une providence. Affirmes-tu néanmoins la providence, en refusant d’adhérer à l’assertion de Celse : Ni Dieu ni Fils de Dieu n’est descendu ou ne descend vers les hommes ? Alors pourquoi ne point examiner sérieusement, dans ce que j’ai dit de Jésus et dans les prophéties qui le concernent, quel est celui qu’il faut plutôt croire Dieu ou Fils de Dieu descendu vers les hommes : Jésus qui a mené à bien et accompli de si grandes oeuvres, ou ceux qui, sous prétexte d’oracles et de divinations, loin de réformer les m?urs de ceux qu’ils guérissent, vont jusqu’à éloigner du culte vénérable, pur et sans mélange dû au Créateur de l’univers et divisent l’âme de ceux qui s’attachent à eux, sous prétexte d’honneur à rendre à de multiples dieux au lieu de l’unique, seul manifeste et véritable Dieu ? Puis, comme si Juifs et chrétiens avaient répondu que ceux qui descendent vers les hommes sont des anges, il reprend : Si vous parlez d’anges, dites-nous quels ils sont : des dieux ou des êtres d’une autre espèce ? Et, supposant notre réponse, il ajoute : ? D’une autre espèce sans doute, les démons. Eh bien ! précisons ce point. D’un commun accord nous disons que les anges sont « des esprits chargés d’un ministère, envoyés en service pour le bien de ceux qui doivent hériter du salut ». Ils montent porter les supplications des hommes dans les régions célestes les plus pures du monde, ou même dans les supracélestes plus pures que celles-là. Ensuite, ils en descendent porter à chacun suivant son mérite une des grâces que Dieu leur enjoint de dispenser à ceux qui reçoivent ses faveurs. Eux donc, que nous avons appris à nommer anges à cause de leur fonction, nous les trouvons parfois aussi dans les saintes Écritures nommés dieux, parce qu’ils sont divins ; mais ils ne le sont pas au point qu’il nous soit ordonné de vénérer et d’adorer à la place de Dieu ceux qui nous dispensent et nous apportent les grâces de Dieu. Car il faut faire remonter toute demande, PRIÈRE, supplication et action de grâce vers le Dieu suprême par le Souverain Prêtre qui est au-dessus de tous les anges, Logos vivant et Dieu. Et nous offrirons au Logos lui-même des demandes, des PRIÈREs, des actions de grâce, et même des supplications, si nous sommes capables de discerner entre le sens absolu et le sens relatif du mot supplication. LIVRE V
Ce n’est certainement pas dénigrer ces immenses créatures de Dieu, ni non plus dire avec Anaxagore que le soleil, la lune et les étoiles ne sont que « des masses enflammées », que de professer notre doctrine sur le soleil, la lune et les étoiles. C’est seulement comprendre la divinité de Dieu qui surpasse d’une indicible supériorité, et celle de son Fils unique qui dépasse tout le reste. Et quand on est persuadé que le soleil, la lune et les étoiles prient le Dieu suprême par son Fils unique, on juge qu’on ne doit pas prier des êtres qui prient : ils préfèrent eux-mêmes nous renvoyer vers Dieu qu’ils prient, plutôt que de nous abaisser vers eux ou de partager notre puissance de PRIÈRE entre Dieu et eux-mêmes. LIVRE V
Puisque Celse entend assimiler les lois sacrées des Juifs aux lois de certains peuples, qu’on me laisse examiner encore ce point. Il pense que la doctrine sur le ciel n’est pas différente de la doctrine sur Dieu, et il dit que les Perses, comme les Juifs, offrent des sacrifices à Zeus, en montant sur les plus hauts sommets. Il ne voit pas que les Juifs ne reconnaissent qu’un seul Dieu, et de même n’ont qu’une sainte maison de la PRIÈRE, qu’un autel des holocaustes, qu’un encensoir pour l’encens, qu’un grand-prêtre de Dieu. Les Juifs n’avaient donc rien de commun avec les Perses qui montent sur les plus hauts sommets qui sont en grand nombre, et accomplissent des sacrifices qui n’ont rien de comparable à ceux de la loi mosaïque. D’après celle-ci, les prêtres juifs célébraient un culte « qui était l’image et l’ombre des réalités célestes », mais exposaient en secret la signification de la loi sur les sacrifices et les réalités dont ils étaient les figures. Que les Perses appellent donc Zeus tout le cercle du ciel ; pour nous, nous déclarons que le ciel n’est ni Zeus, ni Dieu, car nous savons qu’il y a aussi des êtres inférieurs à Dieu, élevés au-dessus des cieux et de toute nature sensible. Voilà dans quel sens nous comprenons les paroles : « Louez Dieu, cieux des cieux, et eaux par-dessus les cieux : qu’ils louent le nom du Seigneur ! » LIVRE V
Toujours le suit de près Justice, qui venge la loi divine de ceux qui s’en écartent; et qui veut le bonheur s’attache à elle pour la suivre de près, humble et rangé. » Il n’a pas vu que chez des sages bien antérieurs à Platon il est dit dans une PRIÈRE : « Seigneur, mon coeur n’est pas devenu hautain, ni mes regards altiers ; je n’aurais point marché dans des chemins sublimes et admirables qui me dépassent, si je ne m’étais humilié. » Ce texte montre bien d’emblée qu’il n’est pas du tout nécessaire que celui qui s’humilie s’abaisse d’une manière inconvenante et déshonorante, se précipite à terre sur les genoux et se prosterne, se revête de haillons et se couvre de cendre. Car, selon le prophète, celui qui s’humilie en marchant dans des chemins sublimes et admirables qui le dépassent, dans des doctrines véritablement sublimes et admirables, s’humilie lui-même « sous la puissante main de Dieu ». LIVRE VI
Ayant supplié Dieu, par Jésus-Christ même dont Celse se fait l’accusateur, de faire resplendir en nos coeurs, puisqu’il est la vérité, les arguments qui réfutent le mensonge, je commence encore un septième livre en reprenant la PRIÈRE adressée à Dieu par le prophète : « Par ta vérité détruis-les » : c’est-à-dire détruis les discours contraires à la vérité ; car ce sont eux que détruit la vérité de Dieu. Une fois qu’ils seront détruits, étant libéré de toute distraction on pourra dire ce qui suit : « De grand coeur je t’offrirai un sacrifice », en présentant au Dieu de l’univers un sacrifice raisonnable et sans fumée. LIVRE VI
Si la Pythie est hors d’elle-même et sans conscience lorsqu’elle rend des oracles, quelle nature faut-il attribuer à l’esprit qui répand la nuit sur son intelligence et ses pensées ? N’est-ce pas ce genre de démons que beaucoup de chrétiens chassent des malades à l’aide non point d’un procédé magique, incantatoire ou médical, mais par la seule PRIÈRE, de simples adjurations et des paroles à la portée de l’homme le plus simple ? Car ce sont généralement des gens simples qui l’opèrent. La grâce contenue dans la parole du Christ a prouvé la faiblesse et l’impuissance des démons : pour qu’ils soient vaincus et se retirent sans résistance de l’âme et du corps de l’homme, il n’est pas besoin d’un savant capable de fournir des démonstrations rationnelles de la foi. LIVRE VI
Jamais non plus on ne poserait la question, comme si Dieu était dans un lieu : comment aller à lui ? Car Dieu est supérieur à tout lieu et contient tout ce qui peut être, et il n’est rien qui contienne Dieu. Ce n’est point d’aller à Dieu corporellement que nous ordonne le précepte : « Marche à la suite du Seigneur ton Dieu » ; ce n’est pas corporellement que le prophète veut adhérer à Dieu, quand il dit, dans la PRIÈRE : « Mon âme adhère à toi. » Celse nous calomnie donc en disant que nous espérons voir Dieu des yeux de notre corps, entendre sa voix de nos oreilles, le toucher de nos mains sensibles. Nous savons au contraire que les divines Écritures emploient des termes homonymes pour des yeux autres que les yeux du corps, de même que pour les oreilles ou les mains ; et, ce qui est plus remarquable, pour un sens divin et d’un autre ordre que le sens désigné communément par ce mot. Car lorsque le prophète dit : « Ouvre mes yeux et je contemplerai les merveilles de ta loi » ; « Le commandement du Seigneur est plein de lumière, il illumine mes yeux » ; « Illumine mes yeux afin que je ne m’endorme pas dans la mort », personne n’est assez stupide pour penser que les yeux du corps comprennent les merveilles de la loi divine, ou que le commandement du Seigneur illumine les yeux du corps, ou qu’il puisse leur survenir un sommeil qui cause la mort. LIVRE VI
Quel homme sensé ne rirait de celui qui, après tant de sublimes spéculations philosophiques sur Dieu ou les dieux, tourne ses regards vers les statues et ou bien leur adresse sa PRIÈRE ou, à travers ces images qu’il voit, l’offre en réalité à l’être objet de sa pensée vers lequel il s’imagine qu’il faut monter à partir du visible et du symbole ? Mais le chrétien le plus simple sait que n’importe quel lieu du monde est une partie du tout et que le monde entier est le temple de Dieu. LIVRE VI
Priant « en tout lieu », après avoir fermé l’entrée des sens et donné l’éveil aux yeux de l’âme, il s’élève au-dessus du monde entier ; il ne s’arrête même pas à la voûte du ciel, mais atteignant par la pensée le lieu supracéleste, guidé par l’Esprit divin et, pour ainsi dire, hors du monde, il fait monter à Dieu sa PRIÈRE qui n’a point pour objet les choses passagères. Car il a appris de Jésus à ne chercher rien de petit, c’est-à-dire de sensible, mais seulement les choses grandes et véritablement divines qui surviennent comme dons de Dieu pour guider vers la béatitude auprès de lui, par son Fils, le Logos qui est Dieu. LIVRE VI
Mais voyons ce qu’il prétend nous enseigner, si jamais nous sommes capables de le suivre, quand il nous déclare étroitement rivés à la chair, alors que, si nous menons une vie droite suivant la doctrine de Jésus, nous écoutons la parole : « Vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit, si vraiment l’Esprit de Dieu habite en vous. » Il ajoute que notre regard n’a rien de pur, nous qui cependant nous efforçons jusque dans nos pensées d’éviter la souillure des suggestions du mal et disons dans notre PRIÈRE : « Mon Dieu, crée en moi un coeur pur, et renouvelle au-dedans de moi un esprit droit », afin de pouvoir contempler Dieu d’un coeur pur, le seul qui soit capable de le voir. LIVRE VI
Mais ceux qu’ils méprisent pour leur manque de culture et qu’ils traitent de fous et d’esclaves, du seul fait qu’ils se confient à Dieu après avoir reçu l’enseignement de Jésus, s’abstiennent de l’immoralité, de l’impureté et de toute l’indécence de l’union charnelle, au point que, comme les prêtres parfaits qui se sont interdits toute union, beaucoup d’entre eux se tiennent non seulement à l’écart de toute relation charnelle, mais dans une pureté parfaite. Sans doute chez les Athéniens il y a un hiérophante qui, se jugeant incapable de maîtriser sa virilité et de la dominer à sa guise, amortit par la ciguë sa virilité, et qu’on juge assez pur pour vaquer au culte traditionnel des Athéniens. Mais chez les chrétiens on peut voir des hommes qui n’ont pas besoin de ciguë pour servir Dieu dans la pureté ; au lieu de la ciguë, il leur suffit de la doctrine pour qu’ils servent Dieu dans la PRIÈRE et chassent de leur pensée toute convoitise. Auprès des autres dieux prétendus, des vierges en tout petit nombre, gardées ou non par des hommes, il n’y a pas lieu de le chercher ici, semblent passer leur vie dans la pureté pour honorer la divinité. Chez les chrétiens, ce n’est pas les honneurs humains, ri un salaire ou des dons en argent, ni la gloriole qui leur font observer une virginité parfaite ; et comme « elles se sont plu à retenir la vraie connaissance de Dieu », Dieu les garde dans un esprit qui lui plaît et « pour faire ce qui convient », remplies de toute justice et toute bonté. LIVRE VI
Ce qu’il y a de laborieux, c’est de réfléchir sérieusement à ces matières et de voir la différence entre ceux qui ont pu, à de longs intervalles, s’ouvrir à la compréhension de la vérité et à une conception limitée de Dieu, et ceux qui, sous une plus haute inspiration divine, continuellement unis à Dieu, sont toujours sous la conduite de l’Esprit divin. Si Celse l’avait examiné et compris, il ne nous eût point accusés d’ignorance, ni interdit de traiter d’aveugles ceux qui voient une expression de la piété dans les ?uvres matérielles de l’art humain telles que les statues. Car quiconque ouvre les yeux de l’âme ne suit pas d’autre méthode pour adorer la divinité que celle qui enseigne à toujours fixer les yeux sur le Créateur de l’univers, à lui offrir toute PRIÈRE et à tout faire comme sous le regard de Dieu qui voit même nos pensées. LIVRE VI
Celui-là n’a pu dire par lâcheté, comme certains le pensent, la PRIÈRE : « Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi. Cependant, non comme je veux, mais comme tu veux. » Ce n’était pas conforme au caractère de celui qui par fermeté resta silencieux sous les coups, et avec douceur supporta tous les outrages infligés par ceux qui se moquaient de lui. S’il paraît demander que s’éloigne le calice, c’est dans un autre sens que j’ai longuement étudié et expliqué ailleurs. LIVRE VI
Mais, à l’entendre plus simplement, vois si la PRIÈRE n’est pas imprégnée de piété envers Dieu. Chacun sait que ce qui arrive par occasion n’est pas le principal, mais il supporte, quand l’occasion l’exige, ce qui peut survenir sans être principal. De plus, la parole : « Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » n’était point une parole de quelqu’un qui s’abandonne, mais qui accepte ce qui survient et qui préfère les circonstances permises par la Providence. LIVRE VI
On pourrait juger plausible l’attaque qui suit : Encore, si ces gens-là ne rendaient un culte à nul autre que Dieu seul, ils auraient peut-être une raison valable à opposer aux autres. Mais non, ils rendent un culte excessif à Celui qui vient d’apparaître, et pourtant ne croient point offenser Dieu en rendant aussi un culte à son ministre. Il faut répondre : si Celse avait compris la parole : « Le Père et moi sommes un », et celle du Fils de Dieu dans sa PRIÈRE : « Comme toi et moi sommes un », il ne penserait pas que nous rendons un culte à un autre que le Dieu suprême, car Jésus a dit : « Le Père est en moi et je suis dans le Père. » Si l’on craignait que ces paroles nous amènent au parti de ceux qui nient l’existence de deux hypostases, un Père et un Fils, que l’on considère la parole : « Tous ceux qui croyaient n’avaient qu’un coeur et qu’une âme », afin de comprendre : « Le Père et moi sommes un ». C’est donc à un seul Dieu, comme on vient de l’expliquer, le Père et le Fils, que nous rendons un culte, et il nous reste une raison valable à opposer aux autres. Et nous ne rendons pas un culte excessif à Celui qui viendrait d’apparaître comme s’il n’avait jamais existé auparavant. Car nous le croyons quand il a dit : « Avant qu’Abraham fût, je suis » et qu’il affirme : « Je suis la Vérité ». Personne d’entre nous n’a la stupidité de croire que la vérité n’existait pas avant le temps de la manifestation du Christ. C’est pourquoi nous rendons un culte au Père de la Vérité et au Fils qui est la Vérité : ils sont deux réalités par l’hypostase, mais une seule par l’humanité, la concorde, l’identité de la volonté ; en sorte que celui qui a vu le Fils, rayonnement de la gloire, empreinte de la substance de Dieu, a vu Dieu en lui qui est l’image de Dieu. LIVRE VIII
Ensuite, il déclare que nous évitons a édifier des autels, des statues et des temples; car il croit que c’est le mot d’ordre convenu de notre association secrète et mystérieuse. C’est ignorer que pour nous le coeur de chaque juste forme l’autel d’où montent en vérité et en esprit, parfums d’agréable odeur, les PRIÈREs d’une conscience pure. Aussi est-il dit chez Jean dans l’Apocalypse : « Les parfums sont les PRIÈREs des saints », et chez le Psalmiste : « Que ma PRIÈRE soit comme un encens devant toi. » LIVRE VIII
On objectera nos célébrations des dimanches, de la Parascève, de Pâques, de la Pentecôte ? Il faut répondre : si l’on est un chrétien parfait, quand on ne cesse de s’appliquer aux paroles, aux actions, aux pensées du Logos de Dieu qui par nature est le Seigneur, on vit sans cesse dans les jours du Seigneur, on célèbre sans cesse les dimanches. De plus, quand on se prépare sans cesse à la vie véritable, et qu’on s’éloigne des plaisirs de la vie qui trompent la multitude, sans nourrir « le désir de la chair », mais châtiant au contraire son corps et le réduisant à la servitude, on ne cesse de célébrer la Parascève. En outre, quand on a compris que « le Christ notre Pâque a été immolé » et qu’on doit célébrer la fête en mangeant la chair du Logos, il n’est pas d’instant où on n’accomplisse la Pâque, terme qui veut dire sacrifice pour un heureux passage : car par la pensée, par chaque parole, par chaque action on ne cesse de passer des affaires de cette vie à Dieu en se hâtant vers la cité divine. Enfin, si l’on peut dire avec vérité : « Nous sommes ressuscites avec le Christ », et aussi : « Il nous a ressuscites ensemble et nous a fait asseoir ensemble au ciel dans le Christ », on se trouve sans cesse aux jours de la Pentecôte, surtout lorsque, monté dans la chambre haute comme les apôtres de Jésus, on vaque à la supplication et à la PRIÈRE pour devenir digne « du souffle impétueux qui descend du ciel » anéantir par sa violence la malice des hommes et ses effets, et pour mériter aussi d’avoir part à la langue de feu qui vient de Dieu. LIVRE VIII
Faisons donc fi du conseil de Celse qu’il faut prier les démons ; il ne mérite pas la moindre attention. Il faut prier le Dieu suprême seul, et il faut prier aussi le Logos de Dieu, son Fils unique, Premier-né de toute créature, et lui demander, comme Grand-Prêtre, de porter notre PRIÈRE, une fois reçue, jusqu’à son Dieu et notre Dieu, son Père et le Père de ceux qui vivent selon le Logos de Dieu. On ne voudrait pas de la bienveillance des hommes qui, voulant nous faire vivre selon leur malice, n’accordent leur bienveillance à personne qui ait embrassé le parti contraire ; car leur bienveillance nous rend ennemis de Dieu qui ne saurait accorder sa bienveillance à ceux qui veulent se concilier la leur. De la même manière, ayant compris la nature des démons, leur détermination et leur malice, on ne voudra jamais se concilier leur bienveillance. LIVRE VIII
Ce n’est donc pas des démons qu’on reçoit les différentes choses nécessaires à la vie, spécialement quand on a appris à en user comme il se doit. On n’est point le commensal des démons quand on reçoit du pain, du vin, des fruits, de l’eau et de l’air, mais bien plutôt commensal des anges divins chargés de ces éléments, qui sont, pour ainsi dire, invités à la table de l’homme pieux, attentif à l’enseignement de l’Écriture : « Que vous mangiez, que vous buviez et quoi que vous fassiez, faites tout pour glorifier Dieu. » Il est encore dit en un autre endroit : « Que vous mangiez, que vous buviez, faites tout au nom de Dieu. » Quand donc nous mangeons, buvons, respirons pour glorifier Dieu et faisons tout suivant l’Écriture, nous ne sommes pas les commensaux de l’un des démons, mais ceux des anges divins. En effet, « tout ce que Dieu a créé est bon et rien n’est à rejeter quand on le prend avec action de grâce ; car la parole de Dieu et la PRIÈRE le sanctifient. » Mais ces créatures n’auraient pas été bonnes ni capables d’être sanctifiées si, comme le croit Celse, les démons en avaient reçu l’administration. LIVRE VIII
Il est clair que par là j’ai répliqué d’avance à ce qu’il dit ensuite : Ou bien donc il faut absolument renoncer à vivre et à venir ici-bas, ou si on est venu à la vie dans ces conditions, il faut rendre grâce aux démons qui ont reçu en partage les choses de la terre, leur offrir des prémices et des PRIÈREs toute sa vie, afin d’obtenir leur bienveillance. Certes il faut vivre, et vivre selon la parole de Dieu autant qu’il est possible et qu’il est donné de vivre selon elle. Or cela nous est donné même quand nous mangeons et quand nous buvons en faisant tout pour glorifier Dieu. Il ne faut pas refuser de manger avec action de grâce au Créateur ces choses qui ont été créées pour nous. C’est dans ces conditions que nous avons été amenés par Dieu à cette vie et non pas dans celles qu’imaginé Celse. Ce n’est pas aux démons que nous sommes soumis, mais au Dieu suprême par Jésus-Christ qui nous a menés à lui. Selon les lois de Dieu, aucun démon n’a reçu en partage les choses de la terre. Mais à cause de leur transgression, peut-être se sont-ils partagé ces lieux d’où est absente la connaissance de Dieu et de la vie conforme à ses préceptes, ou dans lesquels affluent les hommes étrangers à la divinité. Peut-être aussi, parce qu’ils étaient dignes de gouverner et de châtier les méchants, le Logos qui administre toutes choses les a mis à la tête de ceux qui se sont soumis au mal et non à Dieu. Voilà pourquoi Celse, dans son ignorance de Dieu, peut bien témoigner aux démons sa reconnaissance. Pour nous, qui rendons grâce au Créateur de l’univers, nous mangeons les pains offerts avec action de grâce et PRIÈRE sur les oblats, pains devenus par la PRIÈRE un corps saint et qui sanctifie ceux qui en usent avec une intention droite. LIVRE VIII
Mais il n’est pas vrai, comme le croit Celse, que les anges, véritables satrapes, gouverneurs, généraux, procurateurs de Dieu, causent des dommages à ceux qui les outragent. Si certains démons causent des dommages, ces démons dont même Celse a une idée, ils le font parce qu’ils sont mauvais et sans avoir reçu de Dieu aucune mission de satrape, général, procurateur ; et ils causent des dommages à ceux qui leur sont soumis et se sont livrés à eux comme à des maîtres. C’est peut-être la raison pour laquelle ceux qui, en chaque région, enfreignent les lois établies sur les aliments qu’il est interdit de manger éprouvent des dommages, s’ils sont parmi les sujets de ces démons. Mais s’il y en a qui ne sont pas de leurs sujets et ne se sont pas livrés au démon de ce lieu, ils restent exempts de tout sévice de leur part et se rient de ces puissances démoniaques. Cependant si, à cause de leur ignorance sur d’autres points, ils se sont soumis à d’autres démons, ils peuvent souffrir de leur part. Mais non pas le chrétien, le véritable chrétien qui s’est soumis à Dieu seul et à son Logos : il ne saurait souffrir quoi que ce soit des êtres démoniaques, puisqu’il est supérieur aux démons. Et il ne saurait souffrir puisque « l’ange du Seigneur établira ses tentes autour de ceux qui le craignent», et que son ange, « qui voit sans cesse la face du Père qui est dans les cieux », sans cesse présente ses PRIÈREs par le seul Grand-Prêtre au Dieu de l’Univers et s’unit lui-même à la PRIÈRE de celui qui est sous sa tutelle. Que Celse ne nous effraie donc pas en nous menaçant de dommage à subir de la part de démons que nous aurions négligés. Car il n’est aucun dommage que les démons qu’on néglige puissent nous causer : nous appartenons à Celui qui seul est capable de secourir ceux qui le méritent, et qui a néanmoins préposé aussi ses anges à la garde de ceux qui ont de la piété envers lui, afin que ni les anges adversaires ni leur chef appelé « prince de ce monde » ne puissent rien exécuter contre ceux qui sont consacrés à Dieu. LIVRE VIII
Faut-il encore parler de l’absence d’enfants dont se désolaient des pères et des mères qui élevaient leurs PRIÈREs pour cela au Créateur de l’univers ? Qu’on lise l’histoire d’Abraham et de Sara : c’est d’eux, alors qu’ils étaient déjà dans la vieillesse, que naquit Isaac, le père de toute la race juive et d’autres races. Qu’on lise aussi l’histoire d’Ézéchias qui non seulement obtint d’être délivré d’une maladie, selon les prophéties d’Isaïe, mais osa dire en pleine assurance : « A partir de maintenant, en effet, je procréerai des enfants qui annonceront ta justice. » De plus, dans le quatrième livre des Rois, l’hôtesse d’Elisée, qui par la grâce de Dieu prophétisa la naissance d’un enfant, devint mère à la PRIÈRE du prophète. En outre d’innombrables infirmités ont été guéries par Jésus. Et beaucoup qui avaient osé se livrer aux sacrilèges contre le culte exercé dans le temple de Jérusalem ont souffert les châtiments racontés dans les livres des Macchabées. LIVRE VIII
Il n’y a que le Dieu suprême dont on doive chercher la faveur et qu’on doive prier d’être propice, en cherchant sa faveur par la piété et toutes les vertus. Et si Celse veut, après le Dieu suprême, se rendre favorables d’autres protecteurs, il doit comprendre que, comme le corps qui se déplace est suivi du mouvement de son ombre, ainsi la faveur du Dieu suprême entraîne la bienveillance de tous ceux qui l’aiment : anges, âmes, esprits. Ils connaissent ceux qui méritent la faveur de Dieu, et non contents d’accorder leur bienveillance à ceux qui ont ce mérite, ils collaborent avec ceux qui veulent rendre un culte au Dieu suprême ; remplis de bienveillance, avec eux ils prient et ils intercèdent. En conséquence nous osons dire : quand des hommes aspirent de tout leur coeur aux meilleurs biens et offrent à Dieu leur PRIÈRE, une foule de saintes puissances, même sans être invoquées, prient avec eux et assistent notre race périssable. Et, si j’ose dire, elles combattent à nos côtés, à cause des démons qu’elles voient combattre et lutter contre le salut de ceux-là surtout qui se vouent à Dieu et qui dédaignent la haine des démons, quelle que soit leur fureur contre l’homme qui évite de leur rendre un culte au moyen du fumet de graisse et de sang, mais s’applique de toute manière, par ses paroles et ses actions, à vivre dans la familiarité et l’union avec le Dieu suprême, grâce à Jésus : car Jésus a causé la défaite d’un nombre infini de démons quand il allait partout « guérissant et convertissant ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable. » LIVRE VIII
Il se demande ce qui arriverait si les Romains étaient convaincus par la doctrine chrétienne, négligeaient les honneurs à rendre aux prétendus dieux et les coutumes autrefois en usage chez les hommes, et adoraient le Très-Haut. Qu’il entende notre opinion sur ce point. Nous disons : « Si deux ou trois d’entre vous s’accordent sur la terre à demander quoi que ce soit, cela sera accordé par le Père des justes qui est dans les cieux. » Car Dieu prend plaisir à l’accord des êtres raisonnables et se détourne de leur désaccord. Que faut-il penser pour le cas où l’accord existerait non seulement comme aujourd’hui entre très peu de personnes mais dans tout l’empire romain ? Alors ils prieront le Logos qui autrefois dit aux Hébreux poursuivis par les Égyptiens : « Le Seigneur combattra pour vous et vous n’aurez qu’à vous taire. » Et l’ayant prié d’un accord total, ils pourront détruire un bien plus grand nombre d’ennemis lancés à leur poursuite que n’en détruisit la PRIÈRE de Moïse poussant des cris vers Dieu en même temps que ceux qui étaient avec lui. Si les promesses de Dieu à ceux qui observent la loi ne sont pas réalisées, ce n’est pas que Dieu aurait menti, mais que les promesses étaient faites sous cette condition qu’ils garderaient la loi et y conformeraient leur vie. Et si les Juifs qui avaient reçu ces promesses conditionnelles n’ont plus ni feu ni lieu, il faut en accuser toutes leurs transgressions de la loi et singulièrement leur faute contre Jésus. Mais, comme Celse le suppose, que tous les Romains, convaincus, se mettent à prier, ils triompheront de leurs ennemis ; ou plutôt, ils n’auront même plus de guerre du tout, car ils seront protégés par la puissance divine qui avait promis, pour cinquante justes, de garder intactes cinq villes entières. Car les hommes de Dieu sont le sel du monde assurant la consistance des choses de la terre, et les choses terrestres se maintiennent tant que le sel ne s’affadit pas : « Car si le sel perd sa saveur, il n’est plus bon ni pour la terre, ni pour le fumier, mais on le jette dehors et les hommes le foulent aux pieds. Que celui qui a des oreilles entende » le sens de cette parole. Pour nous, quand Dieu, laissant la liberté au Tentateur, lui donne tout pouvoir de nous persécuter, nous sommes persécutés. Mais lorsqu’il veut nous soustraire à cette épreuve, en dépit de la haine du monde qui nous entoure, nous jouissons d’une paix miraculeuse, nous confiant en Celui qui a dit : « Courage, moi j’ai vaincu le monde. » En toute vérité, il a vaincu le monde, et le monde n’a de force que dans la mesure où le veut son vainqueur qui tient de son Père sa victoire sur le monde. Notre courage repose sur sa victoire. LIVRE VIII