L’ACQUISITION DU SAINT-ESPRIT. [conversation de saint Séraphin avec un pieux laïque, Motovilov]
« C’est dans l’acquisition de l’Esprit-Saint que consiste le vrai but de notre vie chrétienne ; la prière, les veillées, le jeûne, l’aumône et les autres bonnes actions faites pour le Christ, ne sont que des moyens pour acquérir l’Esprit de Dieu…
Vous comprenez ce qu’est l’acquisition dans le sens profane de ce mot. Le but des hommes ordinaires dans la vie profane est l’acquisition de l’argent, l’enrichissement, et chez les nobles, en plus, les honneurs, les distinctions et les récompenses pour les mérites vis-à-vis de l’Etat. L’acquisition de l’Esprit de Dieu est aussi un capital, mais un capital de grâce divine et un capital éternel ; on se le procure, comme le capital en argent, officiel et temporel, par les mêmes moyens. Le Verbe divin, Notre-Seigneur l’Homme-Dieu, Jésus-Christ, assimile notre vie à un marché et il appelle achat ce que nous avons à faire de notre vie sur la terre car il nous dit à tous : « Achetez jusqu’à mon arrivée…, rachetez le temps, car les jours sont mauvais » ; c’est-à-dire, épargnez le temps et obtenez des biens célestes au moyen de marchandises terrestres. Ces marchandises ce sont les vertus, pratiquées pour le Christ ; elles nous assurent la grâce du très saint Esprit.
Certes, toute vertu pratiquée pour le Christ donne la grâce du Saint-Esprit ; mais c’est la prière qui en donne le plus, parce qu’elle est presque toujours dans nos mains comme un instrument pour attirer la grâce du Saint-Esprit. Vous voudriez, par exemple, aller à l’église, mais il n’y a pas d’église ou bien l’office est terminé ; vous voudriez donner une aumône, mais il n’y a pas de mendiant ou vous-même vous n’avez rien… ou vous voudriez réaliser quelqu’autre acte de vertu pour le Christ, mais les forces manquent ou l’occasion ne se présente pas. Tandis que, pour ce qui regarde la prière, tout cela ne la touche pas : elle, est toujours possible pour chacun, le riche et le pauvre, le noble et l’homme de basse condition, le fort et le faible, le bien portant et le malade, le juste et le pécheur. Grande est la force de la prière même du pécheur, quand elle s’élève de l’âme
tout entière…
Procurez-vous la grâce aussi par toutes les autres vertus, pratiquées pour le Christ, trafiquez au spirituel en vertus, négociez en celles qui vous donnent le plus de gains. Ramassez un capital et même la surabondance de la grâce divine, déposez les vertus au mont-de-piété divin et éternel, pour gagner un taux immatériel ; il ne s’agit pas de 4 ou 6 %, mais de 100 % pour chaque rouble spirituel et même d’infiniment plus. Ainsi, quand la prière et les veilles vous donnent plus de grâce divine, priez et veillez ; si c’est le jeûne qui vous donne beaucoup de l’Esprit de Dieu, jeûnez ; si c’est l’aumône, faites des aumônes et considérez de la même manière toute vertu pour le Christ.
Je vous dirai de moi-même, pauvre Séraphim de naissance, je suis des marchands de Koursk ; quand je n’étais pas encore au couvent, nous trafiquions avec les marchandises qui donnent le plus de bénéfices. Agissez de même, batiouchka. Comme dans le commerce l’habilité consiste non seulement à marchander, mais à en tirer le plus de profit possible ; de même, dans l’affaire de la vie chrétienne, le gain ne vient pas seulement du fait que l’on prie ou accomplit quelque autre bonne oeuvre… Notre affaire chrétienne consiste non à multiplier les bonnes oeuvres, qui ne sont que des moyens pour atteindre le but de notre vie chrétienne ; notre affaire consiste à tirer le plus de profit possible, c’est-à-dire à acquérir les dons du Saint-Esprit les plus abondants…
Distribuez les dons de la grâce du Saint-Esprit à ceux qui en demandent. Faites comme la bougie allumée, qui éclaire elle-même, en brûlant d’un feu terrestre, et, sans amoindrir sa propre flamme, elle allume d’autres bougies pour éclairer d’autres endroits. »
[Le texte russe de la Conversation de saint Séraphim avec Motovtlov a été publié intégralement dans la revue : Russie et Eglise universelle (en russe), éditée à Bruxelles, 1953, N°’ 4, 5 et 6.]