mal

Après quoi, il exhorte a n’accepter de doctrines que sous la conduite de la raison et d’un guide raisonnable, car l’erreur est inévitable quand, sans cette précaution, on donne son adhésion à certains. Et il les assimile à ceux qui croient sans raison aux prêtres mendiants de Cybèle et aux devins, aux dévots de Mithra et de Sabazios, à tout ce qu’on peut rencontrer, apparitions d’Hécate, d’un autre ou d’autres démons. Car, de même que souvent parmi eux des hommes pervers prennent avantage de l’ignorance de gens faciles à tromper et les mènent à leur guise, ainsi en va-t-il des chrétiens. Il ajoute que certains, ne voulant pas même donner ni recevoir de raison sur ce qu’ils croient, usent de ces formules: «N’examine pas, mais crois; la foi te sauvera. » Il soutient qu’ils disent : La sagesse dans ce siècle est un MAL, et la folie un bien. Il faut y répondre : s’il était possible que tous les hommes délaissent les affaires de la vie pour consacrer leurs loisirs à la philosophie, nul ne devrait poursuivre d’autre voie que celle-là. Car dans le christianisme on ne trouvera pas moins — pour parler sans orgueil —, d’examen approfondi des croyances, ni d’explication des énigmes prophétiques, des paraboles évangéliques et de mille autres événements ou préceptes à signification symbolique. Mais si ce n’est pas possible, vu le nombre infime de gens qui, à cause des nécessités de la vie ou de la faiblesse humaine, s’adonne à la raison, quelle autre méthode plus efficace pour aider la foule trouverait-on que celle qui fut transmise aux nations par Jésus ? LIVRE I

Celse a cité comme une expression courante chez les chrétiens : La sagesse dans le cours de cette vie est un MAL, et la folie un bien. Il faut répondre qu’il calomnie la doctrine, puisqu’il n’a pas cité le texte même qui se trouve chez Paul et que voici : « Si quelqu’un parmi vous se croit sage, qu’il devienne fou dans ce siècle pour devenir sage, car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. » L’Apôtre n’affirme donc pas simplement : « la sagesse est folie devant Dieu », mais : « la sagesse de ce monde… » ; ni non plus : « si quelqu’un parmi vous se croit sage, qu’il devienne fou » en général, mais : « qu’il devienne fou dans ce siècle pour devenir sage ». Donc, nous appelons « sagesse de ce siècle » toute philosophie remplie d’opinions fausses, qui est périmée d’après les Ecritures ; et nous disons : « la folie est un bien », non point absolument, mais quand on devient fou pour ce siècle. Autant dire du Platonicien, parce qu’il croit à l’immortalité de l’âme et à ce qu’on dit de sa métensomatose, qu’il se couvre de folie aux yeux des Stoïciens qui tournent en ridicule l’adhésion à ces doctrines, des Péripatéticiens qui jasent des « fredonnements » de Platon, des Epicuriens qui crient à la superstition de ceux qui admettent une providence et posent un dieu au-dessus de l’univers ! Ajoutons qu’au sentiment de l’Ecriture, il vaut bien mieux donner son adhésion aux doctrines avec réflexion et sagesse qu’avec la foi simple ; et qu’en certaines circonstances, le Logos veut aussi cette dernière pour ne pas laisser les hommes entièrement désemparés. C’est ce que montre Paul, le véritable disciple de Jésus, quand il dit : « Car, puisque dans la sagesse de Dieu le monde n’a pas connu Dieu avec la sagesse, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication » D’où il ressort donc clairement que c’est dans la sagesse de Dieu que Dieu devait être connu. Et puisqu’il n’en fut rien, Dieu a jugé bon ensuite de sauver les croyants, non pas simplement par la folie, mais par la folie relative à la prédication. De là vient que la proclamation de Jésus-Christ crucifié est la folie de la prédication, comme le dit encore Paul qui en avait pris conscience et déclare « Mais nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Gentils, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu » LIVRE I

Peut-être même n’y a-t-il pas moins de danger à rabaisser le nom de Dieu et le nom du Bien à ce qu’on ne doit point, qu’à changer les noms disposés selon un principe mystérieux et appliquer les noms de ce qui est MAL à ce qui est bien et de ce qui est bien à ce qui est MAL. Et je laisse de côte le fait que le nom de Zeus évoque immédiatement le fils de Cronos et de Rhéa, époux d’Hera, frère de Poséidon, père d’Athénée et d’Artemis, séducteur de sa fille Persephone, ou que celui d’Apollon évoque le fils de Letho et de Zeus, frère d’Artemis et demi-frère d’Hermès , et toutes les autres fictions des sages de Celse, auteurs de ces doctrines et antiques théologiens de la Grèce. Quelle distinction arbitraire que de lui donner comme nom propre Zeus, mais non Cronos pour père, ni Rhéa pour mère. Et les mêmes remarques peuvent s’appliquer aux autres prétendus dieux. Mais cette critique n’atteint nullement ceux qui, pour une raison mystérieuse, donnent à Dieu le nom de Sabaoth, d’Adonai, ou l’un des autres noms. LIVRE I

Nous reprochons donc aux Juifs de ne l’avoir pas tenu pour Dieu, alors que les prophètes ont souvent attesté qu’il est une grande puissance et un dieu au-dessous du Dieu et Père de l’univers. A lui, disons-nous, dans l’histoire de la création racontée par Moïse, le Père a donné l’ordre : « Que la lumière soit », « Que le firmament soit » et tout le reste dont Dieu a ordonné la venue à l’existence. A lui, il a été dit : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance. » Et le Logos, l’ordre reçu, a fait tout ce que le Père lui avait commande. Nous le disons en nous fondant non sur des conjectures, mais sur la foi aux prophéties reçues chez les Juifs, ou il est dit en propres termes de Dieu et des choses créées : « Il a dit et les choses furent, il a ordonné et elles furent créées. » Si donc Dieu donna l’ordre et les créatures furent faites, quel pourrait être, dans la perspective de l’esprit prophétique, celui qui fut capable d’accomplir le sublime commandement du Père, sinon Celui qui est, pour ainsi dire, Logos vivant et Vérité ? D’autre part, les Evangiles savent que celui qui dit en Jésus « Je suis la voie, la vérité, la vie » n’est pas circonscrit au point de n’exister en aucune manière hors de l’âme et du corps de Jésus. Cela ressort de nombreux passages dont nous citerons le peu que voici Jean-Baptiste, prophétisant que le Fils de Dieu allait bientôt paraître, sans se trouver seulement dans ce corps et cette âme mais présent partout, dit de lui « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas, qui vient après moi. » Or s’il avait pensé que le Fils de Dieu est là seulement ou se trouvait le corps visible de Jésus, comment eut-il affirme : « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas » ? De plus, Jésus lui-même élevé l’intelligence de ses disciples à de plus hautes conceptions du Fils de Dieu, quand il dit : « Là ou deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis présent au milieu d’eux. » Et telle est la signification de sa promesse à ses disciples : « Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » Lorsque nous disons cela, nous ne séparons point le Fils de Dieu de Jésus, car c’est un seul être, après l’incarnation, qu’ont formé avec le Logos de Dieu l’âme et le corps de Jésus. Si en effet, selon l’enseignement de Paul qui dit : « Celui qui s’unit au Seigneur est un seul esprit avec lui », quiconque a compris ce que c’est qu’être uni au Seigneur et s’est uni à lui est un seul esprit avec le Seigneur, de quelle manière bien plus divine et plus sublime le composé dont nous parlions est-il un seul être avec le Logos de Dieu ! Il s’est, de fait, manifesté parmi les Juifs comme « la Puissance de Dieu », et cela par les miracles qu’il accomplit, n’en déplaise à ceux qui le soupçonnent comme Celse de mettre en oevre la sorcellerie, et comme les Juifs d’alors, instruits à je ne sais quelle source sur Béelzébul, de chasser les démons « par Béelzébul prince des démons ». Notre Sauveur les convainquit alors de l’extrême absurdité de leurs dires par le fait que le règne du MAL n’avait pas encore pris fin. Ce sera évident à tous les lecteurs sensés du texte évangélique ; il est hors de propos de l’expliquer maintenant. LIVRE II

Qu’est-ce donc que Jésus « a promis » et n’a pas accompli ? Que Celse l’établisse et le prouve ! Mais il en sera bien incapable : pour la raison majeure qu’il croit tirer ses arguments contre Jésus et contre nous soit d’histoires MAL comprises, soit même de lectures évangéliques, soit de récits juifs. De plus, puisque le Juif répète : « Nous l’avons convaincu, condamné, jugé digne du supplice », qu’on nous montre comment ceux qui cherchaient à établir de faux témoignages contre lui l’ont convaincu ! A moins peut-être que la grande charge contre Jésus ne fût cette déposition des accusateurs : « Cet homme a affirmé : Je puis détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours » ? Mais « il parlait du temple de son corps ». Tandis qu’ils croyaient, ne sachant l’interpréter au sens de son auteur, que le propos concernait le temple de pierre, plus honoré chez les Juifs que Celui qu’il aurait fallu honorer comme le véritable temple du Dieu Logos, de la Sagesse, de la Vérité. Et que l’on dise comment Jésus « s’est caché et a fui de la manière la plus honteuse » ! Qu’on y montre une conduite digne de blâme ! Il affirme encore qu’« il fut pris ». Je pourrais répliquer : si « être pris » implique que c’était contre son gré, Jésus ne fut pas pris. De lui-même, au moment voulu, il ne s’est pas gardé de tomber aux mains des hommes, comme « Agneau de Dieu », afin « d’ôter le péché du monde ». « Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : Qui cherchez-vous ? Ils répondirent : Jésus de Nazareth ! C’est moi ! leur dit-il. Judas, qui le livrait se tenait là avec eux. Quand Jésus leur eut dit : C’est moi ! ils reculèrent et tombèrent à terre. Il leur demanda de nouveau : Qui cherchez-vous ? Ils répondirent : Jésus de Nazareth ! Jésus leur répondit : Je vous ai dit que c’est moi. Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez partir ceux-là. » De plus, à celui qui, voulant le secourir, frappa le serviteur du grand-prêtre et lui coupa l’oreille, il dit : « Remets ton glaive au fourreau ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. Penses-tu que je ne puisse faire appel à mon Père qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges ? Comment alors s’accompliraient les Écritures, d’après lesquelles il devait en être ainsi ? » Fiction des évangélistes que tout cela, croira-t-on ? Pourquoi la fiction ne serait-elle pas plutôt dans les paroles inspirées par l’hostilité et la haine contre le Christ et les chrétiens, et la vérité, dans le témoignage de ceux qui ont prouvé la sincérité de leur attachement à Jésus en supportant pour ses paroles toutes sortes de peines ? Les disciples de Jésus auraient-ils reçu une telle patience et constance à résister jusqu’à la mort, s’ils avaient été disposés à des inventions mensongères au sujet de leur maître ?… Qu’ils aient été convaincus de la vérité de ce qu’ils ont écrit ressort, avec une évidence manifeste pour tout bon esprit, des cruelles et multiples souffrances qu’ils ont supportées pour celui qu’ils croyaient être Fils de Dieu. LIVRE II

Mais comment n’est-ce pas un mensonge flagrant que l’assertion du Juif de Celse : ” De toute sa vie, n’ayant persuadé personne, pas même ses disciples, il fut châtié et endura ces souffrances ! ” Car d’où vient la haine excitée contre lui par les grands-prêtres, les anciens et les scribes, sinon de ce que les foules étaient persuadées de le suivre jusqu’aux déserts, conquises non seulement par la logique de ses discours, toujours adaptés à ses auditeurs, mais encore par ses miracles qui frappaient d’étonnement ceux qui ne croyaient pas à la logique de son discours ? Comment n’est-ce pas un mensonge flagrant de dire qu’il ne persuada pas même ses disciples. Ils ont bien ressenti alors une lâcheté tout humaine, car ils n’étaient pas encore d’un courage éprouvé, mais sans toutefois se départir de leur conviction qu’il était le Christ. Car Pierre, aussitôt après son reniement, eut conscience de la gravité de sa chute, et «sortant dehors, il pleura amèrement» » ; les autres, bien que frappés de découragement à son sujet, car ils l’admiraient encore, furent affermis par son apparition à croire qu’il était Fils de Dieu d’une foi encore plus vive et plus ferme qu’auparavant. Par un sentiment indigne d’un philosophe, Celse imagine que la supériorité de Jésus sur les hommes ne consistait pas dans sa doctrine du salut et la pureté de ses moers. Il aurait dû agir contrairement au caractère du rôle qu’il avait assumé : ayant assumé une nature mortelle, il aurait dû ne pas mourir ; ou il devait mourir, mais non d’une mort qui pût servir d’exemple aux hommes : car cet acte leur apprendrait à mourir pour la religion, et à en faire hardiment profession en face de ceux qui sont dans l’erreur en matière de piété et d’impiété et qui tiennent les gens pieux pour très impies, et pour très pieux ceux qui, fourvoyés dans leurs idées sur Dieu, appliquent à tout plutôt qu’à Dieu la juste notion qu’ils ont de lui ; et leur erreur est au comble quand ils massacrent avec fureur ceux qui, saisis par l’évidence de l’unique Dieu suprême, se sont consacrés de toute leur âme jusqu’à la mort. Celse met dans la bouche du Juif un autre reproche contre Jésus :” Il ne s’est pas montré pur de tout MAL.” De quel MAL Jésus ne s’est-il pas montré pur ? Que le lettré de Celse le dise ! S’il entend que Jésus ne s’est pas montré pur du MAL au sens strict, qu’il fasse clairement la preuve d’un acte mauvais accompli par lui ! Si, au contraire, il entend par MAL la pauvreté, la croix, la conspiration d’hommes insensés, il est évident qu’on peut dire que du MAL est arrivé aussi à Socrate, qui n’a pas pu prouver qu’il était pur de ce MAL. Mais qu’il est nombreux chez les Grecs le choeur des philosophes qui furent pauvres et d’une pauvreté volontairement choisie ! La plupart des Grecs le connaissent par leurs histoires : Démocrite laissa son bien abandonné en pâturage aux brebis ; Cratès se libéra en gratifiant les Thébains de l’argent que lui avait procuré la vente de tout ce qu’il possédait ; de plus, Diogène, par exagération de pauvreté, vivait dans un tonneau, et nulle personne d’intelligence même modérée n’en conclut que Diogène vivait dans le MAL. De plus, puisque Celse veut que ” Jésus n’ait pas même été irréprochable,” c’est à lui de montrer lequel de ceux qui ont adhéré à sa doctrine a rapporté de Jésus quoi que ce soit de vraiment répréhensible. Ou bien, si ce n’est pas d’après eux qu’il l’accuse d’être répréhensible, qu’il montre d’après quelle source il a pu dire qu’il n’était pas irréprochable. Jésus a tenu ses promesses en faisant du bien à ceux qui se sont attachés à lui. Et en voyant sans cesse accomplis les événements qu’il avait prédits avant qu’ils arrivent, l’Évangile prêché dans le monde entier, ses disciples partis annoncer sa doctrine à toutes les nations, en outre, leur procès devant gouverneurs et rois sans autre motif que son enseignement, nous sommes remplis d’admiration pour lui et nous fortifions chaque jour notre foi en lui. Mais je ne sais pas de quelles preuves plus fortes et plus évidentes Celse voudrait qu’il ait confirmé ses prédictions ; à moins peut-être qu’ignorant, à ce qu’il semble, que le Logos est devenu l’homme Jésus, il eût voulu qu’il n’éprouvât rien d’humain et ne devînt pas pour les hommes un noble exemple de la manière de supporter l’adversité. Mais peut-être celle-ci apparaît-elle à Celse lamentable et des plus répréhensibles, puisqu’il regarde la peine comme le plus grand des maux et le plaisir comme le bien parfait : ce qui n’est accepté par aucun des philosophes qui admettent la Providence, et qui conviennent que le courage est une vertu ainsi que l’endurance et la grandeur d’âme. Ainsi, par les souffrances qu’il a supportées, Jésus n’a pas discrédité la foi en sa personne, mais il l’a fortifiée plutôt dans ceux qui veulent admettre le courage, et dans ceux qui ont appris de lui que la vie heureuse au sens propre et véritable n’est point ici-bas, mais dans ce qu’il appelle « le siècle à venir », tandis que la vie dans « le siècle présent » est un MALheur, la première et la plus grande lutte à mener par l’âme. LIVRE II

Il préjuge de notre réponse à la question qu’il pose “Quel motif vous a portés à le croire Fils de Dieu ?” car il nous fait répondre “Ce motif, c’est notre idée qu’il a enduré son supplice pour anéantir l’auteur du MAL “. Mais mille autres motifs nous y ont portés, je n’en ai exposé jusqu’ici qu’une infime partie , avec l’aide de Dieu j’en exposerai d’autres non seulement dans cette réponse au prétendu “Discours véritable” de Celse, mais en bien d’autres ouvrages. Et comme si de fait notre réponse était “Nous le croyons Fils de Dieu à cause de son supplice”, il riposte “Mais quoi ! N’y a-t-il pas beaucoup d’autres supplicies, et avec non moins d’ignominie ?” C’est de sa part une méprise analogue à celle des plus grossiers adversaires de notre doctrine qui, du récit du crucifiement de Jésus, tirent la conséquence que nous adorons tous les crucifiés. LIVRE II

A ce propos, je dirai encore aux gens mieux disposés et surtout au Juif . « il y avait beaucoup de lépreux aux jours d’Elisée le prophète, et aucun d’eux ne fut guéri, mais bien Naaman le Syrien », « il y avait beaucoup de veuves aux jours d’Élie le prophète, il ne fut envoyé a aucune d’entre elles, mais bien a celle de Sarepta au pays de Sidon », rendue digne, d’après une décision divine, du prodige que le prophète accomplit sur les pains , de même il y avait beaucoup de morts aux jours de Jésus, mais seuls ressuscitèrent ceux que le Logos a jugé convenable de ressusciter , afin que les miracles du Seigneur, non seulement soient des symboles de certaines ventes, mais qu’ils attirent sur-le-champ beaucoup d’hommes a l’admirable enseignement de l’Évangile. J’ajouterai que, selon la promesse de Jésus, les disciples ont accompli des oevres plus grandes que les miracles sensibles qu’accomplit Jésus. Car c’est continuellement que s’ouvrent les yeux des aveugles spirituels, et les oreilles des gens sourds aux discours sur la vertu écoutent avec empressement les enseignements sur Dieu et la vie bienheureuse près de lui. De plus, beaucoup, qui étaient boiteux en ce que l’Écriture appelle « l’homme intérieur », maintenant guéris par la doctrine, bondissent, non pas au sens propre, mais « à l’instar du cerf » aniMAL ennemi des serpents et immunisé contre tout venin des vipères. Oui, ces boiteux guéris reçoivent de Jésus le pouvoir de passer, dans leur marche autrefois claudicante, sur « les serpents et les scorpions » du vice, et d’un mot, sur « toute la puissance de l’ennemi » ; ils les foulent aux pieds et n’en éprouvent aucun MAL, car eux aussi ont été immunisés contre toute MALice et venin des démons. LIVRE II

Paul aussi, dans sa deuxième Epître aux Thessaloniciens, fait connaître de quelle manière sera révèlé un jour « l’homme impie, le Fils de perdition, l’Adversaire, celui qui s’élève au dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, allant jusqu’à s’asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se produisant lui même comme Dieu ». Et il redit aux Thessaloniciens « Et vous savez ce qui le retient présentement de façon a ne se révéler qu’à son moment. Des maintenant, oui, le mystère de l’impiété est à l’oevre. Mais que seulement celui qui le retient soit d’abord écarté, alors l’Impie se révélera, et le Seigneur le fera disparaître par le souffle de sa bouche, l’anéantira par le resplendissement de sa Venue. Sa venue à lui, l’Impie, aura été marquée, sous l’influence de Satan, par toute espèce de miracles, de signes et de prodiges mensongers, ainsi que toutes les séductions du MAL sévissant sur ceux qui sont voués à la perdition. » Il indique également la cause pour laquelle l’Impie a permission de vivre : « Parce qu’ils ont refusé d’accepter pour leur salut l’amour de la vérité. Voilà pourquoi Dieu leur envoie une influence qui les égare et les pousse à croire le mensonge, pour la condamnation de tous ceux qui auront refusé de croire la vérité et pris parti pour le MAL. » LIVRE II

Qu’on nous dise dès lors si un trait du texte de l’Évangile ou de l’Apôtre peut prêter au soupçon que la sorcellerie soit prédite dans ce passage ! Et quiconque le désire pourra extraire en outre de Daniel la prophétie sur l’Antéchrist. Mais Celse calomnie les paroles de Jésus : il n’a pas dit que d’autres se présenteraient, usant de pareils miracles, des méchants et des sorciers, comme Celse le lui fait dire. En effet, la puissance des incantations d’Egypte n’est point pareille à la grâce miraculeuse dont disposait Moïse : l’issue a manifesté que les actions des Egyptiens étaient des sorcelleries, et celles de Moïse des oevres divines. De la même façon, les actions des antéchrists et de ceux qui prétendent faire des miracles à l’égal des disciples de Jésus sont qualifiées de « signes et de prodiges mensongers, sévissant dans toutes les séductions du MAL à l’adresse de ceux qui sont voués à la perdition » ; celles du Christ et de ses disciples, au contraire, ont pour fruit non la séduction mais le salut des âmes. Qui donc peut raisonnablement soutenir que la vie vertueuse qui réduit chaque jour à un plus petit nombre les actions mauvaises provient d’une séduction ? Celse a deviné un trait de l’Écriture, quand il fait dire à Jésus qu’un certain Satan serait habile à contrefaire ces prodiges. Mais il ajoute une pétition de principe en affirmant que Jésus ne nie pas en eux tout caractère divin, mais qu’il y voit l’oevre de méchants. C’est renfermer dans une même catégorie des choses de catégorie différente. Comme le loup n’est pas de même espèce que le chien, MALgré une ressemblance apparente dans la forme du corps et dans la voix, ni le pigeon ramier de même espèce que la colombe, ainsi une oevre de la puissance de Dieu n’a rien de pareil à ce qui provient de la sorcellerie. Autre réponse aux déloyautés de Celse : est-ce que des méchants démons feraient des miracles par sorcellerie, sans que la nature divine et bienheureuse en accomplisse aucun ? L’existence humaine est-elle accablée de maux, sans la moindre place pour les biens ? Or voici mon avis : dans la mesure où l’on doit admettre le principe général que là où l’on suppose un MAL de même espèce que le bien, il existe nécessairement en face de lui un bien, de même aussi, en regard des actes exécutés par sorcellerie il en existe nécessairement qui sont dus à l’activité divine dans l’existence. En conséquence du même principe on peut ou supprimer les deux membres de l’affirmation et dire que ni l’un m l’autre ne se réalise, ou, posé l’un, ici le MAL, reconnaître aussi le bien. Mais admettre les effets de la sorcellerie et nier les effets de la puissance divine équivaut, me semble-t-il, à soutenir qu’il y a des sophismes et des arguments plausibles éloignés de la vérité bien qu’ils feignent de l’établir, mais que la vérité et la dialectique étrangère aux sophismes n’ont aucun droit de cité parmi les hommes. Admet-on l’existence de la magie et de la sorcellerie exercée par les méchants démons, charmés par des incantations spéciales et dociles aux invitations des sorciers ? Il s’ensuit que doivent exister parmi les hommes les effets de la puissance divine. Alors pourquoi ne pas examiner soigneusement ceux qui prétendent faire des miracles et voir si leur vie, leurs moers, les résultats de ces miracles nuisent aux hommes ou redressent leurs moers ? Qui donc, au service des démons, obtient de tels effets au moyen de pratiques incantatoires et magiques. Qui au contraire, après s’être uni à Dieu, dans un lieu pur et saint, par son âme, son esprit et je croîs aussi par son corps, et avoir reçu un esprit divin, accomplit de tels actes pour faire du bien aux hommes et les exhorter à croire au vrai Dieu ? Admet-on la nécessité de chercher, sans tirer une conclusion précipitée des miracles, qui accomplit ces prodiges par un principe bon et qui, par un principe mauvais, de manière à éviter soit de tout déprécier, soit de tout admirer et accueillir comme divin ? Comment alors ne sera-t-il pas évident, d’après les événements du temps de Moïse et du temps de Jésus, puisque des nations entières se sont constituées à la suite de leurs miracles, que c’est par une puissance divine qu’ils ont accompli les oevres que la Bible atteste ? Car la méchanceté et la magie n’auraient pas constitué une nation entière qui a dépasse non seulement les idoles et les monuments construits par les hommes, mais encore toute nature créée, et qui s’élève jusqu’au principe incréé du Dieu de l’univers. LIVRE II

En mettant le Juif en scène, Celse n’a rien trouvé à glisser dans son argumentation qui ne lui soit reproché par la Loi et les Prophètes. Il blâme Jésus en tenant sur lui ces propos : Il use à la légère de menaces et d’invectives chaque fois qu’il dit: « Malheur à vous, Je vous prédis.» C’est avouer là ouvertement son impuissance à persuader, ce qui n’est guère le fait d’un Dieu, ni même d’un homme de bon sens. Mais vois si ces propos ne se retournent pas ouvertement contre le Juif. Car dans les textes de la Loi et des Prophètes, chaque fois qu’il dit : Malheur, Dieu use de menaces et d’invectives, qui n’ont pas moins de force que celles de l’Évangile. Par exemple les passages d’Isaïe que voici : « Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison et joignent champ à champ » ; « Malheur à ceux qui se lèvent dès le matin et courent après des boissons fortes » ; « Malheur à ceux qui traînent les péchés comme au bout d’un licou » ; « Malheur à ceux qui appellent le MAL bien et le bien MAL » ; « Malheur à ceux d’entre vous qui mettent leur vaillance à boire le vin » ; et d’autres qu’on trouverait à foison ! N’y a-t-il pas l’équivalent des menaces dont il parle dans le mot : « Malheur à vous, nation pécheresse, peuple chargé de crimes, race MALfaisante, fils d’iniquité », etc. A quoi il ajoute des menaces si terribles qu’elles valent bien celles qu’il accuse Jésus d’avoir lancées. N’est-ce pas une menace terrible que de dire : « Votre terre est déserte, vos villes sont incendiées ; votre pays, sous vos yeux, des étrangers le dévorent, il est devenu un désert comme après la dévastation de peuples étrangers » ? Et n’y a-t-il pas des invectives contre le peuple dans Ézéchiel, quand le Seigneur dit au prophète : « Tu habites au milieu de scorpions » ? Est-ce donc sérieusement, Celse, que tu as fait dire par ton Juif contre Jésus : « Il use à la légère de menaces et d’invectives chaque fois qu’il dit : Malheur, Je vous prédis » ? Ne vois-tu pas que toutes les accusations proférées par ton Juif contre Jésus pourraient lui être rétorquées à propos de Dieu ? Car c’est ouvertement que Dieu, chez les prophètes, se trouve exposé, aux yeux du Juif, aux mêmes griefs d’impuissance à persuader. LIVRE II

Devant ces faits, comment n’est-il pas logique de penser que Jésus qui a pu instituer une si grande oevre, avait en lui une qualité divine exceptionnelle, mais non point Aristéas de Proconnèse, même si Apollon veut le placer au rang des dieux, ni ceux que Celse énumère. Il dit : Personne ne considère comme dieu Abaris l’Hyperboréen doué du prodigieux pouvoir d’être porté sur une flèche. Dans quel dessein la divinité, si elle eût accordé la faveur à l’Hyperboréen Abaris d’être porté sur une flèche, lui eut-elle fait pareil don ? Quel bienfait en eût retiré le genre humain ? Et quel avantage pour cet Abaris que d’être porté sur une flèche ? Et cela, en admettant qu’il n’y eût là aucune fiction, mais le résultat de l’action d’un démon. Mais lorsqu’on dit que mon Jésus est élevé « en gloire », je vois l’économie providentielle : Dieu par la réalisation de cette merveille l’accréditait comme Maître dans l’esprit de ceux qui l’avaient contemplé, afin de les pousser à combattre de toutes leurs forces non pour des connaissances humaines, mais pour les enseignements divins, à se consacrer au Dieu suprême et à tout faire pour lui plaire, pour recevoir selon leurs mérites au tribunal de Dieu la sanction du bien et du MAL faits en cette vie. LIVRE III

Il en vient ensuite au mignon d’Adrien – je parle de l’adolescent Antinoos – , et aux honneurs qui lui sont rendus dans la ville d’Egypte Antinoopolis, et il pense qu’ils ne diffèrent en rien de notre culte pour Jésus. Eh bien ! réfutons cette objection dictée par la haine. Quel rapport peut-il y avoir entre Jésus que nous vénérons et la vie du mignon d’Adrien qui n’avait pas même su garder sa virilité d’un attrait féminin morbide ? Contre Jésus, ceux mêmes qui ont porté mille accusations et débité tant de mensonges, n’ont pas pu alléguer la moindre action licencieuse. De plus, si on soumettait à une étude sincère et impartiale le cas d’Antinoos, on découvrirait des incantations égyptiennes et des sortilèges à l’origine de ses prétendus prodiges à Antinoopolis, même après sa mort. On rapporte que c’est la conduite, dans d’autres temples, suivie par les Égyptiens et autres gens experts en sorcellerie : ils fixent en certains lieux des démons pour rendre des oracles, guérir, et souvent mettre à MAL ceux qui ont paru transgresser les interdits concernant les aliments impurs ou le contact du cadavre d’un homme ; ils veulent effrayer ainsi la foule des gens incultes. Voilà celui qui passe pour dieu à Antinoopolis d’Egypte : ses vertus sont des inventions mensongères de gens qui vivent de fourberies, tandis que d’autres, bernés par le démon qui habite en ce lieu, et d’autres, victimes de leur conscience faible, s’imaginent acquitter une rançon divinement voulue par Antinoos ! Voilà les mystères qu’ils célèbrent et leurs prétendus oracles ! Quelle différence du tout au tout avec ceux de Jésus ! Non, ce n’est pas une réunion de sorciers qui, pour complaire à l’ordre d’un roi ou à la prescription d’un gouverneur, ont décidé de faire de lui un dieu. Mais le Créateur même de l’univers, par l’effet de la puissance persuasive de sa miraculeuse parole, l’a constitué digne du culte non seulement de tout homme qui cherche la sagesse, mais encore des démons et autres puissances invisibles. Jusqu’à ce jour, celles-ci montrent ou qu’elles craignent le nom de Jésus comme celui d’un être supérieur, ou qu’elles lui obéissent avec respect, comme à leur chef légitime. S’il n’avait pas été ainsi constitué par la faveur de Dieu, les démons à la seule invocation de son nom ne se retireraient pas sans résistance de leurs victimes. LIVRE III

Il est également faux que les maîtres de la divine doctrine ne veuillent convaincre que les gens niais, vulgaires, stupides : esclaves, bonnes femmes et jeunes enfants. Même eux, le Logos les appelle pour les améliorer ; mais il appelle aussi ceux qui leur sont bien supérieurs : car le Christ est « Sauveur de tous les hommes, et surtout des croyants », qu’ils soient intelligents ou simplets, « il est victime de propitiation devant son Père pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres mais pour ceux du monde entier ». Il est dès lors superflu de vouloir répondre à ces paroles de Celse : D’ailleurs, quel MAL y a-t-il donc à être cultivé, à s’être appliqué aux meilleures doctrines, à être prudent et à le paraître ? Est-ce un obstacle à la connaissance de Dieu ? Ne serait-ce pas plutôt une aide et un moyen plus efficace de parvenir à la vérité ? Assurément, il n’y a pas de MAL à être réellement cultivé : car la culture est le chemin vers la vertu. Cependant, compter au nombre des gens cultivés ceux qui professent des doctrines erronées, les sages mêmes de la Grèce n’y souscriraient pas. Par ailleurs, qui ne reconnaîtrait que c’est un bien de s’être appliqué aux meilleures doctrines? Mais qu’appellerons-nous les meilleures doctrines, sinon celles qui sont vraies et invitent à la vertu ? De plus, s’il est bien d’être prudent, ce ne l’est plus de le paraître, comme l’a dit Celse. Et loin d’être un obstacle à la connaissance de Dieu, c’est une aide que d’être cultivé, de s’être appliqué aux meilleures doctrines, d’être prudent. Plutôt qu’à Celse, c’est à nous qu’il revient de le dire, surtout si on le convainc d’épicurisme. LIVRE III

Car il est écrit dans la lettre de notre Paul aux Corinthiens, Grecs dont les moers n’étaient pas encore purifiées : « C’est du lait que je vous ai donné à boire et non une nourriture solide, vous ne pouviez pas encore la supporter. Et vous ne le pouvez pas encore à présent, car vous êtes encore charnels. Du moment qu’il y a parmi vous jalousie et dispute, n’êtes-vous pas charnels et votre conduite n’est-elle pas tout humaine ? » Et ce même apôtre, sachant que certaines vérités sont la nourriture de l’âme avancée en perfection, et que d’autres, celles des néophytes, sont comparables au lait des petits enfants, déclare : « Et vous en êtes venus à avoir besoin de lait, non de nourriture solide. De fait, quiconque en est encore au lait ignore la doctrine de justice : ce n’est qu’un petit enfant. La nourriture solide est pour les parfaits, ceux qui, par l’habitude ont le sens moral exercé au discernement du bien et du MAL. » Dès lors, ceux qui croient à la beauté de ces paroles supposeraient-ils qu’on ne traiterait jamais des beaux mystères du Logos dans une assemblée d’hommes prudents, mais que, si on apercevait des adolescents, une foule d’esclaves, un rassemblement d’imbéciles, on irait y proposer en public les mystères divins et vénérables, et en faire étalage devant de tels spectateurs? Au contraire, à scruter tout le dessein de nos Écritures, il est bien clair que, partageant la haine de la grossière populace pour la race des chrétiens, Celse profère sans examen de tels mensonges. LIVRE III

Vois donc, là encore, un exemple de ses sarcasmes contre nos maîtres de doctrine. Eux qui s’efforcent d’élever l’âme de toute manière au Créateur de l’univers, en prouvant qu’il faut mépriser toutes ces choses sensibles, passagères et visibles, et tout faire pour obtenir la communion avec Dieu, la contemplation des réalités intelligibles et invisibles, la béatitude avec Dieu et les amis de Dieu, Celse les compare aux cardeurs qu’on voit dans les maisons particulières, aux cordonniers, aux foulons, aux plus grossiers des hommes, qui solliciteraient au MAL des enfants en bas âge, des bonnes femmes, pour qu’ils s’éloignent du père et des précepteurs et les suivent. Mais de quel père sensé, de quels précepteurs aux enseignements sérieux éloignons-nous les enfants et les bonnes femmes ? Que Celse veuille bien l’établir ! Qu’il montre, par comparaison, si les enfants et les bonnes femmes qui embrassent notre doctrine en avaient entendu de meilleures que la nôtre, et de quelle manière nous écartons enfants et bonnes femmes de leçons belles et vénérables pour les convier à des pires ? Il ne pourra en fournir la preuve . bien au contraire, nous détournons les bonnes femmes de l’impureté, de la perversion causée par leur entourage, de la folie du théâtre, de la superstition. Et les enfants arrives à la puberté, que gonflent les désirs de volupté, nous tâchons de les assagir en leur montrant non seulement la honte du pèche, mais encore l’état où ces fautes réduisent l’âme des méchants, les peines qu’elle devra subir, les supplices qui l’attendent. LIVRE III

Et qui sont les précepteurs, traités par nous de radoteurs stupides, que Celse défend pour l’excellence de leurs leçons? Peut-être considère-t-il comme habiles précepteurs pour bonnes femmes et non des radoteurs ceux qui les invitent à la superstition et aux spectacles impurs, ou encore, comme exempts de stupidité ceux qui conduisent et poussent les jeunes gens à tous les désordres qu’on leur voit commettre un peu partout. Pour nous, du moins, nous invitons de toutes nos forces même les tenants des doctrines philosophiques à notre religion, en leur montrant son exceptionnelle pureté. Puisque Celse, dans ses remarques, veut établir que, loin de le faire, nous n’invitons que les sots, on pourrait lui répondre : si tu nous faisais grief de détourner de la philosophie ceux qui auparavant y étaient adonnés, tu ne dirais pas la vérité, mais ton propos aurait quelque chose de plausible. Mais en fait, comme tu prétends que nous enlevons nos adeptes à de bons précepteurs, prouve que ces maîtres sont différents des maîtres de philosophie ou de ceux qui ont travaillé à un enseignement utile. Mais il sera incapable de rien montrer de tel. Et nous promettons franchement, et non en secret, que seront heureux ceux qui vivent selon la parole de Dieu, fixant en tout leurs yeux sur lui, accomplissant quoi que ce soit comme sous le regard de Dieu. Est-ce là des leçons de cardeurs, de cordonniers, de foulons, de gens grossiers les plus incultes ? Il ne pourra pas l’établir. Ces hommes, d’après lui comparables aux cardeurs qu’on voit dans les maisons, semblables aux cordonniers, aux foulons, aux gens grossiers les plus incultes, Celse les accuse de ne vouloir, ni de ne pouvoir, en présence du père et des précepteurs, rien expliquer de bon aux enfants. En réponse, nous demanderons : de quel père veux-tu parler, mon brave, de quel précepteur? Si c’est quelqu’un qui approuve la vertu, se détourne du vice, recherche les biens supérieurs, sache-le bien, c’est avec une pleine assurance d’être approuvés d’un tel juge que nous communiquerons nos leçons aux enfants. Mais devant un père qui décrie la vertu et la parfaite honnêteté, nous gardons le silence, comme devant ceux qui enseignent ce qui est contraire à la saine raison : ne va pas nous le reprocher, ton reproche serait déraisonnable. Toi-même, à coup sûr, quand tu transmets les mystères de la philosophie à des jeunes gens et des enfants, dont les pères estiment la philosophie inutile et vaine, tu ne diras rien aux enfants devant leurs pères MAL disposés ; mais, désireux de séparer de ces mauvais pères les fils orientés vers la philosophie, tu guetteras les occasions de faire parvenir aux jeunes gens les doctrines philosophiques. J’en dirai autant des précepteurs. Détourner de précepteurs enseignant les turpitudes de la comédie, la licence des ïambes et tant d’autres choses, sans bonne influence sur qui les débite ni utilité pour qui les écoute, car ils ne savent pas interpréter philosophiquement les poèmes, ni ajouter à chacun ce qui contribue au bien des jeunes gens, c’est là une conduite que nous avouons sans rougir. Mais présente-moi des précepteurs initiant à la philosophie et en favorisant l’exercice : au lieu d’en détourner les jeunes gens, je m’efforcerai d’élever ceux qui sont déjà exercés dans le cycle des sciences et des thèmes philosophiques, je les mènerai loin de la foule qui l’ignore jusqu’à la vénérable et sublime éloquence des chrétiens qui traitent des vérités les plus élevées et les plus nécessaires, montrant en détail et prouvant que telle est la philosophie enseignée par les prophètes de Dieu et les apôtres de Jésus. LIVRE III

Puis, sentant bien qu’il nous avait injuriés avec trop d’aigreur, et comme pour s’excuser, il poursuit : Je n’accuse pas avec plus d’aigreur que la vérité ne m’y contraint, qu’on veuille bien en accepter cette preuve. Ceux qui appellent aux autres initiations proclament: « Quiconque a les mains pures et la langue avisée », et d’autres encore : « Quiconque est pur de toute souillure, dont l’âme n’a conscience d’aucun MAL, et qui a bien et justement vécu »: voilà ce que proclament ceux qui promettent la purification des péchés. Ecoulons, au contraire, quels hommes appellent ces chrétiens : « Quiconque est pécheur, quiconque faible d’esprit, quiconque petit enfant, bref quiconque est MALheureux, le Royaume de Dieu le recevra. » Or, par pécheur, n’entendez-vous pas l’injuste, le voleur, le perceur de murailles, l’empoisonneur, le pilleur de temples, le violateur de tombeaux ? Quels autres un brigand appellerait-il dans sa proclamation ? Voici notre réponse : ce n’est pas la même chose d’appeler les MALades de l’âme à la santé, et les bien portants à la connaissance et à la science de choses divines. Nous aussi, nous savons établir cette distinction. Au début, invitant les hommes à la guérison, nous exhortons les pécheurs à venir aux doctrines qui enseignent à éviter le péché, les faibles d’esprit aux doctrines qui affinent l’intelligence, les petits enfants à s’élever jusqu’à des sentiments virils, bref, les MALheureux au bonheur, plus précisément à la béatitude. Et quand, parmi ceux que nous exhortons, les progressants se montrent purifiés par le Logos, menant autant que possible une vie meilleure, alors nous les appelons à l’initiation parfaite, « car nous parlons sagesse parmi les parfaits ». LIVRE III

Comme nous enseignons : « La sagesse n’entrera pas dans une âme perverse, et n’habitera pas dans un corps tributaire du péché », nous disons aussi : « Quiconque a les mains pures » et, pour cette raison, élève vers Dieu « des mains innocentes », et parce qu’offrant des sacrifices sublimes et célestes, peut dire : « L’élévation de mes mains est un sacrifice du soir » : qu’il vienne à nous ! Quiconque a la langue avisée, parce qu’il médite « jour et nuit » la loi du Seigneur, et que « ses facultés ont été formées par la pratique au discernement du bien et du MAL », qu’il ne craigne pas d’en venir aux solides nourritures spirituelles qui conviennent aux athlètes de la piété et de toutes les vertus. Et comme « la grâce de Dieu est avec tous ceux qui aiment d’un amour incorruptible » le Maître qui enseigne l’immortalité, quiconque a les mains pures, non seulement de toute souillure, mais encore des fautes regardées comme plus légères, qu’il se fasse hardiment initier aux mystères de la religion de Jésus, qui ne sont raisonnablement transmis qu’aux saints et aux purs. Le myste de Celse peut dire : Que celui dont l’âme n’a conscience d’aucun MAL vienne ; mais celui qui, selon Jésus, conduit les initiés à Dieu, dira à ceux dont l’âme est purifiée : Celui dont l’âme n’a conscience d’aucun MAL depuis longtemps, et surtout depuis qu’il est venu se faire guérir par le Logos, que celui-là entende aussi ce que Jésus a découvert en particulier à ses véritables disciples. Ainsi donc, dans le contraste qu’il établit entre l’initiation des Grecs et celle que donnent les maîtres de la doctrine de Jésus, Celse n’a pas vu la différence entre l’appel des méchants à la guérison de leurs âmes et l’appel des hommes déjà très purs à de plus profonds mystères. LIVRE III

Ce n’est donc pas aux mystères et à la participation de la sagesse « mystérieuse et demeurée cachée que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour la gloire » de ses justes, que nous appelons l’injuste, le voleur, le perceur de murailles, l’empoisonneur, le pilleur de temples, le violateur de tombeaux, ni tous les autres que par amplification peut y joindre Celse ; mais, c’est à la guérison. Il y a dans la divinité du Logos des aspects qui aident à guérir les MALades dont il parle : « Les bien portants n’ont pas besoin de médecins, mais les MALades » ; il y en a d’autres qui découvrent à ceux qui sont purs de corps et d’esprit « la révélation du mystère, enveloppé de silence aux siècles éternels, mais aujourd’hui manifesté tant par les écrits des prophètes que par l’apparition de Notre Seigneur Jésus-Christ » qui se manifeste à chacun des parfaits, illuminant leur esprit pour une connaissance véridique des réalités. Mais, comme, amplifiant ses griefs contre nous, il termine son énumération de vauriens par ce trait : « Quels autres un brigand appellerait-il dans sa proclamation ? », je répliquerai : un brigand appelle bien de tels individus pour utiliser leur perversité contre les hommes qu’il veut tuer et dépouiller ; mais le chrétien, en appelant les mêmes individus que le brigand, leur lance un appel différent, pour bander leurs blessures par le Logos, et verse dans l’âme enflammée de maux les remèdes du Logos qui, comme le vin, l’huile, le lait, et les autres médicaments, soulagent l’âme. Il calomnie ensuite nos exhortations orales ou écrites à ceux qui ont MAL vécu, les appelant à se convertir et à réformer leur âme, et il assure que nous disons : Dieu a été envoyé aux pécheurs. C’est à peu près comme s’il reprochait à certains de dire : c’est pour les MALades habitant dans la ville qu’un médecin y a été envoyé par un roi plein d’humanité. Or « le Dieu Logos a été envoyé », médecin « aux pécheurs », maître des divins mystères à ceux qui, déjà purs, ne pèchent plus. Mais Celse, incapable de faire la distinction – car il n’a pas voulu approfondir -, objecte : Pourquoi n’a-t-il pas été envoyé à ceux qui sont sans péché ? Quel MAL y a-t-il à être sans péché ? A quoi je réplique : si par ceux qui sont sans péché il veut dire ceux qui ne pèchent plus, notre Sauveur Jésus leur a été envoyé à eux aussi, mais non comme un médecin ; mais si par ceux qui sont sans péché il entend ceux qui n’ont jamais péché – car il n’y a pas de distinction dans son texte -, je dirai qu’il est impossible qu’il y ait dans ce sens un homme sans péché, à l’exception de l’homme que l’esprit discerne en Jésus, « qui n’a pas commis de péché ». Méchamment donc, Celse nous attribue l’affirmation : Que l’injuste s’humilie dans le sentiment de sa misère, Dieu l’accueillera ; mais que le juste dans sa vertu originelle lève les yeux vers lui, il refusera de l’accueillir. Nous soutenons en effet qu’il est impossible qu’un homme dans sa vertu originelle lève les regards vers Dieu. Car la MALice existe nécessairement d’abord dans l’homme, comme le dit Paul : « Le précepte est venu, le péché a pris vie, et moi, je suis mort. » De plus, nous n’enseignons pas qu’il suffise à l’injuste de s’humilier dans le sentiment de sa misère pour être accueilli par Dieu, mais que s’il se condamne lui-même pour ses actes antérieurs, et s’il s’avance humble pour le passé, rangé pour l’avenir, Dieu l’accueillera. LIVRE III

Puis, comme de la bouche de notre maître de doctrine, il énonce : Les sages repoussent ce que nous disons, égarés et entravés qu’ils sont par leur sagesse. A cela donc je répondrai : s’il est vrai que « la sagesse » est la science « des choses divines et humaines » et de leurs causes, ou comme la définit la parole divine : « le souffle de la puissance de Dieu, l’effusion toute pure de la gloire du Tout-Puissant, le reflet de la gloire éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu, l’image de sa bonté », jamais un véritable sage ne repoussera ce que dit un chrétien qui a une vraie connaissance du christianisme, ni ne sera égaré et entravé par la sagesse. Car la vraie sagesse n’égare pas, mais bien l’ignorance, et la seule réalité solide est la science et la vérité qui proviennent de la sagesse. Si, contrairement à la définition de la sagesse, on donne le nom de sage à qui soutient par des sophismes n’importe quelle opinion, nous admettrons que celui que qualifie cette prétendue sagesse repousse les paroles de Dieu, égaré et entravé qu’il est par des raisons spécieuses et des sophismes. Mais d’après notre doctrine, « la science du MAL n’est pas la sagesse » ; « la science du MAL » pour ainsi parler, réside en ceux qui tiennent des opinions fausses et sont abusés par des sophismes ; aussi dirai-je qu’elle est chez eux ignorance plutôt que sagesse. LIVRE III

Nous ne cherchons donc pas refuge près de petits enfants et de rustres stupides en leur disant: Fuyez les médecins; nous ne disons pas : Prenez garde qu’aucun de vous n’acquière la science; nous n’affirmons pas : La science est un MAL; nous ne sommes pas assez fous pour dire : La science fait perdre aux hommes la santé de l’âme. Nous ne dirions pas non plus qu’un homme ait jamais été perdu par la sagesse. Quand nous enseignons, nous ne déclarons pas : Attachez-vous à moi ! mais : Attachez-vous au Dieu de l’univers, et à Jésus le maître des enseignements divins. Et nul n’est hâbleur au point de dire aux disciples le propos que Celse met dans la bouche du maître : Moi seul vous sauverai. Vois donc tous les mensonges qu’il profère contre nous ! Et nous ne disons pas non plus des vrais médecins : Ils tuent ceux qu’ils promettent de guérir. Il apporte un second exemple contre nous, et affirme que celui qui enseigne notre doctrine se conduit comme un homme ivre parmi des gens ivres, qui accuse les gens sobres d’être en état d’ivresse. Qu’il démontre alors, d’après les écrits de Paul par exemple, que l’apôtre de Jésus était ivre et que ses paroles n’étaient pas celles d’un homme sobre, ou bien d’après les écrits de Jean, que ses pensées ne respirent pas une parfaite tempérance bien éloignée de l’ivresse du MAL ! Donc nul homme tempérant qui enseigne la doctrine chrétienne n’est ivre, et c’est là une injure de Celse indigne d’un philosophe. Et quels gens sobres accusons-nous, nous les prédicateurs de la doctrine chrétienne, à Celse de le dire ! Pour nous sont ivres tous ceux qui s’adressent à des choses inanimées comme à Dieu. Et que dis-je : ils sont ivres ? Ils sont fous, plutôt, ceux qui s’empressent de courir aux temples adorer comme dieux les statues et les animaux. Ils ne sont pas moins fous ceux qui s’imaginent que sont faits pour le culte des dieux véritables les objets façonnés par des artisans parfois les plus vils des hommes. LIVRE III

Et s’il le sait, pourquoi ne réforme-t-il pas ? Nous faut-il expliquer pourquoi, bien qu’il le sache, il ne réforme pas? Alors que toi qui, dans ton ouvrage, ne te montres pas précisément comme épicurien, mais affectes de reconnaître la Providence, tu n’auras pas eu à dire également pourquoi Dieu, sachant tout ce qui se passe chez les hommes, ne réforme pas, et ne délivre point tous les hommes du MAL par sa puissance divine. Mais nous n’avons pas honte de dire que Dieu envoie sans cesse des gens pour réformer les hommes : c’est par un don de Dieu que se trouvent dans l’humanité les doctrines qui les invitent aux plus hautes vertus. Or parmi les ministres de Dieu, il y a bien des différences : il en est peu qui prêchent dans toute sa pureté la doctrine de la vérité et réalisent une parfaite réforme. Tels furent Moïse et les prophètes. Mais supérieure à leur oeuvre à tous est la réforme opérée par Jésus qui a voulu guérir, non seulement les habitants d’un coin de la terre, mais, autant qu’il dépendait de lui, ceux du monde entier ; car il est venu comme « Sauveur de tous les hommes ». LIVRE IV

Ensuite, il veut établir que nous ne disons rien de remarquable ni de neuf sur le déluge et l’embrasement, bien plus, que c’est pour avoir MAL compris ce qu’on en dit chez les Grecs ou les barbares que nous avons cru au récit qu’en font nos Écritures, et il déclare : Pour avoir MAL compris ces doctrines, il leur est venu l’idée qu’après des cycles de longues durées et des retours et des conjonctions d’étoiles ont lieu des embrasements et des déluges, et qu’après le dernier déluge au temps de Deucalion, le retour périodique selon l’alternance de l’univers exige un embrasement. De là vient l’opinion erronée qui leur faire dire: Dieu va descendre en bourreau armé de feu. Je répliquerai : je ne sais comment Celse, homme d’une ample lecture, montrant qu’il connaît beaucoup d’histoires, n’a point prêté attention à l’antiquité de Moïse, dont certains écrivains grecs entre bien d’autres : « Qu’est-ce qui a été ? ? Cela même qui sera. Qu’est-ce qui s’est fait ? ? Cela même qui se refera », etc., ce n’est pas le moment d’en traiter. Il suffit de remarquer simplement que Moïse et quelques-uns des prophètes, auteurs très anciens, n’ont pas emprunté à d’autres leur doctrine de l’embrasement ; mais plutôt, en tenant compte des dates, les autres les ont MAL compris et, faute de savoir exactement ce qu’ils avaient dit, ont imaginé dans chaque cycle des répétitions toutes semblables dans leurs caractéristiques essentielles et accidentelles. Pour nous, loin d’attribuer le déluge et l’embrasement aux cycles et aux retours périodiques des étoiles, nous leur donnons pour cause le débordement du vice, détruit par le déluge ou l’embrasement. Et les expressions prophétiques sur Dieu qui descend et dit : « Est-ce que le ciel et la terre, je ne les remplis pas, moi ? dit le Seigneur », nous les entendons au figuré. Car Dieu descend de sa propre grandeur et majesté en prenant soin des affaires humaines et surtout des méchants. Et comme le langage usuel dit que les maîtres descendent au niveau des enfants, et les sages ou les progressants à celui des jeunes gens qui viennent de se tourner vers la philosophie, sans qu’il s’agisse d’une descente corporelle, de même, s’il est dit quelque part dans les saintes Écritures que Dieu descend, on le comprend d’après cet emploi habituel du terme ; et il en est de même pour monter. LIVRE IV

Voyons aussi la grande prétention qu’affiche les paroles suivantes de Celse : Reprenons encore le raisonnement en ajoutant des preuves. Je ne dis rien de nouveau, mais des choses depuis longtemps admises. Dieu est bon, beau, bienheureux, au plus haut degré de la beauté et de l’excellence. Dès lors, s’il descend vers les hommes, il doit subir un changement : changement du bien au MAL, de la beauté à la laideur, de la félicité à l’infortune, de l’état le meilleur au pire. Qui donc choisirait pareil changement ? Il est vrai certes que pour un mortel la nature est de se changer et de se transformer, mais pour un immortel, c’est d’être identique et immuable. Dieu ne saurait donc non plus admettre un tel changement. Or je crois avoir donné la réponse nécessaire en exposant ce que l’Écriture appelle la descente de Dieu à l’humanité. Pour cela, il ne doit pas subir un changement, comme Celse nous le fait dire, ni une transformation du bien au MAL, de la beauté à la laideur, de la félicité à l’infortune, de l’état le meilleur au pire. LIVRE IV

Mais l’être descendu vers les hommes existait auparavant « en forme de Dieu », et c’est par amour pour les hommes qu’« il s’est anéanti », afin de pouvoir être reçu par les hommes. Non point certes qu’il ait subi un changement du bien au MAL, car « il n’a pas fait de péché », ni de la beauté à la laideur, car « il n’a pas connu de péché » ; et il n’est pas venu de la félicité à l’infortune, mais « il s’est humilié lui-même » et n’en était pas moins heureux même lorsque pour le bienfait de notre race il s’humiliait lui-même. De plus, il ne subit pas de changement de l’état le meilleur au pire, car en quel sens la bonté et l’amour pour l’homme seraient-elles ce qu’il y a de pire ? Autant dire alors qu’à voir des horreurs et à toucher des choses répugnantes afin de guérir les MALades, le médecin va du bien au MAL, de la beauté à la laideur, de la félicité à l’infortune. Et encore le médecin qui voit des horreurs et touche des choses répugnantes n’évite-t-il pas absolument la possibilité de contracter le même MAL. Mais celui qui guérit les blessures de nos âmes par le Logos de Dieu présent en lui était lui-même hors d’atteinte de tout MAL. Même si, en prenant un corps mortel et une âme d’homme, le Logos, Dieu immortel, paraît à Celse se changer et se transformer, qu’il apprenne que le Logos, qui reste Logos par son essence, ne souffre rien des souffrances du corps ou de l’âme. Mais il condescend parfois à la faiblesse de celui qui ne peut voir l’éclat et la splendeur de sa divinité et il se fait pour ainsi dire « chair », est exprimé corporellement, permettant à celui qui l’a reçu sous cette forme, rapidement élevé par le Logos, de pouvoir contempler aussi, pour ainsi dire, sa forme principale. LIVRE IV

En insistant sur des questions qu’il n’a pas comprises, Celse provoque mes redites, car je ne veux point, fût-ce en apparence, laisser une seule de ses critiques sans l’examiner. Il dit donc ensuite : Ou bien véritablement Dieu change, comme ils prétendent, pour devenir un corps mortel, et on vient de dire que c’est impossible. Ou bien il ne change pas lui-même, mais fait que ceux qui le voient en jugent ainsi, alors il les trompe et il ment. Or tromperie et mensonge sont toujours un MAL, hormis le seul cas où on en use en guise de remède, soit à l’égard d’amis MALades et atteints de folie afin de les guérir, soit à l’égard d’ennemis dans l’intention d’esquiver un danger. Mais nul, s’il est MALade ou atteint de folie, n’est ami de Dieu, et Dieu ne redoute personne au point d’en venir à le tromper pour se soustraire au danger. LIVRE IV

Si vous dédaignez la petitesse de l’homme non à cause du corps mais de l’âme, inférieure pour vous au reste des êtres raisonnables, et surtout des vertueux, et inférieure pour cette raison que le vice est en elle, pourquoi les chrétiens mauvais et les Juifs vivant dans le MAL seraient-ils une troupe de chauves-souris, de fourmis, de vers, de grenouilles plus que les hommes pervers des autres nations? A cet égard, tout homme quel qu’il soit, surtout quand il s’abandonne au flot du vice, est chauve-souris, vers, grenouille, fourmi, comparé au reste des hommes. Que l’on soit un Démosthène, l’orateur, avec sa lâcheté et les actions qu’elle lui inspira, ou un Antiphon, autre orateur renommé, mais négateur de la Providence dans un traité “Sur la vérité”, titre analogue à celui de Celse, on n’en reste pas moins des vers vautrés dans un coin du bourbier de la sottise et de l’ignorance. Toutefois, l’être raisonnable, de quelque qualité qu’il soit, ne pourrait être raisonnablement comparé à un vers, avec ses tendances à la vertu. Ces inclinations générales à la vertu ne permettent pas de comparer à des vers ceux qui ont la vertu en puissance et qui ne peuvent totalement en perdre les semences. Il apparaît donc que les hommes en général ne pourraient être des vers relativement à Dieu : car la raison, qui a son principe dans le Logos qui est près de Dieu ne permet pas de juger l’être raisonnable absolument étranger à Dieu. Les mauvais chrétiens et les mauvais Juifs, qui ne sont ni chrétiens ni Juifs selon la vérité, ne sauraient, pas plus que les autres hommes mauvais, être comparés à des vers vautrés dans un coin de bourbier. Si la nature de la raison ne permet même point d’admettre cette comparaison, il est évident que nous n’allons pas calomnier la nature humaine, faite pour la vertu même si elle pèche par ignorance, ni l’assimiler à des animaux tels que ceux-là. LIVRE IV

Peut-être Celse a-t-il MAL compris une phrase de certains, qu’il a nommés vers : Il y a Dieu, et immédiatement après, nous. Méprise analogue à celle de reprocher à toute une école philosophique les propos d’un jeune inconsidéré qui, pour avoir fréquenté trois jours un philosophe, s’élève contre le reste des hommes pour leur nullité et leur manque de philosophie. Nous savons bien qu’il y a beaucoup d’êtres d’une plus haute valeur que l’homme. Nous avons lu : « Dieu s’est dressé dans l’assemblée des dieux », et non point des dieux qu’adorent les autres hommes, « car tous les dieux des nations sont des démons ». Nous avons lu encore : « Dieu, dressé dans l’assemblée des dieux, au milieu d’eux juge les dieux. » Nous le savons : « Bien qu’il y ait au ciel et sur la terre de prétendus dieux, comme il y a quantité de dieux et quantité de seigneurs, pour nous du moins il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et par qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes. » Nous savons les anges à ce point supérieurs aux hommes que seuls les hommes parfaits deviennent semblables aux anges : « Car à la résurrection des morts, il n’y a plus ni maris, ni femmes, mais les justes sont comme les anges des cieux », et deviennent « les égaux des anges ». Nous savons que dans l’ordonnance de l’univers se trouvent des êtres nommés Trônes, d’autres Dominations, d’autres Principautés, d’autres Puissances. Nous le voyons, nous les hommes, laissés bien loin d’eux, nous avons l’espérance, fondée sur une vie vertueuse et une conduite en tout conforme au Logos, de nous élever jusqu’à leur devenir semblables à tous. Enfin, puisque « n’est pas encore apparu ce que nous serons, nous savons que, lorsque cela apparaîtra, nous serons semblables à Dieu, et nous le verrons tel qu’il est ». Que si l’on maintient les propos de certains qui, intelligents ou stupides, ont MAL compris une saine doctrine : Il y a Dieu, et immédiatement après, nous, même cela, je pourrais l’interpréter en disant : « nous » désigne les êtres raisonnables, et mieux encore les êtres raisonnables vertueux ; car selon nous, la même vertu appartient à tous les bienheureux, et par conséquent, la même vertu est à l’homme et à Dieu. Aussi nous instruit-on à devenir « parfaits comme notre Père céleste est parfait ». Concluons : aucun honnête homme n’est un vers nageant dans un bourbier, aucun homme pieux n’est une fourmi, aucun juste n’est une grenouille, aucun homme dont l’âme resplendit de l’éclatante lumière de la vérité ne peut raisonnablement être comparé à une chauve-souris. LIVRE IV

C’est, à mon sens, pour avoir MAL compris encore la parole : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance », que Celse a imaginé des vers disant : Créés par Dieu, nous sommes entièrement semblables à lui. Si pourtant il avait compris la différence entre créer un homme à l’image de Dieu, ou le créer à sa ressemblance, et vu d’après l’Écriture que Dieu a dit « Faisons l’homme à notre image et ressemblance », mais que Dieu a fait l’homme « à l’image » de Dieu, et pas encore « à sa ressemblance », il ne nous aurait pas fait dire que nous sommes entièrement semblables à Dieu. Nous ne disons pas non plus : Même les étoiles nous sont subordonnées. Car la résurrection des justes, dans l’idée que s’en font nos sages, est comparée au soleil, à la lune et aux étoiles par celui qui affirme : « Autre est l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, autre l’éclat des étoiles ; car une étoile diffère en éclat d’une étoile. Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts », et aussi par Daniel qui a jadis prophétisé sur le sujet. Celse nous fait dire que tout est ordonné à notre service. Peut-être n’a-t-il pas entendu un de nos sages tenir ces propos, peut-être ignore-t-il en quel sens il est dit : « Le plus grand parmi vous est le serviteur de tous ». LIVRE IV

», mais ne cite pas le texte capable de faire comprendre au lecteur le caractère figuré du récit. Il n’a même pas voulu avoir l’air d’admettre que ce sont là des allégories, bien qu’il dise ensuite : Les plus raisonnables des Juifs et des chrétiens, pour la honte qu’ils en ont, tentent d’en donner une interprétation allégorique. On peut lui répondre : Alors, le récit fait par Hésiode, ton auteur inspiré, sous la forme d’un mythe sur la femme, aurait un sens allégorique quand il fait d’elle « un MAL » donné aux hommes par Zeus « à la place du feu », tandis que l’histoire de la femme, tirée de la côte d’Adam endormi d’un sommeil miraculeux, et façonnée par Dieu, te paraîtrait écrite sans aucune raison ni signification cachée ? LIVRE IV

Mais il est déraisonnable de ne point rire de la première histoire comme d’un mythe, d’en admirer au contraire le sens philosophique sous le voile du mythe, et pour la seconde, en n’appliquant son esprit qu’à la lettre seule, de railler et de penser qu’elle est sans raison. Car s’il fallait, d’après la simple lettre, mettre en cause la signification allégorique, vois si les vers d’Hésiode, auteur que tu dis inspiré, ne vont pas davantage encourir la raillerie. Voici ce qu’il a écrit : « Et courroucé, Zeus qui assemble les nuées lui dit : ” Fils de Japet, qui en sais plus long que tous les autres, puisses-tu rire d’avoir volé le feu et trompé mon âme, pour ton plus grand MALheur, à toi, comme aux hommes à naître ! Moi, en place de feu, je leur ferai présent d’un MAL, en qui tous, au fond du coeur, se complairont à entourer d’amour leur propre MALheur.” Il dit et exécute le père des dieux et des hommes ; il commande à l’illustre Héphaistos de tremper d’eau un peu de terre sans tarder, d’y mettre la voix et les forces d’un être humain et d’en former, à l’image des déesses immortelles, un beau corps aimable de vierge ; Athénée lui apprendra ses travaux, le métier qui tisse mille couleurs ; Aphrodite d’or sur son front répandra la grâce, le douloureux désir, les soucis qui brisent les membres, tandis qu’un esprit impudent, un coeur artificieux seront, sur l’ordre de Zeus, mis en elle par Hermès, le Messager, tueur d’Argos. Il dit, et tous obéissent au seigneur Zeus, fils de Cronos. En hâte, l’illustre Boiteux modèle dans la terre la forme d’une chaste vierge, selon le vouloir du Cronide. La déesse aux yeux pers, Athéné, la pare et lui noue sa ceinture. Autour de son cou les Grâces divines, l’auguste Persuasion mettent des colliers d’or ; tout autour d’elle les Heures aux beaux cheveux disposent en guirlandes des fleurs printanières. Pallas Athéné ajuste sur son corps toute sa parure. Et dans son sein, le Messager, tueur d’Argos, crée mensonges, mots trompeurs, coeur artificieux, ainsi que le veut Zeus aux lourds grondements. Puis, héraut des dieux, il met en elle la parole, et à cette femme il donne le nom de Pandore, parce que ce sont tous les habitants de l’Olympe qui, avec ce présent, font présent du MALheur aux hommes qui mangent le pain. » LIVRE IV

A celui qui donne une interprétation allégorique profonde de ce passage, qu’il touche juste ou non dans l’allégorie, nous dirons : est-ce aux seuls Grecs qu’il est permis de trouver des vérités philosophiques sous des significations cachées, ainsi qu’aux Égyptiens et à tous ceux des barbares qui prennent au sérieux la vérité de leurs mystères ; tandis que les seuls Juifs, leur Législateur et leurs écrivains t’ont paru les plus sots de tous les hommes, et que cette seule nation n’a reçu aucune part de la puissance divine, elle qui a été instruite à s’élever si magnifiquement jusqu’à la nature incréée de Dieu, à fixer les yeux sur lui seul, à placer en lui seul ses espérances ? Celse raille encore le passage sur le serpent qui se rebelle contre les prescriptions que Dieu fit à l’homme, tenant le propos pour un conte de bonnes femmes. Il s’abstient volontairement de mentionner le « jardin » et la manière dont il est dit que Dieu l’a planté « en Eden, au Levant », et qu’ensuite « il fit pousser du sol toute espèce d’arbres attrayants à voir et bons à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du MAL », puis les paroles qui s’y ajoutent, capables par elles-mêmes d’inciter le lecteur de bonne foi à voir que tout cela peut, sans inconvenance, être compris au sens figuré. Alors, comparons-lui les paroles de Socrate sur Amour dans le “Banquet” de Platon, et qu’on attribue à Socrate censé plus vénérable que tous ceux qui en traitent dans le “Banquet”. Voici le passage de Platon : « Le jour où naquit Aphrodite banquetaient les dieux, entre autres, le fils d’Invention, Expédient. Au sortir du festin s’en vint mendier Pauvreté, car on avait fait bombance, et elle se tenait à la porte. LIVRE IV

A la sentence qu’il porte sur le récit de Moïse : Impiété majeure que cette fiction où Dieu est si faible dès l’origine qu’il ne peut même convaincre le seul homme qu’il a lui-même modelé ! je répondrai qu’elle se rattache à la critique de l’existence même du MAL, que Dieu n’a pu écarter d’un seul homme pour qu’au moins un seul homme quelconque s’en fût trouvé exempt dès l’origine. De même que sur ce point le souci de défendre la Providence fournit des justifications aussi nombreuses que valables, ainsi pour Adam et sa faute, on trouvera l’explication en sachant que, traduit en grec, le mot Adam signifie homme, et que, dans ce qui paraît concerner Adam, Moïse traite de la nature de l’homme. C’est que, dit l’Écriture, « en Adam tous meurent », et ils ont été condamnés « pour une transgression semblable à celle d’Adam », l’affirmation de la parole divine portant moins sur un seul individu que sur la totalité de la race. Et de fait, dans la suite des paroles qui semblent viser un seul individu, la MALédiction d’Adam est commune à tous ; et il n’est pas de femme à laquelle ne s’applique ce qui est dit contre la femme. De plus, le récit de l’homme chassé du jardin avec sa femme, revêtu de « tuniques de peaux » que Dieu, à cause de la transgression des hommes, confectionna pour les pécheurs, contient un enseignement secret et mystérieux bien supérieur à la doctrine de Platon sur la descente de l’âme qui perd ses ailes et est entraînée ici-bas « jusqu’à ce qu’elle se saisisse de quelque chose de solide ». LIVRE IV

Entre bien d’autres, je citerai quelques passages pour montrer la calomnie gratuite de Celse quand il dit que les Écritures ne sont pas susceptibles d’allégorie. Voici une déclaration de Paul, l’Apôtre de Jésus : « Il est écrit dans la loi de Moïse : ” Tu ne muselleras pas le boeuf qui foule le grain. ” Dieu se met-il en peine des boeufs, ou n’est-ce point surtout pour nous qu’il parle évidemment ? C’est bien pour nous qu’il a été écrit : celui qui laboure doit labourer dans l’espérance et celui qui foule le grain doit le faire dans l’espérance d’y avoir part. » Et le même écrivain dit ailleurs : « Car il est écrit : ” C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair. ” Ce mystère est de grande portée : je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église. » Et encore à un autre endroit : « Mais, nous le savons : nos pères ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer. » Puis, interprétant l’histoire de la manne et de l’eau sortie miraculeusement du rocher, au dire de l’Écriture, il s’exprime en ces termes : « Tous ont mangé le même aliment spirituel, et tous ont bu la même boisson spirituelle ; ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher spirituel, c’était le Christ. » Et Asaph a montré que les histoires de l’Exode et des Nombres sont des mystères et des paraboles, comme il est écrit dans le livre des Psaumes ; car à leur narration il donne cette préface : « Écoutez, ô mon peuple, ma loi : tendez l’oreille aux paroles de ma bouche. J’ouvrirai la bouche en paraboles, j’évoquerai les mystères de l’origine, ce que nous avons entendu et appris, et que nos pères ont raconté. » De plus si la loi de Moïse ne contenait rien que mettent en lumière les significations symboliques, le prophète ne dirait pas à Dieu dans sa prière : « Ote le voile de mes yeux pour que je contemple les merveilles de ta loi. » Mais en réalité il savait bien qu’il y a un « voile » d’ignorance étendu sur le coeur de ceux qui lisent et ne comprennent pas les significations figurées. Ce voile est ôté par faveur divine, quand Dieu exauce celui qui a fait tout ce qui dépend de lui, qui a pris l’habitude d’exercer ses facultés à distinguer le bien et le MAL et qui dit continuellement dans sa prière : « Ote le voile de mes yeux pour que je contemple les merveilles de ta loi. » LIVRE IV

Ensuite, nous croyant capables d’apprendre en quelques maximes la nature du MAL, cette question à laquelle tant de traités de valeur consacrent des recherches variées et apportent des réponses différentes, il affirme : Il ne saurait y avoir ni plus ni moins de MAL dans le monde, autrefois, aujourd’hui, à l’avenir : car la nature de l’univers est une et la même, et l’origine du MAL est toujours la même. Il me semble que c’est encore une paraphrase de ce passage du Théétète où Platon faisait dire à Socrate : « Il n’est possible ni que le MAL disparaisse de chez les hommes, ni qu’il ait une place chez les dieux… », etc. Et il me paraît même ne pas avoir entendu exactement Platon, quoiqu’il prétende enfermer la vérité dans un seul traité et intitule Discours véritable son livre contre nous. Car le passage qui affirme dans le Timée : « Quand les dieux purifient la terre par les eaux », a bien démontré que la terre une fois purifiée par les eaux contient moins de MAL qu’avant sa purification. Et qu’alors il y ait eu moins de MAL, je le dis d’après Platon, à cause du passage du Théétète soutenant qu’il n’est pas possible que le MAL disparaisse de chez les hommes. LIVRE IV

Mais je ne sais comment Celse peut, en admettant la Providence, autant qu’on en juge par les expressions de son livre, dire qu’il n’y a ni plus ni moins de MAL, mais un MAL en quelque sorte limité, et ruiner la très belle doctrine que la MALice est illimitée et le MAL à strictement parler indéfini. La thèse qu’il n’y a eu, il n’y a, il n’y aura ni plus ni moins de MAL, semble impliquer cette conséquence : de même que, pour ceux qui tiennent que le monde est incorruptible, l’équilibre des éléments est maintenu par la Providence, empêchant que l’un d’eux prédomine, pour éviter au monde de périr, de même une sorte de providence présiderait au MAL, si multiplié soit-il, pour qu’il n’y en ait ni plus ni moins. LIVRE IV

D’une autre manière encore, l’argument de Celse à propos du MAL est réfuté par les philosophes qui ont examiné la question du bien et du MAL. Ils ont prouvé par l’histoire que les courtisanes se prostituèrent d’abord hors de la ville et, la figure masquée, se livrèrent au désir des passants ; qu’ensuite devenues impudentes, elles déposèrent leurs masques, tout en restant hors des villes dont les lois leur interdisaient l’accès ; et que, la perversion croissant chaque jour, elles finirent par oser s’introduire jusque dans les villes. C’est ce que déclare Chrysippe dans son Introduction à la question du bien et du MAL. Autre indication qu’il y a plus ou moins de MAL : autrefois des gens nommés ambigus se prostituaient publiquement pour servir passivement ou activement les voluptés de ceux qui se présentaient ; plus tard les autorités les chassèrent. Et de maux sans nombre qu’a introduits dans la vie des hommes le débordement du vice, on peut dire que jadis ils n’existaient pas. Les plus anciennes histoires en tout cas, en dépit de toutes leurs accusations contre les pécheurs, ne savent pas qu’on ait commis ces actes infâmes. LIVRE IV

A la lumière de ces faits et d’autres semblables Celse n’apparaît-il pas ridicule en déclarant qu’il ne saurait y avoir ni plus ni moins de MAL ? En effet, même si la nature de l’univers est une et la même, il est absolument faux que l’origine du MAL soit toujours la même. Car, bien que la nature d’un individu donné soit une et la même, il n’y a pas identité continuelle dans son esprit, dans sa raison, dans ses actions : il est un temps où il n’a pas reçu la raison, un autre où la raison s’accompagne de MALice, et d’une MALice plus ou moins étendue : tantôt il s’oriente vers la vertu et fait plus ou moins de progrès, tantôt il atteint la perfection et parvient à la vertu avec plus ou moins de contemplation. La même remarque s’impose à plus forte raison au sujet de la nature de l’univers ; bien qu’elle soit une et la même génériquement, les événements dans l’univers ne sont pas toujours les mêmes ni de même genre. Pas plus qu’il n’y a toujours de saisons fertiles ou stériles, abondance de pluie ou de sécheresse, pas davantage n’est déterminée l’abondance ou la disette d’âmes vertueuses, ou le flot croissant ou décroissant d’âmes vicieuses. La doctrine qui s’impose quand on veut parler aussi exactement que possible, c’est que le MAL ne subsiste pas toujours au même degré, parce que la Providence veille jalousement sur la terre, ou bien la purifie par les déluges et les embrasements, et peut-être pas seulement la terre, mais encore le monde entier, qui a besoin de purification chaque fois que la MALice y surabonde. LIVRE IV

Ensuite Celse déclare : L’origine du MAL n’est pas facile à connaître pour qui n’est pas philosophe; mais il suffit de dire à la foule que le MAL ne vient pas de Dieu, qu’il est inhérent à la matière et réside dans les êtres mortels; la période des êtres mortels est semblable du commencement à la fin, et, au cours des cycles déterminés, ont été, sont et seront nécessairement toujours les mêmes choses. Celse affirme que l’origine du MAL n’est pas facile à connaître pour qui n’est pas philosophe, comme si le philosophe pouvait facilement la connaître, et comme si le non philosophe ne pouvait facilement apercevoir l’origine du MAL, mais pouvait tout de même la connaître, quoique non sans effort. A cela je répondrai que l’origine du MAL n’est pas facile à connaître même pour un philosophe ; peut-être même lui est-il impossible de la connaître purement, à moins que par inspiration divine ne soit manifestée la nature du MAL, révélé son mode d’apparition, comprise la façon dont il disparaîtra. Ainsi l’ignorance de Dieu fait partie du MAL, et le pire MAL est de ne pas savoir la manière d’honorer Dieu et de lui manifester sa piété. Et cela, même au dire de Celse, certains philosophes ne l’ont pas connu du tout, et la diversité des écoles de philosophie le montre. Or pour nous, il est impossible de connaître l’origine du MAL si on n’a pas reconnu que c’est un MAL de croire la piété sauvegardée dans les lois établies des États compris au sens commun du mot. Impossible encore de connaître l’origine du MAL si on n’a pas connu les enseignements sur le diable et ses anges, ce qu’il était avant de devenir un diable et la raison pour laquelle ses anges partagèrent son apostasie. Et il faut, pour pouvoir la connaître, avoir compris très exactement que les démons ne sont pas créatures de Dieu en tant que démons, mais, en tant que créatures raisonnables, et comment ils en sont venus à être tels que leur esprit les constitue dans leur état de démons. Donc, entre les questions ardues pour notre nature, exigeant des hommes un examen approfondi, on peut placer l’origine du MAL. LIVRE IV

Ensuite, comme s’il avait quelques secrets sur l’origine du MAL, mais les taisait pour ne dire que ce qui est adapté aux foules, il ajoute qu’il suffit de dire à la foule sur l’origine du MAL que le MAL ne vient pas de Dieu, qu’il est inhérent à la matière et réside dans les êtres mortels. Or il est bien vrai que le MAL ne vient pas de Dieu. Car selon notre Jérémie il est clair que : « De la bouche du Seigneur ne sortent pas le MAL et le bien. » Mais pour nous il n’est pas vrai que la matière qui réside dans les êtres mortels soit la cause du MAL. L’esprit de chacun est cause de sa MALice personnelle : c’est elle le MAL ; les maux sont seulement les actions qu’elle commande, et pour nous, à parler en rigueur de termes, rien d’autre n’est un MAL. Mais je sais que le sujet requiert une discussion et une argumentation développées : grâce à un don de Dieu illuminant l’esprit, elles peuvent être menées à bien par celui que Dieu juge digne de pareille connaissance. LIVRE IV

Il déclare ensuite : Les choses que l’on voit n ont pas été données a l’homme; chacune naît et périt pour le salut de l’ensemble, selon le changement que j’ai déjà dit des unes aux autres. Mais il est superflu de s’arrêter à la réfutation de ces principes, que j’ai déjà faite de mon mieux. On a répondu encore à ceci : Il ne peut g avoir plus ou moins de bien et de MAL dans les êtres mortels. On a discuté de même ce point : Dieu n’a pas besoin d’appliquer de nouvelle réforme. De plus, ce n’est pas à la manière d’un artisan qui a fabriqué un ouvrage défectueux MALadroitement charpenté que Dieu apporte une réforme au monde quand il le purifie par le déluge ou l’embrasement. Mais il empêche le flot du vice de s’étendre davantage ; je crois même qu’avec ordre il le détruit entièrement pour le bien de l’univers. Qu’après cette destruction du vice, il y ait ou non une raison qu’il recommence à exister, la question fera l’objet d’un traité spécial. Dieu tient donc toujours à réparer les erreurs par une nouvelle réforme. Il a certes ordonné au mieux et de la manière la plus stable toutes choses lors de la création du monde ; néanmoins il a eu besoin d’appliquer un traitement médicinal aux victimes du péché et au monde entier souillé par lui en quelque sorte. LIVRE IV

Et sur le MAL, Celse formule cette remarque : Même quand une chose paraît être un MAL, il n’est pas encore évident qu’elle soit un MAL, car on n’en sait pas l’utilité pour soi-même, pour autrui, pour l’ensemble. LIVRE IV

Remarque circonspecte, à la vérité ; mais elle suppose que la nature du MAL n’est pas à tout point de vue dommageable, puisqu’elle admet que ce qui semble un MAL pour chaque individu peut être utile à l’ensemble. LIVRE IV

Mais pour éviter qu’une fausse interprétation de ma pensée ne donne un prétexte à s’obstiner dans le MAL, à l’idée que la MALice apporte ou peut apporter un profit à l’univers, il me suffira de dire : bien que Dieu, en laissant intacte la liberté personnelle, utilise la MALice des méchants pour l’ordre de l’univers, en les subordonnant à l’utilité de l’univers, un tel individu n’en est pas moins digne de blâme et comme tel il reçoit une fonction détestable pour l’individu mais utile à l’univers. On pourrait dire de même que dans les villes, le coupable de crimes déterminés, condamné pour ces crimes à des travaux d’utilité publique, rend service à la ville entière, bien qu’il se trouve engagé dans une tâche détestable où aucun homme de sens commun ne voudrait se trouver. LIVRE IV

Aussi, Paul, l’Apôtre de Jésus, nous enseigne que même les plus scélérats contribueront au bien de l’ensemble, tout en se trouvant engagés eux-mêmes dans des situations détestables, mais que les plus vertueux rendent aussi le plus de service au tout, ce qui leur vaudra d’être mis à la plus belle place : « Dans une grande maison, il n’y a pas seulement des ustensiles d’or et d’argent ; il y en a aussi de bois et d’argile. Les uns servent à un usage de choix, les autres à un usage vulgaire. Celui donc qui se gardera pur sera un instrument de choix, sanctifié, utile à son maître, propre à toute bonne oeuvre. » Voilà ce que j’ai cru nécessaire d’opposer à l’assertion : Même quand une chose paraît être un MAL, il n’est pas encore évident qu’elle soit un MAL, car on n’en sait pas l’utilité pour soi-même ou pour autrui. Et personne ne doit prendre occasion de ce qui a été dit sur ce point pour commettre le péché sous le prétexte de rendre ainsi service à l’ensemble. LIVRE IV

Après quoi, oubliant son propos d’accuser les Juifs et les chrétiens, il s’objecte à lui-même un ïambe d’Euripide, contraire à sa pensée, et il s’en prend à l’affirmation qu’il accuse d’être MAL fondée. Voici le passage de Celse : Allègue-t-on ce vers d’Euripide: « Le soleil et la nuit sont au service des mortels » ? Mais pourquoi à notre service plutôt qu’à celui des fourmis et des mouches ? A elles aussi la nuit permet de se reposer, et le jour de voir et de travailler. Il est bien clair que certains des Juifs et des chrétiens ne sont pas les seuls à avoir dit que le soleil et les autres corps célestes sont à notre service. Celui qui fut auditeur des leçons d’Anaxagore sur la nature, et que l’on considère comme le philosophe de la scène, le dit également : c’est au service de tous les êtres raisonnables, désignés par synecdoque comme un seul être raisonnable, l’homme, que sont les choses ayant leur place dans l’univers, désignées encore par synecdoque comme « le soleil et la nuit ». Peut-être aussi, le poète tragique, en parlant du soleil qui fait le jour, pour désigner le jour, a-t-il voulu enseigner que les êtres qui ont surtout besoin du jour et de la nuit sont les êtres sublunaires, et que les autres ne sont pas dans la même situation que ceux de la terre. Donc le jour et la nuit sont au service des mortels, parce qu’ils sont faits pour les êtres raisonnables. Que les fourmis et les mouches, au travail le jour, au repos la nuit, profitent de ce qui a été créé pour les hommes, ne permet pas de dire que le jour et la nuit ont été créés aussi pour les fourmis et les mouches, ou pour aucun autre être. Mais il faut croire que dans les desseins de la Providence ils ont été créés pour les hommes. LIVRE IV

Il dit encore : Aux fourmis qui meurent les vivantes choisissent un endroit particulier qui soit pour elles un tombeau de famille. Il faut répondre : plus il exalte les animaux sans raison, plus il magnifie bon gré MAL gré, l’oeuvre du Logos ordonnateur de toutes choses, et fait ressortir l’habileté des hommes, capable d’ordonner par la raison même les dons supérieurs de la nature des êtres sans raison. Mais pourquoi dire : des êtres sans raison ? Celse ne considère pas comme sans raison les êtres que d’après les notions communes à tous on déclare sans raison. Les fourmis du moins, il ne les croit pas sans raison, lui qui se targue de parler de la nature universelle, et qui prétend, par le titre de son livre, dire la vérité ! Voici en quels termes il parle des fourmis, comme si elles s’entretenaient ensemble : Et naturellement aussi, quand elles se rencontrent, elles s’entretiennent ensemble, et de là vient qu’elles ne se trompent pas de chemin; il y a donc chez elles plénitude de raison, notions communes de certaines réalités universelles, son signifiant, événements, sens signifiés. En effet, la conversation entre un homme et un autre se fait dans un langage exprimant ce qu’on veut signifier, et souvent aussi on raconte ce qu’on nomme les événements, mais vouloir appliquer cela aux fourmis ne serait-ce pas le comble du ridicule ? LIVRE IV

Ensuite, pour avoir MAL compris les saintes Écritures, ou entendu ceux qui ne les avaient pas pénétrées, il nous fait dire que seront seuls à survivre au moment où la purification par le feu sera infligée au monde non seulement les vivants d’alors, mais même ceux qui seront morts depuis longtemps. Il n’a pas saisi la sagesse cachée qu’enfermé la parole de l’Apôtre de Jésus : « Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés, en un instant, en un clin d’oeil, au son de la trompette finale ; car la trompette sonnera, les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés. » Il aurait dû savoir la pensée qui portait l’auteur à s’exprimer de la sorte : à ne pas se présenter comme un mort, à se distinguer des morts, lui-même et ceux qui lui ressemblent, et, après avoir dit que « les morts ressusciteront incorruptibles », à ajouter : « et nous, nous serons transformés ». Pour confirmer que telle avait été la pensée de l’Apôtre, quand il a écrit ce que j’ai cité de la Première aux Corinthiens, je présenterai encore le passage de la Première aux Thessaloniciens, où Paul, en homme vivant, éveillé, distinct de ceux qui sont endormis, déclare : « Voici, en effet, ce que nous avons à vous dire sur la parole du Seigneur : nous, les vivants, qui serons encore là lors de l’avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas les morts. Car au signal donné, à la voix de l’Archange, au son de la trompette divine, le Seigneur en personne descendra du ciel. » Et de nouveau, après cela il ajoute, sachant que les morts dans le Christ sont différents de lui et de ceux qui sont dans le même état que lui : « Ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d’abord. Ensuite, nous, les vivants, qui serons encore là, nous serons emportés ensemble avec eux dans les nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs. » LIVRE V

Mais pour ne pas laisser de côté ce que Celse a dit dans l’intervalle, citons également ces paroles : ” On peut à ce propos produire comme témoin Hérodote qui s’exprime en ces termes: « Les gens de la ville de Maréa et d’Apis, habitant les régions de l’Egypte limitrophes de la Libye, se tenaient eux-mêmes pour Libyens et non pour Égyptiens, et ils supportaient MAL la réglementation des sacrifices, désirant ne pas avoir à s’abstenir de la viande de vache ; ils envoyèrent au sanctuaire d’Ammon, et prétendirent qu’ils n’avaient rien de commun avec les Égyptiens; ils habitaient, disaient-ils, en dehors du Delta, ils ne partageaient pas leurs croyances; et ils voulaient pouvoir manger de tout. Mais le dieu ne le leur permit pas: il déclara que l’Egypte est le pays que le Nil arrose en le recouvrant, et que sont Égyptiens ceux qui, habitant au-dessous de la ville d’Eléphantine, boivent de l’eau de ce fleuve. » Tel est le récit d’Hérodote. Or Ammon n’est pas inférieur aux anges des Juifs pour transmettre les volontés divines. Il n’y a donc nulle injustice à ce que chaque peuple observe les pratiques religieuses de son pays. Assurément, nous trouverons qu’il y a une différence considérable entre les nations, et cependant chacune d’elles semble tenir les siennes pour les meilleures. Les Ethiopiens qui habitent Méroé adorent les seuls Zeus et Dionysos , les Arabes Uranie et Dionysos et ceux-là seulement. Tous les Égyptiens adorent Osiris et Isis, les Saïtes Athéné, les Naucratites, depuis quelque temps seulement, invoquent Sérapis ; les autres suivent chacun ses lois respectives. Les uns s’abstiennent des brebis, parce qu’ils honorent ces animaux comme sacrés, les autres des chèvres, ceux-ci des crocodiles, ceux-là des vaches, et ils s’abstiennent des porcs parce qu’ils les ont en horreur. Pour les Scythes, eux, c’est une action vertueuse de manger des hommes, et il y a des Indiens qui pensent accomplir une action sainte en mangeant leurs pères. Le même Hérodote le dit quelque part : en foi de quoi je citerai encore son texte. « Si en effet on imposait à tous les hommes de faire un choix parmi toutes les lois et qu’on leur enjoignît de choisir les plus belles, chacun après mûr examen choisirait celles de son pays; tant ils sont convaincus, chacun de son côté, que leurs propres lois sont de beaucoup les plus belles. Dans ces conditions, il n’est pas vraisemblable qu’un autre qu’un fou fasse des choses de ce genre un objet de risée. Et que telle soit à l’égard des lois la conviction de tous les humains, on peut en juger par de nombreux témoignages, en particulier par celui-ci. Darius, du temps qu’il régnait, appela les Grecs qui étaient près de lui et leur demanda à quel prix ils consentiraient à manger leurs pères morts; ils déclarèrent qu’ils ne le feraient à aucun prix. Ensuite, Darius appela les Indiens qu’on nomme Callaties, lesquels mangent leurs pères; et, en présence des Grecs qui, grâce à un interprète, comprenaient ce qui se disait, il leur demanda à quel prix ils accepteraient de brûler leurs pères décèdes; ils poussèrent de grands cris et prièrent Darius de ne pas prononcer des paroles de mauvais augure. Telles sont donc, en fait, les coutumes établies; et, à mon avis, Pindare a eu raison de dire que la coutume règne sur tous. » LIVRE V

Il mélange des choses incompatibles et assimile entre elles des choses dissemblables ; car après avoir parlé des soixante ou soixante-dix anges descendus, selon lui, et dont les pleurs, à l’en croire, seraient les sources chaudes, il ajoute qu’il vint alors, dit-on, au tombeau de Jésus deux anges d’après les uns, un seul d’après les autres. Il n’a pas observé, je pense, que Matthieu et Marc ont parlé d’un seul, Luc et Jean de deux, ce qui n’est pas contradictoire. Les auteurs désignent par un seul ange celui qui a fait rouler la pierre loin du tombeau, et par deux anges ceux qui se sont présentés « en robe étincelante » aux femmes venues au tombeau, ou ceux qui ont été vus à l’intérieur « assis dans leurs vêtements blancs ». Il serait possible de montrer ici que chacune de ces apparitions est à la fois un événement historique et une manifestation d’un sens allégorique relatif aux vérités qui apparaissent à ceux qui sont prêts à contempler la résurrection du Logos; cela ne relève pas de l’étude actuelle, mais plutôt des commentaires de l’Évangile. Des réalités merveilleuses se sont parfois manifestées aux hommes : c’est ce que rapportent aussi parmi les Grecs non seulement ceux qu’on pourrait soupçonner d’inventer des fables, mais encore ceux qui ont donné maintes preuves de la rigueur philosophique et de leur loyauté à citer les faits qui leur sont parvenus. J’ai lu de ces traits chez Chrysippe de Soles, d’autres chez Pythagore ; et depuis, chez certains aussi plus récents, nés d’hier ou d’avant-hier, comme chez Plutarque de Chéronée dans le “Traité de l’âme”, et le Pythagoricien Noumenios dans le deuxième livre “Sur l’incorruptibilité de l’âme”. Ainsi donc, quand les Grecs, et surtout leurs philosophes, racontent des faits de cet ordre, leurs récits ne provoquent ni moquerie ni dérision et on ne les traite pas de fictions et de fables. Au contraire, quand des hommes voués au Dieu de l’univers et qui, pour ne pas dire une parole mensongère sur Dieu, acceptent d’être MALtraités jusqu’à la mort, annoncent qu’ils ont vu des apparitions d’anges, ils ne mériteraient pas créance et leurs paroles ne seraient pas reconnues véridiques ? Il serait déraisonnable de trancher ainsi entre la sincérité et le mensonge. La rigueur de la critique exige une recherche longue et précise, un examen de chaque point, après lesquels, avec lenteur et précaution, on prononce que tels auteurs disent vrai et tels auteurs mentent sur les prodiges qu’ils racontent. Tous ne manifestent pas qu’ils sont dignes de foi, tous ne montrent pas clairement qu’ils transmettent aux hommes des fictions et des fables. Il faut ajouter à propos de la résurrection de Jésus d’entre les morts : il n’est pas étonnant qu’alors un ange ou deux soient apparus pour annoncer qu’il était ressuscité, et qu’ils aient pourvu à la sécurité de ceux qui pour leur salut croyaient à ce miracle. Et il ne me semble pas déraisonnable que toujours ceux qui croient Jésus ressuscité et présentent comme un fruit appréciable de leur foi la générosité de leur vie et leur aversion pour le débordement du vice, ne soient point séparés des anges qui les accompagnent pour leur porter secours dans leur conversion à Dieu. Celse reproche aussi à l’Écriture d’affirmer qu’un ange avait roulé la pierre loin du tombeau où était le corps de Jésus : il ressemble à un jeune homme qui s’exerce à user de lieux communs pour soutenir une accusation. Comme s’il avait trouvé contre l’Écriture une objection subtile, il ajoute : Le Fils de Dieu, à ce qu’il paraît, ne pouvait ouvrir le tombeau, mais il a eu besoin d’un autre pour déplacer la pierre. Mais je ne veux pas perdre mon temps à discuter l’objection ni, en développant ici une interprétation allégorique, paraître introduire MAL à propos des considérations philosophiques. Du récit lui-même je dirai que d’emblée il semble plus digne que ce fût l’inférieur et le serviteur, plutôt que celui qui ressuscitait pour le bien des hommes, qui ait fait rouler la pierre. Je m’abstiens de souligner que ceux qui conspiraient contre le Logos, qui avaient décidé de le tuer et de montrer à tous qu’il était mort et réduit à rien, ne voulaient pas du tout que son tombeau fût ouvert, afin que personne ne pût voir le Logos vivant après leur conspiration. Mais « l’Ange de Dieu » venu sur terre pour le salut des hommes coopère avec l’autre ange et, plus fort que les auteurs de la conspiration, fait rouler la lourde pierre, afin que ceux qui croient le Logos mort soient persuadés qu’« il n’est point parmi les morts », mais qu’il vit et « précède » ceux qui consentent à le suivre, pour expliquer la suite de ce qu’il avait commencé à leur expliquer auparavant, lorsqu’au premier temps de leur initiation ils n’étaient pas encore capables de saisir les vérités plus profondes. LIVRE V

Celse poursuit : ” Qu’on n’aille pas imaginer que je l’ignore: certains d’entre eux conviendront qu’ils ont le même Dieu que les Juifs, mais les autres pensent qu’il y a un dieu différent auquel le premier est opposé, et de qui est venu le Fils “. S’il croit que l’existence de plusieurs sectes parmi les chrétiens constitue un grief contre le christianisme, pourquoi ne verrait-on pas un grief analogue contre la philosophie dans le désaccord entre les écoles philosophiques, non pas sur des matières légères sans importance mais sur les questions capitales ? Il faudrait aussi accuser la médecine à cause des écoles qu’elle présente. Admettons que certains d’entre nous nient que notre Dieu soit le même que le Dieu des Juifs : ce n’est pourtant pas une raison d’accuser ceux qui prouvent par les mêmes Écritures qu’il y a un seul et même Dieu pour les Juifs et les Gentils. Paul le dit clairement, lui qui est passé du judaïsme au christianisme : « Je rends grâces à mon Dieu que je sers comme mes ancêtres avec une conscience pure. » Admettons encore qu’il y ait une troisième espèce, ceux qui nomment les uns psychiques, les autres pneumatiques. Je pense qu’il veut parler des disciples de Valentin. Quelle conclusion en tirer contre nous qui appartenons à l’Église, et condamnons ceux qui imaginent des natures sauvées en vertu de leur constitution ou perdues en vertu de leur constitution ? Admettons même que certains se proclament Gnostiques, à la façon dont les Epicuriens se targuent d’être philosophes. Mais ceux qui nient la Providence ne peuvent être véritablement philosophes, ni ceux qui introduisent ces fictions étranges désavouées par les disciples de Jésus être des chrétiens. Admettons enfin que certains acceptent Jésus, et c’est pour cela qu’ils se vantent d’être chrétiens, mais ils veulent encore vivre selon la loi des Juifs comme la foule des Juifs. Ce sont les deux sortes d’Ébionites : ceux qui admettent comme nous que Jésus est né d’une vierge, ceux qui ne le croient pas né de cette manière mais comme le reste des hommes. Quel grief tirer de tout cela contre les membres de l’Église que Celse a nommés ceux de la foule ? Il ajoute : Parmi eux, il y a encore des Sibyllistes, peut-être pour avoir compris de travers des gens qui blâment ceux qui croient au don prophétique de la Sibylle et les ont appelés Sibyllistes. Puis, déversant sur nous une masse de noms, il déclare connaître encore certains Simoniens qui vénèrent Hélène ou Hélénos leur maître et sont appelés Héléniens. Celse ignore que les Simoniens refusent absolument de reconnaître Jésus comme Fils de Dieu : ils affirment que Simon est une puissance de Dieu et racontent les prodiges de cet homme qui, en simulant les prodiges analogues à ceux que Jésus avait simulés, selon lui, avait cru qu’il aurait autant de pouvoir sur les hommes que Jésus parmi la foule. Mais il était impossible à Celse comme à Simon de comprendre la manière dont Jésus a pu ensemencer, en bon « laboureur » de la parole de Dieu, la majeure partie de la Grèce et la majeure partie de la barbarie, et remplir ces pays des paroles qui détournent l’âme de tout MAL et la font monter au Créateur de l’univers. Celse connaît encore les Marcelliniens disciples de Marcellina, les Harpocratiens disciples de Salomé, d’autres disciples de Mariamme et d’autres disciples de Marthe. Malgré mon zèle à l’étude, non seulement pour scruter le contenu de notre doctrine dans la variété de ses aspects, mais encore, autant que possible, pour m’enquérir sincèrement des opinions des philosophes, je n’ai jamais rencontré ces gens-là. Celse mentionne encore les Marcionites qui mettent à leur tête Marcion. Ensuite, pour donner l’apparence qu’il en connaît encore d’autres que ceux qu’il a nommés, il généralise à son habitude : Certains ont trouvé comme maître un chef et un démon, d’autres un autre, et ils errent misérablement et se roulent dans d’épaisses ténèbres à perpétrer plus d’impiétés et de souillures que les thyases d’Egypte. En effleurant le sujet, il me paraît bien avoir dit quelque chose de vrai : certains ont trouvé comme chef un démon, et d’autres un autre, et ils errent misérablement et se roulent dans les épaisses ténèbres de l’ignorance. Mais j’ai déjà parlé d’Antinoos qu’il compare à notre Jésus et je n’y reviendrai pas. LIVRE V

Celse a MAL compris, me semble-t-il, cette parole de l’Apôtre : « Dans les derniers temps, certains s’écarteront de la foi pour s’attacher à des esprits trompeurs et à des doctrines diaboliques, séduits par des menteurs hypocrites marqués au fer rouge dans leur conscience : ils interdisent le mariage et l’usage d’aliments que Dieu a créés pour être pris avec actions de grâce par les croyants. » Il a MAL compris encore les gens qui citent ces paroles de l’Apôtre contre ceux qui altèrent les vérités du christianisme ; aussi dit-il que, parmi les chrétiens, certains sont appelés les cautères de l’oreille. Il ajoute que d’autres sont nommés énigmes, chose dont je ne sais rien. Il est vrai que l’expression pierre de scandale est fréquente dans les Écritures : on a coutume de l’appliquer à ceux qui détournent de la saine doctrine les esprits simples et faciles à berner. Ce que désigne les Sirènes danseuses et séductrices qui scellent à la cire les oreilles de ceux qui leur obéissent et changent leurs télés en têtes de porc, je ne le sais, pas plus que personne, j’imagine, parmi ceux de notre doctrine ni ceux des sectes. LIVRE V

Et puisqu’il dit : Tous ces gens si radicalement séparés, on les entendra répéter : Le monde est crucifié pour moi et je le suis pour le monde, je vais le convaincre de mensonge. Il y a des sectes qui ne reçoivent pas les Epîtres de l’Apôtre Paul : les Ébionites des deux sortes et ceux qu’on appelle Encratites. Ils ne citent donc pas l’Apôtre comme un bienheureux et un sage et ne sauraient dire : « Le monde est crucifié pour moi et je le suis pour le monde. » Voilà encore un mensonge de Celse. Il a beau insister dans son accusation contre la différence des sectes, il n’a, me semble-t-il, aucune idée claire de ce qu’il dit, il n’a même pas sérieusement examiné ni compris la raison pour laquelle les chrétiens avancés dans les Écritures prétendent connaître plus de choses que les Juifs. Veut-il dire que tout en admettant les mêmes livres que les Juifs, ils les interprètent en sens contraire, ou qu’ils refusent d’admettre les livres des Juifs ? On pourrait en effet trouver ces deux attitudes dans les sectes. Après quoi il déclare : Eh bien ! même si leur religion n’a aucun fondement, examinons la doctrine elle-même. Il faut d’abord dire tout ce qu’ils ont MAL compris et gâté par l’ignorance, la présomption les faisant aussitôt trancher à tort et à travers sur les principes en des matières qu’ils ne connaissent pas. En voici des exemples. Et aussitôt, à certaines expressions continuellement sur les lèvres de ceux qui croient à la doctrine chrétienne, il en oppose d’autres tirées des philosophes ; il prétend que celles des doctrines dont il reconnaît la beauté chez les chrétiens ont été exprimées avec plus de beauté et de clarté chez les philosophes ; il veut par là entraîner à la philosophie ceux que captivent ces doctrines par elles-mêmes resplendissantes de beauté et de piété. Mais terminons ici même ce cinquième livre, et commençons le sixième avec le passage qui suit. LIVRE V

Il cite d’autres paroles de Platon, expliquant que le Bien est connaissable à un petit nombre, parce que c’est avec un injuste mépris, pleins d’un espoir hautain et inconsistant, comme s’ils avaient appris des secrets sublimes, que la plupart présentent comme vrai n’importe quoi. Il ajoute : Platon l’avait dit, cependant, il ne donne pas dans le merveilleux, il ne ferme pas la bouche à ceux qui veulent s’enquérir de ce qu’il promet, il n’exige pas aussitôt de croire que Dieu est tel, qu’il a tel Fils, que celui-ci est descendu s’entretenir avec moi. A quoi je réponds : de Platon Aristandre, je crois, a écrit qu’il n’était pas fils d’Ariston, mais d’un être qui, apparaissant sous les traits d’Apollon, s’approcha d’Amphictione ; et plusieurs autres platoniciens l’ont répété dans la biographie de Platon. Faut-il évoquer Pythagore et tous ses récits merveilleux, qui, dans une assemblée solennelle des Grecs, montra sa cuisse d’ivoire et prétendit reconnaître le bouclier dont il s’était servi lorsqu’il était Euphorbe et apparut, dit-on, dans deux villes le même jour ? Comme trait de merveilleux à critiquer dans l’histoire de Platon et de Socrate, on citera encore le cygne qui s’était montré à Socrate durant son sommeil et la parole du maître quand on lui présenta le jeune homme : « Le cygne c’était donc lui ! » Encore un trait de merveilleux, ce troisième oeil que Platon se flattait de posséder. Mais aux gens MAL disposés, acharnés à décrier les apparitions reçues par ceux qui sont supérieurs à la foule, jamais la calomnie et la diffamation ne feront défaut : il y en aura même pour se moquer du démon de Socrate comme d’une fiction. LIVRE VI

Il y a donc, d’après Platon, une sagesse divine et une sagesse humaine. La sagesse humaine, que nous appelons « sagesse de ce monde, est folie devant Dieu ». La sagesse divine, qui diffère de l’humaine puisqu’elle est divine, survient par une grâce de Dieu qui l’accorde à ceux qui se sont préparés convenablement à la recevoir et surtout à ceux qui, reconnaissant la différence d’une sagesse à l’autre, disent dans leurs prières : « Y eut-il quelqu’un de parfait parmi les enfants des hommes sans la sagesse qui vient de toi, on le comptera pour rien. » Nous affirmons : la sagesse humaine n’est qu’un exercice de l’âme ; la divine en est la fin : elle est présentée comme la nourriture solide de l’âme dans le texte : « La nourriture solide est pour les parfaits, eux qui par l’habitude ont le sens exercé au discernement du bien et du MAL. » LIVRE VI

Celse dit ensuite : Pour avoir MAL compris les expressions platoniciennes, certains chrétiens exaltent le Dieu supracéleste et s’élèvent au-dessus du ciel des Juifs. Mais il ne précise pas s’ils s’élèvent même au-dessus du Dieu des Juifs, ou seulement du ciel par lequel jurent les Juifs. Or, le sujet présent n’est point de parler de ceux qui annoncent un autre Dieu que celui qui est aussi adoré par les Juifs, mais de nous défendre et de montrer que les prophètes des Juifs, reconnus parmi nous, ne peuvent avoir appris quelque chose de Platon : car ils étaient plus anciens que lui. Nous n’avons pas non plus emprunté à Platon le passage : « Autour du Roi de l’univers gravitent toutes choses ; c’est pour lui qu’elles sont toutes. » Mais nous avons appris des prophètes une doctrine mieux exprimée que celle-là ; car Jésus et ses disciples ont clairement expliqué l’intention de l’Esprit qui était dans les prophètes, et qui n’est autre que l’Esprit du Christ. Et le philosophe n’est pas le premier à parler d’un lieu supracéleste : depuis longtemps David avait noté la profondeur et l’abondance des pensées sur Dieu que possèdent ceux qui s’élèvent au-dessus du sensible, en disant au livre des Psaumes : « Louez Dieu, cieux des cieux, et eaux de dessus les cieux ; qu’ils louent le nom du Seigneur ! » LIVRE VI

A en juger par ces paroles, je crois pouvoir conjecturer qu’il a tiré en partie sa description du diagramme des doctrines MAL comprises de la secte fort obscure des Ophites. Dans mon avidité de savoir, j’ai fini par découvrir ce diagramme. On y trouve les inventions de ces hommes qui, au dire de Paul, « s’introduisent dans les maisons et envoûtent des femmelettes chargées de péchés, entraînées par toutes sortes de passions et qui, toujours à s’instruire, ne sont jamais capables de parvenir à la connaissance de la vérité ». Mais ce diagramme comporte tant d’invraisemblance qu’il n’obtient l’assentiment ni des femmelettes faciles à duper, ni des plus rustres prêts à se laisser convaincre par la moindre vraisemblance. J’ai eu beau parcourir bien des régions de la terre, rechercher partout ceux qui font profession de savoir, je n’ai jamais rencontré personne qui prît au sérieux l’enseignement de ce diagramme. LIVRE VI

Ce que l’on pourrait dire sur la question ne peut être exposé à tous et reste hors de propos. Il y a même danger à confier à l’écriture l’élucidation de cette matière : la plupart n’ont pas besoin de savoir autre chose que le châtiment des pécheurs ; il n’est pas utile d’aborder les vérités qui le dépassent, à cause de ceux que la crainte du châtiment éternel retient à peine pour un temps hors du flot du MAL et des fautes qui en proviennent. LIVRE VI

Tel me paraît avoir été le but de Celse lorsqu’il allègue que les chrétiens appellent le Créateur Dieu maudit : il voulait qu’ajoutant foi à ses attaques contre nous, on fût amené, si possible, à détruire les chrétiens comme les plus impies de tous les hommes. Il confond les sujets et il prétend expliquer la raison pour laquelle le Dieu de la création mosaïque est appelé maudit, en en affirmant : Ce Dieu est vraiment digne de MALédiction au jugement de ceux qui le regardent comme tel, puisqu’il a maudit le serpent qui apportait la connaissance du bien et du MAL aux premiers hommes. LIVRE VI

Après les considérations que je viens de citer en y ajoutant d’autres de même ordre, Celse continue : Ils entassent pêle-mêle discours de prophètes, cercles sur cercles, ruisseaux de l’église terrestre et de la circoncision, une vertu émanant d’une certaine vierge Prunicos, une âme vivante, un ciel immolé pour qu’il vive, une terre immolée par l’épée, des hommes en grand nombre immolés pour qu’ils vivent, une mort qui doit finir dans le monde quand mourra le péché du monde, une nouvelle descente étroite et des portes qui s’ouvrent d’elles-mêmes. Il y est partout question du bois de la vie et de la résurrection de la chair par le bois, parce que, je crois, leur maître a été cloué à la croix et qu’il était charpentier de profession. En sorte que, si par hasard on l’avait précipité d’un rocher, jeté dans un gouffre, étranglé par une corde, ou s’il eût été cordonnier, tailleur de pierres, ouvrier en fer, il y aurait au-dessus des deux un rocher de vie, un gouffre de résurrection, une corde d’immortalité, une pierre de béatitude, un fer de charité, un cuir de sainteté. Quelle vieille femme prise de vin, fredonnant une fable pour endormir un bébé, n’aurait honte de chuchoter pareilles sornettes ? Celse me paraît ici confondre des idées MAL comprises. On dirait un homme qui, ayant saisi quelques bouts de phrases prononcés dans une secte ou l’autre sans en avoir compris le sens et l’intention, en a rassemblé les bribes pour donner à ceux qui ne savent rien ni de nos doctrines ni de celles des sectes l’impression qu’il connaît toutes les doctrines du christianisme. C’est ce qui ressort du passage cité. LIVRE VI

Il est bien vrai que nous utilisons les discours des prophètes pour prouver que Jésus est le Christ annoncé par eux, et pour montrer par les prophéties que les événements racontés à propos de Jésus dans les Évangiles en sont l’accomplissement. L’expression cercles sur cercles est peut-être un emprunt à la secte dont on vient de parler qui enfermait dans un cercle unique, qu’elle appelle l’âme de l’univers et Léviathan, les sept cercles des puissances archontiques ; ou peut-être a-t-il MAL compris cette parole de l’Ecclésiaste : « Tourne, tourne, s’en va le vent, et à ses cercles revient le vent. » LIVRE VI

Après cela, comme s’il oubliait son propos d’écrire contre les chrétiens, il déclare avoir ouï dire à un certain Denys d’Egypte, musicien, que les pratiques de la magie n’ont de pouvoir que sur les gens sans culture et aux moeurs corrompues, mais restent sans effet sur les philosophes parce qu’ils ont à coeur de mener une vie saine. S’il était question pour moi de discuter ici de magie, j’aurais à ajouter quelques remarques à ce que j’en ai dit plus haut ; mais puisqu’il faut répondre du mieux possible au traité de Celse, je dis : pour savoir si même les philosophes sont séduits ou non par la magie, il n’y a qu’à lire ce qu’a écrit Méragène des mémoires d’Apollonius de Tyane, mage et philosophe. L’auteur, non chrétien mais philosophe, a observé que certains philosophes de valeur, séduits par le pouvoir magique d’Apollonius, étaient venus à lui le regardant comme un sorcier ; de ce nombre il mentionne, je crois, le fameux Euphratès et un Epicurien. Mais nous, nous affirmons avec énergie et savons par expérience que ceux qui servent le Dieu suprême selon la doctrine chrétienne et vivent en conformité avec son Évangile, s’acquittant des prières prescrites continuellement et avec la révérence exigée de nuit et de jour, ne sont séduits ni par la magie ni par les démons. Car en vérité, « l’ange du Seigneur établit ses tentes autour de ceux qui le craignent et il les protège » de tout MAL. Et les anges des petits enfants de l’Église, préposés à leur garde, est-il dit, « voient sans cesse la face du Père qui est au ciel », quel que soit le sens du mot « face » et le sens du mot « voir ». LIVRE VI

Aussitôt après, il veut indiquer les énigmes que nous aurions MAL comprises dans notre doctrine sur Satan et il ajoute : Les Anciens parlent en termes énigmatiques d’une guerre divine. Héraclite s’exprime ainsi: « Il faut savoir que le conflit est communauté, la justice discorde, tout devient par discorde et par nécessité. » Et Phérécyde, bien plus ancien qu’Héraclite, raconte le mythe d’une armée rangée contre une armée, dont l’une a pour chef Cronos et l’autre Ophionée. Il narre leurs défis, leurs combats, la convention intervenue que celui des deux partis qui tomberait dans l’Océan serait vaincu, et celui qui l’aurait chassé et vaincu posséderait le ciel. Telle est, dit-il, la signification que renferment les mystères traitant de la guerre des Titans et des Géants contre les dieux, et en Egypte, les mystères de Typhon, Horus et Osiris. LIVRE VI

Les autres dieux avaient beau gronder du haut de l’Olympe: ils étaient incapables de t’approcher et de le délivrer. Celui que j’y prenais, je le saisis et le jetai loin du seuil, pour qu’il n’atteignît la terre qu’assez MAL en point. » De plus, il commente les vers homériques : Ces paroles de Zeus à Héra sont les paroles de Dieu à la matière ; et les paroles à la matière insinuent que, comme elle était originellement à l’état de chaos, Dieu, la divisant en certaines proportions, y mit de l’unité et de l’ordre. Tous les démons qui rôdaient autour d’elle avec insolence, il les précipita en châtiment sur les roules d’ici-bas. En comprenant ainsi les vers homériques, Phérécyde a dit : « Au-dessous de celle région est celle du Tartare; les Harpies et les Tempêtes, filles de Borée, en assurent la garde, c’est là que Zeus relègue les dieux révoltés. » Il ajoute que des idées analogues sont suggérées par le très beau péplos d’Athéna que tous contemplaient à la procession des Panathénées. La preuve qu’il en donne est que cette déesse sans mère et sans souillure triomphe des audacieux fils de la terre. LIVRE VI

Est-il donc absurde qu’il y ait dans l’humanité pour ainsi dire deux extrêmes, l’un de bien, l’autre de son contraire, l’extrême du bien étant dans l’homme que l’esprit discerne en Jésus, lequel est source inépuisable pour le genre humain de conversion, de guérison et d’amélioration, et l’extrême opposé étant dans l’Antéchrist? Dieu, dont la prescience embrasse toutes choses, voyant ce qui les concerne tous deux, a voulu les faire connaître aux hommes par les prophètes, pour que ceux qui comprendraient leurs paroles s’unissent intimement au bien et se défendent du contraire. Il fallait que l’un des deux extrêmes, le meilleur, fût appelé Fils de Dieu, à cause de sa suréminence, et l’autre, diamétralement contraire, fils du démon pervers, de Satan, du diable. Ensuite, comme le propre du MAL est que la MALice se répande au maximum en prenant l’apparence du bien, pour cette raison le mauvais est environné de signes, de prodiges, de miracles mensongers grâce à la coopération de son père le diable. Car l’aide donnée aux sorciers par les démons qui trompent les hommes pour leur plus grand MAL est dominée par cette coopération du diable en personne pour tromper le genre humain. LIVRE VI

Pour expliquer le récit mosaïque de la création, il faudrait un long commentaire : je l’ai fait de mon mieux, bien avant d’entreprendre ce traité contre Celse, en discutant durant plusieurs années selon ma capacité d’alors les six jours du récit mosaïque de la création du monde. Il faut bien savoir pourtant que le Logos promet aux justes par Isaïe qu’il y aura encore des jours à la restauration où « le Seigneur » lui-même et non plus le soleil sera « leur lumière éternelle et où Dieu sera leur gloire ». Mais pour avoir MAL compris, je pense, une secte pernicieuse qui explique à tort le mot « que la lumière soit ! » comme exprimant un souhait de la part du Créateur, Celse ajouta : Ce n’est tout de même pas de la manière dont on allume sa lampe à celle du voisin que le Créateur a emprunté d’en haut la lumière ! Et, pour avoir MAL compris une autre secte impie, il dit encore : S’il y avait un dieu maudit ennemi du Grand Dieu, créant contre sa volonté, pourquoi lui prêterait-il sa lumière ? Loin de moi l’idée de répondre à ces critiques ! Je veux au contraire plus nettement convaincre ces gens d’erreur et me dresser, non pas à la manière de Celse contre celles de leurs affirmations dont je n’ai pas connaissance, mais contre celles que je connais avec précision soit pour les avoir entendues d’eux-mêmes, soit pour avoir lu soigneusement leurs traités. LIVRE VI

Ensuite il mélange les sectes, je pense, et ne précise pas les doctrines d’une secte et celles d’une autre. Ce sont nos propres critiques à Marcion qu’il nous oppose ; peut-être les a-t-il MAL comprises de la bouche de certains qui s’en prennent à la doctrine d’une manière vulgaire et triviale, et assurément sans aucune intelligence. Il cite donc les attaques faites à Marcion et, omettant d’indiquer qu’il parle contre lui, il déclare : Pourquoi envoyer secrètement détruire les oeuvres du démiurge ? Pourquoi l’irruption clandestine, la séduction, la tromperie? Pourquoi ramener les âmes que, d’après vous, le démiurge a condamnées ou maudites, et les dérober comme un marchand d’esclave ? Pourquoi leur enseigner à se soustraire à leur Seigneur ? Pourquoi, à fuir leur Père ? Pourquoi les adopter contre la volonté du Père? Pourquoi se proclamer le Père d’enfants étrangers ? A quoi il ajoute, feignant la surprise : Le beau dieu, en vérité, qui désire être le père de pécheurs condamnés par un autre, d’indigents ou, comme ils disent eux-mêmes, de déchets ! Le dieu incapable de reprendre et de punir celui qu’il a envoyé pour les dérober ! Après quoi, comme s’il s’adressait à nous qui confessons que ce monde n’est pas l’oeuvre d’un dieu étranger ou hostile, il déclare : Si ces oeuvres sont de Dieu, comment pouvait-il créer le MAL ? Comment est-il incapable de persuader, de réprimander ? Comment peut-il, quand les hommes sont devenus ingrats et pervers, se repentir, blâmer et haïr son oeuvre, menacer et détruire ses propres enfants ? Sinon, où donc peut-il les reléguer hors de ce monde qu’il a lui-même créé ? Là encore, faute d’élucider la question du MAL, alors que même parmi les Grecs il y a plusieurs écoles sur le bien et le MAL, il me semble bien faire une pétition de principe : de notre affirmation que même ce monde est l’oeuvre du Dieu suprême, il conclut que, d’après nous, Dieu serait l’auteur du MAL. LIVRE VI

Quoi qu’il en soit de la question du MAL, qu’on y voie l’oeuvre de Dieu ou une conséquence des oeuvres primaires, je m’étonnerais fort si la conclusion : Dieu a créé le MAL, qu’il croit tirer de notre affirmation que même ce monde est l’oeuvre du Dieu suprême, ne résultait pas aussi bien de ce qu’il dit lui-même. Car on pourrait dire à Celse : Si ces oeuvres sont de Dieu comment pouvait-il créer le MAL ? Comment est-il incapable de persuader, de réprimander ? Le vice capital d’une argumentation est de taxer de sottise les opinions de l’adversaire, quand par ses doctrines on mérite bien davantage le même reproche. LIVRE VI

Voyons donc brièvement la question du bien et du MAL à la lumière des divines Écritures, et la réponse à faire à l’objection : Comment Dieu pouvait-il créer le MAL ? Comment est-il incapable de persuader, de réprimander ? D’après les divines Écritures, le bien au sens propre consiste dans les vertus et les actions vertueuses, et le MAL au sens propre, dans leurs contraires. Je me contenterai ici des paroles du psaume trente-troisième qui établissent ce point : « Qui cherche le Seigneur ne manque d’aucun bien. Venez, mes enfants, écoutez-moi, je vous apprendrai la crainte du Seigneur. Quel est l’homme qui désire la vie, qui aime voir des jours heureux ? Garde ta langue du MAL, tes lèvres des paroles trompeuses. Détourne-toi du MAL et fais le bien. » En effet, l’injonction « détourne-toi du MAL et fais le bien » n’a en vue ni le bien et le MAL physiques, comme les nomment certains, ni les choses extérieures, mais le bien et le MAL de l’âme. Car justement, celui qui s’est détourné de ce genre de MAL et accomplit ce genre de bien par désir de la vie véritable y parviendra ; « Celui qui aime voir des jours heureux » où le Logos est le soleil de justice les atteindra, Dieu le délivrant « du monde présent qui est mauvais » et de ces mauvais jours dont Paul disait : « Mettez à profit le temps présent ; car les jours sont mauvais. » LIVRE VI

Mais on trouverait, au sens impropre, que, dans l’ordre des choses physiques et extérieures, ce qui concourt à la vie naturelle est estimé bien et ce qui s’y oppose est jugé MAL. Ainsi Job dit à sa femme : « Si nous avons reçu le bien de la main du Seigneur, ne supporterions-nous pas le MAL» ? » Aussi trouve-t-on dans les divines Écritures ce passage attribué à Dieu : « C’est moi qui fais la paix et qui crée le MAL », et cet autre où on dit de lui : « Le MAL est descendu d’auprès du Seigneur contre les portes de Jérusalem, bruit de chars et de cavaliers. » Ces textes ont troublé bien des lecteurs de l’Écriture, incapables de discerner ce qu’elle désigne par bien et MAL. De là provient sans doute l’objection de Celse : Comment pouvait-il créer le MAL ? ou bien, c’est à la suite d’une explication simpliste de ces passages qu’il a formulé l’objection. LIVRE VI

Mais nous, nous disons : Dieu n’a pas créé le MAL, la MALice, les actions qui en procèdent. Car si Dieu avait créé le MAL véritable, comment donc serait-il possible de prêcher avec hardiesse le jugement, d’annoncer que les méchants seront punis pour leurs actions mauvaises et en proportion de leurs péchés, et que ceux qui auront mené une vie vertueuse ou accompli des actes de vertu seront bienheureux et recevront la récompense divine ? Je sais bien que ceux qui osent prétendre que le MAL aussi vient de Dieu allégueront quelques textes de l’Écriture. Mais ils ne peuvent pas montrer une suite cohérente de l’Écriture. Elle accuse les pécheurs et approuve les hommes de bien, mais n’en a pas moins ces expressions en assez grand nombre qui semblent troubler les lecteurs ignorants de l’Écriture divine. Citer ici ces passages troublants qui sont nombreux et les interpréter exigerait une longue explication ; j’ai pensé qu’elle ne convenait pas au présent traité. LIVRE VI

Donc, à prendre le terme au sens propre, Dieu n’a pas créé le MAL : il résulte de ses oeuvres primaires et en petite quantité relativement à l’ordonnance de l’univers ; un peu comme les copeaux en spirale et la sciure de bois résultent des oeuvres primaires du menuisier, et comme auprès des maisons les décombres, les débris tombés des pierres et de la poussière semblent l’oeuvre des constructeurs. LIVRE VI

Mais, à prendre le terme au sens impropre de maux physiques et extérieurs, on accorde que parfois Dieu en crée un certain nombre qu’il fait servir à la conversion. Et qu’y a-t-il d’absurde dans cette doctrine ? Si l’on entend par maux au sens impropre les peines qu’infligent les pères, les maîtres et les pédagogues à ceux qu’ils éduquent, ou les médecins à ceux qu’ils amputent ou cautérisent pour les guérir, on peut dire que le père fait MAL à ses enfants comme les maîtres, les pédagogues ou les médecins, sans accuser le moins du monde ceux qui frappent ou qui amputent. Ainsi, la doctrine n’a-t-elle rien d’absurde quand l’Écriture dit que Dieu applique de pareils traitements pour convertir et guérir ceux qui ont besoin de ces peines, ni quand elle dit que « les maux descendent d’auprès du Seigneur contre les portes de Jérusalem », puisque ces maux consistent dans des peines infligées par les ennemis pour la conversion ; ou qu’il châtie « avec la verge les iniquités » de ceux qui ont transgressé la loi de Dieu, et « leurs péchés avec les fouets » ; ou quand Dieu dit : « Tu as des charbons de feu ; assieds-toi sur eux, ce sera ton secours. » De cette manière aussi nous expliquons : « C’est moi qui fais la paix et qui crée le MAL. » Il crée les maux physiques et extérieurs pour purifier et pour élever ceux qui ont refusé l’éducation par une doctrine et un enseignement sains. Voilà pour répondre à sa question : Comment Dieu pouvait-il créer le MAL ? LIVRE VI

En outre la venue de Jésus, apparemment dans un seul coin de terre, avait ses raisons : il fallait que celui qui fut prophétisé vînt à ceux qui ont appris qu’il y a un seul Dieu, qui lisent ses prophètes et apprennent l’annonce du Christ et qu’il vînt au moment opportun où la doctrine allait d’un seul coin se répandre sur toute la terre. Et c’est pourquoi il n’était pas besoin qu’il existât partout un grand nombre de corps et un grand nombre d’esprits tels que Jésus, pour que toute la terre des hommes fût illuminée par le Logos de Dieu. Il suffisait que le Logos unique « levé comme un soleil de justice », envoyât de la Judée ses rayons jusqu’aux âmes de ceux qui veulent l’accueillir Désire-t-on voir un grand nombre de corps remplis de l’esprit divin, à l’imitation de ce Christ unique, se dévouer en tous lieux au salut des hommes ? Que l’on considère ceux qui en tous lieux vivent dans la pureté et la droiture enseignent la doctrine de Jésus, et sont eux aussi appelés « christs » par les divines Écritures : « Ne touchez pas à mes christs, ne faites point de MAL à mes prophètes ! » LIVRE VI

De plus, Dieu ne fait ni ne souffre rien de très honteux et il ne se met pas au service du MAL comme le croit Celse : rien de tout cela n’est prédit. Et s’il prétendait qu’il a été prédit que Dieu est au service du MAL, qu’il fait ou souffre des choses très honteuses, il devait citer les passages des prophètes dans ce sens, au lieu de vouloir salir en vain les oreilles de ses auditeurs. Il est bien vrai que les prophètes ont prédit ce que le Christ souffrirait, et donné la raison pour laquelle il souffrirait. Et Dieu savait ce que son Christ souffrirait. LIVRE VI

Après quoi, pour ruiner la foi de ceux qui admettent l’histoire de Jésus, parce qu’elle a été prédite, il ajoute : Eh bien ! que les prophètes aient prédit que le grand Dieu, pour ne rien dire de plus grossier, subirait l’esclavage, la MALadie, la mort, Dieu devrait-il subir la mort, l’esclavage, la MALadie sous prétexte que cela a été prédit, pour que sa mort fît croire qu’il était Dieu ? Mais les prophètes n’ont pu le prédire : c’est un MAL et une impiété. On n’a donc point à examiner s’ils l’ont prédit ou non, mais si l’acte est honnête et digne de Dieu. Si l’acte est honteux et mauvais, quand bien même tous les hommes en transes sembleraient le prédire, il faut refuser de le croire. Comment donc la vérité admettrait-elle que Jésus ait subi cela comme un Dieu ? LIVRE VI

Il n’y a donc qu’un point où Celse dise la vérité : Mais les prophètes n’ont pu le prédire : c’est un MAL et une impiété. Que veut-il dire d’autre sinon que le grand Dieu subirait l’esclavage et la mort ? Au contraire, elle est bien digne de Dieu l’annonce faite par les prophètes qu’une certaine « splendeur et image » » de la nature divine viendrait vivre associée à l’âme sainte de Jésus qui prend un corps humain, afin de répandre une doctrine faisant participer à l’amitié du Dieu de l’univers quiconque la recevrait et cultiverait dans son âme, et amenant tout homme à la fin, à condition qu’il garde en soi-même la puissance de ce Dieu Logos qui devait habiter dans un corps et une âme d’homme. De cette façon, ses rayons ne seraient pas enfermés en lui seul et on ne pourrait penser que la lumière source de ces rayons, le Dieu Logos, n’existe nulle part ailleurs. LIVRE VI

Les péchés du peuple relatés dans l’Écriture seraient-ils une preuve qu’ils ont méprisé la loi, sans doute parce qu’il l’ont méprisée comme mensongère ? Il faudrait répondre qu’on doit également lire les circonstances où il est écrit que le peuple entier, après avoir fait le MAL en présence du Seigneur, s’est converti à uns vie meilleure et à la piété selon la loi. LIVRE VI

Dans le même sens, les justes détruisent tout ce qu’il y a de vie dans leurs ennemis issus du vice, sans faire grâce à un MAL infime qui vient de naître. C’est encore dans ce sens que nous comprenons le passage du psaume cent trente-sixième : « Fille de Babylone, misérable ! Heureux qui te revaudra les maux que tu nous as valus, heureux qui saisira et brisera tes petits contre le roc ! » Les petits de Babylone, qui signifie confusion, sont les pensées confuses inspirées par le vice qui naissent et se développent dans l’âme. S’en rendre assez maître pour briser leurs têtes contre la fermeté et la solidité du Logos, c’est briser les petits de Babylone contre le roc et à ce titre, devenir heureux. Dès lors, admettons que Dieu ordonne d’exterminer les ?uvres d’iniquité, toute la race sans épargner la jeunesse : il n’enseigne rien qui contredise la prédication de Jésus. Admettons que sous les yeux de ceux qui sont Juifs dans le secret Dieu réalise la destruction de leurs ennemis et de toutes les ?uvres de MALice. Et qui plus est, admettons que ceux qui refusent d’obéir à la loi et au Logos de Dieu se soient assimilés à ses ennemis et portent la marque du vice : ils devront souffrir les peines que méritent la désobéissance aux paroles de Dieu. LIVRE VI

En revanche la recherche de la gloire auprès des hommes, nous la déclarons interdite non seulement par l’enseignement de Jésus, mais aussi par l’Ancien Testament. Ainsi un des prophètes, se maudissant lui-même de s’être asservi aux péchés, dénonce comme le plus grand MAL qui pourrait lui arriver la gloire de cette vie. Il s’exprime en ces termes : « Seigneur mon Dieu, si j’ai fait cela, s’il y a de l’injustice dans mes mains, si j’ai rendu le MAL à ceux qui m’en rendaient, que je tombe impuissant devant mes ennemis, que l’ennemi poursuive et capture mon âme, qu’il foule à terre ma vie, qu’il relègue ma gloire dans la poussière ! » LIVRE VI

Mon propos était uniquement de montrer que notre doctrine sur la terre sainte ne doit rien aux Grecs ni à Platon. Ce sont eux qui, venus bien après le très ancien Moïse et même la plupart des prophètes, ont ainsi parlé de la terre supérieure, soit qu’ils aient MAL compris certains termes énigmatiques employés par eux à ce sujet, soit qu’ils aient lu et plagié les saintes Écritures. Bien plus, Aggée établit une distinction manifeste entre le sol ferme et la terre, en appelant sol ferme cette terre que nous foulons. Il dit : « Une fois encore j’ébranlerai le ciel et la terre, le sol ferme et la mer. » LIVRE VI

Après ces attaques auxquelles j’ai répondu de mon mieux, Celse reprend : Mais ils demanderont encore : Comment connaîtront-ils Dieu s’ils ne l’atteignent par les sens ? Que peut-on connaître sans l’usage des sens ? Puis il répond lui-même : Ce n’est point là propos de l’homme ni de l’âme, mais de la chair. Qu’ils écoutent pourtant, si du moins est capable d’entendre quelque chose celle engeance pusillanime et attachée au corps. Quand, après avoir fermé l’entrée des sens, vous aurez regardé en haut par l’esprit, et qu’après vous être détournés de la chair, vous aurez donné l’éveil aux yeux de l’âme, alors seulement vous verrez Dieu. El si vous cherchez un guide pour celle voie, vous devez fuir les imposteurs et les sorciers qui évoquent des fantômes, afin d’éviter ce comble du ridicule de dire du MAL en les traitant de fantômes des autres dieux rendus visibles, tandis que vous adorez un homme plus misérable que les véritables fantômes eux-mêmes, et qui n’est même plus un fantôme mais en réalité un mort, et que vous lui cherchez un père semblable à lui. LIVRE VI

Après le passage qu’on vient d’examiner, Celse développe à l’adresse de tous les chrétiens un argument qui, à la rigueur, s’appliquerait à ceux qui se déclarent absolument étrangers à l’enseignement de Jésus : ainsi, les Ophites qui, comme on le disait plus haut, repoussent totalement Jésus, et quelques autres qui tiennent des opinions analogues aux leurs ; voilà ces imposteurs et sorciers qui évoquent des fantômes ; voilà ceux qui apprennent misérablement les noms des portiers. Donc il se trompe d’adresse en disant aux chrétiens : Si vous cherchez un guide pour cette voie, il vous faut fuir les imposteurs et les sorciers qui évoquent des fantômes. Il lui échappe que ces gens, tout aussi imposteurs que lui, disent comme lui du MAL de Jésus et de toute sa religion. Aussi ajoute-t-il en nous confondant avec eux dans son argument : afin d’éviter ce comble du ridicule de dire du MAL, en les traitant de fantômes, des autres dieux rendus manifestes, tandis que vous adorez celui qui est plus misérable que les véritables fantômes eux-mêmes, et qui n’est même plus un fantôme, mais en réalité un mort, et que vous lui cherchez un père semblable à lui. LIVRE VI

Mais voyons ce qu’il prétend nous enseigner, si jamais nous sommes capables de le suivre, quand il nous déclare étroitement rivés à la chair, alors que, si nous menons une vie droite suivant la doctrine de Jésus, nous écoutons la parole : « Vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit, si vraiment l’Esprit de Dieu habite en vous. » Il ajoute que notre regard n’a rien de pur, nous qui cependant nous efforçons jusque dans nos pensées d’éviter la souillure des suggestions du MAL et disons dans notre prière : « Mon Dieu, crée en moi un coeur pur, et renouvelle au-dedans de moi un esprit droit », afin de pouvoir contempler Dieu d’un coeur pur, le seul qui soit capable de le voir. LIVRE VI

Pour nous, qui avons soin de ne rien combattre de ce qui est noblement exprimé, même si les auteurs sont étrangers à notre foi, et de ne pas leur chercher noise ni vouloir renverser les doctrines saines, voici notre réponse. On a beau insulter ceux qui veulent consacrer tous leurs efforts à pratiquer la piété à l’égard du Dieu de l’univers qui agrée aussi bien la foi que les simples ont en lui et la piété réfléchie de ceux qui ont plus d’intelligence, et qui font monter leurs prières avec action de grâce vers le Créateur de l’univers comme par le Grand-Prêtre qui a réglé pour les hommes la pure piété envers Dieu ; on a beau traiter ces gens de boiteux et mutilés dans l’âme, et dire qu’ils vivent pour le corps, une chose morte, eux qui disent de tout leur coeur : « Nous vivons dans la chair, évidemment, mais nous ne combattons pas avec les moyens de la chair. Non, les armes de notre combat ne sont point charnelles, mais puissantes par Dieu » : que l’on prenne garde, rien qu’en disant du MAL de ceux qui prient pour être à Dieu, de faire boiter son âme et de mutiler en soi-même « l’homme intérieur » en l’amputant, par ces calomnies contre ceux qui veulent vivre dans la vertu, de la modération et de l’équilibre dont le Créateur a naturellement jeté la semence dans la nature raisonnable ! Quand au contraire on a appris entre autres choses du divin Logos pour le mettre en pratique, quand on est insulté, à bénir, quand on est persécuté, à endurer, quand on est calomnié, à supplier, on sera de ceux qui, ayant redressé les pas de l’âme, purifient et préparent l’âme toute entière. Il ne s’agit point de distinguer seulement en paroles l’essence de la génération, l’intelligible du visible, de rapporter la vérité à l’essence, de fuir par tous les moyens l’erreur qui accompagne la génération. On aspire, selon cet enseignement, non point aux choses de la génération, que l’on voit et qui, pour cette raison, sont passagères, mais aux réalités supérieures, qu’on veuille les appeler essence, ou invisibles parce qu’elles sont intelligibles, ou choses qu’on ne voit pas parce que leur nature est d’échapper aux sens. LIVRE VI

C’est sans doute qu’il n’y a aucune différence entre faire du tort aux autres et commettre l’injustice ? Tu dis vrai. Il ne faut donc ni répondre à l’injustice par l’injustice, ni faire tort à personne quoi qu’on en subisse ? » Tel est l’avis de Platon. Et il reprend : « Examine donc bien, toi aussi, avec attention, si tu es de mon sentiment et partages mon avis, et si, dans notre délibération, nous parlons de ce principe qu’il n’est jamais bien ni de commettre l’injustice, ni de répondre à l’injustice par l’injustice, ni de résister au tort en rendant le MAL pour le MAL. Ou bien cesses-tu d’être d’accord et de même sentiment sur le principe ? Pour moi, c’est depuis longtemps mon avis, et je le tiens aujourd’hui encore. » Telle est donc la doctrine de Platon. Et déjà auparavant elle avait été soutenue par des hommes divins. Mais sur ce point, comme sur les autres qu’ils altèrent, il faut s’en tenir à ce qui vient d’être dit. Qui désire en chercher d’autres exemples les trouvera. LIVRE VI

La même distinction s’impose sur la providence. Il faut dire que l’expression « toute providence relève de lui » signifie quelque chose de vrai, si la providence concerne un bien. Mais si nous disons en général que tout ce qui arrive est selon la providence, même si c’est un MAL, il sera faux que toute providence relève de lui ; à moins peut-être que l’on veuille dire : ce qui résulte des ?uvres de la Providence de Dieu est causé par la providence de Dieu. LIVRE VI

Me voici parvenu à la fin de sept livres et je veux en aborder un huitième. Que Dieu et son Fils unique le Logos daignent m’assister pour que les mensonges de Celse, vainement intitulés ” Discours véritable “, y trouvent une réfutation pertinente, et les vérités du christianisme, dans la mesure où le comporte le sujet, une démonstration inébranlable. Je demande de pouvoir dire avec la sincérité de Paul : « Nous sommes en ambassade pour le Christ, comme si Dieu exhortait par nous » ; et de pouvoir être en ambassade pour le Christ auprès des hommes dans l’esprit où le Logos de Dieu les appelle à son amitié : car il veut unir intimement à la justice, à la vérité, aux autres vertus ceux qui, avant de recevoir les doctrines de Jésus-Christ, avaient passé leur vie dans les ténèbres au sujet de Dieu et dans l’ignorance du Créateur. Et je dirai encore : que Dieu nous donne son noble et véritable Logos, le Seigneur puissant et fort « dans la guerre » contre le MAL. Maintenant, il me faut aborder le texte suivant de Celse et y répondre. LIVRE VIII

Celse, ici, dit que les démons appartiennent à Dieu et que, pour cette raison, il faut croire en eux et leur offrir selon les lois des sacrifices et des prières afin de les rendre bienveillants. Il faut donc enseigner sur ce point à qui le désire que le Logos de Dieu refuse de déclarer propriété de Dieu des êtres mauvais, car il les juge indignes d’un si grand Seigneur. C’est pourquoi tous les hommes ne sont pas nommés hommes de Dieu, mais seuls ceux qui sont dignes de Dieu : tels étaient Moïse, Élie, et tout autre qui reçoit dans l’Écriture le titre d’homme de Dieu, ou qui est semblable à ceux qui le reçoivent. Et de même, tous les anges ne sont point appelés anges de Dieu, mais seuls les bienheureux, alors que ceux qui se sont tournés vers le MAL sont nommés anges du diable, comme les hommes mauvais sont appelés hommes de péché, fils de pestilence, fils d’iniquité. C’est parce que les hommes sont les uns bons, les autres mauvais, que l’on dit des uns qu’ils sont de Dieu, des autres qu’ils sont du diable, et les anges aussi sont les uns de Dieu, les autres mauvais ; mais la division en deux ne vaut plus pour les démons : il est prouvé qu’ils sont tous mauvais. Aussi déclarerons-nous fausse la parole de Celse : Si ce sont des démons, il est évident qu’eux aussi appartiennent à Dieu. Ou alors montre qui voudra qu’il n’y a pas de raison valable de faire la distinction dans le cas des hommes et des anges, ou bien qu’on peut fournir une raison de même valeur au sujet des démons. LIVRE VIII

Si cela est impossible, il est évident que les démons n’appartiennent pas à Dieu : car leur chef n’est pas Dieu mais, comme le disent les divines Écritures, Béelzéboul. Il ne faut pas non plus croire aux démons, même si Celse nous appelle à eux, mais il faut mourir avant d’obéir aux démons, et en outre supporter quoi que ce soit par obéissance à Dieu. Il ne faut pas davantage sacrifier aux démons, car il est impossible de sacrifier aux êtres mauvais qui font du MAL aux hommes. De plus, d’où viennent les lois en vertu desquelles Celse veut que nous sacrifiions aux démons ? S’agit-il des lois des cités ? Qu’il prouve leur harmonie avec les lois divines. Et s’il ne peut le faire, car les lois de bien des cités ne s’accordent même pas entre elles, il est clair que ce ne sont pas des lois au sens propre, ou que ce sont des lois d’hommes mauvais auxquels il ne faut pas croire. Car « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » LIVRE VIII

En effet, même si l’on n’a pas obtenu la bienveillance des démons, on ne peut rien souffrir de leur part. On est sous la protection du Dieu suprême que la piété rend bienveillant et qui charge ses anges divins de protéger ceux qui le méritent, pour qu’ils ne subissent aucun MAL des démons. Mais quand on a obtenu la bienveillance du Dieu suprême à cause de la piété qu’on lui porte et parce qu’on a reçu le Seigneur Jésus qui est l’Ange du Grand Conseil de Dieu, fort de la bienveillance de Dieu par le Christ-Jésus, n’ayant rien à souffrir de toute l’armée des démons, on peut dire hardiment : « Le Seigneur est ma lumière et mon Sauveur, de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le protecteur de ma vie, de qui aurais-je peur ? » On dira encore : « Qu’une armée vienne camper contre moi, mon coeur ne craindra rien. » Voilà qui répond à son objection : Si les idoles sont des démons, il est évident qu’eux aussi appartiennent à Dieu, qu’il faut croire en eux et leur offrir selon les lois des sacrifices et des prières pour les rendre bienveillants. LIVRE VIII

Il est clair que par là j’ai répliqué d’avance à ce qu’il dit ensuite : Ou bien donc il faut absolument renoncer à vivre et à venir ici-bas, ou si on est venu à la vie dans ces conditions, il faut rendre grâce aux démons qui ont reçu en partage les choses de la terre, leur offrir des prémices et des prières toute sa vie, afin d’obtenir leur bienveillance. Certes il faut vivre, et vivre selon la parole de Dieu autant qu’il est possible et qu’il est donné de vivre selon elle. Or cela nous est donné même quand nous mangeons et quand nous buvons en faisant tout pour glorifier Dieu. Il ne faut pas refuser de manger avec action de grâce au Créateur ces choses qui ont été créées pour nous. C’est dans ces conditions que nous avons été amenés par Dieu à cette vie et non pas dans celles qu’imaginé Celse. Ce n’est pas aux démons que nous sommes soumis, mais au Dieu suprême par Jésus-Christ qui nous a menés à lui. Selon les lois de Dieu, aucun démon n’a reçu en partage les choses de la terre. Mais à cause de leur transgression, peut-être se sont-ils partagé ces lieux d’où est absente la connaissance de Dieu et de la vie conforme à ses préceptes, ou dans lesquels affluent les hommes étrangers à la divinité. Peut-être aussi, parce qu’ils étaient dignes de gouverner et de châtier les méchants, le Logos qui administre toutes choses les a mis à la tête de ceux qui se sont soumis au MAL et non à Dieu. Voilà pourquoi Celse, dans son ignorance de Dieu, peut bien témoigner aux démons sa reconnaissance. Pour nous, qui rendons grâce au Créateur de l’univers, nous mangeons les pains offerts avec action de grâce et prière sur les oblats, pains devenus par la prière un corps saint et qui sanctifie ceux qui en usent avec une intention droite. LIVRE VIII

Considérons cet autre passage de Celse : Quoi ! Le satrape, le gouverneur, le général, le procurateur du roi de Perse ou de l’empereur de Rome, voire ceux qui exercent les charges, offices ou services inférieurs, auraient le pouvoir de causer de graves dommages si on les néglige, tandis que les satrapes et ministres de l’air ou de la terre n’en causeraient que de légers si on les outrage ? Vois donc de quelle façon il représente comme auteurs de graves dommages pour ceux qui les outragent des ministres humains du Dieu suprême : satrapes, gouverneurs, généraux procurateurs et ceux qui exercent des charges, offices et services inférieurs ! Il ne voit pas que même un homme sage ne voudrait nuire à quiconque, mais ferait son possible pour convertir et améliorer jusqu’à ceux qui l’outragent. A moins peut-être que ceux que Celse présente comme les satrapes, gouverneurs, généraux du Dieu suprême ne soient pires que Lycurgue, législateur de Lacédémone, et Zénon de Cittium ! Car Lycurgue, ayant en son pouvoir l’homme qui lui avait crevé un oeil, non seulement ne se vengea pas, mais ne cessa de l’amadouer jusqu’à ce qu’il l’ait persuadé de se mettre à l’étude de la philosophie. De même Zénon : quelqu’un lui disait : « Que je meure si je ne tire vengeance de toi ! » Il répondit : « Et moi, si je ne gagne ton amitié ! » Et je ne dis rien encore de ceux qui ont été formés par l’enseignement de Jésus et qui ont entendu le commandement : « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui cherchent à vous nuire, afin de devenir fils de votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, pleuvoir sur les justes et les injustes. » Et dans les paroles du prophète, le juste dit : « Seigneur, si j’ai fait cela, si j’ai commis de mes mains l’injustice, si j’ai rendu aux autres le MAL qu’ils me causaient, que je tombe alors impuissant devant les ennemis ; que l’ennemi alors poursuive mon âme et l’atteigne, et qu’il foule à terre ma vie » LIVRE VIII

Puis après cela, sans l’avoir entendu dire par aucun chrétien, sinon par un chrétien de la foule, étranger à nos lois et à notre culture, il déclare : Les Chrétiens disent : voici que je me tiens devant la statue de Zeus, d’Apollon ou de quelque autre dieu, je l’injurie et le frappe, et il ne se venge pas de moi. C’est ne pas connaître la prescription de la Loi : « Tu ne diras pas de MAL des dieux », pour que notre bouche ne s’habitue point à dire du MAL de qui que ce soit, car nous connaissons le précepte : « Bénissez, ne maudissez pas », et nous recevons l’enseignement : « Les calomniateurs n’hériteront pas le royaume de Dieu. » Y a-t-il chez nous quelqu’un d’assez stupide pour dire cela sans voir que ce genre de propos est absolument inapte à détruire l’opinion qu’on a des prétendus dieux ? Car ceux qui professent l’athéisme radical et nient la Providence, et qui par leurs doctrines perverses et impies ont donné naissance à une école de soi-disant philosophes, n’ont eux-mêmes rien eu à souffrir de ce que la foule tient pour des maux, pas plus que ceux qui ont embrassé leurs doctrines ; mais ils ont au contraire richesse et santé corporelle. Que si l’on recherche le dommage qu’ils ont subi, on verra que c’est un dommage dans l’intelligence. Car quel dommage plus grand que de ne pas comprendre à partir de l’ordre du monde Celui qui l’a fait ? Et quelle misère pire que l’aveuglement de l’intelligence empêchant de voir le Créateur et père de toute intelligence ? LIVRE VIII

Ainsi encore nous voulons implanter la conviction que ceux qui ont mené une vie vertueuse seront heureux, en observant que même des étrangers à la foi donnent sur la vie vertueuse plusieurs arguments semblables aux nôtres ; car on ne trouverait personne qui ait entièrement perdu les notions communes du bien et du MAL, du juste et de l’injuste. LIVRE VIII

S’il faut dire quelque chose sur cette question qui demanderait tant de recherches et de preuves, voici quelques mots pour mettre en lumière, non seulement la possibilité, mais la vérité de ce qu’il dit sur cet accord unanime de tous les êtres raisonnables pour observer une seule loi. Les gens du Portique disent que, une fois réalisée la victoire de l’élément qu’ils jugent plus fort que les autres, aura lieu l’embrasement où tout sera changé en feu. Nous affirmons, nous, qu’un jour le Logos dominera toute la nature raisonnable et transformera chaque âme en sa propre perfection, au moment où chaque individu, n’usant que de sa simple liberté, choisira ce que veut le Logos et obtiendra l’état qu’il aura choisi. Nous déclarons invraisemblable que, comme pour les MALadies et les blessures du corps où certains cas sont rebelles à toutes les ressources de l’art médical, il y ait aussi dans le monde des âmes une séquelle du vice impossible à guérir par le Dieu raisonnable et suprême. Car le Logos et sa puissance de guérir sont plus forts que tous les maux de l’âme. Il applique cette puissance à chacun selon la volonté de Dieu ; et la fin du traitement, c’est la destruction du MAL. Est-ce de manière qu’il ne puisse absolument pas ou qu’il puisse revenir, on n’a point à l’envisager ici. LIVRE VIII

Sans doute les prophéties parlent beaucoup en termes obscurs de la totale destruction du MAL et de la réforme de toutes les âmes, mais il suffit pour l’instant de faire état du passage suivant de Sophonie : « Tiens-toi prêt, debout dès l’aurore : ils ne sont que du grappillon gâté. Aussi, dit le Seigneur, attends-moi au jour où je me lèverai pour porter témoignage. Car mon décret est de rassembler les nations, d’y faire comparaître les rois, de déverser sur eux toute l’ardeur de ma colère. Oui, toute la terre sera consumée dans le feu de ma jalousie. Alors je redonnerai aux peuples une langue pour sa génération, afin qu’ils invoquent tous le nom du Seigneur, qu’ils le servent sous un seul joug. Des extrémités des fleuves d’Ethiopie, ils m’offriront des sacrifices. En ce jour-là, tu n’auras plus à rougir de tout ce que tu as commis d’impiété contre moi. Car alors je te délivrerai du mépris de ton arrogance et tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. Je laisserai au milieu de toi un peuple doux et humble, et le reste d’Israël craindra le nom du Seigneur. Ils ne commettront plus d’injustices, ils ne prononceront plus de paroles vaines, et il n’y aura plus de langue trompeuse dans leur bouche. Aussi pourront-ils paître et se reposer sans que personne les inquiète. » LIVRE VIII